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Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : vendredi 7 décembre 2018 à 22:59
par freeshost
Demain, je verrai s'il y a des gilets jaunes à Belfort. :mrgreen:

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : vendredi 7 décembre 2018 à 23:40
par freeshost
«L’absence de tradition du compromis explique la violence et l’autisme du pouvoir.»

Encore un mésusage du terme autisme.
À la veille d’un samedi qui s’annonce très tendu, l’historien Pierre Rosanvallon décrypte les racines de la violence des «gilets jaunes».

Historien et sociologue, grand spécialiste de l’histoire de la démocratie et du modèle politique français, Pierre Rosanvallon donne quelques clés pour comprendre l’émergence du mouvement des «gilets jaunes» et de la violence qui l’accompagne.

Qu’est-ce qui distingue le mouvement des «gilets jaunes»?

Je crois qu’il ne faut pas parler de mouvement social, mais plutôt de révolte sociale. Pour qu’il y ait un mouvement social, il faut un groupe identifié, qui formule des revendications et qui s’organise stratégiquement en fonction de ces revendications. Avec les «gilets jaunes», c’est beaucoup plus protéiforme, non seulement les acteurs qui se mobilisent, mais aussi les revendications qui passent des taxes à une dénonciation d’un mal-être général. Au-delà des facteurs économiques et des petits salaires, c’est l’expression d’un monde social qui se sent négligé, méprisé, oublié, et qui prend la parole pour formuler des exigences infinies. C’est ce qui rend très difficiles les conditions de sortie de la crise: alors qu’un mouvement social s’inscrit dans la durée et sait faire des compromis, les «gilets jaunes» veulent tout précipiter dans l’immédiat…

L’autre particularité, c’est le recours à la violence?

Oui, mais avec des violences d’origines très différentes. Celle des groupes d’extrême gauche ou d’extrême droite qui profitent du contexte pour monter en puissance est connue depuis longtemps. En revanche, ce qui est nouveau, c’est la violence de personnes qui jusqu’à présent n’avaient jamais été des militants. Dans les manifestations parisiennes, elle s’est révélée aussi forte que celle des activistes, et elle apparaît comme un véritable substitut de l’action. Cette séduction de la violence, cet attrait qu’elle représente pour des personnes qui n’ont rien à voir avec les professionnels du chaos, c’est ce qui m’a le plus frappé ces deux dernières semaines.

Cela exprime peut-être aussi la force du désespoir?

C’est bien cela, justement. Un militant classique, son action s’inscrit dans une vision stratégique et il ne va pas aller jusqu’au «tout ou rien»! Ici on est dans cette exigence du tout ou rien, et c’est cela qui ferme les issues. Parce que la seule réponse c’est la répression, ce qui est inconcevable dans une démocratie.

Il y a quand même d’autres réponses qu’une répression brutale…

Il y a trois solutions institutionnelles: la démission du premier ministre, la dissolution du parlement ou la destitution du président. Elles sont d’ampleurs différentes, mais historiquement, toutes les crises de ce type se sont terminées ainsi. Le premier ministre, c’est le fusible habituel. La dissolution de l’Assemblée, c’est très rare et elle ne tourne jamais à l’avantage des révoltés. Quant à la destitution du président, les conditions posées par la Constitution la rendent peu envisageable. Reste la démission ou la dissolution.

Une voie politique pour apaiser la crise vous semble peu probable?

Dans l’état actuel oui, sauf si une initiative est capable d’affaiblir ou éteindre le mouvement. Il ne faut pas oublier que les «gilets jaunes» ne mobilisent que 300'000 personnes, c’est un très petit nombre pour la France. Jusqu’à présent le gouvernement a été tétanisé, il n’avait pas compris la radicalité des modérés.

La violence, si elle a lieu, pourrait aussi faire reculer le soutien populaire.

En dehors des «gilets jaunes», il y a ce que j’appelle le halo d’accompagnement, en gros 5 millions de personnes qui estiment vivre la même situation qu’eux. Ceux-là ne sont pas dans la perspective d’obtenir des réformes, car ils pensent qu’ils pourraient obtenir tout et tout de suite. Pour qu’ils retirent leur soutien, il faudrait vraiment Paris à feu et à sang. En revanche quand on dit que 80% des Français approuvent les «gilets jaunes», on est dans ce que j’appelle la chambre d’écoute, des gens qui ne se sentent pas concernés directement mais qui reconnaissent qu’il y a un vrai problème. C’est ceux-là qui peuvent devenir le plus réservés.

Cela dit, n’y a-t-il pas une tradition de la violence politique en France?

