Pour ma part, ce processus remonte à un certain nombre d'années et je n'ai pas été la première personne à le débuter.
Année de mes 2-3 ans, ma mère est en plein divorce, la justice se plante et je suis confiée à mon père pour une durée de 6 mois, jusqu'à ce qu'une assistante sociale détermine que nous étions en "danger", mon frère et moi, pour des raisons qui ne m'ont jamais été pleinement explicitées, et qu'il fallait absolument que ma mère ait de nouveau la garde. Elle nous retrouve traumatisés à divers degrés. Pour ma part, je suis entièrement non-verbale, à l'exception de cris incohérents, formés des mêmes syllabes répétées encore et encore.
Un passage chez la pédopsychiatre suggère une possibilité d'autisme, mais la professionnelle ne s'attarde pas plus sur le sujet et, retrouvant progressivement la parole, ma mère finit par ne plus y repenser davantage et attribuer mon comportement uniquement à ce que j'avais pu vivre auprès de mon père.
Je grandis donc sans diagnostic, mais presque constamment stigmatisée. On me pense Haut potentiel, mais jamais de test de QI passé pour confirmer cette idée, ma mère craignant que je ne sois encore plus stigmatisée en apposant officiellement ce genre de label. Je grandis globalement seule, rapidement consciente de l'idée qu'il y avait quelque chose de "différent" chez moi sans parvenir à mettre le doigt dessus.
A 15 ans, en plein mal-être à la rentrée au lycée, je tape vaguement mon ressenti sur google et je tombe sur un article de wikipedia sur l'autisme. A l'époque, je rejette l'idée, associant l'autisme à Rain Man comme malheureusement beaucoup de personnes et ne me reconnaissant pas du tout en ce film et ce personnage. Je tombe un an plus tard sur un article sur le syndrome d'Asperger et des soupçons commencent à émerger. Je fais beaucoup de recherches sur le sujet et, au fil des années et au fur et à mesure que ma maîtrise de la langue anglaise s'améliore, j'entre en contact avec la communauté autiste anglophone sur Tumblr.
J'ai été très bien accueillie et j'ai reçu un tas de documentation sur l'autisme. J'ai aussi pris connaissance pour la première fois du mouvement de la Neurodiversité, que je supporte entièrement encore à ce jour. A l'époque, je n'avais pas décidé d'entamer un processus de diagnostic, principalement parce que les procédures étaient très lourdes et que je ne m'y retrouvais pas dans le bazar administratif que cela représentait pour moi. J'avais joint à plusieurs fois le CRA de ma région et l'EMAAS, pour finalement me rétracter devant la montagne de papiers à remplir, la nécessité d'un témoignage d'un proche (alors que je n'avais parlé à personne de mes démarches) etc etc.
Rendant visite à un psy dans mes vingt ou vingt-et-un ans, je confie mon histoire et mes déboires et le professionnel me dit qu'il pourrait m'encourager à entamer toutes ces démarches, car il me croit autiste. J'hésite un long moment, puis j'y renonce. A l'époque, j'étais globalement bien intégrée dans mon travail et mes collègues m'avaient accommodée sans se poser trop de questions, trop contentes d'avoir une personne douée en informatique pour penser à me reprocher mes difficultés sociales. Mais ce contrat s'achève et je me retrouve dans une autre bibliothèque. Et là, tout bascule.
Lors d'un entretien de notation, ma chef me signale que je suis "Excellente partout, sauf pour ce qui est de sociabiliser", ce qui me motive finalement à lui confier mes soupçons de diagnostic, dans l'espoir qu'elle se montre plus compréhensive. Elle me pousse alors à chercher un diagnostic, obtenir une RQTH et à suivre une thérapie, d'une manière un peu douteuse, mais pour laquelle je la remercie finalement, puisque j'ai désormais mon diagnostic, ma RQTH et une psy fantastique qui m'accompagne encore à ce jour
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Bref, ma chef me pousse, me pousse, me pousse, bien plus que mes collègues neurotypiques. Elle profite du fait que je travaille désespérément pour être stagiairisée dans la fonction publique pour me noyer de boulot et me reprocher la moindre petite chose, y compris ce qui n'était pas de mon ressort. Elle m'oblige à revenir après un stage pour assurer une animation, ce qui me fera finir à plus de 23 h, et me reproche d'avoir pris des congés après une animation particulièrement lourde que j'ai géré toute seule, alors qu'elle les a elle-même approuvés et qu'il s'agissait de congés payés que je devais forcément poser à un moment ou à un autre.
Constamment, elle m'impose de nouvelles barrières à franchir dans l'espoir d'être stagiairisée, pour finalement me dire, au bout d'un 1 an et demi, qu'ils ont décidé de ne pas le faire, soit-disant pour mon "propre bien". Je n'avais pas terminé mon diagnostic et je n'avais donc pas eu le temps d'obtenir ma RQTH. Le chômage aidant, je trouve le temps de finir tout cela et j'obtiens mon diagnostic officiel et ma reconnaissance travailleur handicapé. Je suis des séances d'habileté sociale avec un groupe, jusqu'à ce que je trouve finalement du travail et que les horaires ne collent plus.
Bref, voilà le long chemin qui m'a mené jusqu'à mon diagnostic.