Le « handicap » du géant !

[budakesi]

Pour autant, qu'est-ce qui te fait parler d'asynchronicité, ou plutôt peut-être d'hétérosynchronicité ? Entre quels et quels traits ?

A l’age de 4 ans je comprenais très bien, la mort, le travail, les problèmes et enjeux financiers.

Par contre je suis resté naïf et j’ai été TROP bouleversé par les injustices pendant très longtemps.

Celui qui comprend très tôt la mort, le travail, les problèmes et enjeux financiers, comprend aussi que ce sont des problèmes qui concernent chacun, du simple fait d'être un humain, des problèmes qui caractérisent la condition humaine, et met ainsi chacun à un même niveau ontologique.
Pour moi les quatre questions existentielles fondamentales, que j'ai aussi conscientisées à l'âge de quatre ans, sont: la solitude, la liberté, l'absurdité et la mort. L'absurdité étant avant tout l'attitude qui consiste à s'imaginer qu'on peut échapper aux trois autres questions en s'agitant dans tous les sens.
La plupart des gens n'arrivent jamais à ces questions.
Dirais-tu qu'ils sont synchrones avec un développement tendant vers la maturité ?

Qu'appelles-tu "les injustices" ?
A quel âge et comment y as-tu été confronté ? Par quelle expérience concrète ?
Quelles explications, quelles réponses t'ont-elles été données ?
Si tant est que tu aies eu un entourage avec lequel tu as pu en parler.
La plupart des gens n'arrivent pas à l'expérience concrète de l'injustice (au point d'en souffrir dans leur âme).
Ils se satisfont d'un vision idéale de la notion de justice, qui leur est transmise ou qu'ils se fabriquent.
Dirais-tu qu'ils sont synchrones avec un développement tendant vers l'altérité ?

[Nono-le-robot]

L'absurdité étant avant tout l'attitude qui consiste à s'imaginer qu'on peut échapper aux trois autres questions en s'agitant dans tous les sens .

Ohh je n’avait jamais pu mettre de mots, verbaliser sur cette sensation d’agitation générale des gens. Enfant je les appelais les hélicoptères, beaucoup de bruit, beaucoup d’air déplacé et pas grand chose au final.

Pour moi j’assistais à un pièce de théâtre, extrêmement surjoué ou les acteurs ont oublié qu’ils jouaient.

J’avais postulé l'existence d’un filtre, qui m’aurait fait défaut. Ce filtre consistant dans ma représentation très imagée du monde en des centaines de pancartes servant au gens à se cacher la réalité en y superposant ce qu’ils voulaient y voir.

Et de temps en temps, lors d’événements plus fort, mort, naissance... les gens perdaient leurs pancartes totalement ou partiellement, mais rapidement ils se reconstruisaient une nouvelle réalité. Lors de ces événements j’étais beaucoup plus en phase avec les gens.

Qu'appelles-tu "les injustices" ?

J’ai vu des gens fondamentalement gentil, se faire torturés, moquer, rejeter et d’autres souvent les bourreaux des premiers, admirés, aduler... la bêtises l’emporter sur la sagesse... j’ai vu mes parents se faire trahir par des proches.

A quel âge et comment y as-tu été confronté ? Par quelle expérience concrète ?

Entre 4 et 6 ans. mon père c’est vu déposséder de ses biens par une banque avec un énorme conflict d’intérêt au milieu, cette banque c’est retrouvée juge et partie. Et ma mère as du quitter son travail auprès d’enfants car elle avait dénoncé les agissements de collègues qui avaient mis à plusieurs reprises les enfants en danger et que plusieurs accidents graves avaient eu lieu, mais à cette époque certaines familles étaient intouchables.

Enfin il y a eu la mort d’un grand-pere maternelle qui était torturé par une grand mère monstrueuse et un oncle manipulateur a tel point que de mon point de vue cette mort était une bonne chose. Je partage énormément de particularités avec ce grand père et ma mère aussi.

Quelles explications, quelles réponses t'ont-elles été données ?

Pas grand choses mes parents on du ce démener pour qu’on puissent manger et se loger. Ma mère a développer une paranoïa ou elle a lié tout ses événements. Mes parents et mes frères étaient dépassé. Ca n’a pas eu la même prise sur moi, j’étais déchiré par tout ça, mais la distance/dissociation entre mon vécu intérieur et extérieur était déjà là, je pouvais fonctionner et réfléchir malgré l’impression de brûler vif. Je pouvais continuer à avancer prendre des décisions dans ce monde, ne rien laisser paraître, soutenir mes parents les écouter et leur parler, tout en me roulant par terre et en hurlant dans mon monde intérieur.

Dirais-tu qu'ils sont synchrones avec un développement tendant vers l'altérité ?

Ils sont normaux et ici c’est moi l’anomalie, entre eux ils sont synchrone et moi pas je ne suis jamais raccord.

[Dori]

Quelle expérience de vie, Nono ! Ca devait terrible dans les yeux et le coeur du petit garçon.

J'ai vécu des moments terrifiants du même ordre mais comme derrière une vitre (de protection ?).

[Nono-le-robot]

Quelle expérience de vie, Nono ! Ca devait terrible dans les yeux et le coeur du petit garçon.

J'ai vécu des moments terrifiants du même ordre mais comme derrière une vitre (de protection ?).

Terrifiants je ne sais pas, ca c’est produit très tôt pour moi je n’avais pas de point de comparaison et j’avais cette dualité en moi qui me permettait d’analyser froidement les choses, en contre partie j’ai été et suis encore déconnecté de mon corps, trop régulièrement j’ai laissé ma santé se dégradé gravement à cause de ça.

