isis30 a écrit :Alors en lisant les messages postés ici, je veux bien avoir de l'espoir en voyant que des adultes autistes ont réussi à mener une vie presque normale, en ayant un travail, une vie de couple et parfois des enfants, mais en observant mon petit-fils, en voyant sa façon d'agir, en voyant combien il se complait dans la solitude, je doute qu'il puisse avoir un bel avenir devant lui et, comme ses parents, eux aussi très à son écoute, je suis inquiète pour son avenir.
Quand j'étais petite (plus petite que votre petit fils mais pas de beaucoup car ça m'a poursuivie longtemps), je m'entraînais sérieusement à rester la tête sous l'eau très longtemps pour pouvoir aller vivre avec les baleines "quand je serai grande". Je pense que, en plus d'avoir très mal compris la fin du
Grand bleu , je ressentais le besoin de me projeter ailleurs parce que je ne me sentais pas du tout à ma place. Et ce quoi que je fasse. Simultanément (pour ouvrir le champ des possibles
) j'ai élaboré pas mal de plans pour partir dans l'espace.
Du coup, je ne suis pas vraiment surprise ni inquiétée par ce mot, qui est juste très sensé venant d'un enfant autiste qui essaie d'imaginer ce que pourra être sa vie future.
Ce qu'à mon avis vous ne pouvez pas percevoir, c'est que l'enfance, l'adolescence et surtout la scolarité donnent une impression d'immuabilité du contexte: on pense qu'on sera toujours coincés dans ces situations hyper oppressantes, qu'on sera toujours complètement déphasés avec les autres, et surtout qu'il nous sera toujours impossible de partager un minimum "notre monde" avec d'autres individus.
Malgré tout ce que j'ai pu endurer après, la scolarité reste de très loin la pire configuration que j'ai vécue. C'est certainement dû au fait que tout y est très normatif, obligatoire, que les enfants/ados sont complètement dans le moutonisme assidu et les mécaniques de groupe, et qu'en tant qu'autiste on manque de clés pour comprendre tout ça.
A 13 ans et demi on ne peut pas le savoir, mais autiste ou pas la vie n'a rien à voir avec le contexte scolaire, les gens ne sont pas un groupe homogène mais très hétérogène, et surtout il y a de multiples façons de vivre et de se relier aux autres (ou de ne pas le faire, si on ne le
souhaite pas).
Je pense que votre inquiétude, bien que rationnelle, tient de la projection de vos propres schémas où la socialisation est un but et pas une conséquence. Personnellement, bien que très renfermée, j'ai toujours eu des personnes (courageuses et tenaces
) pour "venir me chercher", que je les ai croisées par hasard ou dans le cadre d'intérêts spécifiques. Il n'y a
aucune raison que ça n'arrive pas à votre petit fils.
L'effet pervers d'un diagnostic précoce peut être de tomber dans des prophéties autoréalisatrices. Au contraire, en utilisant intelligemment le diagnostic il est possible d'aider votre petit-fils à prendre confiance en lui (ce qui peut être contradictoire avec vos inquiétudes et le fait de comparer), à mieux décoder les situations pour se protéger des abus, et surtout à développer à fond ses intérêts spécifiques. Certains lui amèneront naturellement des interactions sociales (voire des amitiés/amours), d'autres lui permettront juste d'avoir toujours envie de se lever le matin, ce qui est déjà pas mal.
Maintenant en plus il y a internet et la possibilité d'échanger sur tous types de sujets avec des personnes du monde entier. Ce sont des interactions sociales, et une manière de partager "son monde". Quelqu'un parlait récemment des jeux en ligne aussi, je n'y connais rien à part pour les techniques de dessin mais ça semble aider pas mal d'enfants et ados autistes à interagir avec d'autres personnes.
Rien n'est perdu, il est jeune et peut vivre plein de belles choses à sa manière et dans des schémas qui vous échappent sans doute mais n'en existent pas moins. Et si finalement il va vivre seul dans les bois, eh ben s'il est heureux ainsi tant mieux.
Ce qui compte c'est que ça tienne du vrai choix et pas de la résignation.