Nature de Novembre 2012 [merci à tous pour les traductions]

Je suis autiste ou Asperger, j'aimerais partager mon expérience. Je ne suis ni autiste ni Asperger, mais j'aimerais comprendre comment ils fonctionnent en le leur demandant.
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Benoit
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Nature de Novembre 2012 [merci à tous pour les traductions]

#1 Message par Benoit » mardi 13 novembre 2012 à 17:54

Le remarquable hebdomadaire scientifique Nature s'est fendu d'un cahier spécial sur l'autisme la semaine dernière, encore disponible sur le web sur cette page.

Comme d'habitude, il y a une majorité d'articles niveau "vulgarisation" (très compréhensibles pour le pékin moyen, neuf en l'occurence) et quatre purement "recherche" (donc imbitables à moins d'être soi même concerné par le domaine d'étude).

Merci à toutes les personnes ayant contribué à ce travail. J'ai envie de souligner dans cet effort l'intérêt pour la condition d'autiste en France, pour la recherche sur le sujet (longtemps le parent pauvre des plans autisme) dans notre pays, et peut être côté négatif le manque d'information disponibles.
On pourra probablement aussi y voir la main toujours tendue des autistes eux-mêmes vers le reste de la population, histoire peut être que cette fois ci ce soit la bonne.

Edition: à toutes les personnes qui viennent lire. D'abord merci d'être venus vous renseigner sur les dernières informations relatives à l'autisme, et de diffuser l'information à vos proches.
Ensuite, si vous en trouvez le temps, je vous remercierais de me signaler les plus choquantes coquilles, éventuels contre-sens, éventuellement en MP (tant que j'ai de la place dans la boîte), ceci dans le but d'améliorer la qualité de l'information.

Image

p.s. les différents sponsors de Nature, dont le français Roche, autism speaks et l'autism science fondation supportent l'envoi à votre domicile et gratuitement d'un exemplaire papier, n'hésitez pas non plus à le demander, les quantités sont bien sûr limitées.

Introduction :
o Autism, Herb Brody

Les articles :
o Epidemiology - Complex disorder, Virginia Hughes.
o Genetics - Searching for answers , Sarah C. P. Williams
o Child development - The first steps, Katherine Bourzac.
o Adulthood - Life lessons , Lindsay Borthwick
o Diagnosis - Redefining autism , Emily Singer
o Treatments - In the waiting room, Michael Eisenstein
o Perspective - Imaging autism, Nicholas Lange
o Culture - Diverse diagnostics, Sarah DeWeerdt
o Perspective - Brain scans need a rethink, Ben Deen & Kevin Pelphrey

Les "publications"
o Autistic-like behaviour in Scn1a+/− mice and rescue by enhanced GABA-mediated neurotransmission, Sung Han, Chao Tai, Ruth E. Westenbroek, Frank H. Yu, Christine S. Cheah, Gregory B. Potter, John L. Rubenstein, Todd Scheuer, Horacio O. de la Iglesia & William A. Catterall
o Neural mechanisms of social risk for psychiatric disorders, Andreas Meyer-Lindenberg & Heike Tost
o Using iPSC-derived neurons to uncover cellular phenotypes associated with Timothy syndrome, Sergiu P Paşca, Thomas Portmann, Irina Voineagu, Masayuki Yazawa, Aleksandr Shcheglovitov, Anca M Paşca, Branden Cord, Theo D Palmer, Sachiko Chikahisa, Seiji Nishino, Jonathan A Bernstein, Joachim Hallmayer, Daniel H Geschwind, Ricardo E Dolmetsch
o Exome sequencing in sporadic autism spectrum disorders identifies severe de novo mutations, Brian J O'Roak, Pelagia Deriziotis, Choli Lee, Laura Vives, Jerrod J Schwartz, Santhosh Girirajan, Emre Karakoc, Alexandra P MacKenzie, Sarah B Ng, Carl Baker, Mark J Rieder, Deborah A Nickerson, Raphael Bernier, Simon E Fisher, Jay Shendure, Evan E Eichler

Edition: pour approfondir, des extraits qui traite de l'approche "sociétale" et non plus strictement "scientifique", qui proviennent de :
o Perspectives - Science & Society - In search of biomarkers for autism: scientific, social and ethical challenges, Pat Walsh, Mayada Elsabbagh, Patrick Bolton and Ilina Singh
extrait d'un numéro précédent (Octobre 2011).
Modifié en dernier par Benoit le mardi 27 novembre 2012 à 17:18, modifié 25 fois.

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#2 Message par Jean » mardi 13 novembre 2012 à 22:01

Les articles sont intéressants.

Je n'ai pas encore terminé la traduction de l'année dernière :?
http://forum.asperansa.org/viewtopic.php?f=6&t=2691
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans

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Re: Appel à traductions, Nature de Novembre 2012.

#3 Message par Dakota » mardi 13 novembre 2012 à 22:22

Je prends les 5 premiers articles (Autism ; Epidemiology: Complex disorder ; Genetics: Searching for answers ; Child development: The first steps ; Adulthood: Life lessons).

Disponibles pour demain soir.
TSA

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#4 Message par Benoit » mardi 13 novembre 2012 à 22:47

Wow, merci.

Sans doute pas aussi vite, je compte faire des résumés ou extraits de Redefining Autism et Diverse Diagnostic, qui apportent deux éclairages sur le possible devenir de l'Asperger (le premier via le nouveau DSM-V et le deuxième via quelques considérations non occidentales sur l'autisme et sud-coréennes sur l'Asperger envisagé par la société d'une façon qui peut rappeler quelques choses aux français).

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Re: Appel à traductions, Nature de Novembre 2012.

#5 Message par Madu » mercredi 14 novembre 2012 à 8:35

Coucou, je peux faire

o Treatments: In the waiting room, Michael Eisenstein
o Perspective: Imaging autism, Nicholas Lange

mais ce sera pour ce w-e

A bientôt
Maman d'un seul petit gars né en 2005, autiste.
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#6 Message par Benoit » mercredi 14 novembre 2012 à 22:54

Version française de l'article Child development: The first steps , Katherine Bourzac
Traduction de Dakota .
(fautes d'orthographes rajoutés par Benoit)


LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT
Les premières étapes

Parce que les enfants nés dans des familles d'autistes sont plus susceptibles de développer le trouble, leur étude pourrait conduire à des façons plus précoces de diagnostiquer les personnes dans la population.

À l’âge de 6 mois, le cas n°6 était un heureux bébé. Elle accrochait le regard des gens et souriait en retour, réagissait à l’appel de son nom, et aimait jouer au "peek-a-boo".1
À 12 mois, elle babillait et connaissait 3 mots. 6 mois plus tard, elle n'avait pas appris aucun nouveau mot. Elle ne pointait pas les choses du doigt pour demander, ce que les bébés au développement normal font à cet âge. Elle tombait fréquemment et commençait à se frapper elle-même la tête. À 36 mois, elle a été diagnostiquée avec autisme.

Beaucoup de parents dont les enfants ont été diagnostiqués avec l'autisme peuvent raconter une histoire similaire. Les symptômes individuels sont différents, mais le développement global du trouble est le même, dit Lonnie Zwaigenbaum, maintenant co-directeur du Centre de Recherche sur l'Autisme au Glenrose Rehabilitation Hospital à Edmonton, au Canada, l'un des leaders de l'étude qui comprenait le cas n°6. La jeune fille portant la mention "cas n°6" faisait partie d'une étude qui a suivi, de bébé à la petite enfance, les frères et sœurs des enfants atteints
d'autisme. Les bébés sibs2, comme aiment les appeler affectueusement les chercheurs, ont un risque beaucoup plus élevé de développer le trouble que la population générale. Un bébé sibs sur 5 sera diagnostiqué avec autisme ; la prévalence dans la population générale étant de 1 sur 88.

Parce que la population de bébé sibs comprend presque 20 fois plus d’enfants qui développeront de l'autisme, cette population est idéale pour étudier les origines du trouble. Dans les études sur les bébés sibs, les chercheurs enregistrent le comportement, la capacité cognitive et le fonctionnement cérébral des bébés sibs au cours du développement, ainsi que ceux de nouveau-nés de même âge qui n'ont pas de frères et sœurs avec autisme. En comparant la trajectoire développementale des deux groupes, ils espèrent avoir une meilleure compréhension de la façon dont se déploie l'autisme. Mais plus important encore, les chercheurs tentent de trouver des marqueurs qui pourraient leur permettre d’identifier les enfants à haut risque d'autisme dans la population en général, tout en développant plus tôt ces interventions.

Le devenir de bébés comme le cas n°6 n'a pas à être gravé dans le marbre dès la naissance. "Il n'y a aucune raison d’accepter les conséquences invalidantes de l'autisme", dit Mayada Elsabbagh, psychiatre à l'Université McGill de Montréal, au Canada, qui étudie le fonctionnement du cerveau dans l'autisme. "Si nous commençons les interventions
plus tôt, quand le cerveau est plus malléable, nous pouvons empêcher ces conséquences."

Les premiers signes
L'autisme peut être diagnostiqué dès l'âge de 3 ans. Cependant, à cause des disparités dans l'accès aux soins de santé, l'âge médian au moment du diagnostic aux États-Unis est de plus de 5 ans. Au moment où la plupart des enfants atteints d'autisme viennent en clinique, ils ont déjà des problèmes majeurs avec l'engagement social et le langage, ainsi que d'autres difficultés, comme les comportements répétitifs.

L'intervention précoce est importante car l'autisme peut créer un cercle vicieux. Sans la capacité à attirer les gens et être attiré par eux, un enfant perdra des occasions d'apprentissage qui contribuent au développement rapide du cerveau. Mais les causes et les effets sont difficiles à démêler dans l'autisme, et les problèmes dans le fonctionnement du cerveau pourraient bien précéder les difficultés dans le domaine social et le langage. Le résultat de cette confusion est que, "au moment où vous voyez l’état final, il est difficile de séparer les principaux symptômes de leurs effets", explique Mark Johnson, qui dirige le Centre for Brain and Cognitive Développement à Birkbeck, Université de Londres. Les futures études de bébés sib pourraient combler ces lacunes.

Au milieu des années 1990, les chercheurs ont commencé les premières études prospectives qui ont suivi simultanément des bébés sibs et des enfants sans frères et sœurs avec autisme. La plus ancienne de ces études a porté sur les marqueurs comportementaux. En 2005, après avoir suivi un groupe d'enfants (y compris le cas n°6) à partir de l'âge de 6 mois, Zwaigenbaum a participé à l'une étude sur des bébés sibs des plus influentes à ce jour.
Sur la base de cette enquête, dit Zwaigenbaum, même s'il y a une nette évolution du comportements dans la globalité des bébés sibs qui viendront à développer le trouble, si l'on s'intéresse à chaque enfant de façon individuelle, il y a des exceptions.

À l'âge de 6 mois, la plupart des bébés qui viennent à développer l'autisme sont en phase avec leurs pairs. Comme le cas n°6, ils sourient quand leurs parents sourient, et quand des étrangers sourient. La plupart se redressent quand quelqu'un appelle leur nom.
Cependant, alors que la plupart des bébés de cet âge développent la force et la coordination pour tenir leurs têtes droite et s'asseoir de façon autonome, les bébés sibs qui finissent par développer l'autisme ne le font souvent pas. "Ils peuvent être négligés, certains ne savent pas tenir la tête droite», dit Zwaigenbaum. Ces premiers problèmes moteurs sont parfaitement établis comme l'un des indicateurs précoces du trouble, mais on ignore pourquoi ils se produisent, ou s’ils pourraient occasionner d’autres problèmes.

Après 6 mois, le développement des bébés sibs qui finissent par développer l'autisme semble plafonner, tandis que leurs pairs deviennent plus sociables, plus bavards et plus créatifs. A l'âge de 12 mois, les chercheurs canadiens ont constaté que de nombreux enfants qui finiront par être diagnostiqués avec autisme ont commencé à se replier sur eux-mêmes.
Ils n'ont pas de repères sur ce que font les autres, mais peuvent être intensément intéressés par des stimuli non sociaux. Par exemple, ils peuvent regarder fixement des jouets, mais ne joueront avec de la façon comme le font les autres enfants. "Ils ne sourient pas autant, ils ne sont pas réceptifs au "peek-a-boo" et ils ont un engagement visuel intense avec des jouets", explique Zwaigenbaum. "Mais c'est variable - vous pourriez trouver qu'ils sont réservés sans être handicapés, mais ils peuvent atteindre des scores normaux sur les évaluations comportementales."

Les enfants qui seront plus tard diagnostiqués avec autisme commencent à montrer des signes plus stables et reconnaissables après 18 mois. "Ils ont un pauvre contact oculaire, ils ne jouent pas [de façon normale], et ils commencent un comportement répétitif", explique Zwaigenbaum. A cet âge, la plupart des enfants se développant normalement commencent à faire semblant avec des jouets, mais un enfant qui continue à développer l'autisme est moins susceptible de le faire. Au lieu de jouer avec son imagination, l'enfant peut, par exemple, placer les roues d'une voiture jouet devant son visage pour les regarder tourner attentivement.

Bien que ces signes comportementaux et moteurs soient clairement corrélés avec un résultat d'autisme, dit Zwaigenbaum, ni son groupe d’enfants ni les autres n’ont démontré
qu’ils pourraient être utilisés pour prédire le trouble.
Pourtant, même si les résultats sont un facteur de confusion, ils offrent également de l'espoir. Les bébés sibs qui ne vont pas développer le trouble sont souvent repérés comme atypiques
à un moment donné, comparés aux nourrissons qui n'ont pas de frères et sœurs atteints d'autisme. Ceci suggère que pour certains bébés sibs - qui ont vraisemblablement un plus haut risque génétique de développer le trouble - il pourrait exister des facteurs de protection que les chercheurs peuvent identifier et encourager.

Quantifier le risque
Une nouvelle génération d’études de bébés sibs va encore plus loin. Ami Klin, chef du Centre Autisme Marcus à Atlanta, en Géorgie, essaye de remplir une carte du développement autistique avec des données quantitatives sur le comportement. Son approche consiste à mesurer au plus tôt et souvent. Il estime qu'il s'agit de la seule façon de représenter toute la richesse d’un développement normal dans la première année de vie, et de voir comment cela en vient à mal tourner pour entrer dans l'autisme. Dans les études de son groupe, les enfants sont évalués chaque mois pour leur 6 premiers mois, puis tous les 3 mois jusqu'à ce qu'ils atteignent 24 mois. Mesurer une fois tous les 6 mois, dit-il, c’est comme "envoyer un vaisseau spatial sur une autre planète, prendre une photo de loin, et dire: "pas d'eau" " sans jamais envoyer un mobile d’exploration sur le terrain.

Le laboratoire de Klin développe des technologies pour quantifier l'attention du nourrisson. L'un d'eux est un système eye-tracking, système qui restitue précisément l’endroit où se porte le regard des nourrissons, jusqu'à 60 fois par seconde, avec un logiciel pour analyser les données. Klin a développé ces outils et les a testés sur des enfants plus âgés atteints d'autisme. Par exemple, le groupe de Klin a publié un test eye-tracking qui a comparé comment les enfants, avec et sans autisme, prêtent attention aux mouvements sociaux et non sociaux, en les traçant leur façon de regarder de simples animations. Les enfants sans autisme ont préféré regarder les mouvements humains, tandis que ceux avec autisme n'ont montré aucune préférence.

Klin a maintenant fait des expériences similaires avec des bébés sibs, même si les résultats n'ont pas encore été publiés. Il attend que les enfants atteignent 36 mois, lorsque le diagnostic de l'autisme est considéré comme stable, alors il pourra comparer les bébés sibs qui ont ou n’ont pas développé le trouble avec le groupe témoin.
Il travaille également avec le scientifique Gordon Ramsay du Yale Child Study Center à New Haven, Connecticut, pour faire des enregistrements mensuels de l'environnement vocal des bébés, regarder comment ils progressent du babillage au langage, et comment ils apprennent à moduler leur voix pour transmettre une émotion.

Le poulet et l’EEG (électroencéphalographe)3
Des listes de contrôle4 du comportement et les mesures quantitatives de la cognition comme celles de Zwaigenbaum et Klin pourraient finalement résulter sur un test que les pédiatres pourraient utiliser pour identifier les bébés à risque élevé dans la population en général. Pour compléter le schéma développemental du trouble, d'autres chercheurs entreprennent des études du fonctionnement cérébral. Mais il y a encore le problème de la poule et de l'œuf dans l’autisme: est-ce que les problèmes dans le fonctionnement cérébral précèdent les problèmes de comportement, ou vice versa? Et dans quelle mesure s’alimentent-ils l'un et l'autre?

"Les changements dans le développement du cerveau précèdent les changements de comportement", affirme Charles Nelson, directeur de recherche pour le Centre de Médecine Développementale à l'Hôpital pour Enfants de Boston dans le Massachusetts. Nelson fait partie du petit nombre de groupes qui étudie le fonctionnement du cerveau chez les bébés sibs. Puisque les signes comportementaux de l'autisme apparaissent en majorité après la première année, Nelson et d'autres croient que la clé sera de trouver les origines de l'autisme dans le cerveau pendant la période critique des 12 premiers mois de la vie. Les premiers résultats de ces groupes d'études sont sortis cette année, et beaucoup d'autres suivront.

Un des outils les plus puissants dont disposent les neuroscientifiques du développement est l’électroencéphalographe, ou EEG. Les chercheurs adaptent sur des bébés des électrodes qui captent les faibles signaux électriques générés par les neurones sur la surface du cerveau. En 2012, le groupe de Nelson a montré que les bébés sibs âgés de 6 mois, au repos, avaient des niveaux d’activité plus bas pour tous les types d'activité EEG comparés au bébés avec un risque faible. Son groupe traite actuellement des données provenant d’enfants plus âgés.

Au printemps 2012, des chercheurs dirigés par Johnson et Elsabbagh ont montré que le fonctionnement cérébral entre 6 et 10 mois pourrait être utilisé pour prédire quels bébés sibs seront diagnostiqués avec autisme à 36 mois. Tout en les suivant avec l'EEG, les chercheurs ont montré deux images aux bébés : une femme qui regarde le spectateur, et une qui détourne ses yeux. La plupart de ceux qui n’ont pas développé d'autisme ont montré une réponse différente à l’EEG selon que la femme les regarde ou se détourne. Les bébés qui ont ensuite été diagnostiqués avec autisme n'ont pas semblé les différencier.

Dans ces études sur le cerveau, comme celles sur le comportement, les différences les plus évidentes n’apparaissaient pas entre les enfants qui vont développer l'autisme et ceux qui ne l’ont pas développé, mais entre les nourrissons à haut risque (les bébés sibs), et les nourrissons à risque faible. "La plupart des bébés à haut risque traitent les stimuli différemment, mais beaucoup compensent pour cela" et ne développent pas le trouble, dit Johnson.
Peut-être qu'ils compensent parce que cerveau du nourrisson est plastique, ou peut-être qu'ils ont un environnement particulièrement favorable. Quoi qu'il en soit, c'est donner de l’espoir aux chercheurs qu'il pourrait y avoir des effets protecteurs et donc que des interventions précoces pourraient éventuellement atténuer l'autisme.

Il faudra peut-être encore une décennie ou plus avant que le comportement et le fonctionnement cérébral des bébés sibs ne produisent une liste de contrôle fiable pouvant être utilisée pour prédire le risque de l'autisme dans la population générale. D'une part, les chercheurs ne peuvent pas exploiter les chiffres en-deçà de 3 ans d’étude, lorsque les enfants atteignent l'âge à partir duquel un diagnostic stable d'autisme peut être déterminé. Et encore, une fois que les données de ces études prospectives sur les bébés sibs seront suffisamment robustes, les chercheurs devront ensuite les utiliser pour répliquer ces tests sur des bébés dans la population générale et les suivre jusqu'à 36 mois.

Dans le même temps, certains chercheurs testent des interventions sur des bébés sibs même sans avoir une prévision fiable de l'autisme. Parce que seulement 1 sur 5 de ces bébés recevra un diagnostic d'autisme, toute intervention doit être favorable et positive à la fois pour l'enfant et les parents, indépendamment du fait que l’enfant développe ou non l'autisme. Les programmes de tests mettent l'accent sur la promotion de la relation entre parents et bébés, quelque chose qui est bon pour toute la famille, et qui peut avoir des avantages particuliers pour les enfants qui développeront l'autisme, peut-être diminuer leurs symptômes finaux, dit Jean Kelly, co-directrice du Centre sur la Santé Mentale et le Développement des Nourrissons à l'Université de l'Etat de Washington à Seattle.

