L'empathie

Toutes discussions concernant l'autisme et le syndrome d'Asperger, leurs définitions, les méthodes de diagnostic, l'état de la recherche, les nouveautés, etc.
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Tugdual
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Re: Entre toi et moi, l'empathie

#271 Message par Tugdual » mardi 19 janvier 2016 à 15:23

freeshost a écrit :Mais est-ce que la vidéo que j'ai indiquée sur YouTube est la même que celle indiquée sur France5 dans le premier message de cette discussion ?
Cela semble plutôt un court extrait ...

Essaye ce lien sur http://www.telechargerunevideo.com/fr/ ...
TCS = trouble de la communication sociale (24/09/2014).

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freeshost
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Re: Entre toi et moi, l'empathie

#272 Message par freeshost » mardi 19 janvier 2016 à 15:23

Bon, faudra que j'aille au bord de la France. Voici venu un nouveau type de frontaliers. :mrgreen:
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Re: Entre toi et moi, l'empathie

#273 Message par Rayz » mercredi 20 janvier 2016 à 13:53

Je viens de trouver un lien Youtube !



Elle dure 50 minutes, j'imagine que c'est la version complète.
Modération (WinstonWolfe) : Correction de balises
18 ans, pas encore diagnostiqué, démarches en cours pour trouver un psychiatre qui connaisse le SA.

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Re: Entre toi et moi, l'empathie

#274 Message par freeshost » jeudi 21 janvier 2016 à 8:30

Telle est chargée : 251.1 Mo en format webm . :)


Modération (Tugdual) : Fusion de sujets (fin).
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rainbow
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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#275 Message par rainbow » jeudi 11 août 2016 à 22:48

Jean a écrit :L'empathie exprimée

L'empathie exprimée a trait à la réponse aux sentiments et aux pensées d'une autre personne. Manifestement, il ne suffit pas d'éprouver de l'empathie. Elle doit être exprimée de telle sorte que l'autre personne sait que vous comprenez et que vous ressentez de la compassion.

A suivre
Mince alors !
Je n'ai pas trouvé la suite de la traduction (qui semblait très intéressante vu qu'elle concerne une spécificité des autistes), et le lien vers l'article original semble ne plus fonctionner... :(
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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#276 Message par budakesi » lundi 22 août 2016 à 12:33

rainbow a écrit :Jean a écrit:
L'empathie exprimée

L'empathie exprimée a trait à la réponse aux sentiments et aux pensées d'une autre personne. Manifestement, il ne suffit pas d'éprouver de l'empathie. Elle doit être exprimée de telle sorte que l'autre personne sait que vous comprenez et que vous ressentez de la compassion.

A suivre

Mince alors !
Je n'ai pas trouvé la suite de la traduction (qui semblait très intéressante vu qu'elle concerne une spécificité des autistes), et le lien vers l'article original semble ne plus fonctionner..
La notion d'empathie me passionne.
Une thèse entière pourrait lui être consacrée, tant elle est évolutive et subjectivement polysémique.
Le mot est aujourd'hui "à la mode", utilisé comme congratulation ("je suis (tu es) très empathique") ou dénigrement ( "je n'ai (tu n'as) aucune empathie").
Il est surtout utilisé à toutes les sauces, pour désigner des notions totalement différentes: sympathie, compassion, altruisme, contagion émotionnelle...

La plupart du temps, les interlocuteurs omettent de s'assurer du sens donné au mot par celui qui l'emploie, ce qui restreint fortement la clarté des propos.

Le mot « empathie » a été créé en allemand (Einfühlung = sentiment éprouvé en se mettant à l’intérieur de l’oeuvre) en 1873 par Robert Vischer pour désigner le mode de relation d'une personne avec une oeuvre d'art (donc un objet inanimé) qui permet d'accéder à son sens.

Une œuvre d’art n’est pas a priori un objet d’usage, qu’un être humain peut utiliser comme moyen en vue d’une fin.
C’est un objet en soi, une fin en soi. Il a une existence, il se manifeste devant nous, présent à nos perceptions, et donc à nos émotions.
Contrairement aux objets de la nature, il a un auteur. Un être humain l’a créé.
Et un être humain exposé à quelque chose présenté par un autre être humain se pose toujours la question du sens.
Pouvoir donner un sens rassure, diminue le chaos, l’incertitude, l’inconnu, la menace de l’incertitude, la menace de l’inconnu ?
Et accéder au sens d’une œuvre d’art n’est-ce pas une démarche « indirecte » pour accéder à ce qui justement n’est JAMAIS directement perceptible, ce que ressent et pense l’artiste auteur de l’œuvre ?

