Page 1 sur 3

"J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : mercredi 9 décembre 2020 à 18:38
par Kimagine
Bonsoir tout le monde,

me voici de retour avec un nouveau problème pratique à vous soumettre.

Il y a quelques jours, je parlais avec la psychologue qui me suit au CMP (quand on est précaire et qu'on a des problématiques autres que le TSA, c'est bien de pouvoir se faire suivre/accompagner en étant pris en charge par la sécu, même si les soignant-e-s en question connaissent peu/mal les TSA).

Nous avons évoqué mes réactions parfois impulsives, mes réactions émotionnelles parfois disproportionnées par rapport à la situation vue de l'extérieur, mes sensibilités sensorielles. J'ai commenté: "Enfin, tout ça je pense que c'est surtout dû au fait que je suis autiste!" (avec un sourire :) )
Mais là, elle m'a répondu: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes vous savez... Je préfère dire que vous êtes singulier: vous êtes sensible..."
Sur le moment, j'ai été un peu abasourdi-e et je n'ai pas réussi à la contredire alors que j'ai été assez choqué-e par ce propos.

Je sais que c'était pas du tout mal intentionné, que c'était surtout de la maladresse. Mais je n'en suis pas moins choqué-e, et je pense qu'il y a un problème de formation qui risque aussi de poser problème pour m'accompagner ou pour accompagner d'autres personnes.

Du coup, j'aimerais bien lui expliquer que non, quand on parle d'autisme il ne s'agit pas d'une étiquette qui serait interchangeable avec une autre, ou qu'on pourrait enlever/décoller à un moment. Et qu'il s'agit bien d'une différence au niveau du fonctionnement du cerveau, du fonctionnement neuronal, que dans mon cas parfois ça constitue un handicap - et à d'autres moments, je suis franchement heureuxe d'être autiste et pas alliste.
Mais je me sens pas du tout capable d'aborder ce sujet dans une discussion: j'ai souvent du mal à mettre mes idées en mots, et quand les émotions s'en mêlent ça devient franchement compliqué.
Raison pour laquelle je pense que ce serait plus facile et aussi peut-être plus pédagogique d'avoir cette discussion avec des supports à l'appui pour argumenter.
D'où mon post ce soir: est-ce que vous avez des idées d'articles ou de vidéos qui pourraient me servir dans cette démarche?
L'autre raison du post, c'est que j'imagine que d'autres autistes ont sans doute été confronté-e-s à ce type de discours et que ça arrivera probablement encore beaucoup -> j'espère que ce raisonnement et les documents proposés ici pourront servir aussi à d'autres ou vous faire vous sentir moins seul-e-s face à ça :wink:

Sur ce, salutations cordiales à qui lira ce post

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : mercredi 9 décembre 2020 à 20:20
par ブノワ
A dire vrai je ne vois pas ce qui te choque, c'est plutôt positif de parler de personnalité individuelle que d'autisme, l'autisme fait partie de toi mais ne te définit pas.
Sinon on serait tous pareils et c'est pas du tout le cas, on est tous aussi différents entre nous que des neurotypiques.

Dans la sphère anglosaxonne, tu n'auras pas de mal je pense à trouver des sources de ce type, parce que c'est un penchant américain de se définir par son handicap ainsi. Mais je n'ai pas de lien précis à l'esprit. :innocent:

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : mercredi 9 décembre 2020 à 21:11
par PetitNuage
Je comprends ce que tu peux ressentir car pour moi, la démarche au CRA, c'est, entre autres, pour tenter d'avoir une étiquette
qui pourrait m'aider à comprendre mon mode de fonctionnement.
Spoiler : 
L'infirmière qui vérifie la température au CMP où j'avais rendez-vous cet après-midi est une connaissance. (OVS)
Je lui ai parlé de ma démarche au CRA en lui expliquant que je sais qu'en France, on n'aime pas coller les étiquettes,
mais que je ressens le besoin d'en avoir une pour mieux comprendre mes difficultés.

(ex comprendre pourquoi je n'ai pas réussi à avoir de vie de couple malgré les thérapies)

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : mercredi 9 décembre 2020 à 22:08
par lucius
Spoiler : 
Suite à une très longue expérience avec des médecins, des personnes (quelques médecins ou même des infirmiers) n'aiment pas coller des étiquettes car même si les résultats prouvent à 100%, ils n'ont pas la même certitude car ils ont une expérience ou une perception différente. Le résultat est qu'ils n'ont pas la même interprétation des résultats.
Mais c'est très problématique parce que cela nous empêche d’être véritablement aidé ou de rebondir si même le médecin est dans le flou avec nous. Des fois, une étiquette est un bon moyen de se positionner pour avancer. Comment se faire aider auprès de médecins si chacun interprète notre situation différemment? C'est pour cela que j'ai mis des années avant d'être pré-diagnostiqué (un peu par hasard) malgré avoir vu pas mal de médecins.

