MDPH, scolarisation : à mi-chemin, en panne
Posté : mercredi 1 juillet 2009 à 12:03
Ci-dessous un article paru dans : UNION SOCIALE -Mai 2009 –N°227
MDPH, scolarisation : à mi-chemin, en panne Les MDPH souffrent d'un déficit chronique de moyens, qui ne leur permet pas d'atteindre les objectifs fixés par la loi. Et la scolarisation des enfants handicapés à l'école de tous suppose un énorme chantier d'adaptation. qui en est à ses débuts. Un point sur ces deux sujets, 4 ans après la loi de 2005.
« Une majorité de MDPH, dit Malika Boubekeur, qui suit le dossier à l’APF; n'ont pas aujourd'hui les moyens suffisants pour accomplir les missions que la loi leur attribue ». En synthétisant les informations qui remontent des équipes APF, présentes dans quasi toutes les CDAPH', ou des groupes de travail mixtes (associations et administration) de la CNSA, elle signale, entre autres, que les droits ouverts, en termes d'aides humaines, par les CDA, sont revus à la baisse par les services de certains conseils généraux, ce qui est illégal; que les équipes pluridisciplinaires, censées évaluer les besoins des personnes, ne sont « activées » que pour les demandes de prestation de compensation, « soit 5% des demandes adressées aux MDPH » ; que beaucoup de demandes d’AAH ou d’AEEH (2) sont examinées sur dossier, sans que la personnes, les parents soient accueillis, orientés, comme le prévoit la loi.
Pourquoi de telles dérives ? D’abord, souligne Mme Boubekeur, d’accord en cela avec la CNSA, la loi de 2005 a introduit un formidable changement de culture, de concepts, tout en fusionnant dans une structure unique (la MDPH) les professionnels des ex-COTOREP, CDES, des Ddass, ceux des conseils généraux, qui ne travaillaient pas ensemble et qui, pour les derniers, n’étaient pas au contact du public. D’où des retards, des lenteurs, une inévitable période de rodage, qui n’est pas close. Mais a joué aussi, comme on le sait, la question des personnels, soulignée par Jean-Louis Loirat, directeur du réseau MDPH à la CNSA. L’Etat, indique-t-il en substance, aurait dû mettre à disposition des départements les fonctionnaires des Ddass jusque-là affectés aux Cotorep et CDES; mais comme ils ont pu faire jouer un droit d'option entre MDPH et corps d'origine, seule une « petite moitié » a intégré les MDPH; d'où un déficit de 5 ou 600 emplois et une perte nette de savoir-faire.
L’Etat mauvais payeur
Le problème, complète Malika Boubekeur, « c'est que l'Etat, dans la plupart des cas, n’a pas compensé, en 2008 et 2009, les pertes sèches en personnel subies par les conseils généraux. » Ceux-ci, qui avaient embauché des CDD, en attendant que les fonds de l’Etat arrivent, ont dû s’en séparer, faute de subsides. Nombre de MDPH se retrouvent donc en sous-effectif.
Côté nerf de la guerre, un autre aspect entre en ligne de compte. Pour financer la prestation de compensation (PCH), les départements perçoivent une enveloppe de la CNSA, qui est fermée et qui, selon l’APF, a baissé cette année de 46 millions d'euros, du fait de la crise. Leur crainte, comme cela s'est déjà passé pour l'Apa, est d'avoir à payer plus qu'ils ne reçoivent. Certains estiment déjà avoir été trop généreux et expliquent qu'ils calculeront la PCH non à partir des besoins des personnes, mais de ratios financiers ; ils rognent sur la dépense. Pourtant, répond Jean-Louis Loirat, la contribution de la CNSA a régulièrement augmenté au fil des ans.. .
Toujours est-il que le déficit de personnel pèse sur les délais de traitement des demandes adressées à la MDPH -autre sujet sensible -que la loi fixe à 4 mois.
Ces délais varient en fonction du type de demandes : si celle-ci est simple, comme dans le cas d'un renouvellement d'AAH, ils sont plus souvent respectés ; mais si le dossier est plus complexe, suppose que la situation soit évaluée, que l'équipe pluridisciplinaire soit disponible, les délais « dérapent » .
