[Écriture] Quand ils quittent la maison

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Marianne
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[Écriture] Quand ils quittent la maison

#1 Message par Marianne » jeudi 6 octobre 2011 à 8:39

Cela fait un peu plus de huit mois que j'ai écrit cela; Pauline s'intègre gentiment dans sa nouvelle structure, les choses sont à la fois plus simples et plus compliquées , mais difficile d'avoir du recul dessus. Elle me manque, et à la fois, je suis heureus d'avoir retrouvé une certaine liberté. Bonne lecture, M.


C’était il y a quinze ans. Nous venions juste d’accepter, mon mari et moi, le diagnostic d’autisme pour notre fille ; je me sentais enfin capable d’aller vers une association comportant ce mot, autisme, dans son intitulé. Une réunion était organisée dans notre ville. Mon mari n’était pas libre ; j’y suis allée avec Pauline et un couple d’amis. Peu de parents étaient là ; la présidente, sa secrétaire, une représentante de la mairie nous tenaient au courant de leurs démarches sur un projet pour adolescents et adultes… Pauline avait à peine 6 ans, courait partout. Fort heureusement, mon amie la surveillait et jouait avec elle, pendant que je suivais la réunion. Un papa, Pierre, est venu vers moi, et tout attendri, me dit combien Pauline lui rappelait son fils dans son comportement, ses gestes, ses mimiques. Nous étions les seuls à avoir des enfants petits.
Nous nous retrouvâmes à une autre réunion, trois mois plus tard. Cette fois-ci, j’avais pris mes dispositions, étais venue sans ma fille. Là aussi, la majorité des parents qui étaient là avaient des enfants de 18, 20 ans, de jeunes adultes. La situation de ces familles était terrible : certains avaient déjà leurs enfants en Belgique ; d’autres dans le centre ou le sud de la France. Je me souviens de deux familles qui faisaient au moins 1000 km pour aller voir leur enfant ; louaient le même appartement pour faire un peu d’économies dans une ville voisine du lieu de vie où leurs enfants résidaient. Ils étaient à bout de nerfs, les structures n’avaient pas toujours d’agrément. Ces gens payaient souvent cher, aussi bien en argent, en disponibilité, au niveau de leur santé ; car il y avait peu de structures pour accueillir les autistes. C’est toujours le cas, mais il faut s’imaginer que la situation était pire que celle à laquelle nous faisons face aujourd’hui.
C’était la seule alternative présentée à l’enfermement psychiatrique. Les personnes présentes se détournaient gentiment de nous, parents de jeunes enfants : « Pour les petits, il y a plein de choses, vous verrez quand ils vont grandir. Déjà, à l’adolescence, vous allez en baver pour trouver quelque chose, ils n’en veulent pas, dans les IME, des autistes. Vous verrez quand ils auront 18 ans et que vous les récupérerez à la maison ! ».
C’était désespérant. Deux ou trois ans après, j’appris le suicide d’une des mères que j’avais rencontrées, dont le fils, atteint sévèrement, alternait entre séjour à l’hôpital psychiatrique où il était bourré de neuroleptiques, et la maison. Il y eu aussi la tragédie de cette autre mère qui tua sa fille autiste, car elle ne supportait plus l’état dans lequel sa fille se trouvait. L’avenir était noir, sans issue.
Ma fille grandissait. Je m’étais résolue à m’arrêter de travailler lorsqu’elle aurait 18 ans ; j’avais trop entendu de choses horribles sur l’hôpital psychiatrique. Il était hors de question qu’elle y fasse quelque séjour que ce soit. J’étais aussi préoccupée par le sort qui l’attendait lorsque nous ne serions plus là : qui s’occuperait d’elle ? N’est-ce pas terrible de penser que toute la responsabilité tomberait sur les épaules de son frère lorsque nous serions morts ? Pas un oncle, pas une tante à l’horizon ne pourrait prendre la relève, ils sont tous plus âgés que nous deux, les parents.
Je ne savais plus quel chemin prendre pour mener notre barque le moins mal possible. Je ne me voyais pas rester à la maison, ne plus avoir de lien social. J’ai voulu me reconvertir dans le handicap, devenir directrice d’établissement ; je voulais quitter mon métier de professeur, puis j’ai abandonné ce projet : confondre mes rôles de parent et de professionnel pouvait être destructeur. Le handicap, l’autisme faisaient désormais partie de ma vie, mais je ne voulais pas qu’elle se réduise uniquement à cela. Je continuais à suivre des formations sur l’autisme ; mais je savais bien intuitivement que moi, ma famille, mes enfants ne pourraient jamais s’en sortir seuls, ne pourraient trouver de solution en ne comptant que sur nous-mêmes. Il fallait aller vers les autres, de nouveau renouer avec le milieu associatif ; c’est ainsi que je suis allée vers Sésame Autisme.
