Re: Franck Ramus
Posté : jeudi 31 octobre 2019 à 10:30
Son dernier article :
Forum de l'association Asperansa
https://forum.asperansa.org/
Dialogue authentique :
Journaliste : Bonjour, pourriez-vous SVP intervenir dans notre média sur le sujet XXX ? [XXX est un de mes sujets d’expertise]
[...]
Moi : Si vous voulez parler de XXX, pourquoi ne pas plutôt inviter Truc et Chose, qui sont vraiment experts sur le sujet ? Pourquoi programmer votre sujet comme si c’était pour faire la promo des livres qui sortent, plutôt que de faire intervenir de vrais experts ?
Journaliste : Vous avez raison, nous le faisons aussi, mais nous avons de la pression d’en haut pour parler des livres qui sortent.
[...]
Et pourtant : le média en question n’appartient pas à un groupe d’édition, donc pas de conflit d’intérêt évident. Pourquoi donc veulent-ils tant parler des livres qui sortent, plutôt que de traiter des sujets importants avec les vrais experts ? Confondent-ils à ce point publication de livre en français et expertise ?
On en revient éternellement à mon précédent article sur la différence entre publication scientifique et publication classique, qui n’a jamais autant été d’actualité.
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Malgré notre précédent article sur « la pseudoscience des surdoués », le mythe des personnes à haut QI (HQI) ayant, plus que le reste de la population, des problèmes particuliers (psychologiques, relationnels, scolaires ou autres) continue à être très populaire et à faire régulièrement l’objet de nouveaux livres et de nouveaux articles dans les médias.
Dans une nouvelle étude qui vient d’être publiée[1], mes collaborateurs et moi-même avons testé l’hypothèse spécifique selon laquelle les personnes à haut QI auraient une prévalence plus élevée de certains troubles mentaux. Il s’agit à notre connaissance de la plus vaste étude du monde sur les HQI.
Nos résultats montrent sans ambiguïté que les personnes à haut QI n’ont pas une plus grande prévalence de troubles mentaux que les personnes à QI moyen. Lorsque des différences sont observées, elles vont dans le sens inverse : les HQI ont notamment une plus faible prévalence de troubles anxieux et de stress post-traumatique.
[...]
En résumé, pour aucun trouble psychiatrique renseigné dans UK Biobank, les personnes à HQI n’ont de prévalence plus élevée que les QI moyens. Elles ne souffrent pas plus de dépression, d’addictions, de troubles du comportement alimentaire, de troubles obsessionnels-compulsifs, de schizophrénie. Lorsque des différences apparaissent, c’est dans le sens inverse : les personnes à HQI souffrent moins de troubles anxieux et de stress post-traumatique.
Sur des traits qui ne sont pas des troubles psychiatriques, les résultats vont dans le même sens : les personnes à HQI ne souffrent pas plus de solitude ni d’insomnie, et elles souffrent moins d’isolation sociale que les autres. Elles ont également un sentiment de bien-être équivalent à la population générale, et des scores de névrosisme inférieurs.
Les deux seuls types de troubles qui semblent avoir une prévalence plus élevée chez les personnes à HQI sont des maladies non psychiatriques : certaines allergies et la myopie. Ces deux résultats peuvent sembler étonnants mais ont en fait déjà été rapportés dans d’autres études antérieures. Ils ne sont pas parfaitement compris mais plusieurs hypothèses ont été évoquées pour les expliquer (cf. discussion dans notre article).
Conclusions
Nous avons confirmé les résultats de nos précédentes études chez des enfants français de 11 ans et demi : lorsque le QI augmente, les symptômes psychologiques n’augmentent pas. Par ailleurs, nous avons montré que l’hétérogénéité des indices de QI n’était pas non plus un facteur de risque de troubles psychologiques.
Ce dernier résultat surprendra sans doute nombre de psychologues, tant ils observent souvent des QI hétérogènes chez les enfants qui ont des troubles psychologiques ou cognitifs. Il n’y a pourtant pas de contradiction : il est vrai que les déficits cognitifs et les troubles psychologiques peuvent entrainer des baisses de performance dans certains subtests, et peuvent donc faire baisser certains indices mais pas d’autres, induisant des écarts parfois importants. Simplement, les écarts entre subtests et indices sont fréquents aussi dans la population tout-venant (Labouret, 2022; Labouret & Grégoire, 2018), sans doute plus que la plupart des psychologues ne le réalisent (ils voient beaucoup moins cette population). Par exemple, dans le WISC-V français, seuls 34,8% des sujets n’ont aucun écart significatif entre leurs indices. Il n’y a donc aucune conclusion clinique à tirer du seul fait d’observer des écarts entre indices. Une mise en lien avec les difficultés rapportées par ailleurs et d’autres outils d’évaluation restent nécessaires pour établir des symptômes cliniques et permettre de formuler des diagnostics.
En 2017, sur la base des connaissances acquises sur l’intelligence générale et ses corrélats, il n’y avait déjà aucune bonne raison de croire et de diffuser la légende noire des surdoués. Compte tenu de la persistance de ce mythe notamment dans les médias français, nous avons conduit 5 études examinant les caractéristiques scolaires, cognitives et psychopathologiques des enfants et des adultes à haut QI. Nos résultats sont concordants entre eux et avec le reste de la littérature scientifique pour montrer que les personnes à haut QI réussissent beaucoup mieux que les autres scolairement, n’ont pas plus de troubles cognitifs et psychologiques, et souvent moins.
Malgré tout, aussi favorisées que soient les personnes à haut QI, elles ne sont pas vaccinées contre les maladies, les troubles psychologiques, les échecs et les accidents de la vie. Celles qui sont en difficulté existent, et méritent bien entendu toute l’attention et le soutien des professionnels, au même titre que le reste de la population, quel que soit le QI. Leur apporter l’aide dont elles ont besoin ne nécessite pas de continuer à propager des idées fausses.