Ceci peut se comprendre. Mais, note Mme Boubekeur, « il faut savoir que presque toutes les MDPH ont emménagé dans de nouveaux locaux, afin de rassembler les services en un lieu unique, d'où une perte de temps; que beaucoup de dossiers ont été perdus; que l'informatisation, souvent, n'est pas terminée. Autant de raisons pour lesquelles, dans certains départements, les délais ne sont pas tenus pour des demandes simples » . Quand, pour un renouvellement d'AAH, ils dépassent 8, 10,12 mois ou plus, ce qui est fréquent, « ce n’est pas normal ». En matière de formation, on reconnaît, à l’APF, que la CNSA a engagé un vrai effort pour former les salariés des MDPH, notamment sur l'accueil des usagers, l'appropriation des outils d'évaluation, tels le Geva (3). Reste que l'ensemble du personnel est loin d'être passé en stages, notamment quand il travaille sous contrat précaire. Enfin, les critiques se concentrent sur les inégalités de traitement des usagers, flagrantes pour les personnes qui recourent aux Fonds de compensation. Ces fonds ont été créés pour payer le reste à charge lié aux limitations de tarifs prévues par la PCH. Problème : comme le décret qui devait réglementer ces fonds n'est jamais paru, chaque conseil général a fixé ses propres critères et, écrit l’APF, « il n'y a ni cohérence, ni harmonisation des pratiques ». De plus, l'État « s'est totalement désengagé de ces fonds en 2009 ».
10 ans, pour conduire le changement
De son côté, la CNSA, chargée d'animer le réseau des MDPH, sans rôle hiérarchique, remet ces critiques en perspective. Hugues Fievet, expert méthode, fait observer que, suite à la loi de 2005, les Maisons départementales ont dû traiter les demandes d'un nouveau public, les personnes handicapées psychiques ; qu'une prestation nouvelle, la PCH, plus exigeante que l'existant, a été instaurée. De plus, ajoute-t-il, de nouvelles missions ont été définies - l'accueil, donc l'information, l'orientation des personnes, « qui ont fait l'objet de gros efforts » des MDPH; et le suivi de I'effectivité des réponses, tâche à laquelle des temps pleins d'agents ont été affectés. « Le périmètre d'action est donc très élargi' par rapport à la situation antérieure », ce qui suppose une phase de montée en charge, pour traduire dans les faits les ambitions de la loi.
Face à ce défi, la CNSA, poursuit-il, « s'est lancée dans un vaste projet de conduite du changement, sur au moins 10 ans ». Dans une première phase, on a installé les Maisons elles-mêmes, maintenant en place partout. Puis il s'est agi d'harmoniser les pratiques, via le guide de l'Évaluation (Geva) ou le formulaire unique. En matière de formation, « plus de 400 réunions nationales ont été organisées depuis 4 ans, pour expliquer la loi, à I'intention des directeurs, des agents d'accueil, des équipes d'évaluation ».
En parallèle, des formateurs-relais ont développé des points techniques précis. Par ailleurs, une notion comme le projet de vie (la MDPH devait aider la personne à le bâtir) a été revisitée à la lumière de l'expérience, en accord avec les associations - les gens seraient trop en souffrance pour relever un tel défi, ou pas en capacité de le faire, dans le cas du handicap mental, estime M. Fievet. Il préfère parler « des attentes et besoins des personnes ».
Scolarité :le parcours du combattant, toujours
Second point, la scolarisation. Sur ce sujet, les observations concordent : il y a eu, à la suite de la loi, un effort réel de 1'Éducation nationale pour intégrer dans l'école ordinaire les enfants handicapés, à telle enseigne que le nombre d'enfants handicapés présents en primaire ou secondaire a presque doublé entre 2002-2003 et 2007-2008 - il est passé de 89 000 à 162 000.
Cependant, une série de « bémols » relativise, voire annule pour partie ce résultat.
