sentiments des personnes Asperger

Je suis autiste ou Asperger, j'aimerais partager mon expérience. Je ne suis ni autiste ni Asperger, mais j'aimerais comprendre comment ils fonctionnent en le leur demandant.
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Emma
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Re: merci Emma et Lila

#16 Message par Emma » lundi 14 novembre 2005 à 16:29

chris a écrit :Merci Emma et Lila pour avoir défriché ensemble un aspect de cette question importante...
Les réponses les plus basiques sont parfois celles auxquelles on pense le moins.
Objectif : Essayer de ne pas prêter des intentions aux SA. D'ailleurs on devrait tous savoir que s'ils ont envie de dire quoi que ce soit, ils le feront...
Ils le feront...Ou pas, parce que si ils ne sont pas sûrs d'avoir bien compris ils pourront (comme nous) avoir peur de dire une énormité (donc de se sentir ridicules), et se taire..Il se peut aussi que le temps de mettre en place ce qu'ils ont envie de dire , il aient "trois wagons de retard" dans la discussion (surtout si c'est une conversation croisée)...Alors ...A ce rythme là, on devient vite aquoiboniste et on préfère se taire..("non, rien..." ,"laisse tomber..." et autres "c'est pas grave...")

Parfois c'est aussi à nous de vraiment "demander" :wink: Ce que je veux expliquer, c'est que tout doit être "dit", ne pas rester sur des "il/elle doit avoir compris", ou pire "il/elle s'en fiche", voire "il/elle se moque de moi"...

Merci aussi à toi Christiane, d'avoir lancé ce sujet très intéressant 8)

Emma.
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Murielle
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#17 Message par Murielle » lundi 28 novembre 2005 à 15:41

Je ne sais pas si j'aurai dû ouvrir un autre sujet, mais , nous parlons des sentiments et ce dont ils sont capables de montrer...Je souhaiterais savoir si des adultes asperger se rappellent si , petits , ils allaient "facilement" faire des bisous ou des câlins à leurs parents?Acceptaient-ils de se faire consoler après un chagrin ou une blessure?
Pour nous, Léo n'apprécie pas vraiment qu'on cherche à le consoler quand il s'est fait mal...Il est tombé l'autre jour dans les escaliers, (j'ai d'ailleurs eu la peur de ma vie :( :shock: ,il a fait plusieurs "roulades") et s'est mis à pleurer, ce qui est ,il faut bien le dire, assez rare....Je l'ai pris dans mes bras...10 secondes, car après c'était: "tu me laisses" :( Je ne pouvais même pas regarder si il s'était blessé.!!!!(De plus si on insiste pour savoir où il a mal, il se fâche... :evil: ) Je ne sais pas si c'est parcequ'il s'est fait mal, ou bien, si il était "véxé" d'être tombé alors qu'on lui répète sans cesse de faire attention dans les escaliers.... :roll:
Bref, c'est un sujet difficile à comprendre pour nous, NT....Alors merci à ceux qui auraient ne serait-ce qu'un embryon de réponse.!!! :wink:
Murielle,
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Dan
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#18 Message par Dan » lundi 28 novembre 2005 à 17:12

Murielle a écrit : Je souhaiterais savoir si des adultes asperger se rappellent si , petits , ils allaient "facilement" faire des bisous ou des câlins à leurs parents?Acceptaient-ils de se faire consoler après un chagrin ou une blessure?
Pour nous, Léo n'apprécie pas vraiment qu'on cherche à le consoler quand il s'est fait mal...
Bonjour :)
En ce qui me concerne, sur le point particulier d' être consolée par une étreinte physique lorsque je me fais mal m'est particulièrement intolérable, et ce depuis toujours. C'est la même chose pour ma fille autiste.

Pour moi, ce qui se passe, c'est que lorsque je suis en proie à une sensation de douleur physique, si on me touche en même temps, si on m'étreind, c'est comme si cette sensation physique s'ajoutait à la douleur et amplifiait celle-ci. Ce qui provoque un rejet violent de ma part, et d'autant plus violent que la douleur d'origine est intense.

C'est particulièrement pénible à vivre, tant pour moi qui ai mal, que pour celui qui veut me consoler et qui pense bien naturellement que je le rejette, que je ne veux pas de son réconfort.

