L'empathie

Je suis autiste ou Asperger, j'aimerais partager mon expérience. Je ne suis ni autiste ni Asperger, mais j'aimerais comprendre comment ils fonctionnent en le leur demandant.
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Lilette
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Re: empathie , et quand on ne montre rien?

#301 Message par Lilette » mardi 17 novembre 2015 à 18:46

Manichéenne a écrit :
Flower a écrit :Allumer des bougies, mettre des drapeaux français en avatar ou chanter des chansons a surtout l'effet de créer un mouvement (plus ou moins superficiel, certes) de solidarité. Pour Daesh qui ne peut qu'exister dans la division, dans les vides de pouvoir en Syrie et en Irak, et dont l'objectif est de semer la terreur, c'est un peu comme une gifle quand même...
Je crois au contraire qu'ils ont ainsi la preuve qu'ils ont atteint leur but : faire mal, faire peur. Tous ces petits drapeaux, ça montre que l'impact est bien au delà des morts et des blessés. C'est là le but du terrorisme, ça n'a jamais été de faire des victimes directes.
Je n'ai pas changé mon avatar fb, je n'ai pas mis de bougie etc, mais je suis plutôt de l'avis de Flower quand même.
Je ne suis pas d'accord que cela montre la peur, je pense que l'effet est plutôt de réunir, enfin j'imagine, je ne vois pas trop en quoi allumer une bougie ou afficher un drapeau afficherait la peur.
TSA.

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misty
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Re: empathie , et quand on ne montre rien?

#302 Message par misty » mardi 17 novembre 2015 à 19:03

C'est très intéressant tout ce que vous dites, et effectivement l'exclusion et la stigmatisation y sont pour beaucoup aussi.

Les inégalités, le truc c'est que dans les quartiers, les gamins ils sont toujours à regarder ce qu'a l'autre (la voiture, les marques...). Je ne pense pas que ce soit parce qu'ils se considèrent vraiment pauvres, je crois plus que c'est effectivement un sentiment d'injustice et d'exclusion. Perso quand j'étais gamine je leur disais toujours: "mais tu t'en fiches, il est bien ton blouson", mais non, pour eux il fallait la marque comme reconnaissance sociale. Ce que je n'ai jamais compris, mais pour eux c'était vital :innocent:

L'éducation, l'accompagnement, ça me semble la base. Et dans les mesures annoncées je n'ai rien entendu dans ce sens... Je ne comprends pas. Quand j'étais gamine, on avait la MJC, la maison de quartier, les animateurs et travailleurs sociaux. Maintenant il n'y a plus rien, plus personne... Les gosses, ils restent "dans leur délire" et n'ont rien d'autre à faire que de baver devant les grosses audi, et de ne parler que de téléphones et d'argent. Donc même si effectivement ils ne sont pas extrêmement pauvres, ils se sentent lésés :roll:

Pour les terroristes, je crois que oui, ils cherchent à faire beaucoup de victimes parce qu'ils trouvent ça glorieux. Et oui, ils veulent aussi faire peur.
Je ne sais pas si les "manifestations d'émotion" les atteignent mais de mon côté ce n'est pas que je sois contre, simplement je trouve ça ridiculement insuffisant s'il n'y a rien derrière pour éviter que ça se reproduise. Et c'est ce que je veux: que ça s'arrête.
Franchement, j'ai "marché" pour Charlie en janvier, j'avais dessiné une belle pancarte, les gens étaient touchés, émus, ça m'a fait plaisir de contribuer mais là j'en ai ras le bol. Je n'irais à aucune marche, parce que j'ai l'impression que ça va devenir régulier, limite "normal" (genre allez tant de morts=> tout le monde va manifester sa solidarité avec les victimes).

