"Les stratégies absurdes", évaluation, indicateurs

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Jean
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"Les stratégies absurdes", évaluation, indicateurs

#1 Message par Jean » dimanche 5 avril 2009 à 23:44

J'ai eu beaucoup de plaisir et d'amusement à lire ce livre récent : "Les stratégies absurdes". Cela me fait penser au boulot, mais vous verrez au fur et à mesure où je veux en venir.
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Comment faire pire en croyant faire mieux
Un inventaire impitoyable des fausses bonnes idées de l'idéologie managériale.
Un club de football met à l'amende un de ses joueurs au motif qu'il rend trop souvent la balle à l'adversaire. Résultat : il ne la passe plus à personne. Un patron décide d'organiser une compétition permanente entre ses salariés. Résultat : une partie d'entre eux commencent à saboter le travail de leurs collègues. Constatant que certains patients victimes de graves complications cardiaques décèdent régulièrement au bloc opératoire, une clinique fixe un quota maximal de « pertes » à ses chirurgiens. Résultat : lorsqu'ils approchent du chiffre fatidique, les chirurgiens refusent d'opérer. Une école décide de sanctionner financièrement les parents dont les enfants arrivent en retard le matin. Résultat : le nombre des retardataires se multiplie...

Le point de départ de ces histoires est presque toujours le même : la nouvelle idéologie managériale et ses méthodes, ses indicateurs de performance, ses dispositifs d'incitation et de sanction. Maya Beauvallet en propose ici à la fois le bêtisier le plus insolite et l'analyse la plus sérieuse.

Maya Beauvallet est économiste, maître de conférences à TELECOM ParisTech. Elle a notamment publié Le Rôle de l'État (Bréal, 2006). Elle mène depuis plusieurs années des recherches sur les indicateurs de performance.
http://www.editionsduseuil.fr/

Article du Canard Enchaîné du 4 mars 2009
Au pays des stratégies absurdes
S 'en souvient-on ? Voilà un an, Sarkozy annonçait que ses ministres seraient notés, leur politique évaluée par un cabinet privé, ça sera génial, comme à l'école, émulation compétition et que les meilleurs gagnent ! Depuis, on n'a plus entendu parler de cette initiative tartignolle. Mais l'idée fixe sarkozyenne consistant à vouloir chiffrer l'activité de tout ce qui ressemble à de la fonction publique (profs, médecins, flics, etc.) dans le dessein affiché d'augmenter son efficacité continue de faire des dégâts.

Exemple récent, l'évaluation des enseignants-chercheurs : on sait que dans son fameux discours du 22 janvier dernier not' président s'est fichu d'eux dans les grandes largeurs : selon lui ce sont des flemmards car ils ne publient pas assez.

Coïncidence : dans un stimulant petit bouquin qui vient de sortir (1), l'économiste Maya Beauvallet consacre un chapitre à cette façon répandue d'évaluer le travail d'un chercheur en prenant comme critère principal le nombre de ses publications, et aussi le nombre de citations de ses travaux dans d'autres publications - la science procédant par réfutation et confirmation, si des travaux ne sont pas cités, c'est qu'ils n'ont aucun intérêt. Surprise : 90 % des articles publiés dans la jungle des 100 000 revues scientifiques ne sont ensuite cités nulle part. Sont-ils nuls ou s'agit-il d'une «grossière erreur de mesure » ? Pour le savoir, notre économiste se met à examiner la manière dont sont mesurées ces publications et tombe sur un véritable foutoir : trois bases de données privées (Google Scho WoS et Scopus) dont seulement 40 % des données sont communes (ce qui jette la suspicion sur les 60 % restants !)
A suivre ...

http://www.nonfiction.fr/article-2263-q ... ations.htm
http://www.nonfiction.fr/article-2235-l ... _usine.htm
«La part des entreprises qui reversent des primes de performance à leurs salariés a bondi, aux Etats-Unis, de 26 à 53% entre 1987 et 1999. Dans ce nouveau contrat social où toute action doit correspondre à un intérêt individuel bien compris, on veut se persuader que les indicateurs sont des outils simples et efficaces. Et ils le sont, redoutablement même. L'expérience prouve en effet que les hommes modifient toujours leur comportement suite à la mise en place de tels dispositifs. Le problème est qu'ils ne le modifient pas toujours dans le sens que l'on avait imaginé d'abord. Pourquoi ?
En réalité, ces dispositifs supposent toujours, de la part de ceux qui les conçoivent, une fi ne connaissance des comportements humains et de leur environnement. Or cette expertise n'est pas toujours au rendez-vous, comme en témoignent les nombreux exemples d'incitations qui ne fonctionnent pas ou mal, voire qui produisent des effets contraires aux bénéfices escomptés. A la lumière de l'expérience, les hypothèses sur lesquelles elles se fondent révèlent alors leur absurdité.
Prenons le cas d'un joueur de football professionnel dont on tente de mesurer les performances. A l'examen, il apparaît qu'il s'agit d'un bon défenseur mais d'un mauvais passeur : il reprend souvent la balle à l'adversaire mais la lui rend également très souvent. On fait alors l'hypothèse qu'en lui infligeant une pénalité financière à chaque fois qu'il rendra la balle à l'adversaire, il sera conduit à améliorer ses performances dans son jeu de passe. Quoi de plus logique ? Cette expérience a été réalisée, mais le résultat en fut assez différent. Les dirigeants du club ne s'étaient pas vraiment trompés : soumis au nouveau régime de pénalités, le joueur a commencé à passer moins souvent la balle à l'adversaire. Le problème est qu'il la passait désormais le moins possible, y compris à ses propres coéquipiers. Ce qui causa évidemment de nouvelles difficultés. [...]
Imaginez une entreprise de charcuterie spécialisée dans la confection de salami prédécoupé. Soucieux d'augmenter sa production, le manager prend l'initiative de créer un indicateur de performance fondé - quoi de plus logique - sur le nombre de tranches de salami qui sortent chaque jour de son usine. Les salariés comprennent très vite le message : plutôt que de produire davantage de salami au poids, ils découpent des tranches de plus en plus fines. Comme ça, tout le monde est content : les salariés ne travaillent pas beaucoup plus, mais le manager a la joie de constater que son indicateur s'améliore rapidement. La consommation, elle, n'a pas augmenté et le profit de l'entreprise non plus.
Cet «effet salami» se rencontre dans bien d'autres domaines. Par exemple, une entreprise de télécommunications décida récemment de payer des informaticiens au nombre de lignes de programme réalisées. Sans surprise, le nombre de lignes de programme augmenta rapidement. Pourtant, cela n'améliora en rien la qualité des programmes en question. Les informaticiens finirent même par avouer que cela nuisait à leur fiabilité en augmentant le risque d'erreur.
http://www.laviedesidees.fr/Incitations ... s-les.html
http://www.laviedesidees.fr/Des-indicat ... stres.html

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#2 Message par Jean » vendredi 10 avril 2009 à 8:40

Sur le thème de l'évaluation des chercheurs :
http://contretemps.eu/interventions/pet ... evaluation
Mon objectif est en lien avec le sujet : "La meilleure façon d'évaluer... avec les pieds ?"

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