Par contre, j'ai besoin de sentir la présence de l'autre qui veut me consoler, mais uniquement la présence morale. Cette réaction est identique chez Natacha, ma fille autiste, à l'inverse de ses soeurs qui accourent se réfugier dans mes bras si elles ont mal quelque part.

Dan
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fugen
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#19 Message par fugen » mardi 29 novembre 2005 à 7:03

Ma soeur n'est ni Asperger, ni autiste de haut niveau.
Elle est une autiste qui communique extrèmement peu et qui n'est autonome que pour l'indispensable (s'habiller, faire sa toilette)
Entendant peu parler de cet autisme là, je me demande si elle ressent la même chose que les autres autistes qui savent s'exprimer.
Petite elle a été caline, et aimait toucher les autres.
Aujourd'hui, pour exprimer sa joie, elle vous touche l'épaule de la main mais attention! interdit de lui rendre son toucher!!!
Ce que l'on peut croire etre un renfermement sur elle même ou une coupure d'avec le monde disparait quand on voit ses dessins qui sont peuplés de toutes les personnes qui l'entourent.
Dans le témoignage de mon père que j'ai mis sur le blog de Fabi, j'ai été frappée par l'impact positif qu'ont eu sur elle des massages prescrits par une guérisseuse. Ma mère était tout sauf affectueuse physiquement; alors ces massages c'était une révolution dans notre famille.
D'ailleurs, c'est mon père qui les faisait.
A part ça,(désolée si c'est hors sujet) je trouve dommage que l'on entende de plus en plus souvent dans le langage courant des gens utiliser le mot "autiste" pour parler de quelqu'un qui ne veut pas les entendre...
Encore entendu à la radio avant hier...

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Murielle
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#20 Message par Murielle » mardi 29 novembre 2005 à 10:24

Merci à vous deux Dan et Fugen pour vos réponses... :D
Je crois que ce que tu décris comme sensation Dan , doit être ce que ressent Léo également...enfin, je veux dire ça semble être tout à fait plausible.(En tous cas, cela permet de mieux comprendre et je tâcherai de m'adapter à ça.Merci.!)D'autre part, parfois, de lui-même il vient se calfeutrer dans nos bras, sans raison apparente , comme ça.Il semble y trouver du réconfort, un certain plaisir :D ....Et cela par "vagues".Il y a quelques mois, c'était beaucoup avec moi, et peu avec son père.Depuis , c'est beaucoup avec son père et avec moi, c'est souvent sous forme de jeu et moins fréquent...En fait, c'est LUI qui décide.Pour les bisous et les câlins , mais également pour pleins d'autres "choses".Lorsqu'un "rituels" disparait, un autre vient, mais cela vient toujours de lui.Par exemple: pendant 15 jours il ne voudra manger QUE des pâtes (et par n'importe lesquelles), puis du jour au lendemain, il ne voudra QUE des petits pois.... :shock: :shock: :shock:
Et oui, Fugen, tu as raison, le mot "autisme" est souvent mal employé.Nous avons un sujet où l'on se pose la question sur la dénomination qui semblerait la + adaptée ( appelé: "bas niveau/haut niveau").Je pense que la difficulté vient de la complexité phénoménale de ce "handicap" ! Il y a tellement de "cas" différents de "degrés" différents, vraiment pas facile :( ...Si je peux me permettre Fugen, ton témoignage en tant que" Soeur d'autiste" pourrait nous être très précieux :D :D :D .Nous avons lancé un sujet appelé "fratrie" , car en tant que parents, ce n'est pas simple de "faire bien" avec nos enfants, et en particulier avec les frères et soeurs de nos Autistes.Personnellement, j'ai toujours peur de "rater" quelque chose avec ma "grande" étant donné le temps passé avec Léo.Merci à toutes 8)
Murielle,
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Sophie Daniel
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Les sentiments des aspies

#21 Message par Sophie Daniel » samedi 17 décembre 2005 à 21:01

Bonsoir,

Le signe immédiat qui ne trompe pas c'est qu'en lisant la discussion je suis énervée. Ce n'est en aucun cas personnel, je ne connais pas les intervenants, mais je le constate. La seule autiste qui intervient à l'air de s'excuser d'exister...

Alors j'y vais avec le manque de diplomatie qui nous caractérise.