L’accueil a été très différent de celui de la première association que j’avais contactée : c’était lors d’une fête de Noël très chaleureuse, où les parents étaient avec leurs enfants. Il y avait des petits, des grands, de jeunes adultes. Pas de misérabilisme, des familles, ensemble. Même si nous n’avions pas encore de perspectives concernant l’avenir de Pauline, être en présence de personnes qui ne me semblaient pas désespérées nous suffisait largement pour le moment.
Pour mieux connaître la Fédération, ses objectifs, mon mari et moi-même décidâmes d’aller aux journées de Mâcon en 1999. La visite du foyer des Perrières, à Azé, a été un des moments forts dans la construction d’une espérance. Il y avait autre chose que le retour à la maison, autre chose que l’hôpital psychiatrique, autre chose que l’enfermement… Ici, une association de parents avait œuvré pour construire un lieu agréable, où leurs enfants autistes devenus adultes vivraient, auraient des activités, apprendraient, continueraient à progresser, ne seraient plus considérés comme des charges lourdes à porter pour leur famille et leurs proches. C’était faisable, puisque cela avait été fait !
Voilà comment s’est forgée en moi l’idée que mon enfant ne resterait pas avec moi à l’âge adulte. C’était un immense espoir, à la fois celui de revivre « comme avant » pour notre famille, son père, son frère et moi, et celui de lui assurer une existence décente. Intellectuellement, tout s’est installé avec la meilleure des argumentations possible : tous les enfants, valides ou handicapés, sont faits pour quitter le nid. Nous les avons faits pour qu’ils prennent leur envol, pour qu’ils soient les plus autonomes possible. « Nous sommes l’arc, ils sont la flèche », disait Khalil Gibran dans Le Prophète. Notre rôle de parents est de les éduquer, de les aimer, de leur donner l’envie de vivre indépendamment de nous ; sinon, nous aurions failli à notre mission. Eux aussi, comme les autres enfants, devaient pouvoir s’appuyer sur notre amour pour mieux se détacher de nous.
Seulement, voilà, il fallait anticiper ce départ. Il valait mieux commencer à se séparer avant l’inéluctable, la mort de l’un d’entre nous, ou la maladie grave qui ne nous permettrait pas de continuer à s’occuper d’elle. Pendant des années, cette perspective était cependant lointaine : les embûches rencontrées par le projet, les tracasseries administratives, les délais repoussés qui étaient des menaces, des ennuis ancrés dans la réalité, quelque part nous empêchaient d’appréhender la réalité affective.
Se séparer de son enfant handicapé, ce n’est pas rien.
Pourtant j’ai tout fait pour que cela se passe le moins douloureusement possible : elle a été accueillie dans un IME formidable depuis l’âge de 14 ans dont le travail est axé sur la séparation ; séparation vécue sur un rythme d’une semaine d’internat pour deux semaines d’externat. Comme nous nous sommes vite habitués à cette semaine où nous avons pu souffler ! Au début, nous sortions beaucoup, nous allions soit chez des amis, soit nous étions invités, ou nous allions au cinéma. Quand nous allions la chercher le dimanche, nous étions sur les rotules. Petit à petit, nos besoins d’escapade ont été moins impérieux, et nos semaines de répit (d’internat pour Pauline) sont devenues plus ordinaires, plus tranquilles, avec cependant un peu de sorties le week-end. Dois-je dire cependant que malgré toutes les occupations pendant les semaines d’internat, j’ai parfois l’impression qu’elle est dans la maison, tellement sa présence conditionne nos vies ? Combien de fois nous sommes nous dit le lundi soir : « C’est toi qui descends la chercher ? » et avons-nous ri en nous apercevant de notre méprise !
Maintenant, place à l’appréhension : je parle aussi bien de la crainte, que du fait de saisir par l’esprit, de comprendre. Nous savons que cette semaine de répit, ô combien salutaire et appréciée, va se transformer en quinzaine, qu’il n’y aura plus de retour à la maison en semaine le soir, seulement le week-end, et que les périodes de vacances seront maximum de cinq semaines par an. Comment allons-nous le vivre ? Tous les parents qui sont passés par là savent que ce n’est pas facile. Bien sûr, je conçois que certains parents qui n’ont pas le même cheminement, dont les enfants sont encore à la maison sans espoir de solution puissent trouver mes préoccupations légères, voire indécentes. Tout le bonheur que je leur souhaite est de se retrouver dans ma situation actuelle, et d’être dans l’obligation d’envisager la séparation d’avec leur enfant, d’avoir la possibilité de la réaliser.