Il y a surtout une absence de tradition du compromis. C’est cela qui explique la violence et les crises: l’autisme du pouvoir. Si d’autres pays ont moins d’éruptions de violence que la France, c’est qu’ils ont davantage de flexibilité démocratique. Le taux de syndicalisation est plus bas chez nous que dans bien d’autres pays, je pense que la violence est aussi un indicateur du déficit d’encadrement de la parole sociale.

Vous voyez des parallèles avec Mai 68?

Non, ça n’a rien à voir. Mai 68, contrairement aux «gilets jaunes», avait trouvé tout de suite ses porte-parole, ses organisations, sa structuration.

Ce mouvement n’a donc pas d’antécédents?

Non. Il est aussi le reflet d’une société où l’on estime n’avoir plus besoin de porte-parole, où chacun peut porter sa voix individuellement du fait des réseaux sociaux. Dans la société traditionnelle, l’opinion était toujours représentée, par le député, le journaliste, les associations, les syndicats… Désormais il y a le sentiment que la représentation peut être immédiate et individualisée. C’est l’âge internet, toute médiation est coupable.

La vidéo qui tombe au pire moment

On appelle ça le choc des images. Diffusée en boucle, vendredi sur les chaînes d’info continue et les réseaux sociaux, la vidéo ne pouvait pas plus mal tomber pour les autorités, à la veille du samedi de tous les dangers. Tournée par un policier, on y voit quelque 150 jeunes – essentiellement des lycéens – agenouillés et les mains sur la tête, gardés par une dizaine de policiers en tenue antiémeute. Une voix off commente: «Voilà une classe bien sage!»

À genoux sur YouTube

La scène s’est déroulée jeudi à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines. Elle est la conclusion d’une séquence – qu’on ne voit pas – d’une grande confusion, mettant aux prises lycéens, casseurs et forces de l’ordre. Selon le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, qui s’en est expliqué vendredi, ces arrestations de masse ont été rendues nécessaires par les «véritables violences urbaines» qui se sont déroulées à Mantes-la-Jolie. Le ministre a notamment pointé du doigt la présence aux côtés des lycéens d’une centaine d’individus «encagoulés et armés de bâtons» qui ont notamment jeté de dizaines de bouteilles de gaz «robinet ouvert sur des barricades enflammées» juste avant les interpellations.

Rapidement devenue «virale» au cours de la journée, la vidéo a suscité l’indignation plus ou moins sincère de l’opposition. À gauche, tous les partis ont dénoncé une «humiliation». Le défenseur des droits, Jacques Toubon, a annoncé l’ouverture de sa propre enquête sur les «conditions» de ces interpellations. Reste que cet épisode n’a pas empêché la mobilisation lycéenne de se poursuivre vendredi, dans la foulée de celle des «gilets jaunes».
Prêts pour les génuflexions ?

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : samedi 8 décembre 2018 à 1:16
par freeshost
La mante jolie ou la menthe jolie ? C'est du joli !

Mais pourquoi certaines personnes lycéennes ne vont-elles pas continuer d'apprendre durant leurs cours ? Croient-elle faire preuve de perspicacité ainsi ?

Ou de leurs parents les encouragent-ils à semer la zizanie comme dans le village d'irréductibles ?

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : dimanche 9 décembre 2018 à 10:41
par Benoit
freeshost a écrit : samedi 8 décembre 2018 à 1:16 Mais pourquoi certaines personnes lycéennes ne vont-elles pas continuer d'apprendre durant leurs cours ? Croient-elle faire preuve de perspicacité ainsi ?
Elles font preuve d'un début d'intérêt pour l'engagement politique, c'est déjà bien, surtout quand "on" se plaint à longueur d'élections de leur manque de participation.

Hors question de l'autisme, l'article sur l'absence de "culture de compromis" est très approprié, plus encore maintenant qu'on a une majorité oligarchique au parlement.