- Nous aimons les NT, surtout tant qu'on ne sait pas qu'on est autiste, après ça se corce mais c'est encore très possible tant qu'ils ne parlent pas de nous comme d'animaux de laboratoire.
Toutefois, j'avoue parfois que je ne sais pas ce que vous appelez "aimer" parce que vous prétendez parfois que vous aimez alors qu'il est assez facile de prouver le contraire, même à vous. A l'inverse, vous prétendez parfois que vous n'aimez pas : souvent si la situation n'est pas confortable, alors que manifestement vous aimez.

Enfin, parmi vos tentatives pour comprendre nos façons d'aimer, il y a un truc vrai :
La confiance.
Cela dit je ne comprends pas la façon dont vous y arrivez, alors je vais essayer de vous expliquer :

Si je dis "je t'aime" à quelqu'un qui me fait confiance il y a toutes les chances à mon idée qu'il me croit. Donc c'est vrai. Si cette personne ne me fait pas confiance, elle invalide mes sentiments...
Dans l'autre sens : si j'ai confiance en quelqu'un (à tort ou à raison, ce n'est pas le problème dans un 1er temps), je lui dit "je t'aime" si je pense que c'est vrai, sinon, je ne lui dit pas. Si jene suis pas encore sûre de faire confiance à quelqu'un, je lui dirais quand-même s'il pose la question directement, là le plantage est assuré pour moi car l'angoisse va monter. Mais je ne peux pas mentir à une question directe. Je risque aussi de lui dire : "je t'aime mais je n'ai pas confiance en toi", ça ça vous déstabilise complètement, pas nous.

Je parle en adulte pas mal abimée par la vie avec les NT, il n'empêche que ce fonctionnement perdure chez moi. Je ne suis pas scientifique et ne peux pas généraliser mais le plus simple pour savoir si on vous aime (dans vos familles, parmi vos amis) c'est de le demander directement.

Autre chose : moi je sais pertinemment quand un de vous m'aime ou m'aime pas. Quand j'étais petite, je passais mon temps à dire à ma mère que mon père ne m'aimait pas. Elle me disait que si, que c'était un timide...etc je ne reviens pas sur toutes les excuses qu'elle a pu trouver tant "ça" lui paraissait impossible. Inutile de vous dire que j'ai construis ma vie sur de mauvaises bases, notamment en "choisissant" le même genre de "timide". Il y a environ 6 mois, j'ai posé la question à mon père, en reformulant, en essayant de lever toutes les invertitudes de compréhension, il a fini par dire, qu'il ne m'avais jamais voulue...et qu'il préférait faire sans...
C'est pas du tout grave, rangez vos mouchoir, c'est même plutôt vachement bien car à partir de ce moment là je savais enfin que j'avais raison, d'autant plus que j'avais une anecdote dans l'autre sens, bien au chaud dans ma tête qui n'attendait que la preuve du contraire. J'ai donc pu affirmer au père de mes enfants qu'il ne m'aimait pas et ça m'a vachement soulagée.

Donc je sais, j'ai toujours su quand vous m'aimez et quand vous ne m'aimez pas. Tout ce passe dans le langage non verbal : je sens ou je ne sens pas. Quand il n'y a pas d'amour, c'est confortable, quand il y en a ; il y a toujours une réaction de ma part : qu'elle sorte d'amour est-ce ? Suis-je à l'aise face à cela ? Est-ce que je ressens aussi quelque chose ? Bref et je plonge pour un temps dans d'abysalle réflexion. L'idéal est que je puisse prendre du recul, plusieurs semaines pour une histoire d'amour, quelques jours pour l'amitié, quelques minutes ou secondes vis à vis d'un enfant...etc

Je connais des NT qui disent que les sentiments amoureux se sentent très bien. D'autres qui ne savent pas et qui devinent par le comportement alors je ne sais pas vraiment comment ça marche pour vous.

Pour les autres aspies je ne sais pas vraiment non plus, nous sommes tous si différents... En tout les cas, mes enfants disent que c'est pareils pour eux que pour moi.

En espérant ne pas vous avoir trop heurtés, j'espère avoir apporter de l'eau à votre moulin.