Le mot « empathie » a ensuite été étendu aux êtres animés (repris en français d’abord par le mot « intro-pathie », puis « empathie »).

C’est Theodor Lipps, au début du XXe siècle, qui a transféré le mot «Einfühlung», vers la philosophie de l’esprit pour désigner le processus par lequel « un observateur se projette dans les objets qu'il perçoit. »

Du coup, on peut se demander s’il n’y a pas une ambivalence de l’empathie : peut-on être sûr de ce qu’elle soit toujours bienveillante ? Cette intropathie ne peut-elle être une intrusion malveillante ?

Au sujet de l’animal comme de l’homme, F. de Waa,l dans son ouvrage "l'âge de l'empathie", affirme qu’« il n’existe aucun lien obligatoire entre l’empathie et la bonté,... » L’âge de l’empathie, p. 72

Adam Smith pose dans sa Théorie des sentiments moraux le problème de la connaissance d’autrui. Car d’une part, « ...nous n’avons pas une expérience immédiate de ce que les autres hommes sentent... », mais, d’autre part, l’imagination permet d’avoir quelque idée de ce que sent un autre homme : « Par l’imagination nous nous plaçons dans sa situation, nous nous concevons comme endurant les mêmes tourments, nous entrons pour ainsi dire à l’intérieur de son corps et devenons, dans une certaine mesure, la même personne. » On pourrait voir une première version de l’Einfühlung dans cette « entrée dans le corps de l’autre » . En tout cas, de nombreux auteurs contemporains s’emploient à bien distinguer sympathie et empathie, comme le fait F. de Waal : « L’empathie nous permet de recueillir une information sur autrui. La sympathie traduit, quant à elle, le souci de l’autre et le désir d’améliorer sa situation."
(source:http://temporel.fr/De-l-Einfuhlung-a-l-empathie-par)

Ainsi les Aspies sont réputés manquer d'empathie sans que personne ne se préoccupe d'ailleurs de préciser en quoi ni surtout selon quelle définition du mot.

Si tu dis que tu es très empathique, cela te disqualifie quasiment d'emblée comme Aspie potentiel.
Au lieu d'interroger la notion et l'éventuelle compatibilité entre une personnalité Asperger et une extrême empathie, on te répond que c'est incompatible.

Or c'est totalement faux, les Asperger peuvent atteindre des sommets d'empathie.

J'ai lu récemment l'article fondateur de Asperger qui date de 1944 (66 pages). Je l'ai lu en allemand, pour ne rien perdre de la précision du texte original.

Il parle de ce paradoxe si commun chez l'Asperger qu'il nomme "lucidité psychopatique" (oublions le "psychopatique " !): la distance à l'autre et en même temps la conscience extra-lucide de l'autre.

Pour moi, c'est la définition même de l'empathie.
"I am, plus my circumstances." José Ortega y Gasset
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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#277 Message par Jean » lundi 22 août 2016 à 14:00

C'est le réveil de ce sujet qui m'a fait poster la série d'articles du "Monde" sur l'altruisme :
http://forum.asperansa.org/viewtopic.php?f=8&t=8985
père d'une fille autiste "Asperger" de 40 ans

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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#278 Message par budakesi » lundi 22 août 2016 à 18:40

Merci Jean. Je vais regarder les articles.
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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#279 Message par rainbow » vendredi 26 août 2016 à 21:09

Merci budakesi pour ces précisions très intéressantes et merci Jean d'avoir signalé le lien entre les 2 fils de discussion :D
budakesi a écrit :F. de Waal : « L’empathie nous permet de recueillir une information sur autrui. La sympathie traduit, quant à elle, le souci de l’autre et le désir d’améliorer sa situation."
Du coup, quelle différence entre "sympathie" et "compassion" ???
budakesi a écrit :Si tu dis que tu es très empathique, cela te disqualifie quasiment d'emblée comme Aspie potentiel.
Au lieu d'interroger la notion et l'éventuelle compatibilité entre une personnalité Asperger et une extrême empathie, on te répond que c'est incompatible.

Or c'est totalement faux, les Asperger peuvent atteindre des sommets d'empathie.
C'est aux professionnels des CRA qu'il faut le dire ! :roll:
budakesi a écrit :J'ai lu récemment l'article fondateur de Asperger qui date de 1944 (66 pages). Je l'ai lu en allemand, pour ne rien perdre de la précision du texte original.