Qu’et-ce que cela veut dire, la séparation d’avec elle ? Cela veut dire, ne plus la réveiller, ne plus la préparer le matin, ne plus lui faire le petit déjeuner, ne plus attendre le taxi avec elle, ne plus rentrer à toute vitesse à la maison pour être là quand elle arrivera, ne plus faire de goûter, ne plus changer sa musique, ne plus jouer avec elle, ne plus aller la consoler quand elle est triste, ne plus être réveillés la nuit… Cela veut dire ne plus sentir sa présence dans la maison. Mais cela veut dire aussi ne plus être dérangés dans une activité, pouvoir rentrer à l’heure qu’on veut, traîner dans un magasin ou une exposition, aller au cinéma, au théâtre, faire de la randonnée, etc.
Il y a le vide. Tout le monde m’a avertie. Je sais qu’elle va me manquer. Je vais tourner en rond, à tous les coups. Certains, loin de pouvoir profiter tout de suite de cette liberté, se sentent obligés de rentrer à la maison comme avant, du temps où l’enfant était là. Ils errent, ne parviennent pas sortir, ne s’autorisent pas à vivre différemment. Comme s’ils avaient un deuil à faire, comme s’ils culpabilisaient d’être libres. Je la sens cette culpabilité, je m’y vois déjà… Ce qui me console, c’est qu’il paraît qu’on arrive à s’en sortir ! Tout est question d’habitude… Avec le temps…
Je n’ai parlé que de moi, du point de vue de parent ; mais je n’oublie pas ce qu’elle doit éprouver aussi, ma jeune fille, jeune femme de 20 ans qui ne parle pas. J’ai l’impression qu’elle ne le vit pas trop mal pour l’instant : je la trouve plutôt calme. Je m’interroge sur ses envies, ses besoins : et si tout simplement comme beaucoup de jeunes, elle en avait marre, de ses parents ? Quand je viens dans son IME actuel en semaine d’internat, je me fais « jeter » par elle, visiblement je n’ai rien à faire ici, je suis sur son territoire, casse-toi, maman, ça me gêne quand tu viens me faire la bise devant les copains.
Je ne sais pas si elle peut appréhender sa situation future. Ils ont un sacré problème avec le temps qui passe, nos chéris. Parfois, on peut leur expliquer pendant des heures, images, pictogrammes à l’appui, ce qu’ils vont faire, quel voyage, quelle activité ; lorsqu’on arrive au moment fatal où le départ, le début d’activité se produit, c’est le choc, les pleurs, la résistance au changement l’emporte ! Elle fait partie du groupe Avenir, jolie appellation qui regroupe les jeunes gens qui sont appelés à quitter l’établissement où elle est accueillie. Je sais qu’ils font un travail formidable, qu’ils les emmènent visiter des foyers, des structures pour adultes, qu’ils animent des groupes de discussion. Je n’ignore pas cependant que la plupart de ces jeunes gens ont beaucoup de mal à se projeter dans l’avenir, même si on met tout en place pour le rendre plus concret. Jusqu’où saisit-elle ce qui est en jeu pour elle ?
Tout ceci est de l’ordre du ressenti, du subjectif. Il y a aussi les craintes dues au réel : l’ouverture d’un établissement est une aventure exaltante, certes, mais aussi périlleuse. Tous vont démarrer ensemble : le directeur, les personnels, les résidants. Bien sûr, la montée en charge sera progressive, mais les rencontres, les chocs entre personnalités ne manqueront pas de se produire vite, et il faudra que tout cela s’harmonise rapidement, ou… ce sera terrible. Sans compter les problèmes de maltraitance, bientraitance pour être plus positif, dont nous avons beaucoup entendu parler (cf. le Colloque de Nantes en 2008). Comment être sûrs que cela ne se produira pas ? D’autres parents gestionnaires, plutôt aguerris, se sont retrouvés face à de mauvais traitements concernant les jeunes d’établissement que l’on croit au dessus de tout soupçon. Cela peut arriver à tout le monde. Comment faire confiance quand celle-ci a été ébranlée lors d’un acte de violence ? Quelle place les parents peuvent-ils occuper ? Ni trop protecteurs, ni pas assez ? Sans parler de maltraitance, s’il lui prenait l’envie de traverser la rue alors qu’une voiture arrive ? Si un autre jeune lui faisait mal, la battait ou pire encore ? Ils sont tellement vulnérables, comment renoncer à la surprotection, qui les a parfois sauvés ? Il faut à la fois laisser vivre nos enfants en dehors de nous ; mais garder un œil attentif et vigilant sur leur environnement, sans se rendre maladivement soupçonneux. Surtout rester lucide.
Nous sommes en février, l’établissement ouvre en juin. Quand cet article paraîtra, nous serons en plein dans l’action, il n’y aura plus lieu d’appréhender, même si certaines inquiétudes subsisteront. C’est la vie !

