Catherine Bardouil (Le Chalet, Pont-Scorff)
Développement des compétences du quotidien
Je suis éducatrice à l’ESAT (établissement de soutien et d’aide par le travail, ex-CAT) Le Chalet depuis novembre 1999.
Auparavant, j’avais une image de l’autisme qui se résumait à l’absence de toute communication.
En 1998, Pierre Le Hunsec m’a parlé de son projet emploi-formation pour adultes. Je lui ai demandé :
« Comment peux-tu avoir un projet avec des personnes pareilles ? ». Il m’a donné des ouvrages. J’ai dit OK.
En 1999, cela a démarré, grâce à l’AGEFIPH (
http://www.agefiph.fr/ Association chargée de gérer le fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées), à destination des 16/25 ans. Les jeunes venaient de différents milieux : scolarisés, missions locales de l’emploi, « droits communs ». Ils étaient souvent exclus, avec comme seules solutions la famille ou le placement en institution.
Cela commence par un module de préparation, puis d’évaluation pour aller jusqu’à l’intégration en milieu ordinaire (dans des entreprises travaillant en partenariat).
C’est une expérience de 4 ans.
En parallèle, il y a eu une demande de création d’un CAT. Faute de financement en 2004, le dispositif a été fermé, mais il en est resté le CAT (ou ESAT).
Dans l’ESAT, il n’y a plus que 3 encadrants : une éducatrice (CB) et 2 moniteurs d’atelier. Il y a aussi le SAVS (service d’accompagnement à la vie sociale), avec P. Le Hunsec + mi-temps. Un partenariat continue avec la psychologue (établie en libéral) et le Dr Tuffreau (plutôt pour la formation).
L’ESAT accueille 15 personnes, de 18 à 35 ans (dont 4 femmes).
Certains ont un «
Parcours Dispositif ». D’autres, issus du Parcours sont dans le milieu ordinaire, d’autres dans leur famille, mais ils ont gardé des liens avec le Chalet.
L’ESAT a un travail de partenariat avec le zoo : il est situé dans le zoo, d’où :
- exigences de l’entreprise, horaires ;
- contacts avec le public, ventes de produits.
Cela permet des activités intéressantes et diversifiées.
9 vivent en appartement (autonome) et sont suivis par le SAVS. D’autres sont en famille ou au FJT (partenariat depuis 11.99).
Deux personnes conduisent leur véhicule pour venir au zoo, les autres utilisent les transports en commun.
Le Chalet est géré par l’AIPSH : l’entreprise-mère est à Guidel (75 salariés) et plutôt orientée vers le handicap physique.
Les activités principales :
· s’occuper des animaux : nourriture, nettoyage …
· restauration
· confiserie (activité ponctuelle)
· fabrication et vente de pop corn
· atelier chocolaterie : il a été arrêté pour des raisons de financement, mais va reprendre.
Il y a des inconvénients dans l’activité avec les animaux : règles de sécurité, froid, odeurs… Or, il faut de l’intérêt pour que la progression soit possible.
«
Il faut que tu me donnes du sens, j’ai besoin de toi pour savoir ce que tu attends de moi ».
A l’arrivée, il y a un temps d’adaptation. L’accueil est fait par le SAVS. Il faut définir l’attente : obtenir la RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), l’orientation en ESAT – décisions CDAPH. Avant, dans le « dispositif », on venait sans cela.
Certains ont eu un parcours scolaire remarquable (ex. BTS comptabilité). En venant dans le « dispositif », il s’agissait de mettre en œuvre des compétences mais aussi d’avoir des amis qui ont les mêmes difficultés que moi », qui ont accédé à des choses différentes de moi. D’où l’envie de postuler.
Après, il y a un protocole, un planning d’activités, la structuration de l’environnement, la situation où la personne sera mise en valeur.
Un projet personnalisé s’établit. Par exemple, il y a 3 personnes qui sont des « encyclopédies animalières » - ce qui n’empêche pas d’avoir des difficultés, par exemple pour les lacets, les courses…
En même temps que les activités physiques, différents supports sont utilisés pour des ateliers de compétences sociales.