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : dimanche 9 décembre 2018 à 14:40
par fozzie
un élément de réponse au sujet de la révolte des lycéens:

https://twitter.com/stuckiinlove/status ... 3667692545

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : dimanche 9 décembre 2018 à 15:32
par lulamae
fozzie a écrit : dimanche 9 décembre 2018 à 14:40 un élément de réponse au sujet de la révolte des lycéens:

https://twitter.com/stuckiinlove/status ... 3667692545
Ce dont j'ai pas mal entendu parler aussi, c'est de la réforme des lycées professionnels, en cours depuis cette rentrée :
Marianne a écrit : Une vision "utilitariste" des matières générales
Ces heures, effacées de l'emploi du temps de ces lycéens, concernent uniquement des matières dites "générales" : français, mathématiques, langues vivantes. Sur toute la durée de la formation, les heures consacrées aux maths diminueront de 16% et de 13% pour le français. Jusqu'à atteindre 50% pour la deuxième langue vivante. Sur certains de ces créneaux, quelques heures de "co-intervention" prendront place. En clair : des cours mêlant enseignants professionnels et généraux. "Ces jeunes méritent mieux que des cours de français axés sur l'élaboration d'une lettre de motivation, tempête Maxime Besselièvre, secrétaire national de la CGT Educ'action. Le gouvernement a une vision utilitariste des enseignements généraux, cela peut s'avérer désastreux pour ces élèves. Si l'école ne leur apporte pas un certain bagage culturel pour être des citoyens à part entière, qui le fera ?"
https://www.marianne.net/societe/reform ... les-et-mal

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : dimanche 9 décembre 2018 à 15:55
par fozzie
En bref cette reforme est une mise sous tutelle de l'enseignement au service du marché du travail (et donc de l'industrie)

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : dimanche 9 décembre 2018 à 16:52
par hazufel
L’industrie en France n’existera bientôt plus, ce ne sont pas ceux là qu’on veut « former » mais des malléables à forte valeur ajoutée de baratinage pour mieux vendre...

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : lundi 10 décembre 2018 à 11:03
par lulamae
Un article sur le mouvement des Gilets Jaunes et la gestion émotionnelle du mouvement, avec les réseaux sociaux :
https://www.francetvinfo.fr/economie/tr ... 92425.html

Ca pose des questions intéressantes, notamment sur l'après : comment rassembler toutes ces revendications en un tout cohérent ?

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : lundi 10 décembre 2018 à 16:00
par Benoit
L'illusion d'un pays de la taille de la France qui puisse être "fabless", ça me semble aussi stupide que la politique de Tchuruk à l'époque.
Bien sûr, ça ne veut pas dire que les métiers classés "ETAM" ne vont pas évoluer, mais l'idée qu'un seul pays fabrique pour le reste du monde, ça n'est ni perenne, ni sensé, ni même ce que les chinois veulent.

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : mardi 11 décembre 2018 à 0:29
par freeshost
Alors, que pensez-vous du discours de Macron (que je n'ai pas pu écouter, ayant dû faire un cours d'appui privé sur la factorisation...) ? :mrgreen:

De l'eau dans le vin, du vin dans de l'eau ? Du vin coupé ? :lol:

Un cercle vicieux économique dont la France sortira difficilement ?

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : mardi 11 décembre 2018 à 12:28
par Tugdual

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : mardi 11 décembre 2018 à 12:29
par Benoit
C'est intéressant vu de loin, la France est dirigée plus ou moins comme ce que les autres Cyberpunk (Gibson, etc.) appelaient des Mégacorporations, c'est à dire comme une énorme entreprise, de façon très paternaliste aussi ("vous me demandez ce qui est bon pour vous, je sais ce qu'il faut faire pour l'économie, et j'arbitre").

C'est hélas le futur le plus crédible pour l'Europe en l'absence de réels progrès dans la construction européenne (hors "marché continental").

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : mercredi 12 décembre 2018 à 22:24
par freeshost
Je pensais aller au marché de Strasbourg (chef-lieu du département du Bas-Rhin), mais ç'a l'air que le projet va de flic-à-flac (expression québécoise équivalant à l'expression française aller à vau-l'eau).

Et il s'en trouve des personnes qui pensent que tout cela est un complot pour noyer le poisson ou détourner l'attention.

Re: Pour discuter de politique, c'est par ici !

Posté : lundi 17 décembre 2018 à 12:12
par Benoit
Résumé de la "crise" en France en une seule phrase :
https://www.20minutes.fr/politique/2397 ... les-gendre
« Je pense que nous avons insuffisamment expliqué ce que nous faisons. Nous nous donnons beaucoup de mal mais il faut le faire mieux, plus, en étant plus proche de ce que les Français attendent. Deuxième erreur, dont nous portons tous la responsabilité – moi y compris, je ne me pose pas en censeur : c’est le fait d’avoir probablement été trop intelligents, trop subtils, trop techniques dans les mesures de pouvoir d’achat. Nous avons saucissonné toutes les mesures favorables au pouvoir d’achat dans le temps, c’était justifié par la situation des finances publiques mais manifestement ça n’a pas été compris »
40 ans de technocratie résumé en une seule affirmation méprisante, chapeau. :geek: