Syndrome d'Asperger et alexithymie

[Lilas]

Bonjour,

Je cherche à comprendre une situation déstabilisante vécue en groupe d'habiletés sociales, et j'en arrive à me poser cette question : est-ce que l'alexithymie peut être compatible avec une hyper-émotivité?

Je m'explique : j'exprime corporellement des émotions très envahissantes, sans identifier que je les ressens, ou sans pouvoir mettre un nom dessus.
Comme c'est visible, ce sont les personnes qui m'entourent qui m'en font la remarque.

Par exemple, hier, j'ai eu le retour que je semblais en souffrance et au bord des larmes, alors que tout ce que j'ai noté personnellement c'est que ma voix s'est mise à chevroter, mais je suis incapable de dire pourquoi ni quel sentiment cela traduit.

C'est vraiment perturbant car j'ai l'impression que mon corps exprime des choses sur lesquelles je n'ai aucune prise, et je me retrouve ensuite à devoir les justifier.

Je ne sais pas s'il s'agit d'une forme d'alexithymie ou pas.

J'aimerai savoir si je suis la seule à rencontrer cela, car dans mon groupe d'habiletés sociales, personne d'autre ne semble avoir ce problème.

[V4V]

Bonjour,

Alexithymie et SA sont tout à fait compatibles.

[Lilas]

J'ai aussi eu une préconisation en ce sens (TCC pour travailler sur la reconnaissance des émotions), mais ça n'a pas été concluant.
Je viens de visionner la conférence postée par Salicorne, dans laquelle ils disent que les psys sont gênés par cette absence d'échange émotionnel et je me dis que c'est peut-être ce qui s'est passé (j'avais vraiment l'impression qu'elle ne savait pas quoi faire avec moi).
J'espère que tu auras plus de chance que moi.

[Azeann]

Bonjour,

En parcourant ce forum j'apprends tellement de nouveaux mots, mot du jour Alexithymie !

En lisant ton post Lilas, je me reconnais mais tellement Alors niveau reconnaissance des émotions chez moi c'est assez primitif, je sais quand je suis contente, triste ou en colère après c'est plutôt flou En dehors, j'ai aussi le sentiment de ressentir très violemment mes émotions et j'ai aussi l'impression que c'est tellement violent que tout se mélange ce qui m'empêche de reconnaitre ce à quoi je fais face. Ne sachant pas ce qui m'arrive, je ne sais pas comment y faire face et en général ça finit dans les pleurs et l'incompréhension totale. Quand j'étais plus jeune (et encore maintenant) il m'arrive de pleurer des heures durant et quand on me demande pourquoi eh bien "je ne sais pas ". Ca énerve beaucoup mon entourage qui croit que je ne veux pas parler mais réellement je ne sais pas, je ne peux pas inventer !

[misty]

est-ce que l'alexithymie peut être compatible avec une hyper-émotivité?

Oui, et d'après ma psychiatre c'est même lié, la seconde causant souvent la première.

C'est une question sur laquelle je travaille en ce moment car je suis très en difficulté là-dessus aussi, j'étudie les mécanismes cérébraux dans des ouvrages comme ceux de J.LeDoux (le cerveau des émotions), A.Damasio (l'erreur de Descartes) ou encore S.Pinker (comment fonctionne l'esprit). Ca m'aide un peu donc si ça t'intéresse peut-être que tu y trouveras quelques réponses.

La TCC m'aide bien aussi, si tu peux trouver quelqu'un de bien ce serait un plus.

[Carapa]

Je m'explique : j'exprime corporellement des émotions très envahissantes, sans identifier que je les ressens, ou sans pouvoir mettre un nom dessus.
Comme c'est visible, ce sont les personnes qui m'entourent qui m'en font la remarque.

Par exemple, hier, j'ai eu le retour que je semblais en souffrance et au bord des larmes, alors que tout ce que j'ai noté personnellement c'est que ma voix s'est mise à chevroter, mais je suis incapable de dire pourquoi ni quel sentiment cela traduit.

C'est vraiment perturbant car j'ai l'impression que mon corps exprime des choses sur lesquelles je n'ai aucune prise, et je me retrouve ensuite à devoir les justifier.

Es-tu sûre que ton entourage ne fait pas de la surinterprétation? Parce que, personnellement, j'y ai eu assez souvent droit.

[Lilas]

Es-tu sûre que ton entourage ne fait pas de la surinterprétation? Parce que, personnellement, j'y ai eu assez souvent droit.

