L'empathie

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Murielle
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Re: Empathie

#31 Message par Murielle » mardi 16 mars 2010 à 16:39

Je te remercie infiniment pour ces réponses très claires Emmanuel.!

Pour moi, là on touche du doigt l'empathie telle que "moi" je l'entends....Je veux dire que visiblement tu perçois les éléments qui montrent la tristesse par exemple mais que tu ne peux pas te mettre "à la place de"....pour ressentir éventuellement les émotions auxquelles sont confrontées les personnes.

C'est aussi pourquoi, on peut nous parents, mieux accepter et comprendre pourquoi parfois nos enfants nous font de la peine sans sans rendre compte, parce qu'ils n'imaginent pas un seul instant ce que nous pouvons ressentir dans certaines situations difficiles.! :D

Par exemple:
Lorsque j'ai envie de câliner mon fils et que lui refuse que je le touche, au début (je ne savais rien de son autisme), ça me blessait et lui semblait s'en fiche totalement....Je sais aujourd'hui que ce n'est pas dans le but de me faire du mal, mais tout simplement qu'il n'imagine pas combien cela pouvait me peiner.!!! :? Je ne peux donc pas lui en vouloir.! :bravo:

Je crois que si on comprends cela, on peut mieux appréhender nos enfants et les aider...sans parler du fait que nous nous sentons moins blessés par un comportement apparemment "indifférent".!

Vraiment merci de ton témoignage car c'est grâce à ça qu'on peut mieux évoluer ensemble.!!!!

bonne fin de journée.!!!! :D
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Re: Empathie

#32 Message par manu » samedi 20 mars 2010 à 12:38

Cette échange m'évoque partiellement une fausse piste, alors je voudrais reprendre l'exemple de léo et proposer ce que ça m'évoque, peut être avec une lecture critique par emmanuel.

Je recopie toute la section concerné:
Murielle a écrit :Dans plein de situations quotidiennes, j'ai pu observer que mon fils "copie" littéralement des attitudes qui "habituellement" se font de manière spontanée.... :love:
Exemple avec la douleur:
Pendant des années, Léo semblait ne rien ressentir lorsqu'il tombait, se cognait ou se brûlait....Ca nous a toujours stupéfaits, mais on se disait qu'il "était dur au mal"....
Si on lui disait : "tu t'es cogné"...??? Il se mettait en colère en criant "Nooooonnnnn, je ne me suis pas cooooooognéééééé".!!!" :evil:
Puis, depuis le CE2/CM1....C'est clair qu'il a changé de comportement.!Il a "appris" à pleurer quand il se cogne...ou quand il tombe....comme ses camarades.!!!Au début de cette année, en allant le chercher à l'école, son instit me dit qu'il est tombé dans les escaliers et qu'elle avait peur qu'il se soit réellement fait mal....sauf, qu'il a refusé qu'elle le touche.!Elle m'avertissait donc pour que je puisse voir ça.
Il avait l'air de boitiller en rentrant sur le chemin, mais semblait aller très bien.... :bravo:
Arrivés à la maison, je lui dis " Mme P., m'a dit que tu étais tombé....je peux voir ce que tu as?".... Et là, stupéfaite :shock: :? , il s'est mis à pleurer mais de façon impressionnante en réclamant à travers ses larmes (eh oui.!) un pansement....J'obtempère et en lui mettant le sparadrap salvateur, les pleurs ont stoppés NETS.! :crazy:
C'est dans ce type de comportement que je pense qu'il a visiblement copié.... :D :love:
Moi je n'arrive pas percevoir ça comme un comportement copié par mimétisme ou appris.
L'impression que ça évoque en moi, c'est la confrontation entre deux difficultés :
_Premièrement celle que tout le monde connais de la douleurs d'une chute et peut être du besoin d'être rassuré
_Deuxièmement une difficulté encore plus forte a affronter le câlinage.

Et là je rapelle les propos de goeges huard rapporté dans le même post :
Murielle a écrit :. :? Il m'avait même dit que déjà s'il s'était fait mal en tombant, si quelqu'un venait en prime :cela sur-rajoutait à sa douleur.!!!! :crazy: (Pour un NT, c'est dur à comprendre....! :wink: )
Moi ça me parle plus. J'y voit plus volontiers une agression supplémentaire, le tout étant pleinement ressentis, qu'une incapacité a percevoir qu'il faudrait combler.