Question empathie, ça peut sembler rude mais je ne m'en fous pas, je veux juste que ça ne recommence pas. :roll:
Flower a écrit :Pour Daesh qui ne peut qu'exister dans la division, dans les vides de pouvoir en Syrie et en Irak, et dont l'objectif est de semer la terreur, c'est un peu comme une gifle quand même...
Perso je crois surtout que Daesh, ils attendent les nouvelles recrues qui vont affluer si on part encore dans l'islamophobie... C'est pour ça que je suis ravie de voir ça: http://www.francetvinfo.fr/faits-divers ... 80021.html, mais en colère de voir ça: http://www.leblogtvnews.com/2015/11/le- ... canal.html
*Diag TSA*

***Nullius in verba***

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Re: empathie , et quand on ne montre rien?

#303 Message par Rudy » mardi 17 novembre 2015 à 20:08

Pour revenir au sujet de départ, je pense qu'il faut juste se détacher des comparaisons. Il n'y a, de base, aucune raison à ce que tu te sentes monstrueuse de ne pas pleurer, d'autant que c'est juste une façon d'exprimer quelque chose, et qu'il y a un certain nombre de choses qui est connu sur l'autisme. C'est surtout un marqueur d'émotion, pas l'émotion en elle même. Le truc c'est que forcément, on voit les choses à travers notre prisme, nos réactions, nos comportements, et ceux des autres seront forcément à un moment donné différent et donc, déroutant, surtout quand on tourne autour de la problématique autisme. Mais en fait, il y a rien de définitif et d'universel. Et je ne vois pas non plus ce qu'il y a d'incompatible entre être autiste et pleurer un attentat. dire "Tu pleures pour un attentat donc c'est louche que tu sois autiste" ou bien "on met l'autisme sur tout et n'importe quoi" je ne suis pas très pour personnellement. Comme ne pas pleurer n'est pas un signe d'autisme. C'est un peu plus complexe que ça quand même... Empathie, quand on ne montre rien, et bien, simplement, tu as une façon propre à toi de l'exprimer et de le ressentir, tu ne crois pas?

Je n'ai pas été si touchée, atteinte, que mon entourage, ni pour Charlie Hebdo, ni pour cet attentat là, même si ça a quand même provoqué quelque chose en moi. Je n'ai pas pleuré non plus, je n'ai pas réagi aussi vivement, et pourtant je voyais bien que les autres ne cessaient d'en parler et se montraient choqué. Mais bon, j'ai conscience que j'ai un ressenti empathique différent des autres, je ne me suis pas particulièrement sentie monstrueuse. J'ai accueilli leur façon de réagir, et moi la mienne...
Diagnostiquée avec un TSA léger (anciennement Asperger) par un CRA.

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Sapphir
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Re: empathie , et quand on ne montre rien?

#304 Message par Sapphir » mardi 17 novembre 2015 à 20:18

C'est dur à comprendre, surtout sur ce forum j'imagine, mais appartenir à un groupe ou une communauté c'est important pour beaucoup. Donc être exclu ou se sentir exclu c'est un sentiment fort. Je me rappel sur Paris il y avait des discutions de jeunes qui venait des banlieue et qui disait qu'il allait voler tel ou tel fille "gosse de riche" parce-que elles sont bien née et qu'il ont le sentiment d'injustice. (Si jamais vous avez envoyé d'aller vous balader à gare du nord ou châtelet un we) Ce discours je l'ai entendu souvent, ça viens de jeune de banlieue, qui sont stigmatisé également. Leur façon de parler, de s'habiller etc etc c'est souvent mal vu. Le problème est complexe mais c'est réel, l'amalgame entre banlieue et racaille, c'est aussi pour ça que les recruteurs vont dans ces quartiers pour exploiter une faille reel. Ça fait des années et ça ne change pas beaucoup.
Je me rappel aussi un jeune influençable qui se sentais rejetait de partout, il comprenais rien et était dégouté, limite aigri et en colère avec tout le monde. Il cherchais une copine sur internet. Mais tout se disais c'est pas grave, d'autres se moquait. Et ce mec plus tard il est tombe dans un groupe radicale.. Il ne seras jamais chef, mais fait sûrement une recrue malléable. Ce amis ne semblait pas plus lucide sur le monde, il avait vraiment l'air à côté de la plaque et partageait de la propagande.. Bref suffit d'écouter pour entendre des discours extreme, un côté comme de l'autre. Pareil pour les proches de jeune qui se raducalise faut les repérer et trouver des silutions. C'est même pas une guerre entre pays, c'est des idées et des valeurs, il fait éduquer tout le monde et parler des problèmes et trouver des solution au lieu d'oublier au bout de quelques jours.
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Re: empathie , et quand on ne montre rien?