Est ce que l'amélioration des relations parent-enfant permet vraiment de réduire le risque d'autisme, c'est l'objet des études d'interventions sur les bébés sibs à l’Université de Washington et ailleurs. Le groupe de Kelly prend des vidéos des interactions parent-enfant, et coache les parents dont beaucoup sont stressés parce qu'ils ont déjà un enfant avec autisme. Kelly tient ces séances hebdomadaires pendant 3 mois avec des bébés sibs de 8 à 15 mois. Le groupe de Kelly tente d'aider à enseigner: "Comment puis-je atteindre cet enfant? "Et, dit-elle, "nous encourageons la confiance, la sécurité et l'attachement du côté de l'enfant."

Rebecca Landa, directrice du Centre pour l' Autisme et les Troubles Associés au Kennedy
Krieger Institute de Baltimore, dans le Maryland, a constaté les effets des interventions sur les enfants à haut risque à partir de 2 ans et essaie maintenant d'utiliser ces mesures chez les bébés. Certaines des interventions de son groupe d’étude impliquent de rassembler des bébés sibs de 12 mois qui ont montré des signes dérangeant de comportement. Le groupe effectue alors des tâches sociales qui tirent avantage des particularités de répétition des comportements autistiques pour encourager à imiter l'autre, une quelque chose que ces enfants ne font pas de façon normale. Comme ces enfants tendent à déplacer des objets d'avant en arrière et à les fixer du regard, quand les chercheurs leur donnent à tous le même objet, ils finissent par faire le même mouvement, puis ils se remarquent les uns les autres. Dans un exercice, les enfants d’1 an essuient la table devant eux avec des lingettes humides, et les chercheurs les amènent à chanter "C'est de cette façon que nous lavons la table"5 et à porter la lingette à la poubelle.

Après cet exercice, dit Landa, "les parents sont dans l'incrédulité que les enfants font une
activité qu'ils font normalement à la maison, qu'ils apprennent les mots "laver la table", qu'ils sont socialement engagés", dit-elle. Les études d’intervention sont toujours en cours, mais Landa est optimiste. "Nous voulons mettre fin à ces problèmes dans leur lit," dit-elle. Si ces méthodes présentent des avantages pour les bébés sibs, Landa et Kelly espèrent mettre au point un programme de développement standardisé qui pourrait être largement mis en œuvre par les pédiatres et les assistantes maternelles.
"Pour certains de ces bébés, ils n'y a pas de raison que l'autisme soit leur destin", a dit Johnson. Les gènes influent sur la voie du développement, mais le cours du développement n'est pas une fatalité.

Katherine Bourzac est auteur indépendante dans le domaine scientifique, à San Francisco en Californie.

1 il s'agit du jeu de "coucou" où l'adulte s'amuse à cacher son visage derrière ses mains pour jouer à cache-cache avec un bambin.
2 abréviation de siblings, le mots anglais pour "frères & soeurs".
3 jeu de mots entre la poule et l'oeuf, je précise pour ceux qui n'auraient pas compris.
4 checklist, comme pour les avions par exemple.
5 il semble qu'il s'agirait d'une comptine.



Edition: mon commentaire personnel, déplacé pour ne pas gêner les gens qui viennent simplement lire l'article.
Après relecture et édition, je ne peux rien dire de plus que "ça fait froid dans le dos". Pas forcément l'aspect clinique des "études" sur les bambins (quoique) ou le dressage (quoique, bis) mais bien plus le fait que tous ces efforts servent uniquement pour surtout éviter aux enfants d'évoluer vers ce-que-vous-savez, c'est martelé tout du long.
Lecture hautement recommandés aux parents d'enfants autistes (concernés par l'article au plus haut chef), histoire d'avoir leur avis.
Modifié en dernier par Benoit le lundi 26 novembre 2012 à 17:33, modifié 4 fois.

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Re: Appel à traductions, Nature de Novembre 2012.

#7 Message par Benoit » jeudi 15 novembre 2012 à 17:46

Traduction: Eole(page de texte), Dakota (page de graphe)
Edition: Benoit


Epidémiologie : un Trouble Complexe.

En creusant parmi une myriade de cause, les chercheurs essayent de préciser la définition de l'autisme et d'en trouver des signatures biologiques qui reste insaisisable.

Définir "l'autisme", un mot simple qui englobe un large spectre de comportements, n'est pas chose facile.

Chaque personne avec autisme a une combinaison unique de symptômes, qui peut changer au cours de la vie. Certains autistes ne parlent pas du tout, tandis que d'autres sont bavards. Certains sont génés par les bruits, d'autres sont des prodiges musicaux. Certains sont intellectuellement déficients, d'autres sont savants. Il n'est pas étonnant que beaucoups de chercheurs commencent à parler d'"autismes", au pluriel.

Il devient clair après ces dernières années que la biologie sous-jacente de l'autisme est multifactorielle, avec des centaines de possibilités de causes génétiques, développementales, et environmentales.

Pourtant, les chercheurs sont sur la piste d'une signature biologique de l'autisme, on pourrait parler d'un "coeur irréductible" – un mélange distinctif de désintérêt social et de comportements répétitifs – qui caractérise chacun des individus porteurs du trouble.

"C'est le grand mystère" dit David Amaral, neuroscientifique au MIND Institute à l'Université de Californie de Davis. "Comment tant d'étiologies différentes, tant de risques génétiques différents, peut conduire à un syndrome comportemental permettant à un clinicien de dire qu'une personne donnée est autiste ?

Depuis que Léo Kanner a défini l'autisme en 1943, le profil symptomatique s'est élargi de façon spectaculaire. Il inclus maintenant non seulement la mauvaise adaptation sociale et les comportements répétitifs, mais beaucoup de symptômes associés, tels que les problèmes moteurs, l'hyperactivité, les crises, et les problèmes d'expression faciale.

La prévalence de l'autisme a aussi augmenté. Encore au milieu des années 1990, l'autisme était considéré comme rare, touchant une personne sur 2500. Les estimations publiées en 2012 par les Centres Américains de Contrôle et de Prévention des Maladies l'amènent à un cas pour 88 personnes.

Beaucoup de théories essayent d'expliquer cette poussée, mais aucune n'y arrive à l'expliquer intégralement de façon isolée.

Une partie substantielle du risque autistique est manifestement d'origine génétique. Quand un vrai jumeau est autiste, par exemple, il y a environ 70% de risque que l'autre le soit aussi.

Beaucoup d'équipes de recherche ont cherché les gènes qui pourraient être impliqués. Ils n'ont pas encore trouvé de bons candidats, uniquement des dizaines, voir des centaines de candidats partiels. "Je pense sincèrement que l'autisme sporadique, comme Kanner l'avait décrit, peut être causé par une poignée de gènes avec peut-être un gène dominant", explique Huda Zoghbi, généticienne au Baylor College of Medicine à Houston, Texas, qui en 1999 a identifié la première le gène qui cause le syndrôme de Rett, une maladie lié à l'autisme. "Qui aurait cru à l'époque..."

Pour compliquer les choses, beaucoup de gènes associés à l'autisme sont aussi présent dans la population générale. Pourtant, certains thèmes sont en train d'émerger. Par exemple, beaucoups de ces gènes sont liés au fonctionnement de la synapse, la jonction entre les neurones, ce qui a conduit de nombreuses sociétés pharmaceutiques à cibler cette partie de la cellule pour les premiers essais de création d'un médicament. Mais les découvertes génétiques sont loin d'être simples. D'autres gènes impliqués sont liés à un ensemble de fonctions cellulaires, allant du système immunitaire à la réparation gastro-intestinale en passant même par la production de l'énergie cellulaire.

Une partie de l'augmentation doit être dûe à une plus grande prise de conscience. Alors que plus de gens s'informent à propos de l'autisme, il est probable que ces gens vont repérer les signes précoces et demander de l'aide. Cela se produit plus rapidement dans certaines régions que dans d'autres, en fonction de facteurs culturels et socio-économiques. Un mélange de différences démographiques pourraient aider à expliquer pourquoi, par exemple, il y a un taux d'autisme variant dans une proportion de une à quatre entre l'Utah (l'Etat présentant le taux le plus fort aux USA) et l'Alabama (qui a le taux le plus faible).

L'autisme est aussi diagnostiqué différemment de nos jours. L'élargissement des critères de diagnostic implique que de nombreux autistes de haut niveau n'auraient pas été diagnostiqués dans le passé. A l'opposé du spectre, certains de ceux qui ont de graves problèmes cognitifs pourraient avoir été diagnostiqués avec un retard mental par le passé.

La prévalence de l'autisme augmente rapidement, ce qui conduit les scientifiques à examiner les causes environnementales.

Une petite partie de l'augmentation de l'autisme semble résulter de pères âgés, par exemple. En vieillissant, leur sperme acquiert des mutations délétères qui peuvent être transmises à l'enfant.

Il y a un certain nombre d'autres théories, certaines plus plausibles que d'autres : les espèces de bactéries intestinales présentes dans notre tube digestif, les maladies auto-immunes chez la mère, l'exposition du fœtus à des médicaments tels que les antidépresseurs, ou même de vivre à proximité des routes principales.

Pour H. Zoghbi, "Il y a eu tellement de changements dans les modes de vie" que "la chasse (aux causes) est ouverte".

Malgré cette liste apparemment sans fins des causes et des conséquences, les chercheurs sont à la recherche de points communs à tous les niveaux biologiques, que ce soit dans le génome, les circuits cérébraux ou même dans le mode de pensée.

Par exemple, dans les années 1980, Uta Frith et ses collègues ont proposé que les autistes manquent de «théorie de l'esprit», la capacité de saisir ce que les autres pensent ou croient. Les chercheurs ont localisé depuis cette capacité dans une partie du cerveau appelée la jonction temporo-pariétale.

Pour Uta Frith, psychologue du développement à l'Institut des Neurosciences Cognitives de l'University College de Londres, le couplage de ce genre d'études cognitives et d'études moléculaires sera crucial pour la compréhension du trouble. "Vous devez regarder au bon niveau pour tirer en réunir toutes les ficelles et de parler de cette expérience unique que je appelerais l'autisme".

Virginia Hughes, est écrivain scientifique indépendante basée à Brooklyn dans l'Etat de New York.

(graphique, cliquer sur l'image).
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Re: Appel à traductions, Nature de Novembre 2012.

