Bonjour,
Je ne suis pas diagnostiquée, mais j'ai une bonne partie des altérations en terme d'interactions sociales et de communication que présentent les personnes SA, et je suis étudiante en médecine, donc je pense que ça peut être intéressant pour toi.
Je vais répondre au fur et à mesure aux questions que tu poses dans ton premier post. Si tu as d'autres questions, n'hésite pas à les poser par la suite.
nala_radenne a écrit :je me demande si, avec le syndrome d'asperger, il est possible d'exercer dans le milieu medical (que ce soit d'un point de vue technique ou legale)
Pour ma part, j'étais déjà en médecine quand j'ai commencé à m'interroger spécifiquement sur le SA. Je savais que quelque chose n'allait pas depuis longtemps, mais je n'avais aucune connaissance sur l'autisme.
Quand j'ai commencé à me questionner si le SA, je me suis posée ces deux mêmes questions, donc j'ai cherché un peu.
D'un point de vue légal, rien ne t'empêche d'exercer une profession dans le milieu médical. J'ai connaissance d'une médecin Asperger, qui exerce en France, ça ne pose pas de souci.
D'un point de vue purement technique, personne ne pourra le dire à ta place, c'est toi qui te connait. Le SA est parfois associé à des difficultés de motricité, ce n'est pas systématique et ce sera à un degré variable selon les personnes.
Personnellement, j'ai des difficultés praxiques auxquelles je suis habituée depuis toute petite, et j'ai plein d'astuces pour compenser (par exemple, stabiliser mes gestes fins en réalisant un trépied avec la tranche de la main et deux ou trois doigts). J'avais peur que ça devienne gênant à un moment où un autre. Finalement, ça complique parfois certaines choses, mais j'ai même réussi à faire de la chirurgie où certains gestes se doivent d'être extrêmement précis. J'ai mis un peu plus de temps à apprendre que mes collègues, mes chefs étaient étonnés de ma manière de faire les gestes, de tenir les instruments, mais finalement j'étais aussi douée que mes collègues, j'avais juste besoin qu'on me laisse faire mes propres adaptations.
nala_radenne a écrit :
d'autant plus qu'il est demandé un certificat medical pour entrer en IFSI qui atteste de la condition physique et mentale de la personne.
Le même type de certificat nous est demandé à un moment dans nos études.
Je m'interrogeais déjà sur le SA au moment où j'ai du le faire remplir.
Pour moi, le SA n'est pas une altération de la condition physique ou mentale, c'est un trouble du neurodéveloppement. Certains diront que je joue sur les mots mais je ne trouve pas.
Par ailleurs, le certificat doit être rempli par un médecin qui te connais, ou en tout cas qui évalue ta "condition physique et mentale" quand il te voit pour remplir le certificat. A moins de comorbidités insurmontables (par exemple, un trouble anxieux généralisé très marqué que tu n'arrives pas à gérer), je ne vois pas comment on pourrait considérer que tu n'es pas apte à exercer dans le milieu médical. Et si c'était le cas, je pense que de toi même tu ne t'orienterai pas dans cette voie.
nala_radenne a écrit :
est ce que vos collegues ou votre hierarchie sont au courant de votre SA ?
comment cela est il perçu ?
Encore une fois, je ne suis pas diagnostiquée donc je ne peux pas répondre à ta question. En revanche, l'un de mes chefs était diagnostiqué AHN dans un des stages où je suis passée. Lui n'en parlait pas, mais tout le service était au courant (autres médecins et paramédicaux). On ne nous le disait pas d'emblée, mais quand il avait un comportement "atypique", les personnes avec qui on en parlait nous expliquaient la situation (j'ai eu l'info plusieurs fois du coup, par le chef de service, par d'autres chefs, par des infirmières ...). Les collègues trouvaient parfois ça difficile ou pénible à gérer, mais tout le monde se montrait finalement compréhensif et ça ne semblait pas poser de problème important au final. Il travaillait dans ce service depuis longtemps.
nala_radenne a écrit :
Votre SA est il handicapant dans votre boulot, que ce soit dans vos relations avec l'équipe ou avec les patients ?
Très clairement, mes particularités et mes difficultés de communication sont "handicapants" dans le cadre du travail.
Je fais beaucoup d'efforts avec les patients et je pense assez bien m'en sortir. En tout cas j'ai rarement eu des retours négatifs sur ma manière de me comporter de la part des patients eux-mêmes. Je pense que ça aurait parfois été justifié, je pense notamment à une situation où, à 3h du matin sur une garde de 24h, je n'ai pas réussi à faire les efforts nécessaires pour tout expliquer, rassurer ... dans une situation où ça aurait été franchement nécessaire. Je m'en veux beaucoup et j'ai redoublé d'efforts depuis, je pense que je m'améliore encore même si ce n'est pas toujours parfait. Par contre je ne pense pas que mes difficultés aient un jour impacté la qualité des soins en eux-mêmes, au-delà de l'aspect relationnel avec les patients.
Avec les collègues, c'est beaucoup plus compliqué. Je fais des efforts en priorité dans la relation avec les patients, mais j'ai souvent du mal à faire les efforts qui seraient nécessaires avec les collègues, surtout paramédicaux. Généralement je m'en sors avec les autres médecins (les équipes se composent d'un nombre raisonnable de personnes et on se côtoie au quotidien donc tout le monde apprend à se connaître, et même si mes particularités déplaisent à certains, les gens finissent par faire avec, de toute façon ils n'ont pas vraiment le choix). Pour les paramédicaux, aussi bien infirmiers qu'aides soignants, ils fonctionnent par roulements avec des changements d'équipe plusieurs fois par jour. J'ai des difficultés pour les reconnaître (je reconnais mal les visages de base) et retenir leurs prénoms, ce qui n'aide pas à communiquer par la suite. Et on a moins l'opportunité d'apprendre à se connaître mutuellement. Ça m'a déjà causé pas mal de souci au cours de mes études, ça reste compliqué actuellement et je n'ai à ce jour pas trouvé de solution pour améliorer les choses à ce niveau là.
Une autre chose que tu n'évoques pas mais qui me semble importante, c'est l'impact que les difficultés au travail liées au SA ont sur les autres aspects de la vie.
J'adore mon travail, et je fais beaucoup d'efforts dans ce cadre là pour "être un bon médecin". Cependant, plus je fais d'efforts au travail, moins je suis capable d'en faire dans le cadre de la vie privée. Je suis donc moins disponible pour en faire pour mon conjoint, et pour ma famille (parents, frères et soeurs ...). Je n'avais pas pensé à cet impact en m'engageant dans une voie professionnelle qui implique des relations sociales, mais ça me semble important à l'heure actuelle et c'est une chose donc je "souffre" parce qu'il y a un véritable dilemme : offrir la meilleure qualité de soins possible à mes patients versus faire un peu moins d'efforts au travail pour en faire un peu plus dans le cadre privé.
J'espère que ça répondra au moins en partie à tes interrogations. Au final, je pense que si tu est vraiment motivé(e) et que tu te penses capable de t'épanouir dans cette voie, il ne faut pas chercher toi même à te freiner.
Et dans tous les cas, si ça se révélait être une mauvaise décision, ce n'est pas irrémédiable, tu peux toujours te réorienter secondairement. Ça vaut le coup d'essayer si c'est ce que tu désires.