Pas de zéro de conduite

Discussions portant plutôt sur le point de vue des parents d'enfants autistes ou Asperger, par exemple : j'ai un problème avec mon enfant, que puis-je faire ?
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Xavier
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Pas de zéro de conduite

#1 Message par Xavier » dimanche 12 mars 2006 à 17:22

Bonjour,

Voici le courrier que je viens d'adresser aux correspondants de presse locaux.

Par la présente, je tiens à réagir aux articles de Ouest France du 09/03/2006 « Enfants turbulents : une étude qui fâche » et du Télégramme du 11/03/2006 « Les chenapans bientôt fichés ? », « Délinquance. Dépister dès le biberon ? » et je m’interroge sur la parole laissée aux parents.

Du fait de l'actualité va-t-on brader la légitime demande des parents d'enfants autistes, mais aussi, d'autres handicaps, pour un dépistage systématique, précoce et performant des handicaps et des pathologies chroniques, sous prétexte que le gouvernement est en train de flatter la fibre sécuritaire en proposant un projet surréaliste de dépistage précoce des troubles annonciateurs d'une potentielle associabilité ?
Par ailleurs, la pétition « pas de zéro de conduite » veut nous prendre en otages entre du tout sécuritaire qui est inquiétant, et du tout dogmatique freudien qui l'est à peine moins ! Rappelons que le point de départ c'est le rapport de l'INSERM, c'est lui qu'il faut lire et faire lire et ne pas oublier que sa finalité est l’aide aux enfants en difficultés comportementales. La pétition des psychanalystes et l'exploitation mediatico-sécuritaire d'un ministre, candidat permanent, relèvent d'autres logiques. Elles sont à prendre en compte mais elles ne peuvent en tant que tel remettre en cause les fondements d'un rapport scientifique.

En tant que parent, je suis favorable au dépistage précoce des troubles du comportement chez l’enfant. L'entrave par les pratiques psychanalytiques à un dépistage et à une prise en charge précoce et adaptée de l'autisme me sont aujourd’hui insoutenables.
Aucun parent n'a anticipé la confrontation avec l'autisme. Et quand il devient évident que quelque chose ne colle pas, que l'enfant ne se comporte pas et ne se développe pas comme il devrait, les parents désemparés se dirigent vers ceux qui leur paraissent susceptibles de les aider et d'aider leur enfant, à savoir les psychiatres et les psychothérapeutes.
Jusqu'à aujourd'hui, l'essentiel du dispositif psychothérapeutique libéral ou institutionnel (Centres Médico Psycho Pédagogiques, Hôpitaux de Jours, etc.) est tenu par des psychanalystes, lesquels persuadés de leur omnipotence en la matière s'en tiennent pour la plupart à la seule appréciation clinique et embrayent immédiatement une prise en charge. Rares sont ceux qui ont recours à l'utilisation de tests, ou font procéder à des bilans, ou orientent les enfants vers des centres performants spécialisés.