Pour moi la sensation de vitre c’était ailleurs, quand sur un mal entendu, je participais à la socialisation, c’est comme si j’avais été tous seul devant la vitrine de la confiserie et que les autres se goinfraient à l’intérieur.

[budakesi]

Pour moi j’assistais à un pièce de théâtre, extrêmement surjoué ou les acteurs ont oublié qu’ils jouaient.

C'est bien cela.

"Ils jouent un jeu.
Ils jouent à ne pas jouer un jeu.
Si je leur montre que je le vois, je briserais les règles et ils me puniront.
Je dois jouer leur jeu, qui consiste à ne pas voir que je vois le jeu"
Ronand Laing

J’avais postulé l'existence d’un filtre, qui m’aurait fait défaut. Ce filtre consistant dans ma représentation très imagée du monde en des centaines de pancartes servant au gens à se cacher la réalité en y superposant ce qu’ils voulaient y voir.

L'un n'empêche pas l'autre.
Le filtre dont la fonction est de supprimer certains aspects de la réalité, pour rester dans ce qu'on veut voir, c'est-à-dire le plus souvent ce qu'on connaît, et dont la familiarité rassure, peut être vu comme un jeu "d'entre soi".

"L'opposé du jeu n'est pas le sérieux mais la réalité." Freud.
Je n'aima pas Freud mais de temps en temps il dit des choses justes

Ca n’a pas eu la même prise sur moi, j’étais déchiré par tout ça, mais la distance/dissociation entre mon vécu intérieur et extérieur était déjà là, je pouvais fonctionner et réfléchir malgré l’impression de brûler vif. Je pouvais continuer à avancer prendre des décisions dans ce monde, ne rien laisser paraître, soutenir mes parents les écouter et leur parler, tout en me roulant par terre et en hurlant dans mon monde intérieur.

J'entends tellement fort ton hurlement intérieur.
Le sentiment d'injustice, la manipulation monstrueuse, observés ou vécus, à hauteur d'enfant, c'est-à-dire avec l'impuissance de l'enfant à agir pour dénoncer la réalité qu'il vit, et la modifier, c'est un vol d'enfance.
C'est un vol d'enfance, parce que c'est un vol de l'insouciance de l'enfance.
L'insouciance, c'est essentiel pour un développement harmonieux.
Aucun enfant ne devrait vivre ça.
Et pourtant.
Et pourtant, Nono, comme tu l'écris -et j'aurais pu écrire la même chose- ta capacité à dissocier entre ton vécu intérieur et extérieur t'a permis de survivre à ça, sans pour autant te considérer comme victime.
C'est en réfléchissant à cela, à cette conscience que j'ai eue très tôt de la réalité insupportable de certaines choses, et de l'urgence à l'écarter de mes re-présentations, de l'urgence à la maintenir à distance comme faits extérieurs à moi, tout en les sachant réels, cruellement et insupportablement réels, que je me suis dis que peut-être j'étais autiste. D'une certaine façon.

Ils sont normaux et ici c’est moi l’anomalie, entre eux ils sont synchrone et moi pas je ne suis jamais raccord.

Ils sont synchrones dans leurs jeux, dans leur obsession du regard de l'autre (je te tiens tu me tiens par la barbichette), dans leurs illusions, et surtout dans leur absence totale de lucidité.
Une anomalie, oui.
J'ai coutume de dire que je suis une âme anomale.
C'est une précieuse différence par rapport à "anormale".
L'anomalie, c'est ce qui tranche sur le lisse, c'est une aspérité.
C'est ce à quoi on ne s'attend pas.

"En toute rigueur, une norme n'existe pas, elle joue son rôle qui est de dévaloriser l'existence pour en permettre la correction." Georges Canguilhem

Tu n'es pas raccord avec eux, avec leur monde faits de croyances et de représentations, mais tu t'efforces d'être en accord avec la réalité que tu perçois, et d'y survivre.
C'est extrêmement exigeant, trop souvent solitaire, cela demande un immense courage, cela implique beaucoup de moments de découragements, mais quoi d'autre ?
Merci Nono, pour ce partage d'une authenticité rare.

[Nono-le-robot]

C'est extrêmement exigeant, trop souvent solitaire, cela demande un immense courage, cela implique beaucoup de moments de découragements, mais quoi d'autre ?

On ne peut pas dire que j’en soit malheureux, encore une fois c’est juste ma réalité brute, si je trouve que les autistes doivent être acceptés tel-quel, je dois accepter les normaux tel-quel aussi, plus je comprends les différences plus c’est facile comme une langue étrangère qui est en partie indissociable de sa culture.

Peut-être que les codes de notre société peuvent évoluer en faveur de tous.

Et peut-être qu’une culture autiste devra exister pour qu’un échange entre égaux soit réellement possible? Je l’ignore!

Aujourd’hui j’ai un intérêt personnel renforcer, dans cette démarche, car je me pose des questions pour ma fille, mais elle envoie des signes contradictoires, on a un peu de temps avant l’école donc je vais me faire diagnostiqué et on enchaînera avec elle. Se que j’apprends aujourd’hui pourra peut-être lui servir demain, j’ai souffert d’avoir été peu nourri intellectuellement et en “tradition” par ma famille, je souhaite transmettre à ma fille d’avantage. Je souhaite aussi lui épargner le vol d’enfance.

Si tu as la réponse à ta question je suis preneur?