#305 Message par Sapphir » mardi 17 novembre 2015 à 20:26

Les commémoration ne montrent pas directement la peur. Mais c'est une question d'action/réaction. Une réaction énorme c'est le signe que l'action à eu un impact énorme. Ça ne veux pas dire qu'il ne faut pas commémorer, mais ça montre que ça touche et donc que le but est atteint pour les terroristes. Il ont fait peur.
Ensuite, leur but on ne seras jamais, mais c'est sûrement de faire peur, de diviser, et de recruter ou du moins de pousser les personnes hésitante vers l'extrême.
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Re: empathie , et quand on ne montre rien?

#306 Message par Allan » mardi 17 novembre 2015 à 23:31

Je n'avais pas pensé que j'allais passer rue Bichat aujourd'hui, au moment de la traversée, j'ai marché jusqu'au carrefour. C'est mon quartier où j'ai vécu depuis les années 70, je n'y vis plus, mais j'y ai ma famille et des amis et j'y sors régulièrement.
Arrivé, j'ai vu deux établissements aux rideaux de fer fermés, une foule silencieuse et recueillie, pas une voiture, le silence régnait, un tapis de fleurs et de bougies, le carrefour était triste sans l'animation habituelle, le long des murs de hôpital St-Louis.
Me retrouver là, où des gens ont été mitraillés, il y a quelques jours, m'a ému, dans ce coin si calme de Paris. J'ai vu un prénom féminin écrit avec des bougies en bordure du radeau de bouquets de fleurs. Je passais aussi régulièrement devant Charlie Hebdo, y compris où le policier avait été abattu au sol, donc j'avais déjà vu les fleurs et je passais devant le Bataclan sans me douter qu'il allait devenir aussi un lieu de massacre.
Tout cela fait partie de ma vie maintenant, je me souviens aussi des lieux des attentats dans les années 80, en particulier celui de la rue Rennes, où j'étais passé quelques heures avant l'attentat. Et, j'ai travaillé pendant 10 ans dans un quartier de Paris, où un commerce avait été mitraillé faisant 6 morts, 30 ans après les menaces sont toujours là.
Je ne suis pas encore passé sur le carrefour faubourg du temple/fontaine au roi, mais j'y passe encore plus souvent que rue Bichat, ce sera un autre moment étrange, car je passe là même dans la nuit, je m'y sens toujours en sécurité, les rues sont très animées même tard et je passe toujours le long du café mitraillé.
Voilà, mon témoignage!
Modifié en dernier par Allan le mardi 17 novembre 2015 à 23:39, modifié 1 fois.
ted/asperger/dysexécutif sévère

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Re: empathie , et quand on ne montre rien?

#307 Message par Ixy » mardi 17 novembre 2015 à 23:33

Je comprends que l'on soit ému quand on passe sur les lieux des attentats. :bravo:


Modération (Tugdual) : Fusion de sujets (fin).
Je n'ai pas de diagnostic /!\
Ce que tu as la force d'être, tu as aussi le droit de l'être - Max Stirner

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Anahata
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empathie

#308 Message par Anahata » dimanche 1 octobre 2017 à 23:55

Modération (Tugdual) : Fusion de sujets (début).