Marianne LIGNAC-MARY
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Jonquille57
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Re: Quand ils quittent la maison

#2 Message par Jonquille57 » jeudi 6 octobre 2011 à 8:58

Beaucoup de tes phrases ont résonné en moi à leur lecture, et résonnent encore.... Je ne les citerai pas : elles me sont personnelles.

Mon fils est en institut ( j'ai horreur de ce mot ! ) depuis maintenant un peu plus d'un an. La séparation... je la connais donc. Nous parcourons 550 km x 2 tous les mois pour aller lui rendre visite. Pour le moment, le temps n'adoucit pas la séparation. Au contraire : après la période de sentiment de liberté, vient la période d'un grand vide. Pourtant, ma seule consolation est lorsque, lors de nos conversations téléphoniques ou sur skype, mon fils me dit : " Bon, je dois te laisser, j'ai des choses à faire ". Autrement dit, je le dérange... Et ça, j'adore ! :bravo:

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#3 Message par Marianne » jeudi 6 octobre 2011 à 9:20

C'est effectivement formidable quand on les voit prendre leur élan, je suis d'accord avec toi! A certains moments, cet été, c'est moi qui ai eu l'impression d'être "larguée", tellement mademoiselle s'adaptait bien, m'envoyait "bouler" quand je venais la voir. Pour le moment, elle est toujours heureuse d'en partir ( de venir à la maison) et d'y revenir... Mais je crois que sa prise de conscience d'être là pour "longtemps" ne s'est faite qu'il y a très peu de temps. J'ai l'impression qu'au début elle a pris ça comme des "vacances". Mais bon, ça se travaille tout ça! On ne se retrouve donc que tous les 15 jours à la maison, et le WE où elle est là-bas, je vais la voir sur place, on passe le dimanche après-midi, on mange des gâteaux, etc. J'ai l'impression que les moments que nous passons ensemble sont plus intenses au niveau de la présence, des regards qu'elle m'adresse, qu'elle profite mieux des instants que nous partageons.
Mais j'ai toujours un oeil sur ce qui se passe, comment elle se sent dans la structure , etc. Toujours inquiète, la mère...

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#4 Message par Jonquille57 » jeudi 6 octobre 2011 à 10:05

Toujours inquiète ? Mais c'est normal ! :roll: :mryellow: Pour mon fils, il a fallu quelques mois pour qu'il se fasse à l'idée qu'il était là-bas tant que lui le souhaiterait.... Maintenant, cela va mieux : il est enfin rassuré. :bravo:

Nous avons connu des périodes où, très content de nous voir, il en avait vite marre et nous mettait presque dehors, toujours pressé de retrouver ses nouvelles habitudes. Cela n'a pas été très facile à vivre pour nous, mais en même temps, cela nous rassurait : nous savions qu'il s'y retrouvait dans ce nouveau cadre, qu'il en avait besoin.

Beaucoup me disent : mais c'est normal, tous les parents vivent la même chose quand leur enfant part.... sauf que nous, nous avons consacré des années rien que pour eux, nous avons vécu à travers eux, pour eux, bref, je pense que c'est malgré tout différent que si nous avions eu un enfant qui partait de la maison pour suivre des études.