Sophie

PS : n'oubliez pas que les autistes s'engagent seuls pour affirmer quelque chose, je ne généralise pas.
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#22 Message par Valou » mercredi 17 octobre 2007 à 22:38

Oui, moi aussi je suis persuadée que l'attachement existe bien pour eux et j'ai remarqué que l'attachement que Charles a pour des personnes précises est à la hauteur de l'attachement que ces personnes, justement, lui portent.Il les réclame souvent, il nomme leur prénom, "comme ça" à n'importe quel moment de la journée .
Dans un autre style, il peut réclamer une personne qu'il n'a vue qu'une seule fois mais qu'il l'a marqué d'une façon ou d'une autre. Ca,c'est toujours impressionnant, car on se demande bien pourquoi il les réclame alors qu'il ne les connaît pas du tout! Peut-être ont-ils alors une sorte d'intuition, de sensation que ces personnes sont "gentilles" ou alors comprennent-ils qu'elles ont essayé de lui apporter quelquechose, donc les réclamer c'est peut-être une sorte de reconnaissance. Je pense par exemple à un Xavier et une Marie-Paule qui l'avaient filmé à l'hôpital de jour mais qu'il n'a vu qu'une seule fois en tout et pour tout et régulièrement, il nomme leur prénom en disant qu'il veut les voir... Etonnant tout cela !
Je me pose souvent des questions à ce sujet de l'attachement.

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Emma
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#23 Message par Emma » jeudi 18 octobre 2007 à 9:22

Maël porte de l'intérêt, voire de l'attachement aux gens qui partagent ses centres d'intérêts ou qui les alimentent (je ne parle ici ni de son père ni de moi même, car bien évidemment nous avons avec lui des liens particuliers, quoique...).Ceci n'a rien a voir avec la tendresse (calins, bisous, besoin d'une présence etc).

Emma.
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bernard
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#24 Message par bernard » jeudi 28 février 2008 à 23:09

Je reviens sur les sentiments chez les Aspies.
Pour reprendre ce qu'a dit Sophie Daniel, c'est surement différent pour chacun.
Dans mon cas, mon père n'a jamais montré de sentiments particuliers.
Tout juste une bise quand je partais en colonie de vacances dans les années 70. J'ai mis cela sur le compte de la timidité ou du caractère.
J'ai toujours considéré que mon père m'aimait, autant que ma soeur, de 4 ans ma cadette. Ma mère compensait en nous prenant dans ses bras.
De mon côté, aujourd'hui en 2008, je m'aperçois que je ne suis pas très expressif dans ce domaine. Pour moi, ce n'est pas de la timidité. J'ai 3 enfants, je les aime tous les 3, mais quand parfois je les serre dans mes bras, cela me fait un effet de mal à l'aise. C'est dur de le rendre avec des mots. C'est comme si je les serrai et puis après combien de temps on attend avec ce rituel ?
J'ai pas mal voyagé sur tous les continents, et je me suis aperçu qu'en France, on aime bien les contacts physiques pour montrer son affection.
Etant assez neutre là-dessus, j'ai apprécié mes voyages aux USA. Là-bas, pas de contacts physiques. Quand je vois un collègue, s'il me voit, il me fait un signe de la main, et je lui répond. Ici en France, les non-aspies vont rire, mais je suis gêné à chaque rencontre, car je sais qu'il faut se saluer en se serrant la main et en se bisouyant si c'est une femme. Pour vous faire rire (moi aussi ca m'amuse, mais vous allez peut-etre trouver cela désolant), encore cet après-midi, je rencontre 2 collègues au travail. Le premier me tend la main, je lui tend la mienne. Le second qui arrive derrière lui, chargé comme une mule avec un PC portable, un verre d'eau et des papiers, et bien, sur ma lancée, je lui tend aussi la main. Erreur. J'aurai du avoir un autre comportement, surtout qu'il venait de me faire un signe de tête me montrant qu'il était chargé, et je lui ai tendu la main. Je vous laisse deviner dans quel ordre les objets sont tombés. Je ne savais plus où me mettre. Je vous rassure, le PC a été rattrapé in extremis.
Pour les sentiments, c'est un peu pareil. J'en ai. Mais ca me gêne de le montrer dans des effusions de sentiments devant tout le monde. Pour moi cela n'apporte rien. Les autres doivent savoir ce que je pense. Pas la peine d'en remettre une couche à chaque rencontre. Je suis plus mal à l'aise alors que le but n'est pas là.
Mon fils Clément a aussi ce genre de comportement. Il fuit les séances de poignées de mains et de bizouillages, et ne s'y plie que dans le cercle familial par "obligation". A voir son visage, il est visiblement mal à l'aise.
Il est cette semaine chez son cousin à Paris (Asperger aussi, mais plus prononcé). Les 2 cousins s'entendent bien. Je suis sur que lorsqu'ils se sont rencontrés à son arrivée, ni bisou, ni poignée de main (j'entends les non-aspies soupirer "c'est triste"). Je répondrai que ce n'est ni triste, ni pas triste. C'est ainsi, et il y a plein de sentiments quand même. Son cousin est plus "atteint" au sens où quand on lui parle, il fait des tours sur lui-même, fuit du regard celui qui lui parle, baisse la tête ou regarde en l'air. Mais malgré cela, et sans le montrer, il adore mon fils et n'attend que les vacances scolaires pour être avec lui (450 km nous sépare).
Bernard, calme toi et laisse parler les autres.
C'est tout pour ce soir.
Bonsoir.
Bernard (55 ans, aspie) papa de 3 enfants (dont 2 aspies)