#8 Message par Jean » vendredi 16 novembre 2012 à 1:13

Benoit a écrit :Après relecture et édition, je ne peux rien dire de plus que "ça fait froid dans le dos". Pas forcément l'aspect clinique des "études" sur les bambins (quoique) ou le dressage (quoique, bis) mais bien plus le fait que tous ces efforts servent uniquement pour surtout éviter aux enfants d'évoluer vers ce-que-vous-savez, c'est martelé tout du long.
Lecture hautement recommandés aux parents d'enfants autistes (concernés par l'article au plus haut chef), histoire d'avoir leur avis.
L'article ne m'a pas donné la même impression qu'à toi : je pense que des interventions bien comprises peuvent limiter les effets handicapants socialement de l'autisme, mais je ne crois pas qu'elles modifieront complètement le fonctionnement particulier. Je ne souhaite pas la "normalisation", mais en plus je la crois hors de portée.
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Re: Appel à traductions, Nature de Novembre 2012.

#9 Message par Benoit » vendredi 16 novembre 2012 à 10:28

Autisme & Culture
Traduction de Dakota
Diversité des diagnostics
L'étude de l'autisme à travers le monde doit tenir compte de la variété des normes comportementales dans les différentes sociétés.

Dans l’Afrique du Sud rurale, les jeunes enfants peuvent regarder le visage des adultes pendant une conversation, mais ils n’ont généralement pas de contact visuel direct car cela est considéré comme irrespectueux. Pourtant, le manque de contact visuel est la marque caractéristique du déficit social chez les personnes autistes, et en tant que tel c'est une chose que les cliniciens occidentaux recherchent pour diagnostiquer le trouble.

Il y a d'autres exemples de comportements infantiles - comme pointer du doigt pour attirer l'attention vers quelque chose, ou converser avec des adultes comme s'ils étaient des copains - qui sont monnaie courante en occident et inclus dans les tests de l'autisme.

"La Recherche sur l’autisme trouve en majorité son origine dans les pays occidentaux, et nous avons une vision particulière de l'autisme, une vision particulière sur la façon dont les enfants se comportent et interagissent avec des adultes", explique Courtenay Norbury au Royal Holloway, University of London, qui a travaillé avec des enfants autistes issus de diverses origines ethniques dans l’Est de Londres. "Les autres cultures pourraient avoir des attentes très différentes sur la façon dont les enfants doivent se comporter."

Ce point de vue rend très délicat l’utilisation des tests comportementaux pour le diagnostic de l'autisme dans des pays où le trouble peut sembler - et même être - différent de l'occident. Mais face à l’intérêt croissant pour les vrais chiffres de la prévalence de l’autisme dans le monde entier et la nécessité d'avoir des moyens dédiés à l'autisme dans les pays pauvres, les chercheurs débattent des meilleures façons de diagnostiquer objectivement le trouble.

Des groupes de soutien aux parents pour l'autisme existent dans plus de 100 pays. "Nous savons que l'autisme est diagnosticable et décelable à travers les cultures", dit Mayada Elsabbagh, une chercheuse de l'Université McGill de Montréal, au Canada, qui dirige un groupe au sein de la Société Internationale pour la Recherche sur l'Autisme en charge des questions interculturelles. "Mais les modalités précises sur la façon dont les paramètres culturels ou le cadre modifient l’autisme sont inconnues" dit-elle.

Pendant de nombreuses années, la pertinence du facteur culturel dans l'autisme a été ignorée. Certains chercheurs pensaient que l'autisme était intrinsèquement lié à la modernité et à l'occidentalisation et était rare dans les autres cultures. D'autres ont supposé qu'au contraire, parce que l'autisme est un trouble neurobiologique, son expression devrait être la même partout.

Mais de nombreux chercheurs commencent à adopter un point de vue plus fin. "S'il n'y a pas de déterminisme culturel de l'autisme en lui même, de la neuropathologie, notre interprétation de ces comportements et notre réponse à ces comportements est bien influencé par la culture," dit David Mansell, directeur adjoint du Centre de Recherche sur l'Autisme à l'Hôpital des Enfants de Philadelphia, Pennsylvanie.

Différences de diagnostic
Avant d'évaluer l’autisme à travers le monde, les chercheurs doivent mesurer la fréquence dont les différents comportements se produisent dans les différentes cultures et établir ainsi une norme, dit Charles Zaroff, un chercheur en psychologie à University of Macao en Chine. Ils auront également besoin de travailler avec les parents des enfants autistes afin d'identifier la façon dont l’autisme se manifeste dans un contexte culturel donné.

Dans de nombreuses cultures asiatiques, par exemple, les enfants sont censés exprimer le respect de leurs aînés par le biais de leur langage et comportement, mais ces aspects de l'interaction sociale peuvent être difficiles à maîtriser pour les enfants atteints d'autisme. De telles difficultés seraient à peine visibles dans la plupart des pays occidentaux. "Un tel manque de déférence apparaîtrait complètement acceptable aux États-Unis, alors qu'un manque d’attention aux couches sociales dans une société fondées sur l'âge apparaîtrait très anormale dans un pays comme la Chine", explique Zaroff.

Parce que les tests de dépistage les plus communément utilisés pour l'autisme ont été développés aux États-Unis et au Royaume-Uni, les chercheurs découvrent qu'ils doivent adapter les tests pour détecter l'autisme dans les autres pays. Par exemple, une partie de l'Autism Diagnostic Observation Schedule (ADOS), un instrument de référence du diagnostic du trouble, implique d'observer un enfant faire semblant de fêter un anniversaire – chanter 'Happy Birthday', découper et distribuer des parts de gâteau, et ainsi de suite. Mais dans les régions rurales d'Afrique du Sud, les anniversaires sont rarement célébrés, de sorte que même les enfants au développement typique peuvent ne pas être familier avec le rituel de l'anniversaire.

Ainsi, pour une étude de diagnostic précoce de l'autisme dans la province du KwaZulu-Natal, les chercheurs ont développé un scénario alternatif de partage de l'enthousiasme, impliquant une chanson traditionnelle africaine. "Il s'agit de comprendre l'intention que vous essayez de susciter dans un test, afin d'en trouver une solution de substitution", explique Amy Wetherby, directrice du Autism Institute au College de Medicine à Florida State University, Tallahassee, qui a dirigé ces travaux.

Wetherby a dressé une liste de 22 signes précurseurs de l'autisme, basée sur des études sur plusieurs centaines d’enfants en Floride. Des données encore non publiées sur 19 enfants montrent que beaucoup de ces signaux d'alarme différencient tout aussi bien les enfants autistes de leur copains au développement normal en Afrique du Sud, dit Wetherby.

"Le plus étonnant pour moi, ce sont les gestes inhabituels", dit Wetherby. Par exemple, au lieu de pointer du doigt ou de regarder de façon conjointe un objet, les enfants autistes aux Etats-Unis peuvent communiquer en prenant la main d'un adulte et se déplacer avec elle vers l'objet. "C'est un signe précoce de l'autisme, et nous le voyons également [en Afrique du Sud].

Une des raisons pour laquelle les schémas de symptômes autistiques apparaissent similaires dans toutes les cultures peut être que les participants de cette étude ne sont âgés que de 18 à 36 mois. "Plus on commence les observations de façon précoce, plus les similarités apparaissent" dit Wetherby.

Des symptômes autistiques plus spécifiquement liés au contexte culturel et environnemental peuvent émerger lorsque les enfants grandissent. Par exemple, selon une étude récente aux Etats-Unis, des enfants autistes âgés de 5 à 12 sont plus sensibles de façon visuelle et auditive que les enfants autistes en Israël - même si les auteurs notent que les facteurs génétiques, culturels et environnementaux pourraient avoir une influence, de même que la façon dont les parents rapportent le comportement de leur enfant.

Subtilité du langage

Si les différences culturelles apparaissent plus tardivement dans l'enfance, cela peut rendre le diagnostic de l'autisme encore plus compliqué. Le trouble a tendance à être diagnostiqué plus tard en dehors des États-Unis et d’Europe de l’Ouest, en partie à cause d’un manque de sensibilisation à la fois sur l’autisme et sur les normes développementales. Un parent qui constate que l'enfant se renferme ou a un retard de langage peut ne pas reconnaître qu'il s'agit d'un symptôme de l'autisme.

Des entretiens approfondis à Goa, en Inde, montrent que les parents n'y sont pas attentifs aux premières étapes-jalon de socialisation et de communication, et généralement, ils ne s'alarment que lorsque l'enfant entame la période préscolaire par des problèmes d’interactions avec ses copains. "Ce qui préoccupe vraiment les parents c'est, "il ne trouve pas sa place parmi tous les autres", dit Gauri Divan, un pédiatre travaillant avec l’organisation de santé infantile Sangath à Goa.

Dans certaines cultures, les parents peuvent remarquer des symptômes qu'on n'associe habituellement pas à autisme. Parmi les travailleurs émigrés latinos de Floride, par exemple, "la première plainte semble être que l'enfant est extrèmement difficile avec la nourriture", explique Roy Richard Grinker, un anthropologue de George Washington University à Washington DC, qui collabore avec Wetherby sur une étude de l'autisme dans cette communauté. "Mais si vous entrez dans les détails, vous commencez à voir que les enfants que décrivent leurs mères tomberont probablement dans le spectre de l'autisme." Grinker conjecture sur le fait que ces mères sont particulièrement attentives aux habitudes alimentaires parce qu'elles sont pauvres et la nourriture est rare pour elles.

Certaines preuves suggèrent que les médecins doivent être formés pour reconnaître les signes de l'autisme à partir des commentaires obliques faits par les parents. Par exemple, dit Mandell, les parents blancs aux États-Unis soulignent souvent le manque de communication d'un enfant en disant: "mon enfant ne répond pas quand je l'appelle par son nom", tandis que les parents noirs auraient tendance à utiliser des phrases comme "mon enfant ne fait pas attention à moi". Les médecins peuvent être moins enclins à établir un diagnostic d'autisme s'ils pensent qu’un parent est en train de décrire davantage un enfant désobéissant plutôt qu’un enfant en difficulté sociale - ce qui aiderait peut-être à expliquer pourquoi l'autisme est diagnostiqué moins fréquemment chez les enfants noirs.

Une prévalence en augmentation
Si les parents de cultures différentes développaient le même sentiment de sensibilisation à l'autisme qu’en Occident, les recherches suggèrent que la prévalence de l'autisme dans le monde pourrait être identifique - ou peut être même plus élevé que – qu’aux États-Unis ou au Royaume-Uni.

La manifestation la plus spectaculaire en est cette étude sur plus de 55 000 enfants en Corée du Sud, qui a estimé la prévalence de l'autisme à 2.64%. C'est plus de deux fois la prévalence de l'autisme aux Etats-Unis telle estimée par les US Centers of Disease Control and Prevention, et représente plus de 50 fois les chiffres du gouvernement sud-coréen qui donnent une prévalence de l’autisme de 0,046%.
Une raison de cette estimation plus élevée pourrait être que les chercheurs ont examiné les enfants dans la population générale plutôt que de les recruter uniquement dans des centres pour autistes et autres troubles du développement.

