J'en suis sortie, j'en suis définitivement sortie !
Comme j'en suis sortie, je vais raconter comment ça s'est passé histoire d'ajouter un témoignage supplémentaire, pour ceux qui sont dans le diagnostic en ce moment.
Comment ont commencé les questionnements : Pour être honnête, ce n'est pas moi qui me suis posée la question du SA. Moi, je pensais sincèrement qu'on ne "pouvait pas être autiste sans le savoir". Par contre, je savais que "quelque chose" n'allait pas et que j'étais différente. Simplement, je partais plus sur le HQI faute de mieux.
Bref, à 21 ans, j'ai fait une dépression qui m'a épuisée. Ça a fait un peu comme quand on tire sur un élastique, il s'étend, il s'étend, il ne casse pas, puis, d'un coup, ça cède, et là, ça se brise sèchement en faisant mal aux doigts. Et bien, j'ai fait ça, mais pour le moral, et la santé. Et je ne comprenais absolumment pas pourquoi. Aucun signe, aucun évènement particulier (ma 1er dépression, c'était le harcèlement, c'était clair, il y avait causalité directe, là, rien). Et comme je n'allais vraiment pas bien, que ce n'était pas la 1er fois et qu'il y avait toujours ce "truc" qui me faisait me sentir en décalage, j'ai décidé de franchir le pas et d'aller chez un psychiatre.
Après avoir fait quelques séances énervantes et culpabilisantes avec un psy dans le public qui me demandait de le regarder dans les yeux, de chercher du travail tout de suite en pleine dépression et agoraphobie, et qui me disait que si je continuais à être si anxieuse et fermée ça ne servait à rien que je vienne (et j'en passe des meilleures), j'ai été dégoutée à vie du public. Je l'ai planté, et j'ai suivi le conseil d'une cousine pour un psychiatre dans le privé.
En tout, le nombre de séances avant le pré-diagnostic s'étalera sur un trimestre pour, me dira t'il plus tard, "être sur que sa 1er impression était la bonne". Par chance, je suis tombée sur un psychiatre qui a travaillé au CRA et qui donc connaît bien le SA. Il m'a donc parlé de Troubles du Spectre Autistiques en février 2016 et m'a envoyé vers le CRA pour confirmer ce diagnostic dont il se doute depuis les premiers rendez vous. Ce que je fais.
Pre diagnostic : Bien évidemment, je me suis posée des dizaines de questions rien que dans les premiers jours. Quand le psy m'a parlé du SA, j'ai été à peine surprise, même si je pensais toujours, à cet instant, que c'était impossible. Pourquoi ? Parce que je me suis dit "ouais. Je suis vraiment différente, donc... je délire pas", et franchement, ça a été un soulagement dès cet instant, parce que je culpabilisais énormémment à l'époque de ne pas réussir à faire ce que l'on me demandait de faire et qui était si simple pour les autres . Une fois chez moi, j'ai commencé les recherches. Témoignages, articles, livres... parfois, je me reconnaissais, parfois non. C'est le webdoc sur le SA qui m'a le plus parlé. Peut-être parce que la plupart des intervenants étaient de ma génération... En fait, c'est ce moment qui a été le plus délicat. Ça a duré plus d'un an, presque deux. Deux ans à se dire "ça, ça me ressemble". "Ça, non". Deux ans à passer quotidiennement, voire plus souvent, de "je le suis" à "je ne le suis pas". Entre temps, je découvre les forums, je découvre le syndrome d'Asperger et les TSA des femmes, je commence à envisager que, peut-être, c'est le cas. Mais en me disant ça, vient un autre sentiment : la peur. Celle de se tromper et de devoir tout recommencer à zero. J'aimerais tellement mettre un mot sur mon malaise, que j'ai peur de repartir du CRA avec... rien. Tout en ayant peur d'en ressortir avec un diagnostic officiel, parce que, peut-être qu'au fond, j'espère toujours pouvoir "guérir". Bref, beaucoup de choses mélangées dans ma tête et une énorme remise en question de tout. C'était une période assez bizarre, assez irréelle, en fait. Je n'osais pas trop aller ni d'un côté, ni de l'autre.
Diagnostic en lui même : Mon diagnostic s'est fait en CRA, avec un 1er rendez vous "préliminaire" qui consistait en un simple entretien avec une psychologue, qui a duré deux heures. Suite à cela, la psychologue en a conclu qu'à ce stade, il y avait des "traits" qui méritaient d'être approfondis, et elle a recommandé un bilan complet. À cette époque (juin 2017), on était sur "TSA" ou "Précocité intellectuelle avec anxiété".
En septembre, je passe les différents tests. Avec le psychologue, un test de QI, l'AQ, l'EQ, les Faux pas... C'est le plus difficile pour moi parce que je suis perfectionniste et qu'à la moindre petite "erreur" supposée dans le test de QI, je panique. Je manque de fondre en larmes lors de l'un des subtests qui me rappelle trop une lacune d'enfance...
Avec la psychomotricienne, je passe différents tests d'équilibre et de motricité, ainsi que d'autres petits tests.
Je passe aussi l'ADOS, qui est le plus éclairant pour moi, dans le sens ou je me trouve dans une situation de difficulté face aux petits tests qui me surprend. Je me trouve mal à l'aise avec des choses que je pensais maitriser. Pour la 1er fois, je me dis que le diagnostic va ressortir positif.
Mes parents ont également passé le VINELAND et l'ADI... moi, pendant ce temps, je ne peux qu'attendre.
Après la passation, je me sens étrangement plus détendue, et je n'y pense plus.
Le 5 décembre 2017, entretien de restitution. La psy commence à m'énumérer les difficultés constatées, me parle de stéréotypies, de difficultés sociales, d'hypersensibilité... et finalement, de Syndrome d'Asperger, ou, selon le DSM, de Trouble du Spectre Autistiques (les deux diagnostics ont été notés). Je suis diagnostiquée, qui plus est avec "certitude", car "on hésite avec certaines personnes, mais dans votre cas, c'est évident". Scores positifs à l'ADI, encore plus à l'ADOS, score faible au VINELAND, difficultés motrices et sensorielles typiques d'Asperger et profil de QI "classique chez les autistes Asperger"... je n'en reviens pas. La seule question qui me vient, c'est : Pourquoi ? Pourquoi personne ne l'a jamais vu ? Malgré tous les psys, tous les médecins que j'ai vu ? Profil typique, en plus ? Mon score à l'ADOS me surprend, plus élevé que ce que je pensais.
Mais j'ai été surtout soulagée, je crois. J'ai eu l'impression de voir le monde différemment, plus clairement, mais c'est surtout moi que je voyais plus clairement.
Je ne crois pas me tromper en disant que le diagnostic a DÉJÀ changé les choses. Je ne culpabilise plus. Je sais où sont les difficultés, ce qui me permets d'essayer de les améliorer. Je n'hésite plus à me reposer si besoin est. J'ai compris plein de choses, et jusqu'à ma dépression la plus récente, qui est dûe à l'épuisement, parce que je me suis trop adaptée, ou j'ai trop essayé, plutôt. Je ne me sens plus incapable, mais seulement différente.
Ce n'est pas miraculeux. Mes angoisses sont toujours intenses, et la vie "normale" restera sans doute longtemps impossible. Mais au moins, je sais à peu prés qui je suis et je me sens moins coupable. C'est positif, pour l'instant. Pour moi, ça l'est sans aucun doute.