En gros, si j'ai bien compris, misty pointe plusieurs phénomènes (agrémentés de divers biais) dont il est judicieux de prendre conscience puis face auxquels être prudents :
1. Prendre une généralisation pour une attaque,
le biais d'intentionnalité. On sait que notre cerveau (même celui de personnes spectro-autistes, même si éventuellement parfois moins) effectue des généralisations (par économie cognitive, et aussi pour anticiper, prévoir) automatiquement, inconsciemment. Concevoir des nuances demande de l'effort cognitif, plus de matériel cognitif aussi (comme pour dessiner plein de nuances de couleurs
).
2. Tartiner ce premier biais d'une bonne couche d'un autre biais lié consistant à définir une ou plusieurs personnes selon ses groupes, selon ses appartenances sociales (ou les appartenances sociales auxquelles on les identifie), son habitus (
au sens sociologique de Pierre Bourdieu ; lire aussi
ici). C'est
le biais d'ethnocentrisme, ou, de manière plus générale, les biais endogroupe et exogroupe. Lire aussi
ici. [Pas loin des
identitarismes, ceux-ci étant très imprégnés et enduits d'
essentialismes.
]
À ce titre, on peut citer ce passage qu'on trouve aux pages 6 et 7 de
ce pdf (pages 4 et 5 du travail) :
Avant de poursuivre, comment ne pas évoquer ici ma propre position d’homme dans ce champ de recherche occupé presque exclusivement par des femmes ? Afin d’éviter tout procès d’intention, il me faut préciser que si c’est notamment et nécessairement en tant qu’homme que je vais m’exprimer ici, j’entends bien échapper à cet implacable déterminisme qui voudrait a priori que chaque ligne que je m’apprête à écrire devrait être interprétée de par ma seule appartenance au groupe social « hommes ». Mais faute de pouvoir écarter tout doute sur ma volonté d’« imposer [ma] conception de la libération des femmes 3 », je ne peux donc que souhaiter, tout en sachant que je me place sur un terrain scientifique et social miné, que l’on me concédera cette indulgence qui est si (et parfois même trop) facilement accordée aux « riches » qui étudient la pauvreté, ou aux « blancs » qui étudient le racisme. La posture scientifique que j’engagerai dans cette recherche, si elle est nécessairement le reflet de cette appartenance, est par ailleurs également empreinte de ma propre conscience de moi-même telle qu’elle a été façonnée par mon expérience (d’homme notamment), par ce mélange unique de complicité et de refus qui fait de chaque individu une personne irréductible à sa seule catégorie d’appartenance sociale, quelle qu’elle soit. L’oublier ne serait que sacrifier à une forme d’essentialisme que tout ce texte entend précisément combattre 4 .
Donc aussi : ce n'est pas parce qu'une personne P1 appartient à un groupe G1 (ou s'y identifie ou qu'on l'y identifie) qu'elle et tous les autres membres du groupe G1 auront la même position (politique, idéologique ; par exemple,
la victimisation, qui peut devenir un cercle vicieux), la même suite d'expériences (le même vécu), les mêmes conditions. Par exemple, on sait déjà que, parmi les femmes, il y a divers courants féministes, il y a des personnes qui découvrent encore ces mouvements, qui commencent à prendre conscience de divers processus, d'autres qui ne les connaissent pas encore, d'autres encore qui ne s'y intéressent pas. Autres exemples : une personne peut manger de la viande sans connaître le carnisme et végétarisme ; une personne peut préférer les personnes avec la peau claire sans forcément être raciste et sans forcément avoir conscience des processus qui lui font préférer les personnes à peau claire.
Il y a beaucoup de processus inconscients.
Non seulement, aucun être n'est omniscient. Mais aussi, aucun être n'est omniconscient. [Et aucune être n'est omnipotent.] [Signalons au passage que l'illusion d'omniscience appliquée aux autres (à un exogroupe flou) peut souvent huiler l'argumentation des théories du complot : "Des personnes savent tout. => On nous cache tout."
]
Avec ces questions sur les diagnostics auxquels on rajoute des questions sur le genre et sur d'autres habitus, on s'acoquine donc avec l'intersectionnalité, les convergences des luttes (les mouvements de la neurodiversité), mais aussi les divergences des luttes (
des schismes aussi avec ces mouvements de neurodiversité*). Mais, avec l'autisme, on n'a pas encore beaucoup de recul (historique, sociologique, etc.).
En tout cas, ça macère (et cette macération va prendre du temps).
* Souvenez-vous. En plus de cette discussion sur les diagnostics abusifs, il y avait la discussion sur la neurodiversité, le handicap.
Au passage, il n'y a pas forcément corrélation entre des caractéristiques et usages des genres et l'égalité sociale des genres. Même si les mots ont leur importance, leurs effets, le combat au niveau linguistique ne suffit pas. [Par exemple, il y a des langues qui ont, globalement, un seul genre (grammatical). Les pays parlant ces langues n'ont pas forcément atteinte l'égalité des genres/sexes.]
Il me semble que la politisation du sujet est difficilement évitable.
Pour ma part, ai-je commencé à sociologiser ?
[J'avoue. J'ai récemment acheté des livres de sociologie. Nul doute que d'autres suivront. Bon, je débute.
]
En tout cas, les biais cognitifs en action chez beaucoup de personnes peuvent favoriser certains phénomènes sociologiques.
Tsé : mettons, une personne française voit pour la première fois une personne suisse, qui se présente à elle comme suisse, la personne française va interagir avec la personne suisse, observer diverses caractéristiques et attitudes. Comme c'est la première personne suisse qu'elle rencontre (conçoit rencontrer ; peut-être a-t-elle déjà vu auparavant des personnes suisses sans savoir ou croire qu'elles étaient suisses), il y a grande probabilité qu'elle attribue certaines caractéristiques de cette personne suisse à toutes les personnes suisses (surtout les caractéristiques qui diffèrent des siennes, en tant que personne françaises ; surtout si elle n'a pas de recul scientifique).
Ensuite, à force de rencontrer des personnes suisses, ses représentations des personnes suisses pourront se nuancer. Rencontrer des personnes diverses aide à nuancer ses représentations, à être moins ballotté par certains biais cognitifs.
Bref, pour éviter ce biais d'intentionnalité, on peut prendre l'habitude d'accorder le bénéfice du doute, et éventuellement discuter avec les personnes chez qui on décèle (ou croit déceler) des erreurs, des maladresses, des inconsciences.
D'un autre côté, on peut comprendre que des personnes voient des manquements au
rasoir d'Ockham dans certaines argumentations, surtout quand les arguments ornementaux se basent sur des généralités douteuses.
Mais bon, vous savez qu'il y a des différences entre
le savant et le politique.