Donc a mes yeux Léo n'a pas appris a faire semblant pour faire comme les autres, mais il a atténué le ressentis agressif qu'évoque le contact, au point de pouvoir même se laisser rassurer avec un pansement, mais dans une toute petite fenêtre d'action (que avec sa mère, après coup, et furtivement), fenêtre qu'il faut impérativement respecter pour ne par risquer de rendre ce petit espace dont il a autant besoin que n'importe quel enfant mais qui se trouve généralement confronté à une angoisse bien supérieur qui ne l'autorise pas.

Je poursuis donc, toujours pour exprimer ce que ça m'évoque sans prétendre quoi que ce soit du vrai, je tiens à le préciser, en relevant cette phrase :
Murielle a écrit :Lorsque j'ai envie de câliner mon fils et que lui refuse que je le touche, au début (je ne savais rien de son autisme), ça me blessait et lui semblait s'en fiche totalement....Je sais aujourd'hui que ce n'est pas dans le but de me faire du mal, mais tout simplement qu'il n'imagine pas combien cela pouvait me peiner.!!! :? Je ne peux donc pas lui en vouloir.! :bravo:
A mes yeux c'est bien les autres qui n'imaginent pas quelles peines impensable et indicible engendre le contact forcé, dans une difficulté face a laquelle le manque de contact dont vous souffrez tend est bien peut de chose ... êtes vous seulement aptes a effleurer celle là de peine?


L'empathie, celle dont parle jean, c'est précisément ce que fait emmanuel je pense.
Je pense aussi que dans certain cas on abandonne ce combat, et on se maintiens hors souffrance, c'est l'autisme profond, consommé j'ai envie de dire.
Quant vous avez besoin de vous rassurer par le contact pour ne pas avoir a affronter le sentiment de perte, vous devez comprendre que ce que vous ne pouvez affronter les autistes l'ont traversés au point de s'en couper, et que sortir de l'autisme c'est se rebrancher en retraversant ce point de rupture insoupçonnable, définitivement inaccessible a votre empathie.

PS : Murielle je m'appuie sur tes propos, pour faire une réponse a la cantonade, mais si les mots sont dur (et je ne vois pas bien comment faire autrement), il ne se veulent pas agressif contre qui que ce soit, et ils sont pas non plus des reproches, si tu les comprends tu comprendras aussi qu'il ne peuvent pas l'être.
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Re: Empathie

#33 Message par Murielle » samedi 20 mars 2010 à 15:49

Ne t'inquiète pas Manu.!!! :D
Je ne les prends pas comme des reproches, mais comme une façon (différente) de ressentir les choses.....ET une explication personnelle (la tienne) qui rejoint celle de Georges H.... Je t'assure que même si j'ai du mal à la concevoir parce que pas du tout dans mon mode de fonctionnement, je l'ai acceptée comme telle, et je ne force jamais plus mon fils à faire des câlins.!
Ca va peut être choquer....mais tant pis, je le dis quand-même :wink: :
Je compare mon fils à un chat....Je prends ce qu'il me donne quand il est décidé.!...et ce jour-là quand ça arrive, ça a d'autant plus de force de prix.! :D :love:
Je sais qu'il m'aime à SA manière et je l'ai accepté...Je dis juste que pour un NT, comme ce n'est pas "naturel", c'est pas évident au début et ça peut faire souffrir, de la même façon qu'on fait souffir un Aspie si on le force à faire un câlin...
Je trouve ça plutôt intéressant d'avoir ton avis là-dessus... :mryellow:
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Re: Empathie

#34 Message par manu » dimanche 21 mars 2010 à 9:52

Moi j'ai tendance a penser que dans certains cas ça peut être naturel y compris dans le cadre de l'autisme, naturel mais inaccessible.

Je sais pas comment dire, vous n'allez pas faire un câlin a un grand brûlé, mais vous n'allez pas pour autant vous imaginer qu'il est insensible ou qu'il n'en a pas envie ou besoin.
Moi je pense que c'est une possibilité dans des cas d'autismes, qu'il y ait une réelle impossibilité technique à "entrer dans ce jeu", et dans un deuxième temps une sorte d'enfouissement des envies et des besoins.

