Article JDD Handicap : ce qu'Emmanuel Macron va faire
«La date est symbolique. Quinze ans après l'adoption de la loi "pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées", le 11 février 2005 sous la présidence de Jacques Chirac, Emmanuel Macron recevra mardi à l'Elysée 450 acteurs du secteur, personnalités et ministres.
Intitulé de cette conférence nationale du handicap : "tous concernés, tous mobilisés". "L'idée est de conclure un pacte d'inclusion qui fait des personnes souffrant de handicap des citoyens comme les autres", explique l'Elysée.»
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« Trois axes de travail
Le chef de l'Etat, dans son discours, a prévu de citer les Mémoires du général De Gaulle dont la fille Anne souffrait d'une trisomie : "Sans elle, je n'aurais sans doute pas fait ce que j'ai fait." Il déclinera ensuite un "changement de paradigme". Sur l'école, d'abord, avec un objectif très symbolique, déjà fixé par la loi : "Aucun enfant, à la rentrée prochaine, ne doit se retrouver sans solution de scolarisation." Priorité sera donnée aux diagnostics précoces, trop peu développés.
Deuxième axe : assurer l'"inconditionnalité de l'accompagnement". Et, pour ce faire, "vaincre la bureaucratie". "L'idée est de ne laisser aucune personne en situation de handicap, enfant ou adulte, sans solution", poursuit-on dans l'équipe du Président. Avec une ambition parallèle : l'augmentation des capacités d'accueil, tragiquement insuffisantes, et la "volonté d'enrayer l'émigration vers la Belgique, faute de places". Les départements s'engagent à ramener à trois mois le délai d'examen des dossiers, actuellement beaucoup plus long. Un numéro d'appel national le 360 "dédié à l'accompagnement" sera institué. Côté accès à l'emploi, l'engagement d'augmenter de 50% le nombre de personnes handicapées en centre de formation d'apprentis sera pris.
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Troisième point, les "droits nouveaux". Après ceux de voter, de se marier et de divorcer sans autorisation du juge des tutelles, instaurés en 2019, le droit à la parentalité sera amélioré. La prestation de compensation du handicap sera améliorée, des aides techniques offertes à des parents qui n'y avaient pas accès. Dernière piste : le droit à un service sexuel, que le Président n'abordera pas, mais que la secrétaire d'Etat Sophie Cluzel envisage, dans un courrier adressé au président du Comité consultatif national d'éthique. Si aucune enveloppe budgétaire ne devrait être annoncée mardi, des ressources seront dégagées, promet l'Elysée.
Un projet de société inclusive
Avant Macron, Claude Chirac, la fille de Jacques, se sera exprimée sur le bilan de la loi de 2015. L'ancien chef de l'Etat avait fait du handicap l'une des grandes causes de son second mandat (2002-2007). Sa loi généralisait l'accès à l'éducation, à l'emploi et aux transports ; instaurait un droit à compensation ; et créait des Maisons départementales des personnes handicapées. En dépit de ces avancées, quinze ans après, l'application de la loi se heurte au réel. Au point que la tension est montée, ces derniers mois, entre les associations et le gouvernement.
Tout régresse. Désormais, on s'attaque aux seuls moyens de subsistance des personnes qui ne travaillent pas.
Les concertations sur le revenu universel d'activité (RUA) et les restrictions, en fin d'année, dans l'octroi aux couples de l'allocation adulte handicapé (AAH) - que le gouvernement a augmenté de 90 euros par mois - ont irrité. Sans compter la loi Elan, qui limite depuis octobre le plafond d'accessibilité à 20% pour les logements neufs. "Tout régresse, déplore Maryline Hanot, de l'APF-France Handicap. Désormais, on s'attaque aux seuls moyens de subsistance des personnes qui ne travaillent pas." Les associatifs redoutent une dissolution de l'AAH dans le futur revenu universel d'activité (RUA), mais aussi sa conditionnalité à une reprise d'activité.
"C'est la même configuration que sur les retraites : on nous demande un chèque en blanc et après on nous dira 'qui perd, qui gagne'", déplore Jean-Louis Garcia, président de l'Association pour Adultes et Jeunes Handicapés (Apajh). Son organisme, ainsi que trois autres (APF-France Handicap, Unafam, Unapei), avait quitté mardi la table des concertations sur le RUA. Pour déminer, Macron les a rencontrés en urgence, vendredi. Et s'est montré rassurant sur la préservation de l'AAH.
La société inclusive prônée par le gouvernement vise à ne pas faire de ces atypiques une catégorie à part. Ce qui, en matière d'emploi, se traduit par des incitations à aller vers les entreprises traditionnelles. Or les handicapés sont deux fois plus au chômage que les autres. Et certains ont une autonomie trop limitée pour répondre aux impératifs du secteur privé. "Au nom du dogme de l'intégration en milieu ordinaire, on a fermé les places en établissements pourtant adaptés aux plus en difficultés", regrette le président de l'Apajh. C'est avant tout sur la création de structures adaptées et de places d'hébergement, jusqu'ici oubliées, que le gouvernement sera jugé.
Alerte au vieillissement
Dans les établissements médico-sociaux, les adultes handicapés sont de plus en plus nombreux à gagner en âge : entre 3,7 et 6 ans selon le type de structure, d'après une étude du ministère de la Santé qui date
de 2006 (et qui compare avec 1995). Les données manquent pour anticiper cet allongement de l'espérance de vie qui inquiète les familles. Bien souvent, l'enfant handicapé survit au décès des parents et se pose alors la cruelle question de son devenir et du financement de sa dépendance.
"La France n'est pas équipée pour faire face à ce vieillissement", s'alarme Jean-Louis Garcia, président de la fédération Apajh (Association pour adultes et jeunes handicapés). 5.700 jeunes adultes sont maintenus dans des foyers pour enfants faute de place chez les majeurs. Absence de turnover, manque de structures adaptées
Beaucoup atterrissent en Ehpad à tout juste 60 ans. "C'est de la maltraitance", fustige Jean-Louis Garcia. Or avec l'âge, les handicapés cumulent les pathologies. Les trisomiques constituent un groupe à risque pour les démences de type Alzheimer et l'épilepsie. "C'est un trou noir des politiques publiques qu'il est urgent de combler", alerte le député Sébastien Jumel (PCF).
E. S.
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