Il parle de ce paradoxe si commun chez l'Asperger qu'il nomme "lucidité psychopatique" (oublions le "psychopatique " !): la distance à l'autre et en même temps la conscience extra-lucide de l'autre.

Pour moi, c'est la définition même de l'empathie.
Comment peut-on être distant "en ayant une conscience extra-lucide de l'autre" (ça ça m'évoque plutôt l'idée de "fusionnel"...) ?
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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#280 Message par budakesi » samedi 27 août 2016 à 11:45

rainbow a écrit :budakesi a écrit:
F. de Waal : « L’empathie nous permet de recueillir une information sur autrui. La sympathie traduit, quant à elle, le souci de l’autre et le désir d’améliorer sa situation."

Du coup, quelle différence entre "sympathie" et "compassion" ???
L'étymologie de "sympathie" c'est "éprouver avec" (préfixe grec: "sym" qui réfère à la réunion) et celle de "compassion" c'est "éprouver avec" (préfixe latin: "com"- qui vient du latin "cum" qui signifie "avec"-et réfère donc aussi à la réunion) :lol:

Les glissements sémantiques ont d'abord différencié les deux en réservant la compassion au seul "sentiment qui incline à partager les maux et les souffrances d'autrui, sentiment que nous fait éprouver la souffrance d'autrui" (source CNRTL) et en donnant à la sympathie une signification plus large, celle d'un "attrait naturel, spontané et chaleureux qu'une personne éprouve pour une autre."

Puis progressivement, les significations des deux mots se sont rapprochées: le mot sympathie a été aussi utilisé pour désigner le "fait de s'associer aux sentiments d'autrui" que ces sentiments soient la joie ou la tristesse; puis de plus en plus souvent pour désigner le fait de ressentir la douleur d'autrui (source: CNRTL).
rainbow a écrit :Or c'est totalement faux, les Asperger peuvent atteindre des sommets d'empathie.

C'est aux professionnels des CRA qu'il faut le dire !
Hélas les idées reçues et les mots "valises" utilisés comme arme sont tellement plus confortables qu'une véritable interrogation sur le sens des mots, et la vérification que chaque interlocuteur y met bien la même signification :(
rainbow a écrit :Comment peut-on être distant "en ayant une conscience extra-lucide de l'autre" (ça ça m'évoque plutôt l'idée de "fusionnel"...) ?
Pessoa exprime très bien ce phénomène, d'une façon assez terrifiante: ce n'est pas du tout de la fusion, c'est l'esprit qui parvient en quelque sorte à se "déplacer" vers l'autre (en imagination bien sûr), pour appréhender la façon dont l'autre perçoit, éprouve, pense, et il reste en même temps non impliqué, sa vision n'est pas encombrée par sa propre façon d'appréhender (tu restes à distance):

"Nous ne débarquons jamais de nous-mêmes. Nous ne parvenons jamais à autrui, sauf en nous autrifiant par l’imagination, devenue sensation de nous-mêmes ....
....Mais si l’on s’imagine que je méconnais les rouages de la psychologie humaine, et que je n’ai pas une perception claire des motifs et des pensées les plus intimes de mes semblables, on se trompera grandement sur ce que je suis.....
L’habitude de rêver, et uniquement rêver, m’a donné une vision intérieure d’une netteté extraordinaire… Je vois, avec un relief égal, mes idées abstraites, mes sentiments humains (ou ce qu’il en reste), mes impulsions secrètes, mes attitudes psychiques à l’égard de moi-même. J’affirme que mes pensées les plus abstraites, je les vois en moi-même, qu’avec une vision interne réelle, je les vois dans un espace intérieur. Et leurs méandres me deviennent ainsi visibles, dans leurs moindres détails.
Je me connais donc totalement et, me connaissant totalement, je connais aussi totalement l’humanité toute entière. Il n’est pas de si basse impulsion, ou de si noble élan, qui n’ait traversé mon âme comme un éclair ; et je sais par quelles expressions chacun de nous se révèle. Sous les masques dont les pensées mauvaises se revêtent, déguisées en pensées généreuses ou indifférentes – jusqu’au fond de chacun de nous, je sais, par leur expression, les reconnaître pour ce qu’elles sont. Je sais ce qui, en nous, s’efforce de nous leurrer. C’est ainsi que je connais la majorité des gens que je côtoie mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes. Je m’attache bien souvent à les sonder, ainsi que de les faire miens. Je m’empare de tout psychisme que je peux expliquer, car pour moi, rêver c’est posséder. Il est donc tout à fait normal que, tout rêveur que je sois, je sois aussi l’analyste que je prétends être."
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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#281 Message par Salicorne » samedi 27 août 2016 à 16:42