Bonsoir bonsoir
Voilà un sujet qui va pas faire plaisir, à moins qu'on s'en sorte bien..
C'est quoi c'est histoires de manque d'empathie chez les Asperger?
Bon je sais pas si j'en suis une. Mais si je me regarde, je vois un fonctionnement éponge. Donc je capte ! N'est ce pas. Et je capte beaucoup ! Et alors mon cerveau il me dit stop. Donc je passe immédiatement en mode analyse. Avec les gens surtout. Avec la nature, je discute pas. Quoi que.
Bon si vous avez des lumières je suis preneuse
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Re: empathie

#309 Message par Alceste » lundi 2 octobre 2017 à 9:24

Pour ma part il y a plusieurs niveaux d'intérêts portés aux autres, et je ne sais pas s'il s'agit d'empathie ?

Par exemple je dois intervenir pour rétablir l'équité entre plusieurs personnes (si je suis dans un groupe et qu'une personne me semble traitée moins favorablement que les autres, je ne peux pas m'empêcher d'intervenir, sinon je ressens le malaise qui serait le mien si j'étais à sa place).

Je suis tenté d'intervenir aussi si quelqu'un est en détresse (par exemple un enfant semble égaré, je vais m'assurer que ses parents sont en capacité d'intervenir si besoin. Je ne vais pas me précipiter, mais je le garde à l'oeil tant qu'il n'est pas rejoint).

Je ressens la peine des autres comme s'il s'agissait de moi. ... Je ne ressens pas leur peine, mais la mienne à leur place. (Ce qui veut dire que si leur problème n'en serait pas un pour moi, je ne le ressens pas).

En revanche, je ne vais pas aller offrir une épaule chaleureuse à celui ou celle qui a besoin de réconfort. Je ne sais pas quoi faire, et même cela m'indispose. Problème de communication et de promiscuité.

Je n'intervient donc que "froidement" pour rétablir un équilibre, et pas moralement pour consoler.
Mais je suis capable de sacrifice, même avec des inconnus. Pour autant que j'en perçoive l'utilité.

Je me sens connecté aux autres, mais je ne crois pas qu'ils le perçoivent.

Alors, est-ce de l'empathie ?
Sans doute pas selon le sens NT (!)
Il faut se résigner à être heureux de ce que la vie nous offre, sans paresse ni complaisance.

* Diagnostic Aspie 01/2018. Bilan réalisé par un psychiatre spécialiste * RQTH valide *

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Re: empathie

#310 Message par Anahata » lundi 2 octobre 2017 à 11:13

Et pourtant si je trouve. L'empathie c'est pas comme la sympathie. La sympathie c'est quand on souffre avec. Lempathique lui peut apporter son aide car il ne souffre pas avec.
J'ai pensé que c'était lié à l'importance du nombre de situations où lAsperger ne devine pas ce que ressent lautre. Mais si je pense aux quantités de situations agressives que se font vivre les gens, je me demande qui a un problème de représentation.....


Modération (Tugdual) : Fusion de sujets (fin).
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Re: Empathie

#311 Message par MrsJack » dimanche 14 janvier 2018 à 12:00

Je déterre ce vieux topic car j'ai envie (besoin ?) de parler de l'empathie, chez les NT, chez les aspies et chez les non autistes atteints de certains troubles de la personnalité.

Anahata a créé un sujet similaire il y a quelques mois : viewtopic.php?f=8&t=10981&hilit=Empathie mais j'ai préféré ressortir cette discussion qui comprend plus de pages.

Petite mise en contexte :
Cela fait quelques semaines (mois) que je m'interroge sur ce qu'est l'empathie, à la fois pour comprendre comment elle s'exprime chez les aspies (en quoi est elle différente de chez les NT ?) et parce que sur un autre forum, une connaissance a la sale manie de reprocher aux gens de "manquer d'empathie".
Selon moi elle confond le sentiment d'empathie avec son expression ; si je prends mon cas comme exemple, une fois elle m'a reproché de manquer d'empathie, or c'est archi faux, j'ai beaucoup d'empathie, beaucoup trop même (c'était mon impression et ma psy semble d'accord avec ça), mais je ne l'exprime pas de la façon attendue/souhaitée par la majeure partie des gens.

De plus, l'empathie n'implique pas d'être d'accord avec la personne et son ressenti. L'empathie c'est comprendre ce que l'autre ressent et pourquoi il le ressent (la fameuse théorie de l'esprit), mais en aucun cas ça n'oblige à partager cette émotion et à faire fi de ses émotions personnelles !
Or c'est là que de nombreux NT (mais sont ils vraiment si typiques que ça ?) se plantent royalement sur l'empathie.
Ils ont une approche très nombriliste de l'empathie, en gros pour eux l'empathie c'est quand quelqu'un ressent ce qu'ils ressentent et quand eux mêmes ressentent ce que l'autre ressent, or ça c'est de la sympathie. Les gens ne veulent pas de l'empathie, en fait ils veulent de la pitié (compassion) et de la sympathie et pour moi c'est là que ça bloque. C'est aussi pour ça que régulièrement on lit des trucs cons du genre "les aspies n'ont pas d'empathie".

Un truc qui m'a frappé quand j'ai rencontré mon ami aspie, c'est qu'il était beaucoup plus attentif que les autres à mon bien être. Il arrivait à déceler quand je n'allais pas bien. Il était incapable de deviner pourquoi mais il le sentait, quand les autres (les NT) mettaient un certain temps à s'apercevoir de mon malaise (ou ne le voyaient jamais car je suis du genre secrète IRL) mais lorsqu'ils le percevaient ils savaient pourquoi.

Si j'en parle aujourd'hui c'est parce qu'hier j'ai été confronté à un cas d'école...
C'était l'assemblée générale de mon association et plusieurs épisodes m'ont poussé à me requestionner sur l'empathie et son expression.

Premier exemple : à un moment, un ancien membre a dû quitter la salle car il ne peut plus conduire de nuit, il fallait donc qu'il parte avant le coucher du soleil. En partant, il m'a remercié pour tout ce que je faisais pour l'association (dont je suis membre depuis 12 ans) et a également remercié le président car c'est un boulot pas facile. La trésorière qui est très investie elle aussi dans l'association depuis six ans et se démène comme une folle (au point d'être submergée car elle ne sait pas gérer son temps) a été profondément vexée qu'on ne la remercie pas et s'est mise à pleurer. Elle est sortie pour se calmer.
Deux heures plus tard, lorsqu'une membre s'est plaint qu'il n'y avait pas assez de bienveillance dans l'association et qu'elle demandait à ce qu'on reconnaisse le travail de chacun et qu'on remercie les membres, la trésorière s'est opposée à elle en disant que ce n'était pas nécessaire, qu'on faisait tous ce qu'on avait à faire et c'est tout...
J'ai été profondément déroutée par ce manque d'empathie criant. La jeune trésorière est incapable d'éprouver de l'empathie alors que les sentiments ressentis par les autres sont exactement les mêmes que les siens !
Dans d'autres circonstances, je l'ai vu éprouver de l'empathie et de la sympathie (surtout pour des gens avec un passif similaire au sien justement), mais elle a visiblement une grande difficilté à la reconnaissance des émotions et des motivations d'autrui juste par les mots s'ils ne sont pas explicités clairement visuellement (larmes, sourires, etc.) Et elle est très centrée sur elle même.
Cette jeune femme a des troubles psy, je ne sais pas lesquels exactement mais ils sont voyants. Par contre elle est incapable de reconnaître les problèmes chez les autres (par exemple son ancien compagnon a un trouble de la personnalité paranoïaque et elle ne l'a jamais vu alors que tout le monde le sait, de même elle pense que notre collègue anglais autiste est juste un "feignant qui fait l'andouille"...)

Ses problèmes psy la rendent antipathique aux yeux des autres membres de l'association et là encore où est l'empathie ?
Moi je ne l'apprécie pas, je n'aime pas travailler avec elle car c'est usant de ne pas savoir si telle ou telle phrase ne va pas déclencher une crise de nerfs, mais il n'empêche que lorsqu'elle est en détresse je sens sa peine, je sais que son enfance a été difficile, je sais que certains impératifs de boulot la rendent nerveuse et la fatiguent. Bref, je ne l'aime pas mais je ressens de l'empathie pour elle, or j'ai l'impression d'être quasiment la seule dans notre association. Les autres sont épuisés, leurs propres émotions sont tellement malmenées par elle qu'ils n'éprouvent plus d'empathie (alors qu'il y a encore quelques années certains avaient pitié d'elle et comprenaient son ressenti).
Son attitude nuit à la capacité d'empathie des autres.

J'ai remarqué ça aussi chez son ancien compagnon qui fait aussi partie de l'association. Son empathie est orientée vers des gens qui lui ressemblent et alors qu'en apparence c'est un gros con râleur, quand on le connaît bien on se rend compte que c'est un être hypersensible et aussi hyperempathique (là encore uniquement pour une partie de la population, ses idéaux étant très forts il n'éprouve que peu d'empathie pour les gens en désaccord avec ses principes).
Lui aussi est monté sur ses grands chevaux lorsque la membre s'est plaint du manque de bienveillance. Il a pris ça comme une attaque personnelle.

Les autres membres eux ne disaient quasiment rien, comme à chaque fois, ils sont détachés de tout ça. C'est un moyen pour eux de se protéger : je crois qu'ils éprouvent encore de l'empathie mais ils ne l'expriment pas et cherchent à l'étouffer pour ne pas souffrir inutilement.
Mais là c'est autre chose qui m'a dérangé : le fait qu'on n'avance pas. Car ceux qui sont incapables de faire correctement leur introspection sont bloqués dans une boucle sans fin et les autres préfèrent se murer dans le silence, pour éviter les problèmes, en attendant que tout crève.
Alors où est l'empathie dans tout cela ?
C'est sans doute égocentrique de ma part de penser cela, mais hier j'ai eu l'impression d'être la seule à ne pas faire preuve d'égocentrisme justement et de vouloir le bien de l'association plutôt que mon bien être personnel. J'avais l'impression d'être la seule à être capable d'une véritable empathie, c'est à dire analyser les attentes de chacun, comprendre leurs sentiments, leurs pensées, sans les partager pour autant, et essayer d'en tenir compte même si c'est difficile vu que certaines opinions s'opposent radicalement.
Ou alors je me trompe et ce n'est pas de l'empathie, c'est juste du pragmatisme ? Pourtant un être pragmatique ne se préoccuperait pas des états d'âmes de femmes éplorées.

J'en viens donc à m'interroger : les NT ont ils vraiment tous une bonne capacité d'empathie ?
Et surtout quelles sont les limites de cette empathie ?
Pendant la pause de la réunion, on a parlé à un membre qui vient de se faire larguer par sa copine, plusieurs membres ont éprouvé de l'empathie et l'ont exprimé clairement (à leur manière). Moi je n'ai rien dit, à quoi bon ? Je ne peux pas l'aider concrètement et on n'est pas proche donc je doute qu'il s'intéresse à ma compassion à son égard.
Je devine son mal être même si sur son visage il essaye de rester digne, il y a des signes qui montrent sa perplexité ; il ne semblait pas triste mais perdu et déboussolé, comme si ses certitudes avaient été démolies.
J'observe beaucoup, je ressens mais je n'exprime rien. Je me doute que j'ai l'air froide aux yeux des autres, mais je ne vois pas l'intérêt de m'épencher ainsi sur le destin des autres, ce ne sont que des mots inutiles, pour moi l'important c'est de comprendre qu'une personne est en détresse pour pouvoir l'excuser si elle n'est pas au top au niveau du travail ou de ses relations sociales. Après l'expression de l'empathie qui se transforme en sympathie c'est bien pour les amis proches ou ceux qui demandent clairement de l'aide, mais la politesse c'est de la fausse empathie pour moi. Et tout ce qui est faux m'exaspère, je veux de la sincérité et en bonne dose.