Si l'enfant reste mutique, s'enferme dans sa bulle, se tape la tête contre les murs, on suspecte l'autisme, et de porter un regard à la fois bienveillant mais réprobateur sur les parents fermement invités à déballer leurs névroses et leurs innommables projections envers leur enfant. Mais aucune véritable réponse n'est apportée pour rompre l'isolement de l'enfant et lui permettre d'émerger à la vie sociale. De nombreux autistes mutiques sont considérés comme de grands déficients intellectuels. Aussi, est-il important de prendre en considération la récente communication du Pr Mottron quant il affirme que les tests utilisés ne renvoient pas la pleine réalité des possibilités de ces enfants. Car cela revient à dire que, pour au moins une fraction d'entre eux, il existerait un substrat exploitable et valorisable pour peu qu'un état des lieux sérieux ait été effectué et qu'un programme personnalisé de stimulation soit mis en oeuvre. Comme tout développement éducatif, la précocité de mise en oeuvre est fondamentale. D'où l'exigence d'un dépistage précoce de l'autisme par des professionnels formés utilisant des outils scientifiques et actualisés, et enclenchant dans la foulée un programme de valorisation de ce potentiel et de compensation des déficits qui répondent spécifiquement aux caractéristiques particulières de l'enfant. Il importe de ne pas laisser un enfant s'enkyster dans son isolement, de tout tenter, de ne pas renoncer.
Il y a par ailleurs des enfants moins immédiatement identifiables comme autistes. Si l'enfant en reste à des troubles de comportement, parle, ne se mutile pas, est scolarisé, on le taxe «seulement» de caractériel et on explique aux parents la nécessité d'être la fois à l'écoute de leur enfant tout en étant fermes sur les limites à ne pas dépasser, ... et on leur conseille d'aller se déballer devant un thérapeute. Et le plus souvent, les choses durent et perdurent ainsi des années. Les parents ne savent toujours pas face à quoi ils se trouvent, et sont bien à mal de mettre en oeuvre quelque chose d'adapté. Ils se battent au quotidien, contre leur gosse en essayant de le canaliser, contre l'institution scolaire qui veut de toute force l'orienter vers des structures spécialisées, dont on connaît les performances en matière de développement académique des enfants.

Permettez moi de témoigner en tant que père d'un enfant autiste. Après avoir pris rendez-vous au CAMSP alors qu’il avait deux ans et demi, il a fréquenté l’Hôpital de Jour pour enfants assidûment dès la petite section de maternelle sans, deux ans et demi plus tard, que les personnes s’occupant de mon fils n'aient réussi à établir un diagnostic ! Pendant ce temps, ... le temps passait. Et nous ne savions toujours pas devant quoi nous nous trouvions. Par chance, professionnellement j’ai été destinataire en Décembre 2004 d’un article de journal présentant l’action menée par « Le Chalet » au zoo de Pont Scorff. Après 3 mois d'attente pour obtenir un rendez vous au CIERA Bretagne-Pays de Loire (Centre d’Information d’Evaluation et de Ressources sur l’Autisme) en Avril 2005, on nous annonça que l’évaluation-diagnostic pouvait être réalisée en Septembre 2006. Nous avons pris contact avec un médecin pédo-psychiatre exerçant en libéral et diagnostiquant selon les critères de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) qui a accepté de nous recevoir et le diagnostic d’autisme a été posé en Juillet 2005. Pour l’anecdote, je me souviendrai toujours du moment où je l’ai annoncé au médecin de famille car sa première réaction fut : « Mais il parle ! ». Depuis Septembre dernier mon fils a passé de nombreux examens qui ont confirmé son énorme potentiel intellectuel et également ses difficultés en matière de relations sociales. Le CIERA ayant vu ses moyens renforcés, l’évaluation-diagnostic a été avancée à Janvier 2006 et le diagnostic a été confirmé : mon fils est atteint du Syndrome d'Asperger (extrémité haute du continuum autistique). Notre fils a aujourd’hui 6 ans et demi et nous avons galéré 4 ans avant de savoir. Cette expérience est la première chose que les parents relatent quand ils arrivent dans des groupes de paroles ou quand ils s'inscrivent dans des forums Internet.
Mon combat passe aujourd’hui par la reconnaissance du handicap de notre fils à sa pleine mesure ce que n’a pas fait la toute nouvelle « Maison Départementale des Personnes Handicapées » . C’est pourquoi nous nous apprêtons à faire appel de leurs récentes décisions.