Je suppose aussi qu'il peut y avoir une myriade de cas bien différents, mais j'ai tendance moi à percevoir (peut être a tord)
_ et des besoins naturel comme tout le monde,
_ et une impossibilité infranchissable,
_ et un travail tout aussi naturel a enfouir ces besoins pour ne pas avoir a en souffrir.

Si l'autre, pour reprendre mon image, ne peut pas voir que vous être un grand brûlé, et surtout s'il est maintenu a distance, il n'est pas envisageable de le laisser vous approcher car il ne saura pas ne pas vous faire mal. Je pense ça tout le monde peut le comprendre.
Par contre, si il est absolument respecté dans ces limites il peut arriver a établir un espace ou c'est possible. Si léo est dans un schémas comparable (j'en sais rien du tout, mais ça m'apparait comme compatible), il démontre que c'est effectivement le cas.

Je pense que d'une façon générale les possibilités ne naissent que de l'absolue respect de ce qui n'est pas compréhensible; respect parfois confronté à une loi sociale qui sous entend (dans les plus mauvaise interprétations des termes) que les parents se doivent d'être en empathie avec leurs enfants, sous entendu tout comprendre et partager ces émotions sous peine d'être jugé incompétent.

C'est là que l'étymologie du mot empathie nous renvoie au fait de "se prendre pour" qui n'est pas savoir, et que l'usage scientifique nous renvoie a l'apprentissage de liens logiques.
Le mot lui même exprime le contraire de savoir à la place de l'autre, pourtant le langage courant et la doctrine sociale continuent a défendre de devoir d'être en empathie dans une acceptation qui tiens du fantasme ...
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#35 Message par emmanuel_data » mercredi 24 mars 2010 à 9:54

Il y a quelques moi j'ai écrit ceci sur ma page facebook et sur le forum se SAtedi.
Emmanuël a écrit :Ce que nous croyons être la réalité n'est en fait l'interprétation de ce que nous perçevons, c'est à cette interprétation que nous croyons et c'est en fonction de cela que nous agissons. Nous percevons notre vie en grande partie sur un plan emotionel et subjectif.
Si vous modifiez votre système d'interprétation, vous agissez différemment, de manière plus ou moins directe vous changez votre vie.
Cela vaut aussi pour l'empathie. La plupart des gens lorsqu'ils entendent empathie, pensent à une forme de connexion, l'empathie résulte en fait pour une bonne part de nos apprentissages et de la manière dont nous percevons et traitons l'information. En ce sens elle se base sur des données presque totalement subjectives, car nous ne sommes pas des machines et les gens dans leur grande majorité font de l'interpétation de ce qu'elles perçoivent en fonction de leurs apprentissages passés.

Il peut être vraiment difficile pour quelqu'un considéré de très empathique d'avoir de l'empathie pour des gens d'une éduction ou d'une culture très différente car avoir de l'empathie pour quelqu'un suppose qu'on comprenne cette personne, sans données suffisantes et abstraction faites du language corporel (en particulier le visage), il est difficile d'avoir de l'empathie pour quelqu'un éprouvant une grande trisse pour un motif qui nous apparaitrait à nos yeux comme complètement absurde, vous en connaissez des exemples dans votre vie courante.

L'empathie est une part une question "d'apprentissage" et (pour certaines personnes) de choix, et éventuellement en partie aussi neurologique - dans le cas de lésion cérébrale spécifique, il est possible qu'une personne soit incapable d'empathie mais cette dernière étant un processus complexe, il peut y avoir possibilités de rémédiation/compensation.