En Corée du Sud, les chercheurs suggèrent qu’une raison du sous-diagnostic de l'autisme peut être que la stigmatisation liée au handicap est particulièrement forte dans ce pays. Un diagnostic d'autisme pour un enfant coréen diminue les perspectives de mariage de ses frères et sœurs, et il peut même affecter la carrière de ses parents. Les parents préfèrent souvent que leur enfant soit étiqueté comme ayant "un trouble réactionnel de l'attachement", ou "un manque d’amour" comme on l'exprime en coréen, un diagnostic qui affecte la réputation de la mère.

Et pourtant, environ les deux tiers des enfants que l’étude sud-coréenne a identifié comme ayant de l'autisme ont suivi un cursus d'école ordinaire et n’ont pas bénéficié de services liés à l'autisme. Cette intégration généralisée soulève la question de savoir si le diagnostic d'autisme défini d’après des normes occidentales est significatif si des enfants sont capables de fonctionner de façon raisonnablement correcte dans leur contexte culturel.

"C'est une question intéressante", explique Norbury, qui se demande "si nous devrions être inquiets pour ces enfants et alerter les familles sur leur sort, dans des conditions où il y avait pas de quoi s’inquiéter auparavant."

D'autres enfants identifiés dans l'étude pourraient être ce que les Coréens appellent un "border child", un nouveau terme apparu pour décrire certains enfants qui recevraient probablement un diagnostic d'autisme en Occident. "C'est un enfant qui a un haut niveau de fonctionnement suffisant pour suivre le milieu scolaire ordinaire mais qui a une déficience sociale significative" dit Grinker. Les parents préfèrent cette étiquette, dit-il, car elle implique que l'enfant n'est déficient que socialement et pas intellectuellement, et que ce handicap est temporaire.

En stigmatisant l'autisme, la Corée du Sud n'est pas un cas unique. Mais Elsabbagh souligne que les mentalités à l’égard d’un trouble évoluent souvent lorsque les ressources et les services deviennent disponibles. C’est un argument de poids en faveur de l'augmentation des recherches interculturelles sur l'autisme, dit-elle.

Un autre est qu'il fera progresser la compréhension de la biologie de l'autisme. "Nous avons limité nos études avec des participants d’origine européenne, et nous n’avons pas considéré de façon approfondie certains des déterminants culturels qui pourraient façonner l'autisme différemment", explique Elsabbagh. "Avoir une perspective plus globale nous permettrait de voir ces points-communs sous-jacents beaucoup plus facilement."

Sarah DeWeerdt, est rédactrice scientifique basée à Seattle, Etat de Washington.
Modifié en dernier par Benoit le vendredi 16 novembre 2012 à 10:33, modifié 1 fois.

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#10 Message par Benoit » vendredi 16 novembre 2012 à 10:33

Un petit commentaire sur l'article juste au dessus, si vous n'avez le temps de lire qu'une section c'est la dernière (prévalence en augmentation) qu'il faut lire si vous êtes intéressé tout particulièrement au syndrome d'Asperger.

Même s'il parle de la Corée du Sud, le propos pourrait être transposé quasiment sans aucun changement à la France. (Il faudrait prendre en compte la tension de l'économie très différente entre les deux pays, ainsi que le modèle scolaire, tout aussi différent, tout de même).
Quelque précision sur le sujet dans cet article d'un site local, dont la traduction automatique est étonnamment compréhensible (par exemple via google translate.

Un petit message personnel, le chiffre avancé d'un autiste sur 38 personnes, je pense qu'il doit pousser à réfléchir tous les intervenants de la chasse aux "faux autistes".
Et ce indépendamment du futur de la classification DSM.

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#11 Message par Benoit » vendredi 16 novembre 2012 à 11:48

Nature, Perspectives Volume 491, N° 7422 Supplément, S1-20 (2012), daté du 1er Novembre 2012
Traduction de Dakota


AUTISME

Imaginez qu'en vous réveillant un jour tous les signaux familiers de la communication humaine soient devenus inintelligibles. Un sourire n'exprime plus l'hilarité ou le bonheur, hausser la voix ne reflète plus l'excitation ou la colère. Vous êtes capable d'échanger des mots avec les autres personnes, mais c'est comme si vous parliez à travers un épais rideau d'incertitudes. Ca vous est difficile voire impossible de vous comporter de la manière que les gens semblent attendre. Bienvenue dans le monde déroutant de l'autisme, un éventail de troubles qui affectent un nombre croissant de personnes et continuent à embarasser les scientifiques qui en cherchent les causes et les remèdes.

La mesure de cette hausse de l'autisme prête à controverse. Il ne fait aucun doute que le nombre d'enfants identifiés comme ayant un trouble en rapport avec l'autisme (souvent décrits comme appartenant au spectre autistique) a enflé au cours de la dernière dizaine d’années. Ce qui n'est pas très clair, est de savoir si ceci représente une véritable augmentation de la prévalence ou seulement une plus grande sensibilisation à cette condition autistique (lire cet article). En effet, notre compréhension du trouble évolue - et sa définition changeante pourrait nier à certains enfants l’accès aux services sociaux et éducatifs qui leur donne une meilleure chance de réussir (cet article).

Ce numéro de Perspective est une collaboration rédactionnelle entre Nature et SFARI.org, le site web d'actualités de la Simons Foundation Autism Research Initiative. SFARI.org fonctionne avec une indépendance de rédaction vis-à-vis de la Simons Foundation et n'a participé à aucun moment ni à la rédaction ni à la commande des articles de recherche financés par Simons Foundation.

Nous constatons que l’autisme est toujours voilé de grandes incertitudes. L'analyse génétique commence à donner des résultats pour les gènes candidats et une partie de la physiologie sous-jacente à l’autisme. (cet article) Pourtant, il y a très peu de traitements disponibles. (cet article) Et on sait peu de choses sur ce qui arrive aux enfants avec autisme lorsqu’ils grandissent (cet article).

Nous remercions le soutien financier de la Nancy Lurie Marks Family Foundation, de la Simons Foundation, de Roche, d'Autism Speaks et de The Autism Science Foundation. Comme toujours, Nature conserve la responsabilité de tout le contenu rédactionnel.

Herb Brody
Editeur 1 du supplément

La terminologie anglo-saxonne peut regrouper les termes de rédacteur et d'éditeur (en charge de la mise en forme) au sein du terme Editor. Je ne sais pas trop quel est l'équivalent français dans la terminologie "grand public". Ca ne m'aide pas que l'Ours donne un autre rédacteur en chef, aussi.
Modifié en dernier par Benoit le lundi 26 novembre 2012 à 17:22, modifié 4 fois.

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#12 Message par Benoit » vendredi 16 novembre 2012 à 14:00

A L’AGE ADULTE
Traduction de Dakota

Leçons de vie
Nous savons peu de choses sur l’autisme au delà de l’adolescence, mais une générations d'enfants autistes étudiée à fond va permettre de changer ça.

Le tout premier enfant diagnostiqué avec autisme par le pédopsychiatre Léo Kanner en 1943, Donald Gray Triplett, était âgé de 5 ans. Décrit par son père comme vivant "en lui-même", "sans affection apparente" et une manie "pour les cubes qui tournent", Donald allait devenir l'archétype d'un trouble développemental qui est aujourd'hui l'un des plus courants aux États-Unis - dont on estime qu'il touche 1 enfant sur 88 selon les US Centers for Disease Control and Prevention.

Pourtant, Donald vit de nos jours la vie de n’importe quel autre retraité américain. Un portrait dans le magazine The Atlantic, en 2010, le décrit comme un septuagénaire heureux, indépendant, conduisant une Cadillac - quoique présentant quelques bizarreries, dont un don prodigieux pour les nombres - qui joue au golf et parcourt le monde.

Le contraste entre Donald jeune garçon et le vieil homme d'aujourd’hui est frappant. La question est : comment en est-il arrivé là ?

Nous n'en savons rien, dit Joseph Piven, psychiatre de l'University de Caroline du Nord à Chapel Hill, qui a été en 2010 le fer de lance d'un groupe de travail sur des adultes de plus de 50 ans porteurs du trouble. Les personnes plus âgées atteintes d'autisme "sont virtuellement non étudiées", dit il.

On ne sait pas encore clairement si les principaux symptômes au coeur du trouble – déficit social et de la communication, les comportements répétitifs et les intérêts restreints – persistent pendant l'âge adulte. Nous ne savons pas grand chose non plus sur la prévalence de l'autisme chez les adultes, sur leur état mental, leur activité cérébrale ou leur état de santé général.

"Au début de ma carrière, si vous parliez d’un handicap à vie, ça mettait les gens en colère. Ils ne voulaient pas entendre cela", dit Piven. Mais la perception de l'autisme en tant que trouble de l'enfance a commencé à changer, en grande partie grâce à l'évolution démographique. La prévalence de l'autisme a fortement augmenté depuis les années 1990, au point que le neuroscientifique et psychiatre Thomas Insel la compare à une "énorme vague déferlant sur le système". Insel est directeur du US National Institute Of Mental Health à Rockville, dans le Maryland, et préside les Interangency Autism Coordinating Committee (IACC), un groupe de scientifiques et de défenseurs en charge de guider le financement fédéral de la recherche sur l'autisme aux États-Unis.

À compter de 2009, l'IACC a fait de la recherches sur les adultes porteurs du trouble une priorité stratégique. Cette même année, Autism Speaks, une organisation scientifique et de défense de l’autisme basée aux États-Unis, a lancé une initiative majeure pour les adultes autistes qui en appelle à la législation pour augmenter l'accès aux services pour ces adultes.

Un rapport de 2012 financé par Autism Speaks estime le coût annuel des soins des personnes autistes aux Etats-Unis à 137 milliards de dollars, principalement pour les adultes. L'organisation mesure les avantages économiques de la prestations de services aux personnes autistes alors qu'il passent de l'adolescence à l'âge adulte.

Les chercheurs individuels tournent eux aussi leur attention vers les adultes atteints d'autisme. Par exemple, Catherine Lord, qui a développé les tests servant de référence au dépistage pour l'autisme, adapte ces outils pour diagnostiquer le trouble chez les adultes. Lord est la psychologue qui dirige le Center for Autism and the Developping Brain, une filiale du Weill Cornell Medical College à New York ainsi que du New York Presbyterian Hospital à White Plains. Elle a suivi 200 jeunes adultes depuis qu’ils ont été diagnostiqués autistes à l’âge de 2 ans. "Nous avons une très bonne idée de qui étaient ces enfants quand ils étaient petits et de ce qu’ils sont maintenant à 20 ans", explique Lord. "C'est une énorme source d'informations pour nous."

Un autre groupe, de University of Wisconsin-Madison, suit plus de 400 familles qui ont un passé en rapport avec l'autisme. Leur étude, qui a commencé il y a 12 ans, se concentre sur la façon dont les symptômes de l'autisme évoluent au fil du temps et comment ces changements affectent les parents ainsi que les frères et sœurs. (Quelques études à long terme ont été menées au cours des dernières décennies, mais elles sont difficiles à interpréter en raison de l'évolution des critères de diagnostic et des techniques d'évaluation de l'autisme au fil du temps.)

Dans ce contexte, le cas de Donald Triplett soulève des questions importantes auxquelles nous ne faisons que seulement commencer de répondre. Des enfants autistes peuvent-ils s'attendre à vivre une vie pleine d'ici 30, 40 ou 50 ans? Est-ce que certains de ces enfants autistes peuvent surmonter leurs symptômes, ou du moins, apprendre à y faire face? Et, peut-être le plus important encore, comment pouvons nous accroître leur probabilité d’y arriver?

La plupart des études montrent que les déficits au coeur de l'autisme, y compris les problèmes sociaux et de la communication, persistent à l'âge adulte, et que la plupart des adultes autistes restent dépendants des membres de leurs familles qui les soutiennent pour satisfaire leurs besoins fondamentaux comme le logement et l'emploi. Mais le travail au cours de la dernière décennie a offert un scénario plus optimiste, en partie parce que de nombreux enfants diagnostiqués aujourd'hui sont moins sévèrement atteints que ceux du passé.

Dans certains cas, les symptômes principaux de l'autisme semblent bien diminuer avec le temps. Et une étude de 2009 sur 120 individus diagnostiqués avec autisme à l'âge adulte, a révélé qu'un quart de ces individus avaient un diplôme de niveau universitaire, et que plus de 40% avaient un emploi ou étaient étudiants. Environ la moitié des participants âgés de plus de 23 vivaient de façon indépendante.

Mais les chercheurs ont également constaté des taux plus élevés d'anxiété et de dépression chez ces adultes, qui avaient tous un QI dans la moyenne.

Selon Julie Taylor, psychologue du développement au Vanderbilt Kennedy Center à Nashville, Tennessee, qui étudie la transition à l'âge adulte pour les personnes atteintes d'autisme, seulement environ 10% ont un emploi indépendant dans la société. (Les chiffres sont un peu meilleurs - allant de 25% à 45% - si l’on inclut les emplois dans la collectivité avec le soutien de quelqu'un comme un instructeur professionnel et les emplois en atelier protégé.)

La question cruciale survient à cause de ces 10%: qu’est-ce qui détermine si un enfant autiste est en capacité d'obtenir un diplôme universitaire, de conserver un emploi ou de vivre de façon indépendante ?

Certaines tendances émergent. Les enfants qui s’en sortent le mieux sont ceux qui obtiennent de bons résultats aux tests standardisés d'intelligence, qui ont des aptitudes verbales précoces et qui affichent moins de comportements perturbateurs tels que l'agressivité et l'hyperactivité. Ces facteurs sont difficiles à changer, de sorte que le défi pour les chercheurs est de trouver d'autres facteurs qui puissent être modifiés plus aisément.

"Savoir que le QI et le langage précoce permettent de prédire une issue meilleure c'est bien gentil, mais quand vous avez en face de vous une personne de 12, 18 ou 30 ans, vous ne pouvez pas y faire grand chose", dit Taylor. Alors, elle commence à étudier les facteurs sociaux et familiaux, comme la façon dont sont associées les familles, pour concevoir aux mieux les interventions.

Les dernières années de l'adolescence semblent être une période particulièrement critique. Une étude récente, par exemple, a démontré que, même si les symptômes autistiques s'améliorent généralement pendant le secondaire, cette amélioration ralentit ou cesse après l’obtention du diplôme. C'est le moment où l'accès aux services spécialisés par le biais du système scolaire s'assèche. Une étude publiée en 2011 sur près de 1000 jeunes adultes atteints d'autisme (âgés de 19 à 23 ans) a découvert que près de 40% ne reçoivent aucun service après l’obtention de leur diplôme. "Les parents d'enfants atteints d'autisme comparent souvent cela à tomber d'une falaise", dit Geraldine Dawson, conseiller scientifique en chef à Autism Speaks.

Cette perte brusque de services est particulièrement vraie pour les individus avec un QI dans la moyenne ou supérieur, dit Dawson, parce qu'ils ne sont pas admissibles aux services destinés aux adultes ayant une déficience intellectuelle. Les adultes de haut niveau sont 3 fois plus susceptibles de ne pas avoir d'activités régulières dans la formation professionnelle ou les études supérieures que les adultes avec un faible niveau cognitif. Savoir que les adultes les mieux pourvus pour réussir sont ceux qui passent à travers les mailles du filet a été une véritable sonnette d'alarme, dit Taylor.

La question de savoir si les thérapies - professionnelle, éducative, comportementale ou à base de médicaments - peuvent répondre aux attentes des adultes atteints d'autisme n’est pas encore claire. Seulement 32 de l'ensemble des études menées jusqu'à présent sur les thérapies pour l'autisme ciblent les adolescents ou adultes atteints d’autisme (âgés de 13 à 30 ans), la plupart d'entre elles ont été de piètre qualité, selon un rapport publié en Août 2012 par le US Agency for Healthcare and Quality. Il faut comparer ce chiffre avec un précédent rapport de 159 études sur des traitements qui font participer des enfants autistes de 12 ans et moins.
études.jpg
Un autre rapport de 2012, du psychologue Al Poling et ses collègues de Western Michigan University à Kalamazoo, a montré que moins de 2% des participants aux études sur les thérapies comportementales étaient âgés de 20 ou plus.

Il est probable que cela change au cours de la prochaine dizaine d'années, dit Taylor. Et c'est important parce les thérapies peuvent affecter différemment les adultes et les enfants.
Par exemple, une petite étude, contrôlée par un placébo, publiée en 2011 a révélé que les adultes qui prennent l'antidépresseur fluoxetine (commercialisé sous le nom Prozac) voient une amélioration dans leurs comportements répétitifs typiques de l'autisme. Ni la fluoxétine ni d'autres antidépresseurs n’ont de résultats concluants chez les enfants atteints d’autisme.

La recherche sur les thérapies pour l'autisme a mis l'accent sur les enfants parce que leurs cerveaux sont encore en développement. (Lire l'Article "Dans la Salle d'Attente"). Mais il y a des raisons de croire que les cerveaux adultes répondent également au traitement. Une étude sur des souris publiée en 2012 a montré qu'un composé appelé CTEP inverse beaucoup des symptômes neurochimiques et comportementaux du syndrome de l'X fragile, une forme héréditaire de déficience intellectuelle qui provoque un trouble apparenté à l'autisme. Les souris ont reçu le CTEP à l’âge de 4 à 5 semaines - l'équivalent rongeur de l'adolescence humaine - ce qui suggère que le composé peut avoir des effets bénéfiques passée le soi-disante "moment critique" du développement cérébral.

Un autre médicament, l'arbaclofen, a fait l'objet d’essais cliniques de phase II pour le syndrome de l’X fragile chez des enfants et adultes et est actuellement en cours de tests sur des adultes autistes. Une nouvelle étude démontre qu'il réduit quelques-uns des troubles sociaux et comportementaux qui sont caractéristiques du syndrome.

Un troisième médicament, le GRN-529, peut aider les personnes autistes. Il améliore de façon significative le comportement social dans un équivalent du trouble pour les rongeurs, par rapport à un groupe de contrôle. "Je pense que les perspectives sont extrêmement positives, même pour les adultes", explique Randi Hagerman, qui a dirigé l’essai avec l’arbaclofen, à University of California, Davis. "Nous poussons instamment les compagnies à faire des essais sur l'autisme avec ces médicaments et elles disent qu'elles le feront."

Même si les recherches sur les adultes autistes sont toujours à la traîne par rapport à leurs besoins de traitements, le fait que l'autisme soit maintenant considéré – et étudié - comme un trouble tout au long de la vie est encourageant.

Les 200 enfants porteurs d'autisme suivis par Lord au cours des 20 dernières années sont un rappel permanent que le développement neurologique ne s’arrête pas. "Ce qui a été si frappant c'est que les jeunes adultes atteints d'autisme peuvent faire d'énormes progrès à mesure qu'ils grandissent" dit-elle. "Il est impératif que nous examinions le développement de l’adulte et déterminions comment nous pouvons le soutenir - sur les plans humanitaire et économique. "

Lindsay Borthwick est une rédactrice indépendante à New Haven, dans le Connecticut.

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#13 Message par Benoit » vendredi 16 novembre 2012 à 18:03

Note personnelle : l'article exploite des concepts génétiques "durs".

Pour les non-professionnels voici certains éléments facilitant - je l'espère - la compréhension.

Génétique
Les chromosomes d'ADN sont le moyen de stocker l'information génétique, je pense que tout le monde sait à peu près ça.
Les différences (on parle de mutations génétiques plus ou moins rares ou communes selon la fréquence avec laquelle elles figurent dans la population) peuvent bien sûr expliquer des différences biologiques et physiologiques entre les individus.
C'est la technique dite du criblage génétiquequi permet de déterminer quel gène diffère significativement d'un groupe (ex: "les autistes") par rapport à un autre. On verra dans l'article quel poids statistique donner au terme "significativement".

Mais l'ADN ne suffit pas forcément à expliquer pourquoi toutes les cellules d'un même organisme ne se comportent pas de la même façon, ou pourquoi une chenille et un papillon ont le même ADN.
L'ADN représente le plan de la construction qu'est un corps humain (en l'espèce qui nous intéresse). Par exemple un centre commercial et une église n'ont en général pas le même plan. Mais la construction ne s'arrête pas aux plans de l'architecte.
Le maître d'ouvrage va interprêter plus ou moins strictement ce plan - en fonction de son savoir faire à lui - pour construire l'édifice.
Pour se raccrocher à l'analogie, cela correspond à la discipline qu'on appelle épigénétique, qui traite des mécanismes de l'expression des gènes, au délà de l'ADN propre. Assez sommairement, il s'agit de comprendre comment un gène présent dans l'ADN en arrive au final à être activé ou non dans la physiologie de l'individu, c'est le plus visible pour la couleur des yeux qui peut être "exprimée" différemment pour chaque oeil.

