Winston Wolfe a écrit :Je reste dubitatif sur les conclusions. Pour ce qui est de la méthode, l'article est trop succinct pour se faire une idée.
Personnellement ce qui me fait douter c'est le (simple) recours à un auto-questionnaire de Baron-Cohen pour distinguer les autistes des autres (si j'ai bien compris, j'ai trouvé ça plutôt flou et pas vraiment eu envie de creuser plus).
EnHans a écrit :Oui, et ce qui est théoriquement un "point faible" peut se révéler être un "point fort", en tout cas dans cette configuration là (le fait d'éviter de rentrer dans un jeu de dupe avec des menteurs/manipulateurs).
A mon avis ce n'est pas tout à fait ça, ce serait plutôt une sorte de manière indirecte d'arriver aux mêmes conclusions que des non-autistes, cette manière particulière découlant probablement des déficits de lecture directe des signaux sociaux.
Je pense qu'une personne autiste est à la fois plus et moins à même de détecter le mensonge, ça dépend beaucoup du contexte:
-Quelqu'un qui me ment ou me fait une blague dans la vie courante sur un temps très court avec effet immédiat, je suis assez incapable de comprendre.
-A plus grande échelle, avec possibilité de compiler des éléments, de prendre des détails à imbriquer ensemble comme un puzzle, je vais percevoir très vite quand quelque chose ne colle pas et qu'une pièce n'est pas à sa place (ou n'a carrément rien à voir avec le reste du puzzle). Du coup, on m'a souvent dit que je comprenais mieux et plus vite certaines choses. En fait c'est un peu comme si les irrégularités dans les détails me sautaient aux yeux, donc indépendamment de mon incompétence à analyser les signaux sociaux je détecte quand même un discours qui ne tient pas debout. Sans avoir forcément le réflexe de penser que quelqu'un ment, je vais me dire que ce qui est dit n'est pas vrai. Je pense que c'est une nuance de perception: se focaliser sur les données/faits plutôt que sur la personne.
En plus, j'ai tendance à tout analyser, à avoir besoin de précision et de données factuelles, donc certaines manières de communiquer me font un peu l'effet d'un drapeau d'alerte. Typiquement, les formulations à base de "les autistes"/"les français"/ "les scientifiques" pensent/disent que... Voire carrément "tout le monde dit que/pense que..." Je trouve déjà ça complètement absurde sur le principe (je ne vois pas comment on peut prêter à des groupes totalement hétérogènes des avis ou discours homogènes), mais en plus je sais d'expérience que 9 fois sur 10 ça annonce une volée de baratin derrière. Je ne sais pas qui sont "les autistes", ni qui sont "les français", ni qui sont "les scientifiques", je sais encore moins qui est "tout le monde", et j'ai tendance à préférer savoir qui exactement a dit quoi exactement (+ éventuellement quand).
Comme il est avéré qu'un des ressorts de la manipulation en général c'est le flou et le manque d'éléments cadrés et précis, il me semble qu'un certain "fonctionnement autistique par défaut" peut constituer un rempart éventuel. Après, il y a tout ce qui est culpabilisation, et là je me demande si les faiblesses là-dessus ne fragilisent pas rapidement le rempart.
Par ailleurs, j'ai remarqué que la mémoire joue aussi. Dans des contextes (cf actualité récente) où c'est un peu la guerre psychologique avec les uns et les autres qui s'accusent mutuellement de mentir, je trouve que quand on se souvient toujours très bien de qui a dit quoi exactement, la portée est très moindre. En 10 secondes on repère celui qui marque contre son camp, parce que (en tout cas c'est le cas pour moi) le fait de revenir sur des données fait réapparaître automatiquement ce qui se trouvait dans le champ visuel autour: c'est immédiat.
Ca, c'est valable autant en général pour médias et cie qu'au quotidien. Les gens de mon entourage savent très bien que pour ce qui est de me mentir à propos d'un détail passé, le pronostic est nul tellement ma mémoire est fiable.
Je pense par contre que certaines personnes autistes peuvent savoir que quelqu'un leur ment (éventuellement à cause de la lumière qui s'allume directement quand une irrégularité apparaît dans le schéma factuel/discours) tout en se laissant faire car elles accordent beaucoup de valeur à la relation avec la personne qui ment. Ou qu'elles se sentent coupables de quelque chose à son sujet.
C'est une chose qui représente à mon avis le plus gros morceau concernant les autistes et le mensonge, parce qu'on peut se sentir coupable de penser que quelqu'un nous ment alors même que factuellement on a tous les indices pour déduire que cette personne ment vraiment. Je crois qu'une forme de déni peut apparaître, dans ces configurations, et que ça n'a alors plus rien à voir avec la capacité réelle à détecter les mensonges.