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Re: Empathie

#36 Message par Murielle » mercredi 24 mars 2010 à 10:38

Je suis d'accord avec ça....c'est sûrement vrai...! :wink:
Ca devrait correspondre aussi à ta visison Manu?
Merci de nous avoir fait partager ton point de vue Emmanuël.!
l'interprétation de ce que nous perçevons, c'est à cette interprétation que nous croyons et c'est en fonction de cela que nous agissons. Nous percevons notre vie en grande partie sur un plan emotionel et subjectif.
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#37 Message par annemarie » mercredi 24 mars 2010 à 10:44

Oui, c'est ce que je voulais dire en parlant de motivation. Si un acte donné a une motivation différente chez deux personnes, on peut bien percevoir un état sans pouvoir le rattacher à quelque chose qui fait sens pour soi, et donc, rester dans l'expectative ou le doute et paraitre du coup peu empathique. Ca m'arrive souvent et il me faut du temps pour comprendre.
J'ai comme une grille de profils psychologiques dans la tête, que j'ai acquis en lisant beaucoup, un détail va me faire penser à tel profil et donc, j'aurai une vue d'ensemble, mais dans la vie courante, c'est plus compliqué que dans les livres et ça me demande beaucoup de réajustements.

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#38 Message par manu » mercredi 24 mars 2010 à 14:01

Murielle a écrit :Ca devrait correspondre aussi à ta vision Manu?
Oui.
Ma première intervention sur satedi était justement dans la réponse a ce sujet posté par emmanuël (c'est avec les deux points sur le e ton prénom?).

J'avais proposé des liens avec des domaines de sciences qui explorent précisément ce sujet, ce qui prouve que c'est un peut plus qu'une façon de voir les choses.

Ce qu'on essaye de faire avec annemarie (je crois) c'est d'empêcher que les lieux commun ne se refermes sur eux même, ne montent trop en épingle la notion de "connexion" au point d'empêcher la possibilité de distinguer ce qu'emmanuel exprime ici, qui est aussi le sujet de l'empathie cognitive comme le précise jean, et ma fois un fondamentale nécessaire dans biens des domaines pour accéder à la compréhension des choses.
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#39 Message par emmanuel_data » mercredi 24 mars 2010 à 14:56

c'est avec les deux points sur le e ton prénom?).
Oui, c'est comme cela que c'est écrit sur mon acte de naissance.

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Re: Empathie

#40 Message par Murielle » mercredi 24 mars 2010 à 15:09

Pour ma part, je crois que ça a mis les mots comme j'avais envie de le dire mais sans savoir l'exprimer d'une façon aussi juste aussi véritable.... :oops:
Bravo.! :bravo:
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Re: Empathie

#41 Message par Mars » mercredi 24 mars 2010 à 21:05

Réponse limpide Emmanuël, tu as mis les mots qu'il fallait sur un concept parfois trop flou :bravo:
Atypique sans être aspie. Maman de 2 jeunes filles dont une aspie.

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Re: Empathie

#42 Message par Jean » jeudi 25 mars 2010 à 21:58

Des extraits du dossier de Cerveau et Psycho sur l'empathie :
L’empathie est une faculté en partie innée qui permet de comprendre et de partager les états affectifs d'autrui.

Cette disposition facilitée par le langage permet de réguler les rapports entre individus au sein d'un groupe.

Le degré d'empathie que l'on éprouve pour un être humain est influencé par son appartenance à des groupes sociaux plus ou moins proches du sien. (page 45)
Partager la douleur d'autrui
Frédérique de Vignemont est chargée de recherches au CNRS, Unité UMI 3 199, à I’université de New York. Pierre Jacob est directeur de recherches à l'Institut Jean Nicod, Unité UMR 81 29 CNRS/ENS/EHESS.

En Bref : L'empathie suppose une perméabilité aux sentiments d'autrui, mais aussi la conscience de la façon dont l'état affectif de l'autre affecte le nôtre. Faire preuve d'empathie pour quelqu'un qui souffre, c'est imaginer quel est son état affectif, et pas seulement anticiper la douleur que l'on ressentirait si l'on était à sa place. En fait, l'accès à l'état subjectif d'autrui nécessite que I'on ait conscience du fait que I'on ne souffre pas soi-même. (p.50)
Les quatre conditions de l'empathie

Condition d'affectivité
L'observateur doit être dans un état affectif donné, qu'il s'agisse de douleur, d'angoisse, de peur, de joie, de dégoût, de colère, etc. Si cette condition n'est pas remplie, il ne peut y avoir ni empathie ni même contagion émotionnelle, puisqu'il n'y a pas d'état émotionnel particulier.

Condition de similitude interpersonnelle
L'état affectif de l'observateur doit ressembler à certains égards à celui de son vis-à-vis. Si cette condition n'est pas remplie, on ne peut toujours pas parler d'empathie, ni de contagion émotionnelle, tout au plus de réaction affective ou émotionnelle (l'observateur est dans un état affectif différent de celui de l'autre).