Comme tout parent, nous voulons voir nos enfants heureux, et c'est cela qu'il faut voir avant tout. Au début, bien que pleine d'espoir, j'avais un regard assez critique... maintenant, je sais que mon fils vit heureux, et cela n'a pas de prix, après tout ce qu'il a vécu...

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Re: Quand ils quittent la maison

#5 Message par Marianne » jeudi 6 octobre 2011 à 12:42

A la limite ( au risque d'en choquer certains) j'ai même eu des instants de frustration à l'idée qu'elle pouvait être heureuse sans moi; frustration est un peu trop fort, je suis à la fois ravie qu'elle m'envoie balader, parce que cela prouve quelque part qu'on a réussi son éducation ( qu'elle puisse en avoir marre de nous doit être interprété dans le sens d'une bonne santé morale!), et en même temps: merde alors, elle a vite fait de se débarrasser de nous, fille ingrate, va!
Pour mon fils qui n'est pas autiste, je n'ai pas eu du tout ces réactions, j'étais ravie pour lui et pour nous qu'il parte au Canada pendant trois ans ( avec retour en France tous les 6 mois) ; je n'ai par contre pas assez tenu compte de ses difficultés, et nous avons trop compté sur ses capacités d'adaptation. C'est dur d'être dans un pays étranger, même si on parle la même langue, et même si les québécois sont sympas, ce n'est pas du tout la même culture...

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Re: Quand ils quittent la maison

#6 Message par Jonquille57 » jeudi 6 octobre 2011 à 12:57

Il est vrai qu'en même temps qu'on est heureux de voir nos enfants s'épanouir, on se sent un peu frustré de ne plus faire partie de leur vie au quotidien... Pourquoi choquerais-tu quelqu'un ? Ceux qui pourraient être choqués sont ceux qui ne connaissent pas cette situation.

Pendant plus de 20 ans, je rêvais que quelqu'un prenne un peu le relais, ne serait-ce que pour un week-end, avec mon fils. Mais personne, jamais, n' a voulu de lui jusqu'au jour où nous avons rencontré des gens merveilleux qui ont bien voulu le prendre chez eux pour une semaine : notre fils avait alors 19 ans. Les gens merveilleux, ce n'est pas toujours dans la famille qu'on les trouve... mais ceci est une autre histoire...

Bref, notre fils a fait un sacré chemin depuis qu'il est dans cet institut. Après beaucoup d'années de vraies galères, il a, enfin, eu beaucoup de chance. Malgré tout, notre place est toujours importante pour lui. Dernièrement, il ne se confiait plus aux éducs et me disait à moi tout ce qui l'embêtaient au quotidien, alors qu'avant, il n'hésitait pas à en discuter avec les éducs. Je pense que parfois, il a besoin de savoir que nous sommes toujours là, et que nous serons toujours là en cas de besoin. Je pense que nous, les parents, ne pourront jamais être remplacés, même si d'autres prennent le relais pour s'occuper de nos enfants.

Nous avons traversé bien des moments difficiles avec notre fils, avons connu sa violence, son désespoir, mais jamais nous n'avons baissé les bras, et je pense que notre fils le ressent. Non, ta fille n'est sans doute pas ingrate, elle est simplement heureuse sans vous. Effectivement, c'est la vie.... et c'est tant mieux. :wink:

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Re: Quand ils quittent la maison

#7 Message par Murielle » jeudi 6 octobre 2011 à 15:30

Bienvenue ici Marianne et merci de partager avec nous ton expérience...!
Lorsque j'ai lu ton post....J'ai immédiatement pensé à Jonquille.!!! :D
Il y a des similarités là-dedans.... :love:
Moi aussi, certaines de tes phrases ont fait écho.!!! Tout ce qui concerne la "sur-protection" que certains professionnels peuvent parfois nous reprocher.! Mais comme tu dis : ça les a parfois sauvés.! Malgré tout, difficile de savoir si on fait bien.... :?
Mon fils a 12 ans aujourd'hui, et même si nous avons appris à vivre au jour le jour....Je ne peux m'empêcher de penser à ce qu'il fera ou pourra faire plus tard? Sera-t-il heureux, autonome? Aurons-nous une retraite? :roll:
Bonne journée.!
Murielle,
Maman de Pauline 21 ans,Léo (asperger) 17 ans et demi .
Savoir profiter du moment présent ,
Savoir vivre pleinement chaque instant et ne pas uniquement penser aux jours à venir, voilà un défi à relever maintenant.