J'en suis sûre, parce que ce ne sont pas que des gens de mon entourage.
Ce type de remarque m'est venue de psychologues, de simples connaissances, de vendeurs dans des magasins, ou même d'inconnus croisés dans la rue.

[Carapa]

J'en suis sûre, parce que ce ne sont pas que des gens de mon entourage.

Justement, moins ils te connaissent et plus le risque de surinterprétation est élevé... Avec l'entourage, c'est normalement plus limité, pour autant qu'ils te comprennent un minimum (ce qui n'est pas forcément le cas - je parle ici en général, je ne sais pas du tout quelle est ta situation à toi).

[Lilas]

Justement, moins ils te connaissent et plus le risque de surinterprétation est élevé...

Je crois que je n'ai pas compris ce que tu entends par surinterprétation.

[Aeryn]

À mon sens, alexithymie et "hyper-émotivité" sont compatibles.
L'alexithymie c'est la difficulté ou l'incapacité à identifier et exprimer ses émotions. Ça n'implique pas de ne pas avoir d'émotion ou d'en avoir moins que la moyenne (au contraire, pour ne pas être en mesure d'identifier et exprimer ses émotions, il faut déjà en avoir ...).

Je suis a priori hyper-émotive, c'était en tout cas flagrant dans mon enfance (j'ai appris à le masquer à force de me faire réprimander par mon père pour mes pleurs trop fréquents et injustifiés à ses yeux !). Pour autant, je suis incapable de mettre un mot sur les émotions que je ressens, voire d'identifier que je ressens une émotion particulière parfois.

Deux exemples :
- lors d'un rendez-vous avec une psychiatre, elle me dit "vous semblez triste". Pourtant je ne l'étais pas, ou alors je ne l'ai pas identifié (même en y réfléchissant après qu'elle m'ait fait cette remarque). J'en déduis que soit j'exprime de manière non verbale des émotions qui ne correspondent pas à ce que je ressens, soit je n'identifie pas des émotions que je ressens vraiment.
- la reconnaissance des émotions m'a posé problème lors de la passation de l'ADOS (je ne sais pas si c'était lié aux épreuves d'ailleurs ou si ça s'est "greffé" pendant l'ADOS de manière fortuite). La psychiatre me demandait ce qui me mettait en colère, je lui répond que je me mets rarement en colère (ce qui est vrai à mes yeux). Puis elle me demande si ça ne me met pas en colère quand une personne traverse alors que le feu est vert pour le voitures. Pour moi la réponse est non : ça m'agace, mais je ne vais pas me mettre en colère ... J'ai l'impression que pour la psychiatre, l'émotion (censée être) ressentie à ce moment là est de la colère ...

De manière générale, je n'identifie pas mes ressentis en terme d'émotions mais plutôt sur une échelle de "confort" ("est ce que je suis confortable dans mon corps au moment donné ?"). Par exemple, si je suis particulièrement stressée ou mal à l'aise, je vais exprimer ça par "je ne suis vraiment pas confortable". Une personne extérieure va me dire que je suis ou que je parais "anxieuse".

Globalement, je pense ressentir de manière "exagérée" les émotions (= hyperémotivité), mais je ne suis pas capable de les identifier (alexithymie).

[V4V]

Message édité

[Aeryn]

D'après mon compte-rendu de restitution, j'alterne entre le "froid", le "neutre" et l'"exacerbé / non modulé" selon les situations. Moi je le vois comme cela : plus une situation me tient à coeur (= en général m'agace ou me passionne), plus je bascule vers l'exacerbé. Le froid et le neutre étant plutôt quand la personne en face ne m'est pas de bonne compagnie...

Ton message m'a fait sourire : on en déduit que les personnes qui t'ont bilanté ne t'étaient pas de très bonne compagnie ?

[V4V]

Message édité

[Carapa]

Je crois que je n'ai pas compris ce que tu entends par surinterprétation.

Par surinterprétation, je veux dire le fait d'attribuer à quelqu'un, sur la base de son attitude, des pensées/émotions/intentions qu'en réalité il n'a pas. Exemple: tu n'oses rien dire parce que tu es très ému, et tu passes pour indifférent.

[Fift]

Mais la neuropsy qui m'a fait passer l'ADOS me semblait très sympa, sincère, souriante, et... jolie . C'est pourtant elle qui m'a évalué le plus "négativement" dans le compte-rendu.

Cela ne me semble pas incompatible, au contraire : tu étais peut-être plus détendu face à cette personne, et donc avec des traits autistiques moins marqués ?