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Jean
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#25 Message par Jean » jeudi 28 février 2008 à 23:58

bernard a écrit :Bernard, calme toi et laisse parler les autres. C'est tout pour ce soir.
Au contraire, continue. Ce que tu dis m'intéresse fort.

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#26 Message par bernard » vendredi 29 février 2008 à 0:50

Bon c'est bien parce que c'est calme sur le forum.
Je vais aborder un autre cas sur les sentiments :
Faire plaisir, quand les Aspies ont du mal à comprendre les messages qui leur sont adressés.
J'ai lu beaucoup sur le web pour savoir comment s'en sortir devant ce dilemme. Même aujourd'hui, ce n'est pas facile pour moi.
Exemple :
Comme autour de moi au travail, des collègues amènent des gâteaux qu'ils ont fait eux-mêmes pour faire plaisir, je me dis que je dois faire pareil. Je minimise ma différence et je fais plaisir aux autres.
Oui sauf que je suis aussi doué en cuisine qu'une poule qui essaye de
jouer la 5ème de Beethoven en picorant les touches d'un piano. Elle, elle pense qu'elle va y arriver. Moi c'est perdu d'avance.
Je choisis "La brioche aux pralines".
Je lance Google et en quelques minutes, j'ai plus de recettes que je pourrai en faire dans toute une vie. Je demande un peu d'aide à ma femme pour trouver où est rangée la levure (sèche) et je tente une première brioche en faisant la pâte au four à pain. On est début février 2008. En quinze jours, je vais faire une brioche tous les 3 jours sans que j'arrive à trouver le même aspect de la mie qu'on trouve dans les vraies boulangeries. C'est pas grave, je fais plaisir à la famille. Une fois que j'aurai trouvé la bonne méthode, je pourrai l'emmener aux collègues, pour leur faire plaisir. A la 5ème brioche, les enfants commencent à montrer un certain agacement, à la 6ème, je suis tout seul à la manger. Sur ces entrefaits, la belle-mère me dit : "tu devrais utiliser de la levure fraiche, c'est meilleur". Je fais une 7ème brioche qui enfin est du même niveau que celle du boulanger, sauf que le plaisir, il n'y a plus personne à la maison qui le partage. Je décide donc de doubler les proportions pour faire d'un coup 2 brioches pour le boulot. Succès, les brioches sont parfaites. Je les emmène au travail et tous se régale. Le plus gourmand me dit même : "Bernard, des brioches comme cela, tu peux nous en faire tous les jours". Mais comme j'ai lu que les Aspergers prennent trop souvent les messages au premier degré, je comprends "c'était très bon, mais n'en fait quand même pas tous les jours". Donc je suis à la fois heureux d'avoir fait plaisir, mais malheureux ne sachant pas dans combien de temps je pourrai leur refaire plaisir. Je rentre à la maison, et je ramène les boites plastiques qui avaient servi à emballer les 2 brioches. Ma femme qui garde des enfants, est en train de rendre un des petits aux parents, quand une maman me questionne sur ces grandes boites. Avant que j'ai eu le temps de répondre, ma femme lui dit : "Il préfère faire des brioches pour ses copains du boulot". Là, j'ai beau chercher, je ne sais pas ce qu'il faut comprendre. Est-elle jalouse ? Dois-je en refaire à nouveau ?
Ce genre de situation me met mal à l'aise. A tel point que j'en parle ici.
Bonne nuit.
Bernard (55 ans, aspie) papa de 3 enfants (dont 2 aspies)