On dit que les aspies manquent d'empathie mais visiblement, de ce que j'ai pu voir sur Asperansa, les aspies ont plus d'empathie que certains de mes camarades d'association qui sont atteint de troubles mentaux sans rapport avec l'autisme et leur empathie est plus sincère que celle de NT qui expriment leur empathie selon des codes sociaux bien établis et finalement pas toujours super éloquents.
HPI (28/12/2017) à QI hétérogène.
TSA léger (11/03/2021) diag CRA
Quelques phobies sociales.
INFJ dans la classification Myers-Briggs.
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Re: Empathie

#312 Message par WinstonWolfe » dimanche 14 janvier 2018 à 12:37

Quelques pistes de réponse et de réflexion sur cet excellent article Wikipedia.
(Diagnostiqué autiste en 2013, à 40 ans)
Papa d'un petit garçon autiste né en 2018

Je sème des cailloux, ils m'échappent des doigts,
Mais je prends bien garde qu'ils ne mènent à moi.

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Re: Empathie

#313 Message par 2N3055 » dimanche 14 janvier 2018 à 13:17

MrsJack a écrit :… j'ai beaucoup d'empathie, beaucoup trop même (c'était mon impression et ma psy semble d'accord avec ça), mais je ne l'exprime pas de la façon attendue/souhaitée par la majeure partie des gens.…
Idem pour moi, et heureusement que les dialogues avec mes enfants (qui m'aiment) ont toujours été directs,
car c'est grâce à leurs retours que j'ai pu m'en rendre compte dans un premier temps,
et ensuite par le compte rendu du pré-diagnostic qui m'a conforté dans mon auto-analyse à ce sujet.

Contrairement à ce que certains croient, quand j'essaye de leur expliquer
ce qui s'est passé lors de certains bugs sociaux qui me sont arrivés avec eux
ce n'est pas leur empathie affective que je recherche mais cognitive.
Mon but est alors d'essayer de trouver avec eux une solution qui permette d'éviter
que ces bugs sociaux se reproduisent, ou du moins qu'ils puissent revoir sous un autre angle
leur interprétation de la situation.

Mais je constate trop souvent que l'empathie disjonctive a déjà fait son chemin dans leur groupe,
et comme ils s'en sont convaincu, il est alors impossible d'arriver à un dialogue constructif avec eux.

Pour autant, je suis conscient de ne pas être constamment disponible et capable d'empathie (quelle qu'elle soit)
donc, je n'en veux pas non plus à ceux qui n'ont pas pu bien comprendre ce que je voulais exprimer.

Je pense que beaucoup de personnes sont dans l'incapacité d'imaginer qu'il puisse exister d'autres
formes d'expression de l'empathie, et encore moins qu'il puisse exister plusieurs formes d'empathie.
C'est peut-être pour ça que, malheureusement, ils considèrent les autistes
comme étant enfermés dans leur bulle, incapable de communiquer et donc incapable d'empathie.

=======
MrsJack a écrit :…la politesse c'est de la fausse empathie pour moi. Et tout ce qui est faux m'exaspère,…
Il m'est parfois difficile, voire impossible d'obtenir autre chose qu'un retour poli
et je suis alors totalement incapable d'en décoder l'implicite.
MrsJack a écrit :… je veux de la sincérité et en bonne dose.…
Alors parfois j'essaye de demander une reformulation un peu plus directe,
mais ça ne fait bien souvent que provoquer de l'agacement qui se termine par un rejet,
et la communication est alors définitivement rompue.

=======
@WinstonWolfe Merci pour le lien, je vais lire ça.
Asperger diagnostiqué

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Re: Empathie

#314 Message par MrsJack » dimanche 14 janvier 2018 à 14:04

Merci pour ce lien WinstonWolfe.

