pikaia a écrit :J'essaie de surmonter tout ça, mais finalement je ne pense pas avoir un rapport sain aux réseaux sociaux : malgré ma volonté de progresser en communication je sais que ça me fait plus de mal qu'autre chose, et pourtant je ne parviens pas à m'en désintoxiquer (peut-être en partie un souci d'égo qui refuse d'abandonner pour se «prouver quelque chose» ou je ne sais quoi...)
Je pense ressentir ou avoir ressenti des choses assez similaires à certains éléments que tu as évoqués, notamment l'impression que certains "s'intègrent" plus que d'autres (dont moi). Avec le recul, je me rends compte que je communique bien moins dans un souci de "m'intégrer" (ex: besoin d'appartenance à un groupe) que d'échanger des informations. Depuis qu'on m'a expliqué que pour la majorité des personnes le 1er besoin passe avant le 2nd, je me dis que cette impression tient peut-être juste au fait que les motivations étant différentes les résultats ne peuvent simplement pas être les mêmes. En résumé je pense que c'est comparer des choses qui ne sont pas comparables.
Plus embêtant, cette "volonté de progresser via plateformes internet" (très présente chez moi aussi) m'apparaît de plus en plus comme étant de l'ordre de la distorsion cognitive. C'est je pense une
fausse obligation qui part de constats particulièrement biaisés.
1/Il y a déjà l'idée qu'il faudrait obligatoirement compenser les difficultés sociales qu'on vit IRL en échangeant sur le net.
=> Y a-t-il vraiment quelque chose à obligatoirement compenser à la base? Qu'est-ce qui tient du réel besoin de communiquer avec d'autres personnes et qu'est-ce qui tient de cette volonté puissante de forcément devoir "compenser"?
Je m'interroge de plus en plus là-dessus, parce que j'ai le sentiment que ces histoires de compensation visent surtout à rassurer les non-autistes (y compris thérapeutes) qui envisagent les relations sociales très différemment des autistes. Et que moi finalement, ben j'y accorde beaucoup d'importance juste parce qu'on m'a plus ou moins convaincue que c'était important et que j'avais un truc à compenser.
2/Ensuite, il y a cette idée que les personnes autistes ont
beaucoup moins de difficultés à échanger derrière un écran qu'IRL.
=> D'où sort-elle précisément? De qui parle-t-on exactement? Et de quel type d'échanges s'agit-il?
Pour moi, on est partis d'observations données: sur le net on choisit le moment, il y a plus de libertés sur la forme, et surtout les échanges sont souvent thématiques et pas purement sociaux (détail capital à mon avis concernant les profils autistiques). Suite à ces observations, on a constaté qu'effectivement certaines barrières étaient moindres sur le net.
Mais il y en a d'autres, et si pour certaines personnes on peut parler de "beaucoup moins de difficultés", ça reste difficilement applicable à certains profils.
Problème: ces profils sont de fait complètement invisibilisés (ce qui est de l'ordre de la logique primaire) et on se retrouve à parler d'autres profils, ceux dont les difficultés à échanger restent relatives, que ce soit derrière un écran ou IRL. Du coup forcément, tu te retrouves à appliquer à ton cas personnel des "vérités" pertinentes pour d'autres mais pas forcément pour toi.
Depuis quelques temps je me méfie beaucoup de ça parce que j'y ai laissé énormément de plumes. J'analyse en profondeur tous les "moi aussi", "je suis concerné(e) également par ce truc dont tu parles" et cie, et je les passe à la moulinette de ce que je peux observer de manière factuelle.
Ca m'évite de me noyer dans des comparaisons avec des gens qui communiquent en fait énormément, un peu tout le temps, de manière plutôt éclairée, et ne sont pas circonscrits au niveau des thématiques.
C'est important je pense d'analyser les vrais référentiels avant de se juger déficitaire par rapport à un groupe donné (ou du moins ce qu'on en voit, et qui ne correspond pas forcément à la réalité).
3/Tout comme les profils vraiment fortement impactés par de lourdes difficultés de communication, ceux qui sont complètement hermétiques aux réseaux de communication du net pourraient aider à sortir de cette
fausse obligation. Sauf qu'ils ne le font pas parce que par définition sur le net ils n'existent pas. Tu ne les prends pas en compte dans tes "calculs" tellement ils n'apparaissent nulle part, pourtant il n'y a rien de déviant ni de déficitaire en soi à accorder autant d'importance à l'image de soi qu'on pourrait construire et entretenir sur le net qu'à son 1er slip.
"Exister sur internet" est une option et pas une obligation. On a beau vendre ça tant et plus aux personnes autistes et à celles qui ont des difficultés à interagir IRL, ça ne change pas que c'est une option.
Le gros effet pervers à mon avis, c'est qu'avec tout ça cumulé on fait passer une grande majorité d'autistes (ceux qui n'arrivent pas forcément à se débrouiller mieux sur le net qu'IRL, qui s'en foutent, ou les 2) pour une grande minorité. Et vice-versa.
Bref: l'arnaque totale à mes yeux.