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : mercredi 9 décembre 2020 à 22:13
par olivierfh
Kimagine a écrit : mercredi 9 décembre 2020 à 18:38Mais là, elle m'a répondu: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes vous savez...
Ça ressemble au lien indiqué ici "La fin sans fin de l’illusion psychanalytique" presque en même temps que ton post, avec à la fin la note:
Parmi les nouveaux visages que prend la psychanalyse chez nous à l’heure actuelle, citons, en vrac :
  • le masque du discours anti-états-uniens/anti-libéral/anti-capitaliste (« le DSM, c’est une colonisation culturelle des USA », « refuser la psychanalyse, c’est jouer le jeu des laboratoires pharmaceutiques », « le DSM est financé par les lobbies pharmaceutiques », « les technocrates nous imposent leur doctrine ») ;
  • le masque du respect d’autrui (« poser un diagnostic [DSM-CIM], c’est nier la singularité du sujet », « l’être humain est irréductible à un diagnostic », « il faut laisser le sujet expérimenter son désir », « les neurosciences, c’est penser le sujet comme une machine et non comme un être singulier ») ;
  • ou l’emprunt d’autres appellations fourre-tout (approche dite « intégrative », « psychodynamique », etc.) qui cachent mal d’où elles proviennent.


Laurent Mottron dit à ce sujet dans L'autisme, une autre intelligence (2004), p. 19-20:
L'esprit de ces outils [standardisés d'évaluation] est résolument
- comportemental (on décrit ce que l'on voit et seulement ce que l'on voit),
- local (chaque signe est décrit pour lui-même, indépendamment de son contexte historique et des autres signes)
- et objectivant (le signe peut faire l'objet d'une description transparente et d'un accord entre famille et clinicien).
En cela, l'ADI et l'ADOS prennent de front toute la tradition psychiatrique francophone, qui est
- intentionnelle (on s'intéresse à la façon dont le sujet et sa famille se positionnent à l'égard d'un comportement plutôt qu'au comportement lui-même),
- globalisante (on croit qu'un signe est expliqué, ou au moins modulé, par son contexte historique et familial)
- et subjectivante (on pense qu'un signe ne peut être saisi indépendamment de sa description par le sujet ou le clinicien).
Ces outils ont été élaborés par des cliniciens qui croient à la possibilité de décrire des signes en un langage compréhensible même à des parents et informateurs d'un niveau d'éducation modeste, et pour qui les parents, quelle que soit leur personnalité, sont des sources valides et peu biaisées d'information.

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : jeudi 10 décembre 2020 à 7:29
par lepton
Je suis de l'avis de Benoît (7/7).

Maintenant que le diagnostic de TSA est posé, celui-ci sert de base de travail pour un suivi efficace.

Le but du psychiatre n'est pas de traiter ton TSA , mais les manifestations qui en découlent.

Tu n'es pas juste une entrée du DSM. Tu es un.e autiste, avec des difficultés qui te sont propres, et un projet de vie qui est le tien.
Ton suivi ne sera pas le même que le mien, ou que celui des autres autistes.
On est tous différents malgré un diagnostic identique.

D'où l'intérêt de personnaliser le suivi, et d'aller un peu plus loin que le diagnostic de TSA...

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : jeudi 10 décembre 2020 à 7:43
par EnHans
Hum... et le problème d'apporter des doutes à un esprit qui doute énormément déjà, pas sûr que ce soit la meilleure chose à faire.

Concernant mon fils, il faut encore le rappeler à notre cadet qui lui a encore reproché un comportement limite/lourd hier après midi en allant chez le dentiste. Du coup, j'ai encore dû lui rappeler qu'il était autiste et handicapé (tu vois... même au petit frère, alors avec des étrangers...). Il doit composer avec, lui aussi est chiant parfois avec sa mauvaise foi.

ps : je tiens aussi à mettre un bémol concernant les cmpp. Pour nous, ça va bien : il a retrouvé son ancienne orthophoniste (elle est revenue de maladie), elle est géniale... mais celle qui l'avait remplacé était très bien aussi. Voilà, voilà... :innocent: Plutôt que de juger la banque, il faut juger le banquier...

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : jeudi 10 décembre 2020 à 9:05
par Arcane
C'est un peu comme si on ne disait pas à un aveugle/sourd/amputé qu'il ne l'était pas... Pour ne pas lui coller d'étiquette.......

Et puis, être sensible, c'est aussi une étiquette... Non ?

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : jeudi 10 décembre 2020 à 10:19
par Petronille
Sans doute aussi que le mot "autiste", pour beaucoup de gens, renvoie encore uniquement à l'image d'une personne non verbale, et/ou avec une déficience intellectuelle.
Les représentations associées n'ont pas encore suivi la modification des classifications, semble t-il.

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : jeudi 10 décembre 2020 à 10:30
par Clovis
Il y a un équilibre à trouver, une fois pris acte du diagnostic, entre réduire l'individu à son autisme et ne pas en tenir compte.

Je crois que même en tant que personne autiste ce n'est pas évident de trouver cet équilibre.

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : jeudi 10 décembre 2020 à 10:30
par ブノワ
Pour moi il n'y a aucune négation dans le terme "pas d'étiquette".
C'est plutôt une façon d'exprimer que non, on ne peut pas tout attribuer à l'autisme, pas une négation du handicap.

Quand on dit " c'est surtout dû au fait que je suis autiste!" pour expliquer quelque chose, le praticien va entendre cela comme une excuse et une volonté de n'absolument rien faire sur le sujet.
L'autisme c'est le trouble neurodéveloppemental, tout le reste on peut en discuter avec un professionnel (si les deux personnes sont d'accord).

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : samedi 6 février 2021 à 14:22
par Lou-2020
Au sujet de cette "fameuse étiquette", j'ai beaucoup apprécié la réflexion d'une bloggeuse que je partage ci-dessous :

http://jenesuispascelle.unblog.fr/2019/ ... uis-myope/

Je n'ajoute rien de plus car je trouve que son message se suffit à lui-même. Personnellement, je suis assez convaincue par sa démonstration.

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : samedi 6 février 2021 à 19:18
par olivierfh
Lou-2020 a écrit : samedi 6 février 2021 à 14:22 http://jenesuispascelle.unblog.fr/2019/ ... uis-myope/
Excellent. :lol:
S’il était myope [au lieu d'autiste] on dirait qu’il est myope et personne ne viendrait dire que ça l’enferme dans un diag, que c’est lui mettre une étiquette :) et puis on lui mettrait des lunettes.
« Mais enfin madame pourquoi voulez-vous absolument que votre fils soit myope ? » ; « Vous savez on est tous un peu myopes » ; « Bah ok il voit flou de loin mais c’est pas non plus une raison pour dire qu’il est myope » ; « Je pense que s’il est myope c’est parce que vous êtes bien trop près de lui du coup il ne fait pas l’effort de voir loin »…

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : dimanche 14 février 2021 à 11:57
par Fluxus
Salut, j'arrive un peu tard sur le sujet mais tout ça m'a interpellé !

Je ne sais pas si cela vient d'un problème de formation car je me dis que souvent dans ce type de structures, les professionnels accueillent tout types de personnes avec des profils différents et surtout en CMP où l'on peut bénéficier de d'autres soins que des consultations psy. Mais souvent, ça peut venir du fait que le psychologue pratique un certain type de thérapie (un psychologue avec une approche psychanalytique pratiquera différemment d'un psychologue qui fait de la thérapie cognitivo-comportementale, par exemple).

Il est vrai que c'était plutôt maladroit et j'ai eu droit à un raisonnement un peu similaire avec un professionnel (psychologue) qui me suit. Lorsque je lui ai parlé de ma quasi obsession pour mon diagnostic TSA, on m'a demandé ce que ça allait changer pour moi à part mettre un mot sur mes "bizarreries" quotidiennes alors qu'en réalité, il y a toute une question de légitimité, d'estime, de compréhension de soi derrière et surtout un énorme besoin de faire comprendre à la société de manière générale que ce qui est différent et constitue la partie "handicapante" vient en partie d'une configuration neuro qui est différente et que ce ne sont pas des choses banales.

Avec mon professionnel, on a alors parlé de plutôt essayer de mieux vivre les singularités attachées au trouble et essayer de profiter des atouts. De mon côté ce que je prévois de faire, c'est d'essayer de faire une sorte de carte mentale pour pouvoir dissocier ce qui serait issu de ce qui m'est intrinsèque et ce qui est issu des causes extérieures même si chaque chose joue sur l'autre pour essayer d'agir sur un maximum de choses sur lesquelles on peut agir.

Re: "J'aime pas dire que vous êtes autiste, parce que les étiquettes..."

Posté : mardi 23 février 2021 à 22:16
par Space
Fluxus a écrit : dimanche 14 février 2021 à 11:57on m'a demandé ce que ça allait changer pour moi à part mettre un mot sur mes "bizarreries" quotidiennes alors qu'en réalité,
J'ai eu le droit à ça aussi et j'en reste encore estomaquée !
Pour moi c'était justement tout l'enjeu : "mettre un mot sur ma différence". A mes yeux un spécialiste qui aborde les choses de cette façon ne pourra rien m'apporter et me fera plus de mal que de bien, et cela s'est avéré vrai à plusieurs reprises.

Et en ce cas, si les étiquettes sont si mauvaises alors à quoi servent tous les diagnostics ? :mrgreen: