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par Jean » dimanche 13 septembre 2009 à 11:14
Le guide complet du Syndrome d'Asperger
Harcèlement moral et maltraitance - Chapitre 4 – 7 c – pp.113-115
c. Une justice équitable
Le concept de justice est extrêmement important. Avant d'évaluer le degré de responsabilité, il est nécessaire de faire un constat objectif de tous les faits -impartial. La gravité des blessures ou des dégâts ne devrait pas être considérée comme la seule mesure du degré de responsabilité et des sanctions. L'enfant Asperger peut avoir été la cible de beaucoup d'actes de harcèlement moral sur une période de temps considérable, et avoir fini par répliquer par un acte d'agression physique, qui peut être dramatique, mais est parfois le seul moyen connu de l'enfant pour faire cesser de tels actes.
Si l'environnement pédagogique prévoit une sanction pour les actes d'agression physique, alors l'enfant Asperger doit les subir. Néanmoins, à mon avis ceux qui ont tourmenté l'enfant et déclenché l'acte d'agression devraient être punis de la même manière. Ceci serait en adéquation avec le concept de justice équitable, avec l'idée de responsabilité morale pour les actes d'autrui, et avec le système de justice pénale pour adultes. Si les enfants Asperger n'ont pas l'impression que justice a été rendue, ils peuvent se faire justice à eux-mêmes et se venger en faisant appel à la stratégie oeil pour oeil, dent pour dent» de résolution des conflits, avec l'intention d'infliger une douleur égale. Les enfants Asperger sont plus enclins à se venger physiquement que verbalement.
Le jeu des Échelles de Justice
J'ai mis au point le jeu des Échelles de Justice» pour aider l'enfant qui tend à évaluer de manière immature, égocentrique ou incorrecte le degré de responsabilité dans des situations de conflit, pouvant inclure le harcèlement moral et les maltraitances, entre lui et les autres. Les enfants typiques avec un niveau de développement inférieur à neuf ans ont tendance à ne voir que celui qui a déclenché l'action en guise d'évaluation de son degré de gravité, ce qui peut en apparence justifier quasiment n'importe quelle vengeance, et empêcher une évaluation exacte de la gravité de leur propre réplique et les conséquences de cette réplique pour eux-mêmes et pour les autres. À ce stade du développement cognitif, la résolution des conflits peut être. oeil pour oeil, dent pour dent» et infliger une souffrance égale voire supérieure. Lorsqu'un adulte rend la justice », l'enfant peut réagir en pensant que ce n'est pas juste selon sa perception de la responsabilité, de la résolution des conflits et des châtiments.
Les "Échelles de Justice» sont une méthode interactive et pédagogique faisant appel au raisonnement visuel pour aider l'enfant à comprendre le degré d'importance (le poids) attribué à des actes particuliers et pourquoi, pour atteindre l'équilibre, le poids des preuves est utilisé pour déterminer le degré de responsabilité et des sanctions. En français, on peut utiliser l'expression bonnet blanc et blanc bonnet, lorsque l'on détermine les responsabilités dans un conflit, et c'est sur cette expression que j'ai fondé cette activité.
La première étape est de déterminer qui était impliqué dans un incident. Le nom de chaque participant est écrit sur des bouts de papier, et ils sont mis sur la table devant l'enfant. S'il n'y a que deux personnes impliquées dans la séquence d'évènements, il est possible de ne pas écrire les noms sur des bouts de papier, et d'utiliser un système d'échelles. L'adulte a au moins 20 morceaux de bois ou de plastique dans une boite. Leur nombre dépend du degré d'importance que l'on attribue à un acte donné. Un non-respect relativement mineur du code de conduite peut être estimé à un ou deux morceaux, tandis que des actes majeurs de transgression du code qui pourraient déboucher sur une nuisance ou un dommage sérieux seront représentés par beaucoup plus de morceaux.
On demande à l'enfant de décrire la séquence d'évènements de son point de vue. Au fur et à mesure que l'histoire progresse, lorsqu'une personne impliquée dans la séquence d'évènements prend une décision de faire ou de dire quelque chose qui transgresse les règles de conduite, on demande à l'enfant de déterminer ce qu'il ou elle pense de la valeur-, exprimée en nombre de morceaux, des paroles ou des actions (ou du manque d'action). L'enfant peut avoir besoin de conseils pour expliquer pourquoi le nombre de morceaux qu'il ou elle attribue à l'action peut devoir être ajusté. Ceci peut passer par des informations sur les effets psychologiques de l'action sur une personne, le degré de risque de blessure physique, et le coût de réparation des objets endommagés. Lorsque le nombre de morceaux est déterminé, ils sont placés près du nom de la personne qui a agi. La procédure continue au long de la reconstitution des évènements. Chaque participant reçoit un certain nombre de morceaux et, à la fin de l'opération, l'enfant compte les morceaux de chaque participant.
Cette procédure doit permettre à l'enfant de voir les importances relatives de ce que lui et les autres ont fait et justifie la réponse à apporter pour toutes les personnes concernées. L'une des meilleures manières de décrire la procédure est de résumer l'usage qui a été fait des Échelles de Justice dans le cas d'un enfant Asperger qui avait un fort sentiment d'injustice en cas de renvoi de l'école.
Trois personnes étaient impliquées dans l'incident: Éric, un enfant
avec le Syndrome d'Asperger, âgé de 11 ans mais dont les aptitudes de résolution des conflits et d'empathie avaient au moins deux ans de retard par rapport à son âge physique; un autre enfant, Steven, et un enseignant, remplaçant temporaire de l'enseignant habituel de la classe.
Steven a commencé le conflit en traitant Éric de «w* * * er» (une insulte obscène australienne). J'ai demandé à Éric combien de morceaux valait ce commentaire, il m'a répondu, et nous nous sommes mis d'accord sur une valeur de deux morceaux pour Steven. J'ai demandé à Éric ce qu'il a fait juste après, et il m'a répondu qu'il avait ignoré Steven. J'ai estimé que c'était la réaction la plus sage, donc pas de morceaux pour Éric. Je lui ai demandé si l'enseignant (qui avait entendu l'insulte faite à Éric) avait réprimandé Steven, et Éric a répondu «non», donc nous nous sommes mis d'accord sur le fait que l'absence d'intervention de l'enseignant valait un morceau. Ensuite Steven a traité Éric de «f***ing w***er», et nous avons convenu que cela valait quatre morceaux. J'ai demandé à Éric ce qu'avait fait l'enseignant, et il m'a répondu qu'il n'avait pas entendu l'insulte de Steven, donc pas de morceaux pour l'enseignant; ceci étant, j'ai demandé à Éric s'il avait signalé à l'enseignant ce que Steven avait dit, et il m'a répondu «non», donc Éric a eu un morceau pour ne pas avoir signalé la nouvelle phase de la provocation. J'ai ensuite demandé à Éric ce qu'il avait fait en entendant l'insulte, et il m'a répondu qu'il avait dit la même chose à Steven, donc quatre morceaux ont été placés près de son nom.
J'ai demandé ce qui est arrivé ensuite. Éric m'a décrit comment Steven s'est approché de son bureau et a fait des gribouillis sur son travail en cours. Nous sommes tombés d'accord pour que cet acte vaille deux morceaux. À ce moment-là, le papier avec le nom de Steven avait huit morceaux, celui d'Éric cinq morceaux, et celui de l'enseignant un morceau. Après le gribouillage sur le travail d'Éric (que l'enseignant n'avait pas vu), je lui ai demandé s'il lui avait signalé l'incident, et il a répondu -non», donc il eut un autre morceau. J'ai demandé ce qu'il avait fait ensuite, et il a décrit comment il avait donné à Steven un coup de poing au visage en guise de châtiment et pour qu'il cesse de le tourmenter.
-Il a beaucoup saigné?
-Oui.
-Sur quelle partie du visage tu l'as frappé?
-Au nez.
J'ai ensuite expliqué la gravité potentielle du fait de frapper quelqu'un au visage, combien c'était douloureux, et quelles étaient les règles de l'école en ce qui concerne la violence. Nous nous sommes mis d'accord que sa réaction valait 12 morceaux. Il a pu voir que, bien que Steven ait commencé et qu'il ait commis plus de provocations qu'Éric, ce dernier avait finalement 18 morceaux parce qu'il avait frappé Steven au visage, Steven huit et l'enseignant un. Tout cela était destiné à lui expliquer et à lui faire accepter pourquoi il avait été renvoyé de l'école, et pourquoi Steven ne l'avait pas été.