A.M. Avec Afp
Publié le 17/06/2021, mis à jour à14h45
Le gouvernement a demandé jeudi un vote bloqué à l’Assemblée nationale sur le sujet sensible de la « déconjugalisation » de l’AAH, déclenchant la fureur des oppositions.
Ambiance orageuse à l’Assemblée nationale jeudi en début d’après-midi. Les députés examinaient le sensible calcul de
l’Allocation adulte handicapé (AAH), avec un front commun des oppositions contre le gouvernement, LREM et son allié Modem qui veulent continuer à prendre en compte les revenus du conjoint.
La mesure, qui prévoit d’individualiser l’aide, est au coeur de la proposition de loi portant « diverses mesures de justice sociale » débattue dans l’hémicycle en matinée, dans le cadre d’une « niche » du groupe communiste. En commission mercredi dernier, gouvernement, LREM et Modem ont détricoté le projet de réforme de l’AAH, une allocation versée sous conditions de ressources d’un montant maximal de 903,60 euros.
L’Assemblée s’enflamme après l’annonce d’un « vote bloqué » par le gouvernement
Les partisans d’une
« déconjugalisation » de l’AAH, c’est-à-dire sans tenir compte des revenus du conjoint, espéraient un revirement jeudi dans les votes sur ce sujet. Ils ont été déçus, et c’est peu de le dire. Par la voix de Sophie Cluzel, la secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées, le gouvernement a demandé une procédure de « vote bloqué », qui permet de ne voter que ses amendements. Victoire imparable au vote : 121 pour, 101 contre.
Une partie des élus des oppositions, de LR aux Insoumis a en réaction décidée de quitter les bancs. « Carton rouge au gouvernement ! », a lancé François Ruffin (LFI) qui dénonce « la honte en Marche ». Même son de cloche à l’opposé de l’échiquier politique, Nicolas Dupont-Aignan évoquant « un coup de force du gouvernement » et un « déni de démocratie au détriment des plus fragiles ».
« J’ai honte pour vous »
« Vous êtes en train de porter une atteinte très grave à la démocratie parlementaire et j'en ai honte pour vous », a lancé le député communiste André Chassaigne, furieux lors d’un discours enflammé. « Je suis totalement respectueuse de tout le monde, que ça soit des personnes en situation de handicap ou des députés de tout bord », a ajouté
Sophie Cluzel en reprenant la parole.
Cette «déconjugalisation» devait permettre de ne pas pénaliser certains allocataires. Mais gouvernement et groupes LREM et MoDem s’y sont opposés et ont fait voter une mesure qu’ils jugent « plus redistributive »: un abattement forfaitaire de 5000 euros sur les revenus du conjoint. Plus de 60% des 150 000 couples dont le bénéficiaire de l’AAH est inactif doivent conserver ainsi leur AAH à 903 euros, au lieu de 45% des couples aujourd’hui.
« A partir de 2000 euros de revenus pour le conjoint, on n’a plus droit à l’AAH. Les ressources d’un conjoint ne font pas disparaître le handicap et on est ainsi à la merci de son compagnon », explique Pascale Ribes, présidente de APF France Handicap.
Plus de 1,2 million de bénéficiaires, dont 270 000 sont en couple
Mais pour le gouvernement, la «déconjugalisation» de l’AAH aurait remis en cause la base même sur laquelle est construite la solidarité nationale, puisque la situation conjugale est prise en compte dans le calcul de tous les minima sociaux et dans le système fiscal. La proposition de loi doit maintenant repartir au Sénat.
Créée en 1975, l’AAH est destinée à compenser l’incapacité de travailler. Elle est versée sur des critères médicaux et sociaux. Elle compte aujourd’hui plus de 1,2 million de bénéficiaires, dont 270 000 sont en couple, pour une dépense annuelle d’environ 11 milliards d’euros.