budakesi a écrit :Or c'est totalement faux, les Asperger peuvent atteindre des sommets d'empathie.
Je reste toujours dubitative quand je lis de telles affirmations. Comment expliquer que la plupart des spécialistes de l'autisme de haut niveau et du syndrome d'Asperger s'accordent sur le fait qu'il existe le plus souvent et au minimum quelques "difficultés" (même si les causes sont encore mal circonscrites) au niveau de l'empathie dans cette population ? Serait-ce uniquement un problème de définition ? Existe-t-il des études scientifiques à ce sujet qui iraient à l'encontre de cette "idée reçue" ?

Ce sont des questions que je me pose sincèrement... :?
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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#282 Message par budakesi » samedi 27 août 2016 à 18:58

Salicorne a écrit :budakesi a écrit:
Or c'est totalement faux, les Asperger peuvent atteindre des sommets d'empathie.

Je reste toujours dubitative quand je lis de telles affirmations. Comment expliquer que la plupart des spécialistes de l'autisme de haut niveau et du syndrome d'Asperger s'accordent sur le fait qu'il existe le plus souvent et au minimum quelques "difficultés" (même si les causes sont encore mal circonscrites) au niveau de l'empathie dans cette population ? Serait-ce uniquement un problème de définition ? Existe-t-il des études scientifiques à ce sujet qui iraient à l'encontre de cette "idée reçue" ?
Salicorne, bien entendu il n'existe aucune réponse définitive, générale, à la relation complexe qu'entretiennent l'autisme, sa représentation, le neurotypisme, sa représentation, l'idéologie dominante d'une société donnée, et la notion fluctuante d'empathie.

Mon propos vise simplement à se distancier de cette simplification si fréquente qui consiste à juger, de façon purement négative, les autistes en général, et les Asperger en général, comme dépourvus d"empathie"; à mettre en perspective une "idée reçue".

J'ai cité Asperger. Je peux aussi citer un passage du livre de Myriam Noël-Winderling "autisme et syndrome d'Asperger - un autre regard sur l'humanité", livre que j'ai déjà mentionné à plusieurs reprises, et que je trouve particulièrement intéressant parce que son auteur s'efforce de décrire l'autisme, la vision de l'autisme qui prévaut dans une société donnée, en lien avec les soubassements idéologiques de ladite société:

"L’empathie, si elle ne se définit pas toujours de la même manière que celle que nous entendons chez le sujet dit normal, existe clairement ; chez eux, elle passe par un autre biais que celui du discours, de ce qui peut être dit de ce qui est ressenti. Elle reste au niveau de l’éprouvé, et en cela touche plus intimement l’Asperger que le sujet normal, neurotypique, car il ne dispose pas, pour assurer la régulation émotionnelle de ce qu’il ressent, de la médiation rassurante d’un discours codé, socialement déterminé. Souvent elle le submerge. Il peut lui arriver d’être tellement envahi par les émotions d’autrui qu’il perçoit, qu’il s’y fond littéralement et peut y perdre la notion de soi-même, par fulgurance, dans un vertige qui lui fera ensuite rechercher le repos dans l’atonie émotionnelle. Ils ont dès l’enfance une intuition souvent immédiate, précise, des états d’esprits d’autrui, spécifiquement ceux relatifs à la souffrance la tristesse, la peur et la cruauté.

Pouvoir penser l’empathie particulière des autistes nous aide à saisir, aussi, les ressorts de ce qui fonde notre connaissance habituelle, consciente ou non, de l’empathie et des composantes présidant aux relations.

De l’idéologie d’une maladie à une maladie de l’idéologie
Une idéologie de l’empathie
Les taxonomies à visée transculturelle des maladies mentales (DSM, CIM) se fondent sur le présupposé d’une uniformité comportementale qui débouche sur sa description modélisée telle qu’elle est pratiquée en neurosciences. Aux malades, ensuite, de se conformer aux cases des modèles. L’observation est conditionnée par la théorie et rarement l’inverse. Si on laisse parler le malade, c’est de ce que l’on veut bien entendre. Si on le regarde, c’est à travers le bout d’une lorgnette braquée sur ce que l’on veut voir.
Le propos n’est pas de réfuter les résultats des dernières années sur l’empathie, le rôle des émotions et le cerveau. Il est de tenter de les placer dans le contexte idéologique qu’ils peuvent servir – en dehors de toute accointance reconnue ou voulue par leurs auteurs. Il est de relever que si la psychiatrie repose sur ce type de considérations psycho-physiologiques fondées sur le présupposé d’un traitement cérébral et psychique en cascade de l’information, alors elle simplifie son objet en le refaçonnant à son tour comme le lieu où se font des réactions en cascade à divers niveaux, selon des processus articulés modulairement entre eux et à tout coup modélisables, modéliser devenant synonyme fonctionnel de comprendre.