Ce passage je crois illustre bien les capacités de mon ami :
Spoiler :  : 
Peter Vermeulen estime que « les personnes avec autisme, principalement les plus intelligentes, ne souffrent pas tellement d'un déficit en théorie de l'esprit, mais bien d'une « intuition » de l'esprit ». Il ajoute qu'« au contraire, vu les efforts que les personnes avec autisme fournissent pour comprendre le monde intérieur d'autrui, on pourrait même dire qu'elles sont les seules à posséder une théorie de l'esprit »[72],[73]. Un cinquième des enfants autistes de 4 et 5 ans réussissent le test de Sally et Anne[74]. Anke M. Scheeren s'oppose lui aussi à la théorie d'un déficit permanent en théorie de l'esprit, à partir d'études sur des enfants et adolescents dits « sans déficience intellectuelle »[68]. Les adolescents réalisent des performances supérieures à celles des enfants, probablement grâce à une compensation de leurs difficultés, jusqu'à acquérir « des raisonnements mentaux avancés ». Il postule que l'expérience et l'apprentissage permettent aux personnes autistes d'acquérir la théorie de l'esprit[75] : certaines d'entre elles comprennent des états émotionnels qui font appel à des notions avancées, comme le sarcasme et le double bluff[68]. Les recherches suggèrent également que les personnes diagnostiquées avecsyndrome d'Asperger peuvent rencontrer des problèmes pour comprendre les perspectives des autres, mais qu'en moyenne, elles démontrent une empathie et une détresse personnelle supérieures à celle des groupes témoin[15],[76].
Voici un autre passage qui m'interpelle :
Les personnes autistes avec synesthésie peuvent avoir une perception exacerbée de certaines formes, textures, couleurs, et de certains mots ou chiffres, allant également dans le sens d'une forme d'empathie émotionnelle envers des animaux, des concepts ou des objets[81].
Quand j'étais enfant et ado (ça me le fait moins maintenant mais uniquement par autosuggestion je me force à être lucide), j'avais une empathie émotionnelle très forte pour les objets de forme zoomorphes et anthropomorphes, principalement mes jouets mais pas que.

C'est quelque chose de fréquent chez les autistes ou d'autres atypicités ?
2N3055 a écrit :Contrairement à ce que certains croient, quand j'essaye de leur expliquer
ce qui s'est passé lors de certains bugs sociaux qui me sont arrivés avec eux
ce n'est pas leur empathie affective que je recherche mais cognitive.
Justement, la plupart du temps les études concluent que les autistes manquent d'empathie cognitive mais pas émotionnelle. Or quand je lis les différents témoignages ici ce n'est pas aussi évident.
Je pense que beaucoup de personnes sont dans l'incapacité d'imaginer qu'il puisse exister d'autres formes d'expression de l'empathie, et encore moins qu'il puisse exister plusieurs formes d'empathie.
C'est peut-être pour ça que, malheureusement, ils considèrent les autistes comme étant enfermés dans leur bulle, incapable de communiquer et donc incapable d'empathie.
Je suis d'accord avec toi. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'il n'y a pas que les autistes qui n'aient pas ou donnent l'impression de ne pas avoir de l'empathie. N'importe quelle personne un peu froide, fière, introvertie ou égocentrique donne l'impression de ne pas avoir d'empathie.
Il m'est parfois difficile, voire impossible d'obtenir autre chose qu'un retour poli
et je suis alors totalement incapable d'en décoder l'implicite.
Personnellement, quand je suis juste "polie" c'est que je ne sais pas quelle réponse émotionnelle/naturelle apportée, mais j'ai beaucoup de mal à être polie, surtout au boulot, je ne sais pas ce qui est "convenable" et ce qui ne l'est pas. Je ne comprends pas les règles plus subtiles que "bonjour" "je vous prie de m'excuser" "svp" "merci" "cordialement".
Pour moi la franchise est plus pratique, tourner autour du pot pour ne pas vexer X ou Y c'est épuisant car ça rallonge les procédures inutilement.
HPI (28/12/2017) à QI hétérogène.
TSA léger (11/03/2021) diag CRA
Quelques phobies sociales.
INFJ dans la classification Myers-Briggs.
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freeshost
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Re: Empathie

#315 Message par freeshost » dimanche 14 janvier 2018 à 22:00

L'empathie, t'en pâtis ?
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

Diagnostiqué autiste en l'été 2014 :)

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