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Re: Quand ils quittent la maison

#8 Message par Marianne » jeudi 6 octobre 2011 à 15:33

Tout à fait d'accord!
Simplement, il y a ce que l'on accepte de manière raisonnable, avec notre conscience, nos idéaux; et ce que nous ressentons, parfois malgré nous, et il faut arriver à faire coïncider les deux, à les faire cohabiter en nous. on y arrivera! :wink:

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Re: Quand ils quittent la maison

#9 Message par Marianne » jeudi 6 octobre 2011 à 15:43

En fait je répondais à Jonquille, quand le post de Murielle est arrivé... Oui, il faut être vigilant, et cela je crois que l'on ressentira toujours une certaine tension, quelque soit les compétences et les bons rapports que l'on peut avoir avec les professionnels. On est à la merci d'un dérapage, d'un mot de trop, d'un geste mal interprété, d'un abus de pouvoir ( pas forcément très autoritaire, mais justement plus insidieux, c'est là que c'est plus difficile à combattre).
Il y a aussi un changement à considérer, celui de passer d'une structure pour adolescents à une structure pour adultes. C'est encore une autre étape.
A chaque jour suffit sa peine, le chemin est long, ne brûlons pas les étapes !!! Comme tu dis, il faut prendre le temps de vivre pleinement , mais toujours garder un oeil sur nos chéris.

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Re: Quand ils quittent la maison

#10 Message par Murielle » jeudi 6 octobre 2011 à 15:55

Absolument.! :bravo:
Murielle,
Maman de Pauline 21 ans,Léo (asperger) 17 ans et demi .
Savoir profiter du moment présent ,
Savoir vivre pleinement chaque instant et ne pas uniquement penser aux jours à venir, voilà un défi à relever maintenant.

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Re: Quand ils quittent la maison

#11 Message par Jonquille57 » jeudi 6 octobre 2011 à 20:24

Marianne a écrit : Simplement, il y a ce que l'on accepte de manière raisonnable, avec notre conscience, nos idéaux
Sans oublier les choses que l'on finit par accepter parce que nous en sommes contraints... Il y a bien des choses qui paraissaient inenvisageables, et pourtant.... :roll:

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Re: Quand ils quittent la maison

#12 Message par Jean » jeudi 6 octobre 2011 à 21:18

Dès que j'ai lu cet article de Marianne dans le dernier numéro de la revue "Sésame Autisme", j'ai eu envie de le faire lire à Jonquille57.

Bien que les deux enfants soient différents, les questions soulevées lorsque l'enfant adulte trouve une place acceptable dans une institution m'ont semblé - sûrement - très proches.

La meilleure preuve est que le jeune adulte manifeste le désir de se débarrasser de ses parents pour retourner dans son milieu. Ce n'est pas fait toujours très délicatement. Mais je crois que les adultes NT deviennent indépendants sans aucune délicatesse.
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Re: Quand ils quittent la maison

#13 Message par maho » vendredi 7 octobre 2011 à 7:45

Tres belle article Marianne,
J'ai pensé aussi a Jonquille, et je comprends bien cette dechirement.
Marianne a écrit :Bien sûr, je conçois que certains parents qui n’ont pas le même cheminement, dont les enfants sont encore à la maison sans espoir de solution puissent trouver mes préoccupations légères, voire indécentes.
Je ne peux parler que pour moi Marianne, mais je ne trouve pas de tout tes preoccupations legeres ni indecentes.
Chacun de nos enfants sont differents, et leurs besoins aussi. Je reve d'entendre mon fils me dire "je te laisse, j'ai plein de choses a faire" et j'ai toujours l'espoir que ca arrivera un jour. Le seule chose que je souhaite est qu'il est bien dans sa vie et actuellement ce bien etre, il le trouve avec nous. Nous en tant que parents, on accepte ce besoin, mais on s'inquiete aussi de l'avenir, on fait des essais d'appart seul, de rester seul a la maison, de moins compter sur nous, en esperant qu'un jour il trouvera ce qui convient pour lui.
Comme j'ai deja dit a Jonquille, vous serez toujours ses parents, c'est vous qui l'avez elevé, forgé son caractere, l'eduquait, et surtout l'aimer, et les gens qui prennent maintenant le relais sont les "outils" precieux pour continuer tout ce que vous avez fait.
Courage.
Suzanne, la vieille qui blatere, maman de Loic 29 ans