Comme cela a été relevé par des sources différentes (4), un grand nombre de ces enfants n'est scolarisé qu'à temps partiel, voire très partiel (quelques heures par semaine), ceci du fait de la pénurie d'accompagnants. De même, les associations signalent un manque de places en classes d'intégration scolaire (primaire) ou unités pédagogiques d'intégration (secondaire), malgré les efforts, effectifs, qui ont été constatés.
En outre, les parents qui s'adressent à la Défenseure des enfants, aux associations, font état d'un vrai « parcours du combattant », pour trouver une place à l'école, être informé, orienté : « aussi, remarque Bénédicte Cail, de l'APF, « ce sont les parents les mieux armés culturellement qui s'en sortent, les autres sont livrés à eux-mêmes ». Pourtant, la loi prévoit que les MDPH accueillent et appuient les parents dans leurs démarches : mais « elles sont accaparées par les tâches administratives, par la gestion des dossiers et manquent de moyens pour assurer les autres tâches » observe Hugues Feltesse, délégué général de la Défenseure des Enfants. Retour au chapitre précédent. Dans le même ordre d'idées, les enseignants référents, qui pourraient aider les familles, ont trop de dossiers à suivre (de 100 à 300, selon les départements). Malgré leur engagement, ils sont amenés, constate Mme Cail, à faire le minimum.
D'autres facteurs nuisent à la qualité de la scolarité. Comme l'a relevé le sondage réalisé par la Halde fin 2008 dans les écoles primaires, les enseignants et directeurs ne sont pas ou insuffisamment formés à l'accueil d'enfants handicapés - ils le sont dans les Clis ou les UPI, mais pas quand il y a accueil individuel en classe ordinaire (5). Des stages existent, mais qui n'ont aucun caractère systématique.
On sait aussi que les emplois d'accompagnement (AVS, ou EVS (6)), n'ont pas été pensés comme de vrais métiers ; il s'agit davantage, dans l'esprit, de jobs ou de petits boulots précaires, souvent assurés sans formation ou avec un apport de connaissance a minima. Un groupe de travail planche au ministère sur la question des AVS. Concernant les Emplois de vie scolaire (EVS), qui étaient au 31mars 2008 plus de 10 000 (7)' soit presque autant que d'AVS, ce sont des contrats aidés, qui s'adressent à des personnes en difficultés d'insertion, notamment des demandeurs d'emploi de longue durée. «Il ne s'agit pas d'exclure ces publics, dit Hugues Feltesse, mais il faut se donner les moyens de les accompagner ».
A quand des écoles accessibles ?
En ce qui concerne l'accueil périscolaire (mercredi, petites vacances, cantine.. .), peu d'efforts ont été consentis et l'offre reste plus que lacunaire. Pourtant, notent les associations, le brassage des enfants handicapés avec leurs camarades dans ce cadre favoriserait leur intégration. La Défenseure des enfants réclame sur ce point un soutien renforcé des communes, compétentes en la matière, et des CAF. On attend sur ce sujet le décret sur la parentalité (en application de la loi de 2005), qui permettrait aux Caf d'intervenir. Mais pour que les enfants handicapés rentrent dans les écoles, il faut d'abord qu'elles leur soient accessibles ! Or le sondage de la Halde révèle que 38 % des élus interrogés n'ont pas mis en place de commission communale d'accessibilité, pourtant obligatoire. Bénédicte Cail, qui tient une permanence téléphonique à l'APF à la rentrée, témoigne qu'on suggère souvent à la famille d'inscrire l'enfant handicapé moteur dans le collège de la ville voisine, quand le plus proche n'est pas accessible ; quand le bâtiment est ancien, l'opération s'avère complexe, surtout si les élèves changent de classe à plusieurs reprises au cours de la journée. Il faut donc rappeler aux élus que la mise aux normes d'accessibilité des établissements scolaires s'impose à eux.
Bernard Boudet
1. Commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées.
2.Allocation d'enfant handicapé.
3. Guide d'évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées,
4.Défenseure des enfants, Rapport au Comité des Nations unies sur les droits de l'enfant, Halde.. .