Aussi il faut aujourd’hui s’interroger sur notre société :
Est-ce normal que des psychothérapeutes se lancent sur la durée dans des prises en charge sans diagnostic établi après un bilan complet utilisant les outils reconnus par la communauté scientifique internationale ?
Admettrait-on qu'un médecin généraliste impose à son patient un traitement durant des années sans avoir eu recours, au préalable, à des examens exploratoires et analyses diagnostiques, ou sans s'être référé à quelqu'un de plus compétent ? Pourtant, c'est bien cette situation que subissent en France les autistes et leurs familles. Il n'est pas admissible que n'importe qui puisse continuer à faire n'importe quoi.
Ne pas disposer d'un dispositif institutionnel performant susceptible de procéder à un dépistage précoce est contraire aux droits de l'enfant énoncé dans le principe 5 de la déclaration universelle des droits de l'enfant qui stipule : « L'enfant physiquement, mentalement ou socialement désavantagé doit recevoir le traitement, l'éducation et les soins spéciaux que nécessite son état ou sa situation ». Mais comment recevoir le traitement, l'éducation et les soins spéciaux, si on est incapable de procéder à un état des lieux fondé sur des méthodes scientifiques et non pas subjectives. C’est pourquoi je suis favorable au dépistage précoce des troubles chez l'enfant.
Xavier - "Je ne regrette rien, j'avance" (Paul ELUARD)
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#2 Message par Emma » dimanche 12 mars 2006 à 18:08

Xavier, quel talent! Je n'ai qu'un mot: bravo! :)
Merci de nous tenir informés des suites de ton courrier!

Emma.

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Murielle
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#3 Message par Murielle » lundi 20 mars 2006 à 15:28

Xavier, je suis admirative de ton courrier....c'est ....parfait et met bien en avant les problèmes, les droits et les devoirs que la société devrait nous apporter...
BRAVO.! :D
J'espère sincèrement que ce courrier aura des suites favorables.!
Modifié en dernier par Murielle le mercredi 22 mars 2006 à 10:49, modifié 1 fois.
Murielle,
Maman de Pauline 21 ans,Léo (asperger) 17 ans et demi .
Savoir profiter du moment présent ,
Savoir vivre pleinement chaque instant et ne pas uniquement penser aux jours à venir, voilà un défi à relever maintenant.

Bab
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Bravo

#4 Message par Bab » mardi 21 mars 2006 à 21:21

Xavier,
Bravo pour votre courrier aux journaux locaux ! Quelle aisance dans l'expression écrite ! Je veux juste donner mon avis sur le dépistage précoce des troubles du comportement : si cela peut mettre que les enfants et leurs parents n'errent pas de prise en charge en prise en charge inadaptée, alors ce serait bien. Mais je crains que cela entraîne une tolérance zéro vis-à-vis de la différence, une stigmatisation... Savoir que des personnes puissent penser que les enfants ayant des troubles du comportement seraient de futurs délinquants me fait un peu frémir...
Bab.

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Suite ...

#5 Message par Xavier » dimanche 26 mars 2006 à 12:00

Bonjour :lol:

Il n'y aura pas de suites ... Les correspondants de la presse locale m'ont informé qu'ils ne pouvaient rien faire pour moi à leur niveau. Ce que je comprends parfaitement. Ils m'ont dit de m'adresser au "courrier des lecteurs", ce que j'ai fait. Depuis : plus de son, plus d'image. :( Il faut dire que l'actualité du moment (CPE) occupe grandement l'espace.

En ce qui concerne le texte, même si je le porte, je précise qu'il est largement inspiré de contributions d'autres parents. Je n'en revendique donc pas la paternité pleine et entière. Je partage donc vos encouragements avec Luc et Gérard.
Xavier - "Je ne regrette rien, j'avance" (Paul ELUARD)
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#6 Message par Murielle » dimanche 26 mars 2006 à 15:58

Bravo à vous 3 donc.! :wink:
As-tu essayé d'envoyer ton courrier à l'EXPRESS???On ne sait jamais....avec une portée nationale.... :lol:
Murielle,
Maman de Pauline 21 ans,Léo (asperger) 17 ans et demi .
Savoir profiter du moment présent ,
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Tout vient à point ...

#7 Message par Xavier » lundi 8 mai 2006 à 8:05

Xavier - "Je ne regrette rien, j'avance" (Paul ELUARD)
Père d'un enfant, devenu adolescent et qui sera bientôt un adulte, pour lequel un syndrome d'Asperger a été diagnostiqué à l'âge de 6 ans.

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