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Vannes - Vannes. Autisme et travail. Un gisement pour les entreprises
Sophie Paitier
Publié le 24 avril 2019 à 17h33
Thibault (au centre), entouré de son patron, François Cartron (à gauche) et de son collègue, Vincent. (Le Télégramme/Sophie Paitier)
Embaucher un salarié atteint d’autisme, François Cartron, boulanger-pâtissier, n’y aurait pas pensé il y a dix ans. Mais ça, c’était avant. Avant Thibault. Le jeune homme travaille depuis 2010 dans l’entreprise. Pour son plus grand bonheur, celui de son patron et de ses collègues boulangers.
François Cartron est catégorique. La présence de Thibault dans son entreprise de pâtisserie boulangerie est une richesse. Embaucher un salarié souffrant de Trouble du spectre autistique (TSA) ne lui aurait pas effleuré l’esprit, avant que le papa de Thibault ne lui demande de prendre son fils en apprentissage, il y a dix ans. Thibault est autiste et atteint d’un léger handicap moteur. François Cartron le reconnaît aujourd’hui : « Je ne connaissais pas le handicap. Mais son papa (NDLR décédé depuis) était professeur de charcuterie au CFA de Vannes et on s’y croisait souvent ». François accepte de dépanner son collègue artisan, non sans, reconnaît-il encore, une certaine appréhension. « Je me demandais si ça n’allait pas troubler le poste de travail. Quand Thibault a commencé chez nous, il avait du mal à parler, avait un problème de préhension. Ça n’était pas facile pour prendre les sacs de farine ou les cartons de beurre. J’avais des inquiétudes pour l’intégration dans l’équipe ».
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Au fur et à mesure du temps, on l’a vu progresser. On a pris beaucoup de plaisir à le voir évoluer et on est très satisfait de son travail
».
La boulangerie Cartron, c’est une quarantaine de salariés, répartis sur cinq sites, que François gère avec son frère Dominique. Il y a les deux sites de Vannes : la boulangerie-pâtisserie de la rue Saint-Vincent et celle de la zone du Poulfanc, où est situé le laboratoire qui alimente tous les points de vente. Et deux autres points de vente, à Auray et Saint-Avé. Une entreprise qui tourne bien. « On l’a d’abord pris en stage, pour l’aider à repasser son CAP, en se disant, si ça marche on le garde », se remémore François. « Ça a marché. Quand il l’a décroché, on l’a gardé. Au début, on a eu la chance d’avoir un salarié, Yves, parti en retraite depuis, qui avait une grande sensibilité vis-à-vis du monde du handicap. Le lien a été facilité. Yves l’a pris en charge. Les craintes se sont levées petit à petit. Il est à la fabrication des pâtes : feuilletées, brioches, pain au lait, viennoiseries… Il est très attentif. Au fur et à mesure du temps, on l’a vu progresser. On a pris beaucoup de plaisir à le voir évoluer et on est très satisfait de son travail ».
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Parfois, j’ai peur de ne pas y arriver. J’en parle avec mes collègues et souvent je me reprends de moi-même »
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Entre deux pâtons, dans le laboratoire du Poulfanc, Thibault parle de son métier avec enthousiasme et toujours avec un sourire radieux. « J’aime bien être au début de la fabrication, pétrir la pâte, mettre les pains de mis dans les moules. Je le fais tout seul. Je commence à 5 h et je travaille jusqu’à midi. Parfois, j’ai peur de ne pas y arriver. J’en parle avec mes collègues et souvent je me reprends de moi-même. Les gens ici sont bienveillants. On m’encourage et on me tire vers le haut ».
Pour François Cartron, employer une personne autiste, « c’est une richesse dans l’environnement de l’équipe, qui doit adapter son discours. Sa présence favorise la cohésion. Il y a les discussions au café le matin. Tout le monde rigole, lui le premier. Il a une mémoire d’éléphant et est passionné de sport. Il est imbattable sur les scores des équipes de foot. Même si ça n’a pas toujours été très facile au début, on a reçu l’aide de psychologues qui le suivaient. En cas de problème, on en discutait avec l’équipe, juste dix minutes, en fin de travail. C’était un défi. Et c’est très gratifiant d’être arrivés à ce résultat-là ».
Thibault aime préparer les différentes pâtes de boulange. Il faut être précis et méticuleux : des qualités que lui confère son handicap.