5. Cf Avis de la CNCDH du 6novembre 2008.
6 Auxiliaire de vie scolaire ou Emplois de vie scolaire.
7.Chiffres indiqués par l’APF
MDPH, scolarisation : à mi-chemin, en panne Les MDPH souffrent d'un déficit chronique de moyens, qui ne leur permet pas d'atteindre les objectifs fixés par la loi. Et la scolarisation des enfants handicapés à l'école de tous suppose un énorme chantier d'adaptation. qui en est à ses débuts. Un point sur ces deux sujets, 4 ans après la loi de 2005.
« Une majorité de MDPH, dit Malika Boubekeur, qui suit le dossier à l’APF; n'ont pas aujourd'hui les moyens suffisants pour accomplir les missions que la loi leur attribue ». En synthétisant les informations qui remontent des équipes APF, présentes dans quasi toutes les CDAPH', ou des groupes de travail mixtes (associations et administration) de la CNSA, elle signale, entre autres, que les droits ouverts, en termes d'aides humaines, par les CDA, sont revus à la baisse par les services de certains conseils généraux, ce qui est illégal; que les équipes pluridisciplinaires, censées évaluer les besoins des personnes, ne sont « activées » que pour les demandes de prestation de compensation, « soit 5% des demandes adressées aux MDPH » ; que beaucoup de demandes d’AAH ou d’AEEH (2) sont examinées sur dossier, sans que la personnes, les parents soient accueillis, orientés, comme le prévoit la loi.
Pourquoi de telles dérives ? D’abord, souligne Mme Boubekeur, d’accord en cela avec la CNSA, la loi de 2005 a introduit un formidable changement de culture, de concepts, tout en fusionnant dans une structure unique (la MDPH) les professionnels des ex-COTOREP, CDES, des Ddass, ceux des conseils généraux, qui ne travaillaient pas ensemble et qui, pour les derniers, n’étaient pas au contact du public. D’où des retards, des lenteurs, une inévitable période de rodage, qui n’est pas close. Mais a joué aussi, comme on le sait, la question des personnels, soulignée par Jean-Louis Loirat, directeur du réseau MDPH à la CNSA. L’Etat, indique-t-il en substance, aurait dû mettre à disposition des départements les fonctionnaires des Ddass jusque-là affectés aux Cotorep et CDES; mais comme ils ont pu faire jouer un droit d'option entre MDPH et corps d'origine, seule une « petite moitié » a intégré les MDPH; d'où un déficit de 5 ou 600 emplois et une perte nette de savoir-faire.
L’Etat mauvais payeur
Le problème, complète Malika Boubekeur, « c'est que l'Etat, dans la plupart des cas, n’a pas compensé, en 2008 et 2009, les pertes sèches en personnel subies par les conseils généraux. » Ceux-ci, qui avaient embauché des CDD, en attendant que les fonds de l’Etat arrivent, ont dû s’en séparer, faute de subsides. Nombre de MDPH se retrouvent donc en sous-effectif.
Côté nerf de la guerre, un autre aspect entre en ligne de compte. Pour financer la prestation de compensation (PCH), les départements perçoivent une enveloppe de la CNSA, qui est fermée et qui, selon l’APF, a baissé cette année de 46 millions d'euros, du fait de la crise. Leur crainte, comme cela s'est déjà passé pour l'Apa, est d'avoir à payer plus qu'ils ne reçoivent. Certains estiment déjà avoir été trop généreux et expliquent qu'ils calculeront la PCH non à partir des besoins des personnes, mais de ratios financiers ; ils rognent sur la dépense. Pourtant, répond Jean-Louis Loirat, la contribution de la CNSA a régulièrement augmenté au fil des ans.. .
Toujours est-il que le déficit de personnel pèse sur les délais de traitement des demandes adressées à la MDPH -autre sujet sensible -que la loi fixe à 4 mois.
Ces délais varient en fonction du type de demandes : si celle-ci est simple, comme dans le cas d'un renouvellement d'AAH, ils sont plus souvent respectés ; mais si le dossier est plus complexe, suppose que la situation soit évaluée, que l'équipe pluridisciplinaire soit disponible, les délais « dérapent » .