Les théories de l’empathie en font le soubassement de toute vie sociale et affective, de tout être-ensemble. Elles sous-entendent que l’humain est ontologiquement programmé pour réagir à autrui comme à un autre soi-même. Qu’il utilise cette capacité à des fins bienveillantes ou destructrices est laissé aux théories secondaires de la morale.

Considérer l’empathie sans la remettre dans le contexte de ce qui fait la totalité du lien social est privilégier une vision fragmentaire. L’idéologie sous-jacente est celle d’un monde parfait, dans lequel les rapports humains sont réglés comme du papier à musique par un ensemble de lois régissant pour les individus autant que pour les groupes, les mouvements de chaque pion et les distances entre eux…………. Ce qui fait le mystère du lien à autrui, la représentation que l’on se fait de lui, canevas d’espoirs, de préventions, de projections, de perceptions et d’interprétations entrelacés, sera réduite aux termes de « mentalisation » ou « théorie de l’esprit », pour « représentation des croyances, émotions et états d’esprit d’autrui », termes qui jamais du reste n’expliciteront vraiment ce qui est entendu par « croyance », représentation » ou « « état d’esprit ».

On est ici au degré zéro de la science : au point où se confondent l’observation et l’objet, au point de l’idéologie.
Car c’est bien de l’idéologie de la société du spectacle qu’est empreinte cette vision de ce qui lie les hommes entre eux et par conséquent ce qui détache les autistes du reste du monde. Selon cette idéologie, il y a en l’homme une fonction empathique miraculeuse qui l’incline tout naturellement à agir à l’unisson avec ses semblables.

Et si on se demande pourquoi, des six émotions reconnues comme primaires (peur, colère, dégoût, tristesse, joie et surprise) cinq sont des émotions négatives, on y mettra fin en invoquant la courte explication de la psychologie de l’évolution que dans les environnements hostiles de l’homme préhistorique, les émotions négatives mobilisaient les ressources attentionnelles pour le préparer à éviter les dangers menaçant sa survie.

Mais où est l’empathie dans les rapports des hommes entre eux au quotidien ? La société voudrait nier qu’elle bat aussi au pouls de l’instinct de prédation, et qu’elle a, certainement pas inventé, mais privilégié les conditions d’expression et d’existence de la néguempathie qui régit tout autant les rapports mutuels entre ses créatures".

Ma vision de la société est assez proche de celle décrite ici :(
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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#283 Message par freeshost » samedi 27 août 2016 à 21:41

budakesi a écrit :J'ai cité Asperger. Je peux aussi citer un passage du livre de Myriam Noël-Winderling "autisme et syndrome d'Asperger - un autre regard sur l'humanité", livre que j'ai déjà mentionné à plusieurs reprises, et que je trouve particulièrement intéressant parce que son auteur s'efforce de décrire l'autisme, la vision de l'autisme qui prévaut dans une société donnée, en lien avec les soubassements idéologiques de ladite société
Il est bien, ce livre ? D'autres que budakesi l'ont lu ?
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#284 Message par budakesi » lundi 29 août 2016 à 8:35

freeshost a écrit :budakesi a écrit:
J'ai cité Asperger. Je peux aussi citer un passage du livre de Myriam Noël-Winderling "autisme et syndrome d'Asperger - un autre regard sur l'humanité", livre que j'ai déjà mentionné à plusieurs reprises, et que je trouve particulièrement intéressant parce que son auteur s'efforce de décrire l'autisme, la vision de l'autisme qui prévaut dans une société donnée, en lien avec les soubassements idéologiques de ladite société


Il est bien, ce livre ? D'autres que budakesi l'ont lu ?
Budakesi n'étant pas une référence fiable, combien te faut-il d'opinions pour savoir si ce livre "est bien" ?
La tienne suffirait peut-être ? :)
Sache au moins que cette dame est suisse, résidant à Genève :lol:
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Re: "Autisme et empathie" - Rachel Cohen-Rottenberg

#285 Message par freeshost » lundi 29 août 2016 à 13:36

La mienne, fiable, pas plus qu'une autre. :lol:

Bon, peut-être que je reviendrai faire un tour à Genève. :mrgreen:
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