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#27 Message par jakesbian » vendredi 29 février 2008 à 13:27

- tu sais, bernard, tu viens d'arriver, mais il ne fait aucun doute que tout le monde t'ADORE déjà...
- pour les câlins avec les enfants, les poignées de mains, je ne suis pas très expansive non plus; je me suis même sentie gênée, lorsque je suis allée prendre ma fille élisabeth chez sa camarade de classe à l'issue de sa première semaine de lycée... c'était la première fois que je lui faisait la bise... et je le faisait par obligation, parce que paraît-il, c'est normal de le faire;
- nicolas a été pendant peut-être 17 ans, à ne dire bonjour ni au revoir à personne... maintenant, il serre la main, même à ses cousines.
- c'est rigolo ton avatar: pour expliquer nicolas( enfin çà dépend à qui) j'ai souvent raconté qu'il y avait sur un nuage, une grande maison avec plein de volets; nicolas est monté y vivre car en bas le monde est trop moche; avec des trésors de diplomatie on pouvait lui faire ouvrir les volets un à un... seulement, il y a des gens, en bas, qui lui crient: "descends, nicolas descends"... et nicolas referme tout;
- je rassure, nicolas a fini par descendre de son nuage... atterrissage a quand même été difficile.
"petits bouts par petits bouts... les bouts étant mis bout à bout."
"en chacun de nous sommeille un dragon... il faut y croire." (devise "bat-toi florent")

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#28 Message par bernard » samedi 1 mars 2008 à 0:09

Merci Jakesbian pour ta première remarque.
Pour l'avatar, c'est parce que j'aime bien le bleu et le jaune.
C'est pour moi des couleurs reposantes.
Je suis atteint de daltonisme sur le vert, et confond les pastels en vert et rouge mais pas en bleu. Pour les couleurs vives ça va.
C'est vraiment un handicap car le code des couleurs est partout.
En plus, en France, les habits doivent respecter l'harmonie des couleurs.
Pour moi, cela a peu de sens.
J'ai donc besoin de quelqu'un chaque fois que j'achète un vêtement si je ne veux pas ressembler à un clown.
Bernard (55 ans, aspie) papa de 3 enfants (dont 2 aspies)

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#29 Message par Luna » jeudi 23 octobre 2008 à 19:15

Voilà une question qui me tourmente depuis des années... Hier soir, j'ai lu ce topic et ça m'a remué, pas bien dormi cette nuit..

Je vous préviens, il va y en avoir une sacrée tartinade :

Sentiments et manque de sentiments...
Vis à vis des personnes, je sais que depuis toute petite, il y a un buzz...J'ai toujours eu très peu d'amis véritables avec qui j'ai ressenti un attachement très profond mais surtout rencontré des connaissances avec lesquels j'entretiens des relations superficielles.

Du CP jusqu'en 4ème, nada, peau de balle : j'ai passé mon temps à lire et à dessiner. Les autres me voyaient "comme un robot au visage impassible" (ce sont les mots d'une camarade de classe). Les boums, les parties, pas pour moi, on ne m'invitait jamais mais j'en mourrai d'envie
A l'adolescence, j'ai eu une seule amie que j'adorai. Les autres qui venaient se greffer autour de nous comptaient moins, même si j'appréciais leur compagnie.

Je n'ai jamais entretenu de correspondances suivies même si j'apprécie mes interlocuteurs, je dois parfois me forcer à répondre à des mails et encore il faut me relancer sans cesse sinon, je ne fonctionne pas.

Dans ma famille, j'ai peu d'attaches avec mon frère que j'aime beaucoup, pratiquement aucune avec ma soeur, je peux être "vide".

Un exemple terrible :
J'ai gardé régulièrement mon petit neveu de 4 ans, un sacré bonhomme, très intelligent et curieux de tout. Mais quand je ne le voyais pas pendant des semaines, il ne me manquait pas, ma soeur me l'a vivement reproché. Elle a déménagé aec sa famille à l'autre bout de la France..Ok, c'est comme ça, ils ne me manquent pas. C'est pourtant ma chair et mon sang. Je sais cependant que j'aurai une grande joie à revoir Antoine quand il sera sur Dijon.

C'est comme si je lisais un livre, c'est une histoire, peuplée de personnages souvent sympatiques. Ils s'en vont, je referme le bouquin MAIS j'y met un marque-page mental. Lorsque je vais de nouveau rencontrer famille ou amis en vrai, je vais rouvrir le livre à la même page puisque je l'ai marquée. mais en attendant, le livre repose dans la bibliothèque de mon esprit.

Pour l"instant, j'ai une soeur de coeur, rencontrée sur le net, et chez qui je vais régulièrement, voir sa petite famille qui est devenue un peu la mienne, la seule personne qui puisse me serrer dans ses bras, et dans lesquels je me sens bien, en sécurité. En 2 ans, elle m'a ouvert sur beaucoup de choses, de sentiments, elle accepte mes bizarreries, elle est d'une tolérance..woww....
C'est parfois plus fort qu'avec ma propre maman, c'est lamentable à dire...et pourtant je l'aime beaucoup, ma vieille maman, mais j'ai tellement de mal à me sentir décontractée quand elle veut me serrer dans ses bras. Je serai une planche en bois, ce serait kif-kif...ca sera une victoire le jour où je serai assez ouverte pour le faire.

Je n'ai pleuré ni pour l'enterrement de ma grand-mère pour qui j'avais de l'affection, ni celui de mon grand-père, alors que j'ai versé toutes les larmes de mon coeur pour le décès de mes chats.

Et curieusement, j'éprouve de la joie, de la peine, la musique, le dessin, la photographie peuvent me faire ressentir des choses merveilleuses, un bon film quand je suis "ancrée" me fait frémir, mes chats, les animaux, les couleurs de l'automne me remplissent de joie...mais avec mes congénères humains, c'est plus problématique...

Il y a toujours cette boule ou ce mur de verre qui empêchent les sentiments de passer...
Toute à l'heure, j'ai discuté sur un banc avec ma mère, en attendant le bus. pendant qu'elle parlait, je pouvais presque voir ce mur invisible entre nous. Si je devais décrire ce mur, il serait comme la vapeur qui s'échappe du bitume en été, on le devine, il est palpable, il semble si fin à traverser, un doigt pourrait le crever mais c'est une illusion : en réalité, malgré sa transparence, il est épais et plus solide que du béton.

:cry:
Luna TMG
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"Dans la photographie, il y a une réalité si subtile qu'elle devient plus vraie que la réalité" - Alfred Stieglitz

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bernard
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#30 Message par bernard » jeudi 23 octobre 2008 à 19:51

En mai, je suis allé à l'enterrement de ma mère.
J'ai écris un petit texte qui a retracé sa vie.
C'était très émouvant (m'a dit la famille qui était en face de moi quand je lisais).
Je l'avais volontairement écrit pour cela.
J'ai pleuré en terminant de lire le texte.
J'avais mis les mots pour cela.
Dans l'assemblée aussi, les gens ont beaucoup pleuré quand je lisais.
Puis en ressortant du cimetière, tout est revenu dans l'ordre.
Je n'ai plus aucune pensée triste pour ma mère que j'aimais.
Je n'ai versé aucune larme depuis. Je considère qu'elle n'est plus là physiquement, mais j'ai son souvenir avec moi à chaque instant de ma vie passée. Je n'éprouve aucune douleur.
Je me dis que je me suis fait le deuil, mais je sens bien que c'est bizarre que cela soit si simple et si immédiat.
Quand je rencontre des personnes dans la rue qui l'ont connue, elles me parlent comme pour me plaindre. Et en réponse je les rassure. Puis je me dis qu'elles doivent me trouver de glace de leur parler ainsi. Mais comment leur dire ce que je ressens, ou plutôt que je ne ressens pas.
Cela fait maintenant quelques temps que je voulais en parler et la perche m'étant tendue, j'en ai profité.
D'un autre côté cela me rassure. Je sais que la mort pour moi, n'est vue que comme un passage. C'est triste à dire mais c'est ce que je ressens.
Mais je continue à verser une larme quand je vais au cinéma avec Lucie pour voir les films tendres pour enfants. Bizarre ce cerveau :wink:
Bernard (55 ans, aspie) papa de 3 enfants (dont 2 aspies)

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