Ceci peut se comprendre. Mais, note Mme Boubekeur, « il faut savoir que presque toutes les MDPH ont emménagé dans de nouveaux locaux, afin de rassembler les services en un lieu unique, d'où une perte de temps; que beaucoup de dossiers ont été perdus; que l'informatisation, souvent, n'est pas terminée. Autant de raisons pour lesquelles, dans certains départements, les délais ne sont pas tenus pour des demandes simples » . Quand, pour un renouvellement d'AAH, ils dépassent 8, 10,12 mois ou plus, ce qui est fréquent, « ce n’est pas normal ». En matière de formation, on reconnaît, à l’APF, que la CNSA a engagé un vrai effort pour former les salariés des MDPH, notamment sur l'accueil des usagers, l'appropriation des outils d'évaluation, tels le Geva (3). Reste que l'ensemble du personnel est loin d'être passé en stages, notamment quand il travaille sous contrat précaire. Enfin, les critiques se concentrent sur les inégalités de traitement des usagers, flagrantes pour les personnes qui recourent aux Fonds de compensation. Ces fonds ont été créés pour payer le reste à charge lié aux limitations de tarifs prévues par la PCH. Problème : comme le décret qui devait réglementer ces fonds n'est jamais paru, chaque conseil général a fixé ses propres critères et, écrit l’APF, « il n'y a ni cohérence, ni harmonisation des pratiques ». De plus, l'État « s'est totalement désengagé de ces fonds en 2009 ».
10 ans, pour conduire le changement
De son côté, la CNSA, chargée d'animer le réseau des MDPH, sans rôle hiérarchique, remet ces critiques en perspective. Hugues Fievet, expert méthode, fait observer que, suite à la loi de 2005, les Maisons départementales ont dû traiter les demandes d'un nouveau public, les personnes handicapées psychiques ; qu'une prestation nouvelle, la PCH, plus exigeante que l'existant, a été instaurée. De plus, ajoute-t-il, de nouvelles missions ont été définies - l'accueil, donc l'information, l'orientation des personnes, « qui ont fait l'objet de gros efforts » des MDPH; et le suivi de I'effectivité des réponses, tâche à laquelle des temps pleins d'agents ont été affectés. « Le périmètre d'action est donc très élargi' par rapport à la situation antérieure », ce qui suppose une phase de montée en charge, pour traduire dans les faits les ambitions de la loi.
Face à ce défi, la CNSA, poursuit-il, « s'est lancée dans un vaste projet de conduite du changement, sur au moins 10 ans ». Dans une première phase, on a installé les Maisons elles-mêmes, maintenant en place partout. Puis il s'est agi d'harmoniser les pratiques, via le guide de l'Évaluation (Geva) ou le formulaire unique. En matière de formation, « plus de 400 réunions nationales ont été organisées depuis 4 ans, pour expliquer la loi, à I'intention des directeurs, des agents d'accueil, des équipes d'évaluation ».
En parallèle, des formateurs-relais ont développé des points techniques précis. Par ailleurs, une notion comme le projet de vie (la MDPH devait aider la personne à le bâtir) a été revisitée à la lumière de l'expérience, en accord avec les associations - les gens seraient trop en souffrance pour relever un tel défi, ou pas en capacité de le faire, dans le cas du handicap mental, estime M. Fievet. Il préfère parler « des attentes et besoins des personnes ».
Scolarité :le parcours du combattant, toujours
Second point, la scolarisation. Sur ce sujet, les observations concordent : il y a eu, à la suite de la loi, un effort réel de 1'Éducation nationale pour intégrer dans l'école ordinaire les enfants handicapés, à telle enseigne que le nombre d'enfants handicapés présents en primaire ou secondaire a presque doublé entre 2002-2003 et 2007-2008 - il est passé de 89 000 à 162 000.
Cependant, une série de « bémols » relativise, voire annule pour partie ce résultat.
Comme cela a été relevé par des sources différentes (4), un grand nombre de ces enfants n'est scolarisé qu'à temps partiel, voire très partiel (quelques heures par semaine), ceci du fait de la pénurie d'accompagnants. De même, les associations signalent un manque de places en classes d'intégration scolaire (primaire) ou unités pédagogiques d'intégration (secondaire), malgré les efforts, effectifs, qui ont été constatés.
En outre, les parents qui s'adressent à la Défenseure des enfants, aux associations, font état d'un vrai « parcours du combattant », pour trouver une place à l'école, être informé, orienté : « aussi, remarque Bénédicte Cail, de l'APF, « ce sont les parents les mieux armés culturellement qui s'en sortent, les autres sont livrés à eux-mêmes ». Pourtant, la loi prévoit que les MDPH accueillent et appuient les parents dans leurs démarches : mais « elles sont accaparées par les tâches administratives, par la gestion des dossiers et manquent de moyens pour assurer les autres tâches » observe Hugues Feltesse, délégué général de la Défenseure des Enfants. Retour au chapitre précédent. Dans le même ordre d'idées, les enseignants référents, qui pourraient aider les familles, ont trop de dossiers à suivre (de 100 à 300, selon les départements). Malgré leur engagement, ils sont amenés, constate Mme Cail, à faire le minimum.
D'autres facteurs nuisent à la qualité de la scolarité. Comme l'a relevé le sondage réalisé par la Halde fin 2008 dans les écoles primaires, les enseignants et directeurs ne sont pas ou insuffisamment formés à l'accueil d'enfants handicapés - ils le sont dans les Clis ou les UPI, mais pas quand il y a accueil individuel en classe ordinaire (5). Des stages existent, mais qui n'ont aucun caractère systématique.
On sait aussi que les emplois d'accompagnement (AVS, ou EVS (6)), n'ont pas été pensés comme de vrais métiers ; il s'agit davantage, dans l'esprit, de jobs ou de petits boulots précaires, souvent assurés sans formation ou avec un apport de connaissance a minima. Un groupe de travail planche au ministère sur la question des AVS. Concernant les Emplois de vie scolaire (EVS), qui étaient au 31mars 2008 plus de 10 000 (7)' soit presque autant que d'AVS, ce sont des contrats aidés, qui s'adressent à des personnes en difficultés d'insertion, notamment des demandeurs d'emploi de longue durée. «Il ne s'agit pas d'exclure ces publics, dit Hugues Feltesse, mais il faut se donner les moyens de les accompagner ».
A quand des écoles accessibles ?
En ce qui concerne l'accueil périscolaire (mercredi, petites vacances, cantine.. .), peu d'efforts ont été consentis et l'offre reste plus que lacunaire. Pourtant, notent les associations, le brassage des enfants handicapés avec leurs camarades dans ce cadre favoriserait leur intégration. La Défenseure des enfants réclame sur ce point un soutien renforcé des communes, compétentes en la matière, et des CAF. On attend sur ce sujet le décret sur la parentalité (en application de la loi de 2005), qui permettrait aux Caf d'intervenir. Mais pour que les enfants handicapés rentrent dans les écoles, il faut d'abord qu'elles leur soient accessibles ! Or le sondage de la Halde révèle que 38 % des élus interrogés n'ont pas mis en place de commission communale d'accessibilité, pourtant obligatoire. Bénédicte Cail, qui tient une permanence téléphonique à l'APF à la rentrée, témoigne qu'on suggère souvent à la famille d'inscrire l'enfant handicapé moteur dans le collège de la ville voisine, quand le plus proche n'est pas accessible ; quand le bâtiment est ancien, l'opération s'avère complexe, surtout si les élèves changent de classe à plusieurs reprises au cours de la journée. Il faut donc rappeler aux élus que la mise aux normes d'accessibilité des établissements scolaires s'impose à eux.
Bernard Boudet
1. Commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées.
2.Allocation d'enfant handicapé.
3. Guide d'évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées,
4.Défenseure des enfants, Rapport au Comité des Nations unies sur les droits de l'enfant, Halde.. .
5. Cf Avis de la CNCDH du 6novembre 2008.
6 Auxiliaire de vie scolaire ou Emplois de vie scolaire.
7.Chiffres indiqués par l’APF