L'article exploite aussi le concept de voies associées (par exemple moléculaires) et de leur possible convergence.
Même si deux maîtres d'oeuvre peuvent utiliser des matériaux et techniques de construction différentes, en général cela n'a pas vraiment d'importance une fois que le mur est monté et qu'il tient.
De façon analogue, l'étude des voies (et de leur convergence) revient à déterminer si l'expression de gènes (rares dans le cas qui nous interesse) différents ne pourrait pas au final être identique. Le plus simple pour comprendre est de faire l'analogie avec les voies ferrées qui se divisent à l'approche d'une grande gare pour desservie chacun des quais, mais ensuite se regroupent.

Pour aller plus loin :
Sur l'épigénétique : la page avec un beau schéma Wikipedia.
Et deux articles en anglais, sur les mutations plus ou moins communes et leurs liens avec les maladies, cet article exposedes positions des uns et des autres.
Sur la recherche en épigénétique en elle même et le travail de détective correspondant, cet autre article de Nature.

Neurologie
Axones et dendrites sont les connections entre neurones. On associe la question de leur formation à la problématique de la déficience intellectuelle.

Statistique
Une cohorte est le nom donné dans le domaine médical à un échantillon de personnes (comme pour un sondage) partageant les caractéristiques désirées pour une étude approfondie.
Précisemment, on a mesuré un grand nombre de paramètres, ici par exemple le sexe, l'age, le diagnostique, les gènes, ... Il y a a la fois des gens dit "normaux", le groupe témoin, et des autistes (groupe cible) dans la cohorte. Cela permet à diverses équipes scientifiques dispersées dans le monde de produire des statistiques, reproductibles et comparables.

On considère en probabilité qu'un nombre minimum de cas d'occurence de tel ou tel évènement doit être observé pour établir le caractère tangible à un évènement, ou une association entre causes et conséquences, afin de le distinguer d'un simple mécanisme aléatoire. Pour les évènements qui ont de faibles probabilités de se produire - les mutations rares de l'article - cela implique de devoir faire une étude sur une cohorte très grande, pour à la fois trouver des cas où l'évènement rechercher se produit et en trouver le nombre adéquat.
Il n'y a pas de chiffre indiqué dans l'article, mais pour illustrer par l'exemple, si on prend un gène qui serait responsable de 1% des cas d'une population d'autistes, la cohorte doit comprendre 10 000 individus pour avoir statistiquement une chance d'observer 100 cas d'occurence (chiffre qui représente un minimum en statistique).


A la recherche de réponses
Résoudre l'énigme de la génétique de l'autisme va nécessiter de s'intéresser, au delà de la liste croissante de gènes candidats, à l'épigénétique et à la médecine personnalisée.

A l'Université Rudgers de New Brunswick (New Jersey), les échantillons sanguins de plus de 700 personnes avec autisme et de leurs familles ont été soigneusement recueillis et testés au cours des cinq dernières années. L'ADN de chacun des échantillons - presque 3 000 en tout - a été extrait, étudié et partagé entre chercheurs autour du globe. Et chacune des personnes autistes dont les gènes ont été prélevés a été soumis à des batteries de tests et d'examens pour caractériser sa condition. La Simons Simplex Collection, car c'est ainsi qu'on l'appelle, est une des plus grandes - et des plus complètes - de la poignée de cohortes autistiques autour du monde. Mais même ainsi, elle n'a pas livré beaucoup des secrets de l'autisme.

Chacune des nouvelles études utilisant les données Simons - ou celles d'un de ses équivalents - ajoute à la liste croissante des variations génétiques qui pourraient être associées au trouble, voire dans certains cas en être la cause. Mais dans l'ensemble, le catalogue étendu des gènes n'explique ni ce qui cause l'autisme à un niveau cellulaire ou moléculaire, ni quelles caractéristiques les mutations ont en commun, ni comment traiter le trouble. Pour les chercheurs, l'autisme est une énigme toujours plus complexe. Et pour les patients et leurs familles, c'est l'histoire de comment la science voler de découverte en découverte tout en étant lente à améliorer les traitements et changer les vies.
Néanmoins, aujourd'hui, une nouvelle stratégie qui intègre l'étude des protéines et de l'épigénétique au criblage génétique classique pourrait réveler certaines des causes de la maladie et potentiellement conduire à des traitements ciblés.

Le rôle de la génétique
"D'un point de vue génétique, il est clair depuis maintenant un certain temps qu'on ne va pas trouver un gène de l'autisme," explique Daniel Geschwind, neurologue et chercheur sur l'autisme à l'Université de Californie de Los Angeles. " Mais l'idée maintenant est que nous sommes passés de regarder à la lumière du lampadaire pour intégrer plusieurs approches différentes et résoudre ce problème."

Les dernières estimations des Centres américains de Controle et Prévention des Maladies indiquent qu'un enfant sur 88 aux Etats Unis a été identifié comme porteur d'un trouble du spectre autistique. Les symptomes varient de difficultés sociales légères à de sévères retards de développement et des difficultés de langage, de communication, d'interaction sociale et de comportement. Cela fait des décénies que l'on sait que le trouble a une composante génétique : les études sur les vrais jumeaux dans les années 80 ont prouvé que si l'un des jumeaux était autiste, l'autre aurait le trouble dans presque 100 pourcents des cas. Des études plus récentes sont arrivées à des chiffres légèrement plus faibles pour les études de jumeaux et des frères et soeurs, mais elles continuent d'estimer que plus de la moitié des cas d'autisme peuvent être attribués à des facteurs génétiques plutôt qu'environnementaux.

Et il existe une autre preuve de cette transmission: il devient de plus en plus clair que les parents agés - les pères en particulier - ont un risque accru de donner naissance à des enfants autistes. Une étude publiée en Août 2012 a montré qu'à chaque année de l'âge du père, entre 20 et 65 ans, le nombre de mutations transmises à sa descendance augmente. L'étude suggère que le génome d'un homme accumule les erreurs, car les spermatozoïdes [NdT contrairement aux ovules qui sont eux générés en une seule fois] se multiplient continuellement au cours de sa vie. Mais laquelle de ces mutations génétiques conduit à l'autisme ?

Fouiller le génome
Un grand nombre des premières études recherchant les gènes de l'autisme étaient des Etudes d'Association PanGénomiques (GWAS en anglais). Ces études comparent l'ADN de personnes avec et sans autisme en comparant les centaines ou des milliers de marqueurs éparpillés dans le génome. Toutefois, les GWAS ne peuvent identifier que des grandes régions du chromosome et non identifier des gènes ou des mutations génétiques spécifiques. La première étude de type GWAS sur l'autisme, publiée en 2009, a impliqué deux régions avec des effets légers : l'une sur le chromosome 5 et l'autre sur le chromosome 20. Les études ultérieures n'ont pas pu faire ressortir d'autre zones du génome à un niveau statistiquement significatif. Beaucoup de chercheurs ont été déçus de ces résultats, qui suggèrent que les mutations génétiques courantes détectées par le GWAS n'expliquent qu'une petite fraction des symptomes de l'autisme. "On a essentiellement testé l'hypothèse des mutations communes," dit Geschwind. "Et cela ne signifie pas que ces mutations communes ne contribuent pas du tout [à l'autisme], mais qu'elles ont peu d'effet. Donc intéressons nous aux mutations rares."

Cependant, à l'Université de Southern California de Los Angeles, le neurogénéticien Dan Campbell voulait être certain que l'ensemble des informations possibles aient été exploitées des données GWAS avant de passer à autre chose. "Notre approche a été de revenir à ces signes pangénomiques," dit Campbell. Il était convaincu que les mutations communes jouaient un rôle dans l'autisme du fait d'études ayant retrouvé de larges traits autistiques communs chez près de la moitié des enfants porteurs d'autisme.

Donc le laboratoire de Campbel s'est mis a étudier, plus profondément que jamais par le passé, les deux régions qui avaient été localisés. Ils ont déjà trouvé un gène sur le chromosome 5 qui pourrait jouer un rôle. La surprise, et la raison pour laquelle il n'avait pas été identifié plus tôt, c'est que c'est un ARN non codant. Au lieu d'être la base d'une protéine, le gène est traduit en molécule d'ARN qui a une activité propre dans la cellule. Dans ce cas, l'ARN se lie à un autre gène - celui qui produit une protéine appelée moésine, qui est connue pour être impliquée dans le développement du cerveau. L'ARN non codant désactive le gène de la moésine, qui est essentielle au développement précoce du cerveau. Sans moésine, les projections neuronales (axones et dendrites) sont plus courtes que la normale. En avril 2012, l'équipe de Campbell a rapporté à partir de l'analyse d'échantillons de cerveaux d'autistes décédés, que les autistes ont en moyenne 12 fois plus de cet ARN non-codant que la normale, ce qui suggère que les niveaux de moésine pourraient avoir été limités à un moment du développement. Des travaux additionels seront nécessaires pour savoir si ces niveaux anormaux de moésine peuvent conduire à un changement morphologie du cerveau chez les autistes.

Comme toutes les découvertes sur des gènes mêlés à l'autisme, cet RNA de non codage n'explique pas tous les cas de condition autistique. Et même parmi les gens qui ont la mutation génétique courante et présentent une augmentation des niveaux de l'ARN en question, l'histoire pourrait bien ne pas s'arrêter là. "Pour certains cas d'autisme, on peut établir qu'il y a 'une mutation dans ce gène' dit Campbell. "Certains cas viendront de la transmission d'une mutation génétique commune." Et d'autres cas, dit il, pourrait être le résultat de la combinaison des mutations génétiques communes avec une variante génétique rare ou un facteur environnemental.

Avec la chute du coût du séquençage génétique, de nombreux chercheurs ont abandonné le GWAS pour passer au séquençage approfondi de l'ADN des personnes autistes ainsi que des membres de leur familles non affectés, pour tenter de dénicher des mutations plus rares. En avril 2012, trois publications de recherche ont signalé le séquençage d'exomes (la partie du génome qui réalise la fonction de codage) couvrant pour une population totale de plus de 1 000 patients autistes et de centaines de membres de leurs familles. Toutes ensembles, les études font apparaître plus de 1 000 gènes de l'ensemble du génome associé à l'autisme, ce qui dépasse largement les estimations précédentes sur le nombre de gènes rares qui pourraient contribuer au trouble.

Le généticien Jay Shendure, de l'Université de l'Etat de Washington à Seattle, dit que le défi est que plus rare est la mutation, us important doit être la taille de l'échantillon requis pour établir la preuve de son rôle dans l'autisme. Il y a des centaines de milliers de personnes avec troubles du spectre autistique aux Etats Unis, par exemple, mais seule une toute petite fraction de cette population fait l'objet d'études bien définies telle que la Simons Simplex Collection. "Le coût du séquençage chute si vite que je suis persuadé qu'on va en arriver d'ici quelques années au point que toutes les bonnes cohortes disponibles auront été séquencées", dit Shendure. "Mais le nombre de personnes nécessaires pour prouver l'implication de ces gènes pourrait être encore plus grand, et ça signifie qu'il nous faudrait plus de cohortes." Le nombre de personnes avec autismes aux Etats Unis est important, mais cela prend du temps d'inscrire des patients dans les études - chaque individu doit passer par une phase de tests approfondis et standardisés.

C'est une tâche que de trouver les mutations génétiques, et c'en est une autre que de les comprendre. Shendure exprime la nécessité de nouvelles techniques d'analyse pour mettre dans leur contexte les listes croissantes des gènes de l'autisme. L'utilisation de cartes des interactions entre protéines parmi les cellules permet, par exemple, aux chercheurs de trouver des réseaux de protéines affectées par un grand nombre de mutations génétiques, ce qui peut suggérer des mécanismes communs pour une maladie. Ainsi, en s'appuyant sur des nouveaux catalogues de données d'expression génétique, ils peuvent déterminer sur quelles cellules les mutations connues ont un effet. "Plus nous avons de formes de données à entrecouper avec les notres, plus nous pouvons en tirer des résultats", dit Shendure.
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En allant au delà des gènes
L'approche de biologie des systèmes que propose Shendure est également cautionnée par Geschwind. Les mutations rares qui apparaissent dans les études de l'exome ne sont pas nécessairement toutes des facteurs de causalité de l'autisme. Ainsi, en utilisant les données de la Simons Simplex Collection, Geschwind et ses collègues ont récemment établi le profil génétique des transcriptomes (l'ensemble de tous les ARN produits) de 244 personnes autistes et des membres de leur famille afin d'avoir une bonne idée de quelles mutations génétiques amènent à une réelle modification de l'expression génétique.
"La convergence des voies sera probablement assez significative", dit Geschwind. On peut imaginer que beaucoup de gènes différents finissent par amener à des dysfonctionnements similaires au niveau des circuits neuronaux du cerveau.

L'étude de Geschwind a détermine que de nombreux de ces gènes présentant des schémas d'expression génétique modifiée, était amassés dans des voies connues pour jouer des rôles importants dans le fonctionnement, le développement et la structure des neurones. Cette découverte que des mutations génétiques en apparence différentes pourraient causer la maladie à travers des mécanismes identiques. Des traitements ciblant ces voies pourraient aider de nombreux patients dont les différentes mutations génétiques jouent dans un même réseau.

L'équipe de Geschwind a analysé les profils d'expression génétique dans le cerveau de 19 personnes avec autisme et 17 sans, en utilisant les tissus du cerveau collectés post mortem. Pour chacun des cerveaux, les scientifiques ont étudié trois différentes régions, toutes considérées comme importantes dans l'autisme. Ils ont découvert que chez les personnes avec autisme, deux régions du cerveau qui ont normalement des schémas d'expression génétique distincts - le lobe frontal et le lobe temporal du cortex cérébral - ont en fait des schémas presque identiques, avec les mêmes gènes activés ou non. Cette modification génétique suggère un manque de spécialisation parmi certaines des cellules du cerveau, qui pourraient conduire à des différences dans la façon dont le cerveau traite l'information.

L'étude de Geschwind était petite. "Il n'y a tout simplement pas beaucoup de tissus post-mortem qui corresponde à nos critères", dit il. "Donc nous sommes coincés avec de petites cohortes." Avec l'augmentation à venir des collections de tissus, il espère réitérer les études et explorer plus avant la singulière morphologie du cerveau associée à l'autisme.

Dans l'Université de Californie, à Davis, la chercheur en génétique et immunologie Janine LaSalle recherche également au delà du simple criblage génétique des mutations autistiques, dans l'espoir de rassembler dans une découverte à un autre niveau les centaines de gènes qu'on découvre dans l'autisme. Au lieu de se concentrer sur les protéines, LaSalle s'intéresse à l'épigénétique - les modifications de l'expression génétique à travers des modifications chimiques ou structurelles de l'ADN comme l'ajout de groupements méthyle à l'ADN, plutôt qu'aux changements du code lui-même.

Les patrons épigénétiques dans les cellules peuvent être transmis du parent à l'enfant ou affectés par l'environnement, et peuvent causer des changements majeurs dans les voies moléculaires. Si des changements épigénétiques étaient découverts chez les personnes avec autisme, elles pourraient aller jusqu'à expliquer la complexité du trouble, explique LaSalle. "Même une legère touche à l'une de ces voies de changements dans la méthylation peut avoir le même effet que d'éliminer intégralement un gène," dit elle.

Le syndrome de Rett, un trouble du spectre de l'autisme, fourni déjà des indices. Ce trouble neurodéveloppemental, qui affecte principament les femmes, conduit à des anomalies physiques, des mouvements répétitifs et un manque de compétences verbales. Le syndrome a été relié à un gène, MECP2, qui contrôle le silençage épigénétique d'autres gènes dans les neurones. LaSalle a montré que chez la souris, les mutations du MECP2 modifient la façon dont les gènes sont activés ou désactivés en réponse à un produit chimique trouvé dans les retardateurs de flamme. Ses résultats ne prouvent pas que ces produits chimiques sont une cause de l'autisme, mais ils suggèrent que les mécanismes épigénétiques du MECP2 pourraient faire le lien entre génétique et impacts environnemental pour l'autisme. Des chercheurs dans le domaine émergeant de l'épigénétique de l'environnement ont déjà découvert que de nombreuses toxines et polluants de l'environnement réduisent globalement ma méthylation dans les cellules, dit elle.

Mais l'épigénétique constitue un domaine jeune, et on a besoin de nouvelles techniques pour être capable de comprendre totalement ce qui controle la méthylation et, en particulier, comment elle peut avoir un rôle unique pour les neurones. Il y a des preuves selon lesquelles dans les neurones, la méthylation est influencée non seulement par des facteurs environnementaux et transmis, mais également par l'activité neuronale elle même, mettant en place une boucle de rétroaction. De plus, on a trouvé que les neurones présentaient des patrons épigénétiques distincts du reste du corps. Jusque récemment, on pensait que la plupart de la méthylation était concentrée dans les promoteurs de gènes, et la plupart des tests commerciaux de méthylation sont de parti pris en faveur des promoteurs.

Avec l'amélioration de la technologie qui étude ces patrons, dit LaSalle, des liens épigénétiques supplémentaires avec l'autisme émergeront. Par exemple, des modifications épigénétiques pourraient influencer les mêmes gènes et voies que les mutations génétiques. "La vraie clé est de superposer les données épigénétiques avec des études d'association pangénomiques et de faire travailler les gens ensemble," dit LaSalle.

Des chasseurs optimistes
A ce jour, aucun gène individuel qui représenterait plus de quelque pourcents des cas d'autisme n'a été trouvé. Pourtant, la découverte dans la dizaine d'année passée de plus de 100 gènes liés à l'autisme est une forme de progrès. En effet, d'après Geschwind, les maladies et mutations connues expliquent collectivement maintenant près d'un cinquième des cas d'autisme. "Si vous m'aviez demandé il y a 10 ans si je pensais qu'on était sur le point de comprendre le risque génétique dans 20 à 25% des cas d'autisme, j'aurais trouvé cette idée très, très optimiste", dit il. "Mais le domaine bouge rapidement".

Très récemment, un traitement possible d'une forme rare d'autisme qui implique une mutation du gène BCKDK a été signalée. Des expériences sur des souris au BCKDK déficient ont montré une amélioration avec l'administration d'un régime riche en acides-aminés à chaine ramifiée (BCAA). Les mutations du BCKDK diminuent le niveau de BCAA, et chez des patients humains le traitement a contribué à restaurer le niveau de BCAA dans le plasma. Ces développements prometteurs pourraient amener à des traitements par séquençage d'exomes pour relier des gènes spécifiques à leurs effets physiologiques.

Au final, dit Geschwind, les traitements de l'autisme pourraient devenir personalisés. Des tests génétiques pourraient déterminer quel traitement peut fonctionner dans le cas d'un patient donné. Mais d'abord, des études sur des réseaux de protéines plus vastes et les causes sous-jacentes de l'autisme vont vraissemblablement nous amener à des traitements plus génériques qui fonctionnent sur au moins certains patients, mais comme ces traitements cibleront des voies cellulaires larges, ils pourraient bien apporter des effets secondaires indésirables. Geschwind cite l'exemple d'autres sciences cliniques. "Je vois le cancer comme une dizaine d'années en avance des neurosciences", dit il. "Dans le cancer ils sont efficaces dans certains cas mais ils ont aussi des effets hors de la cible. A bien des égards ce domaine avance maintenant vers des médicaments plus ciblés."

Les volumineuses bases de données des gènes candidats de l'autisme qui sont maintenant disponibles rendent la quête des explications de l'autisme plus compliquée que les chercheurs ne l'espéraient. Mais la complexité de la condition autistique stimule la croissance des approches étudiées et pousse les scientifiques à dépasser les explications génétiques évidentes de l'autisme. "Nous avons compris qu'expliquer l'autisme n'est pas simple," dit Geschwind. "Mais j'ai une vision assez optimiste. Nous allons continuer à faire des progrès - et une grande partie grace aux importantes collaborations dans le domaine et à l'influx de nouvelles personnes qui abordent le sujet de l'autisme."

Sarah C. P. Williams est rédactrice scientifique indépendante basé à Kailua, Hawaii.
Modifié en dernier par Benoit le mercredi 21 novembre 2012 à 15:50, modifié 11 fois.

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Re: Appel à traductions, Nature de Novembre 2012.

#14 Message par Jean » vendredi 16 novembre 2012 à 20:08

Vous allez fort ! Même la traduction des infographies :bravo: :bravo:
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans

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Re: Appel à traductions, Nature de Novembre 2012.

#15 Message par Jean » mardi 20 novembre 2012 à 21:27

Voir sur le site Autisme Information Science, traduction de l'article Perspective: Brain scans need a rethink
Ben Deen & Kevin Pelphrey :

Perspective: les scanners cérébraux nécessitent d'être repensés
http://autisme-info.blogspot.fr/2012/11 ... braux.html
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans

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