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Re: Quand ils quittent la maison

#14 Message par Jonquille57 » vendredi 7 octobre 2011 à 7:57

Sincèrement, je ne crois pas que Mysterio ait eu le désir de se débarrasser de nous. Même ce fameux week-end de Pâques qu'il a fallu écourter pour qu'il retourne à Hestia. Une fois que nous l'avions ramené et sommes partis, il a beaucoup pleuré.... car il se sentait mal de nous avoir quitté comme cela. ( c'était la première fois qu'il pleurait devant un éduc... car auparavant, jamais il n'avait montré ses sentiments )

Comme il nous le dit souvent, ce qui serait l'idéal, c'est que nous puissions nous voir 2 heures ou une demi-journée toutes les semaines. Mais l'éloignement nous en empêche...

Ses coups de fil, ses sms et nos conversation sur skype quasi quotidiennes me font penser qu'il n'a pas franchment envie de se débarrasser de nous... :naugty: C'est juste que dès qu'il est hors de son cadre, il se sent perdu. IL a effectivement trouvé un environnement qui lui convient parfaitement, et notre séparation est le prix à payer.

Comme je l'ai dit, dernièrement, il ne passait plus par ses éducs pour dire ce qui n'allait pas, mais par moi. Du coup, je servais de tampons, situation qui ne peut évidemment pas durer... Mysterio n'a pas besoin de moi pour dire ce qu'il ressent. Mais je pense que c'était sa façon de se rassurer pour voir si nous étions toujours à son écoute, si nous étions toujours là en cas de problème. Une discussion avec la directrice va sans aucun doute régler ce problème.

Mysterio et moi avons été très proches pendant 21 ans et on ne détruit pas ces liens par enchantement. Nous sommes toujours très liés. Nous souffrons tous les trois de l'éloignement ( j'inclus bien évidemment son père ), mais nous savons que cette séparation est bénéfique à chacun d'entre nous.

Des parents d'une résidante ont choisi d'acheter une petite maison tout près de St Setiers afin de faciliter les visites avec leur fille. Nous ne ferons jamais ce choix, même quand Spyder ( mon mari, pour ceux qui ne le connaissent pas ), sera à la retraite. Nous nous rapprocherons, certes, mais pas trop près non plus. Mysterio doit apprendre à vivre sans nous, doit apprendre à régler seul ses problèmes quand il en rencontre, ou tout au moins en faisant appel à d'autres personnes que nous. Il ne doit pas s'habituer à nous appeler dès qu'il rencontre une difficulté. Nous pensons bien évidemment à son avenir sans nous, qui arrivera bien un jour.

Je pense que rien ni personne ne pourra enlever le lien qui nous unit. Nous avons traversé trop de choses ensembles pour que quiconque puisse casser ce lien. L'éloignement géographique est finalement une bonne chose, même si il est dur à vivre. Evidemment, il aurait sans doute été préférable que les choses se soient faites petit à petit, mais nous n'avons pas eu le choix. Et nous étions arrivés à un point où la séparation a sans doute éviter le pire. Et nous en avons tous conscience.

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Re: Quand ils quittent la maison

#15 Message par Marianne » vendredi 7 octobre 2011 à 23:20

Quand je parlais d'indécence, je pensais aux parents qui sont sans solutions, pour qui le fait de choisir, d'avoir la possibilité d'avoir une place pour Pauline en institution peut sembler être un privilège. Ce que je continue parfois à vivre ainsi, bien que je me sois battue aussi pour que cette structure ouvre, depuis bientôt une dizaine d'années...Mais il n'y a rien à faire, des restes d'éducation judéo-chrétienne, le fait qu'il y ait tellement peu de places, tellement de candidatures à l'ouverture, honnêtement, cela brise le coeur, on sait qu'on en laisse tant sur le carreau...
Sinon, je suis d'accord avec Jonquille, il faut garder le cap, maintenir des liens mais vivre la séparation le mieux possible. Elle est nécessaire pour notre vie et la leur.

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