Condition de transmission causale
L'état affectif de la personne observée est la couse de l'état affectif de l'observateur. II ne suffit donc pas que les deux états affectifs soient similaires . par exemple, deux personnes qui regardent un film peuvent ressentir des émotions similaires, sans que l'une éprouve de l'empathie pour I'autre. Sans*transmission causale, il n'y a ni empathie ni contagion émotionnelle.

Condition d'attribution

L'observateur doit être conscient de la relation causale entre l'état affectif de lI'autre et le sien propre. Un petit enfant qui se met à pleurer en voyant un autre fondre en larme n'est pas forcément dans une relation d'empathie: il peut être gagné par une contagion émotionnelle, sans savoir que sa détresse est causée par celle de son camarade.

Ces quatre conditions sont nécessaires pour qu'il soit possible de parler d'empathie. Sont-elles suffisantes ? Pour être véritablement en empathie avec une personne qui souffre, il faut en outre s'inquiéter de sa souffrance, s'en représenter la dimension subjective, sans la ressentir soi-même physiquement. Dans ce cas, la composante purement physique (sensorimotrice) de l'empathie n'est pas activée chez l'observateur, et cette absence de contagion physique de la douleur lui permet de prendre conscience que c'est l'autre qui souffre.

(page 52). Références : F. de Vignemont et Tania Singer: "The empathic brain : .." 2006
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Re: Empathie

#43 Message par Jean » mercredi 31 mars 2010 à 21:14

Autres extraits (article "La force de l'empathie") de Jean Decety :

Les personnes souffrant d'autisme sont souvent décrites comme manquant d'empathie. Selon une étude d'imagerie cérébrale, chez ces personnes, le gyrus frontal inférieur (une région homologue à celle du singe où les neurones miroirs ont été découverts) ne s'activerait pas quand on leur présente des visages expri- mant des émotions. Mais deux autres études semblent montrer exactement l'inverse : cette région est suractivée chez ces personnes lorsqu'elles perçoivent les expressions faciales des émotions. Bizarrement, ces trois études aboutissent à la même conclusion : l'autisme est associé à un dysfonctionnement des neurones miroirs. Toutefois, contrairement à ce qui a été dit maintes fois, il n'est pas certain que le syndrome autistique résulte d'un simple dysfonctionnement du système de neurones miroirs. Prudence et rigueur sont de mise.
(...)
Empathie, comportements sociaux et altruisme
(...)
La biologie de l'évolution nous enseigne que les comportements altruistes sont apparus avant la capacité d'exprimer des émotions et de ressentir de l'empathie envers autrui. Les abeilles qui se sacrifient pour protéger l'essaim de l'attaque d'un frelon, ou les signaux d'alarme que lancent les oiseaux pour alerter d'un danger sont deux exemples de comportements altruistes qui ne reposent pas sur l'empathie. On ne peut donc pas dire que l'empathie ait favorisé l'apparition des comportements sociaux, car les insectes sociaux ont des comportements altruistes sans empathie. En revanche, la capacité à ressentir l'état émotionnel de congénères et d'y répondre de manière appropriée a apporté, chez les mammifères, un avantage adaptatif évident pour la survie de l'individu et du groupe. Chez l'homme, de nombreuses études en psychologie sociale indiquent que l'empathie est un facteur favorisant les comportements prosociaux.

Au cours de l'évolution des mammifères, le cerveau des femelles est devenu sensible aux signes de souffrance de leur progéniture. Cette sensibilité s'est étendue au-delà de la relation de la mère à son enfant, afin que tous les individus normalement développés soient affectés par la souffrance d'autrui. Une telle détresse empathique (ou sentiment d'aversion) crée un besoin d'amorcer des comportements prosociaux ; elle interviendrait dans le développe-ment des bases de la moralité chez l'enfant. Entre 7 ans et 40 ans, le réseau neuronal qui réagit à la douleur des autres subit des modifications : l'activité de l'amygdale, de l'insula postérieure et du cortex orbitofrontal médian diminue avec l'âge, alors que celle des cortex dorsolatéral et orbitofrontal latéral augmente. Une telle évolution reflète le passage d'une réponse émotionnelle viscérale qui sert aux enfants pour analyser la signification affective des stimulus, à une fonction plus évaluative chez les adultes, lesquels font appel à des souvenirs, des jugements moraux, des changements de point de vue, pour moduler leur réaction d'empathie. Voir encadré
De l'enfant à l'adulte : l'évolution des circuits de l'empathie
Les circuits de I'empathie évoluent avec l'âge. Chez l'enfant, on constate surtout une activation de l'amygdale, de l'insula postérieure et du cortex orbito-frontal médian qui sous-tend une réaction émotionnelle viscérale et permet aux petits d'analyser rapidement et automatiquement, sur un pian affectif, la signification émotionnelle des stimulus chez autrui. Chez l'adulte, on observe plutôt une mise en jeu des cortex préfrontal dorsolatéral et orbitofrontal latéral, ce qui correspond à une évaluation plus cognitive de la situation, en fonction des valeurs de l'observateur, de jugements moraux ou des intentions prêtées à autrui. On constate ainsi un déplacement avec l'âge des aires impliquées dans les circuits de l'empathie
NB : ce que je trouve intéressant dans ces remarques, c'est que çà relative le rôle de l'amygdale (il y a un problème de taille chez les enfants autistes) et qu'il y a une possibilité d'évolution, d'éducation.
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Re: Empathie

#44 Message par annemarie » jeudi 1 avril 2010 à 8:33

Ca m'expliquerait pas mal de choses.

Si j'ai bien compris les autistes en seraient encore à avoir une perception brute, non cognitive alors que les autres modulent leur perception en fonction du contexte et de leur propre expérience.

Or, chez les gens normaux, l'expression des émotions est étroitement imbriquée avec le message social, la souffrance, la joie, peuvent être exagérées selon la réaction recherchée chez l'autre.

Je me suis souvent sentie flouée, trompée après avoir compris que ce que j'avais pris pour une grande souffrance chez l'autre devait être modulée et pouvait être en fin de compte nettement diminuée par rapport à la souffrance que j'aurais ressentie si j'avais manifesté les mêmes signes.

Je comprends mieux, à l'inverse pourquoi les gens croient si facilement que les petits, les gens désorientés font du "cinéma" quand moi, je suis attérrée par ce que je vois.

Si chacun traite ces informations par rapport à ses propres critères (et comment faire autrement), il le fait aussi par rapport à son propre développement de l'empathie et des codes sociaux.

Ce qui aurait pour résultat que les personnes restées à une empathie viscérale voient une expression brute et que les personnes ayant pu développer une empathie cognitive voient une expression modifiée par les codes sociaux.

Donc, développer l'empathie pour un autiste revient surtout à apprendre les codes sociaux et n'ayant pas pu les apprendre au cours du développement, la difficulté sera toujours la même: dans le meilleur des cas, pratiquer de façon consciente et apprise ce qui chez les autres est un automatisme et donc toujours risquer de se tromper légèrement dans l'évaluation de l'intensité.

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Re: Empathie

#45 Message par Luna » jeudi 1 avril 2010 à 8:55

"L'observateur doit être dans un état affectif donné, qu'il s'agisse de douleur, d'angoisse, de peur, de joie, de dégoût, de colère, etc. Si cette condition n'est pas remplie, il ne peut y avoir ni empathie ni même contagion émotionnelle, puisqu'il n'y a pas d'état émotionnel particulier. "

Ca me ressemble. Parfois, dans la journée, quand je travaille, je m'arrête un instant pour analyser mes sentiments, mes ressentis, et dans 90 % des cas, c'est du RIEN (j'ai ma théorie quand à ce RIEN, c'est quand même un "sentiment" quelque part, mais spécial pour les personnes SA).
Petit à petit, on apprend à agir de façon socialement acceptable et efficace, comme un acteur dans une pièce de théâtre, mais il faut faire fi du RIEN, sinon ça fait mal.
Dans les 10 % des cas, il y a quelque chose de LEGER, parfois même un peu de TENDRESSE, mais ça reste toujours en surface.
Luna TMG
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"Dans la photographie, il y a une réalité si subtile qu'elle devient plus vraie que la réalité" - Alfred Stieglitz

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