L’outil est la «
valise de compétences », d’origine canadienne.
L’action est d’abord individuelle, pour évaluer les compétences, puis dans un lieu structuré : atelier, extérieurs.
Toute l’équipe a été formée pour reprendre une situation.
Les thèmes :
1 – initier une conversation ;
2 – demander de l’aide ;
3 – réagir à un comportement dérangeant (dans un zoo, il y a bien des occasions, comme réagir à une demande d’aide d’un employé débordé, ou à des propos : « ah, vous êtes la nouvelle race de singes qui vit dans le parc. »)
Il faut partir des intérêts qu’ils ont, eux. Les groupes de parole se tiennent avec des thèmes qu’ils ont choisi, ou proposés, avec des intervenants extérieurs. Thèmes : manger, tabac, alcool, gestion du sommeil (évaluer ce qu’est un « bon sommeil »). La séance de travail est filmée et ensuite a lieu une discussion.
Un
travail sur le corps a été fait avec un éducateur sportif (pendant un an). L’intérêt était :
· intégration avec association extérieure ;
· autres personnes au bout d’une heure.
Il faut travailler sur la
gestion de la fatigue : leur tendance est de ne pas faire de coupure, de ne pas s’arrêter de travailler. Des fiches individuelles ont été mises en place : quand on est au Chalet, quand on travaille, quand s’arrêter, comment se ressourcer, faire des coupures… Egalement sur les activités sociales.
Le but est d’amener la personne à se poser des questions.
Le traitement médical doit être également géré avec des personnes extérieures.
La sécurité routière (voiture, vélo, transports en commun) a été abordée : ce n’est pas parce qu’on est préssé d’arriver au travial qu’il faut traverser sans regarder.
L’initiation aux gestes de premier secours :
· quand il y a de la nouveauté, il y a beaucoup d’intérêt ;
· cela permet d’avoir un diplôme – comme le personnel du zoo.
Certains ont poursuivi après le premier diplôme et voudraient bien faire le week-end avec des organismes.
Mettre en place des stratégies de communication adaptées.
Réaction : « Aujourd’hui, j’ai mûri. J’ai envie de passer mon diplôme. »
Avec le réseau (mission locale, AFPA, GRETA), il y a mise en place de certificat de qualification professionnelle.
Certaines personnes peuvent faire de l’accueil, certains parlent anglais. Une personne participe à l’accueil : cela met en valeur ses capacités et lui permet d’obtenir une qualification professionnelle.
Le projet d’une personne est de conduire des personnes âgées à travers le parc, de leur parler de 2 ou 3 animaux. Cela implique de travailler sur l’image du corps (les stéréotypies apparaissant en cas de pression ressentie au travail), d’apprendre à contrôler el comportement, à faire patienter le public. Il y a beaucoup de "sens", parce qu’on est parti d’un intérêt spécifique (pour les animaux).
S’il y a un bilan à faire :
· manque de moyens (3 personnes pour 15) ;
· travail avec un réseau ;
· formaliser le travail fait depuis 5 ans. Depuis 09.07, est entamée une collaboration avec les 2 CRA Bretagne et Pays de Loire. La formalisation des outils permettra d’en faire profiter d’autres établissements.
Nous sommes toujours à la recherche d’outils. C’est une population riche d’enseignements, qui nous apprend beaucoup.
Question : « arrive-t-on à sortir de votre ESAT idyllique ? »
2 publics :
· ceux issus du « Parcours Dispositif » : 4 ans de parcours + 3 ans d’ESAT. Pour ceux-là, c’est la structure qui répond le mieux à leurs capacités. La structuration réduit leur fatigue et permet de mettre en œuvre d’autres projets : voyages, séjours, soirées à thèmes.. Ils risquent de rester.
· De nouvelles personnes, en ESAT depuis 3 ans : certains parlent déjà d’aller vers le milieu ordinaire. Une ou deux personnes vont aller vers un atelier protégé dans un premier temps. Le réseau sera utilisé, permettre de vérifier les compétences. La prise en charge doit durer de 2 à 6 ans avant de penser à évoluer vers le monde extérieur.