J'ai passé 10 ans en ITEP, de 7 ans jusqu'à 17 ans.
Comme convenu, je vous dis comment ça s'est passé. (en espérant que ce témoignage servira)
Quand j'étais scolarisé en CE1, en plus de poser problème dans la classe ou la cour avec mon comportement, j'avais fait des choses dans la cour qui étaient préjudiciables à mes petits camarades (en particulier à une camarade me semble). Naturellement, les parents d'élèves ont fait une pétition pour que je quitte l'école, et la directrice a agi dans l'intérêt de son établissement. Résultat, on m'a orienté dans un ITEP (où la rumeur disait qu'il y avait une grande variété d'individus, variété au sens péjoratif )
A l'époque, comme j'étais du genre suspicieux après ce qui m'était arrivé (manque de compréhension des règles sociales), j'en ai déduit que mes parents faisaient cela pour me punir de ce qui s'était passé. J'ai pris ça comme une honte qu'il fallait affronter en pleine face. Des personnes m'ont reçu, etc. Fort heureusement, le pensionnat ne ressemblait pas à une prison, il y avait un immense parc tout autour, et on avait des chambres individuelles (dans le cas contraire, je n'aurais pas tenu un mois ). On avait aussi une équipe de cuisine qui faisaient des choses merveilleuses à manger, rien à voir avec la cantine.
La structure était un bâtiment assez spacieux, parmi d'autres bâtiments qui accueillaient d'autres mineurs. J'imagine qu'ils les dispatchaient en fonction de leur "profil". Le bâtiment où j'étais accueillait une large tranche d'âge : de 4 à 17 ans. Ce qui donnait une promiscuité assez... déroutante. A 7 ans, j'étais le plus petit, il y avait des ados, des enfants, à 90 % des garçons. La première semaine à été très difficile. On a fait un "camp de départ", une sorte de rituel censé, je ne sais pas, renforcer la cohésion sociale ? Dans un gîte, la nuit, on dormait dans la même pièce, avec nos sacs de couchage, un enfer
Je n'ai pas osé me lever et déranger les autres, pour aller aux toilettes. Et puis la première semaine, très dure, loin de ma maison.
Comme il y avait une large tranches d'âges, et comme les mineurs étaient à la base plus perturbateurs qu'on ne voulait bien le dire, des clans se formaient, soi par âge : ados, enfants, tous petits toujours avec la même éducatrice..., soi par école. Parfois les clans se jouaient des tours, des taquineries. Naturellement, j'étais le seul à n'être dans aucun clan, et l'âge avançant, ça n'a rien changé. Car par incapacité à assumer mes échecs sociaux, j'avais décidé de n'en avoir aucun. D'ailleurs, l'honnêteté me contraint à dire que je les méprisais, certains m'ont tapé dessus au départ. Après l'âge de 10 ans, nettement moins. Bien entendu la violence physique était clairement punie. La violence verbale moins. Au départ, on cherche à tout rapporter, l'ennui, c'est que au bout d'un moment, les éducateurs se lassent, et vous aussi.
Evidemment, je suis devenu cynique. Mon immaturité me poussait à mépriser par-dessus tout les éducateurs, eux qui semblaient si incompétents pour les faire devenir de bonnes personnes. En fait, ils faisaient ce qu'ils pouvaient, tout simplement. A l'adolescence, j'étais très mal dans ma peau. Habitué aux moqueries et aux chuchotements dans mon dos, haïssant le monde qui m'avait créé. Dans le déni, l'exaspération, ressassant sans cesse des idées noires. Même si ça n'était pas très beau à voir, je continuais la scolarité malgré tout.
Habitué aussi aux méprises et aux incompréhension de la part des éducateurs. On devait manger tous ensemble sur deux tables, une douzaine environ, ça dépend des jours. Passe-moi le pain, discussions exaspérantes, je re-veux du dessert ! , bla bla bla... Et le bruit également, qui fait souvent serrer les dents, les poings. Le bruit était d'ailleurs une grosse méprise, car je me contenais longtemps avant d'être agressif. Ceux à quoi, un éducateur me criait parfois littéralement à la figure. Une fois, j'ai même giflé un éducateur à cause de cela.
C'était ridicule, je me suis senti bête. Il n'avait pas eu mal, mais le geste était grave. On m'a puni, je ne me suis pas justifié par dépit.
Ils organisaient également des sorties, on m'à contraint à participer à la plupart. Le "camp garçon" était une tradition de fin d'année, où tous les garçons du bâtiment et les éducateurs hommes faisaient une sortie à la belle étoile. Le tout dans une ambiance macho-man (que j'ai toujours détestée). Chaque année, je savais que j'allais passer un moment pas terrible. Il y en a d'autres où j'ai réussi à profiter, comme un parc d'attractions assez particulier, ou bien une fois un parc animalier.
La plupart des mineurs restaient juste 2 ou 3 ans. A force d'être devenu l'ancien du bâtiment, j'avais une réputation de fou (traduction du terme "triso" qu'on me donnait à l'époque). Dans ma dernière année, le psychiatre de la structure que je rencontrais quelquefois m'avait dit - alors que je lui disais que ça faisais longtemps que je ne voulais plus venir ici - :"Mais enfin, sache que tu ne peux pas être mieux qu'ici !". Bon, maintenant j'ai compris que l'accompagnement n'était pas adapté, mais à l'époque je n'en croyais pas mes oreilles.
Pour finir, j'ai quitté l'Itep à 17 ans. J'étais alors tombé d'épuisement, et on pensait depuis quelques temps déjà à me réorienter. Curieusement, lors de mon tout dernier jour à l'ITEP, l'éducatrice en chef de longue date J. me regardait émue, et je ne l'ai pas regardée, pas adressé la parole. Et je suis parti sans me retourner. J'aurais dû me retourner. Même si la structure ne me convenait pas, elle m'a accueillie avec ses moyens, ce n'est pas rien.
Globalement, l'accompagnement à duré longtemps, et n'était pas adapté, mais comme j'arrivais malgré tout à continuer les cours, tout allait un peu près. Sinon, pour l'épanouissement personnel, ç'aurait pu être mieux...
Effectivement, les iITEP ne sont pas adaptés aux gens avec autisme. (précisons au passage que cet ITEP avait une bonne réputation, ç'aurait pu être pis) Je souhaite bien du courage aux familles qui n'ont pas eu le choix de mettre leur enfant ici.