[Revue] La lettre de l'ARAPI

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Jean
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[Revue] La lettre de l'ARAPI

#1 Message par Jean » samedi 10 janvier 2009 à 13:48

badimage : http://pagesperso-orange.fr/arapi/Images/lettre.gif
La lettre de l'ARAPI n°44 - hiver 2008 - est parue. Avec notamment :

Lettre au Père Noël
L’indispensable « Socle des Connaissances »


La circulaire de diffusion et de mise en oeuvre du plan autisme est parue le 8 octobre. Il est fort intéressant de relever ce qui a été retenu dans ce court document destiné aux préfets, DRASS et DASS chargés de mettre en oeuvre les décisions de 1'Etat.

L'effort de formation est prioritaire : pour cela il est prévu de valider « un corpus de connaissance partagé » (seule phrase en gras dans la circulaire) reposant sur un consensus scientifique. A ce jour, si nous savons que ce sont la HAS, l'ANESM et le groupe de suivi scientifique du comité « autisme » qui sont chargés de son élaboration, nous savons aussi qu'elle n'a pas démarré. La HAS est surchargée de travail, certes, mais ce concept de consensus se heurte aussi au fait, et nous serions bien naïfs de croire le contraire, qu'il reste des divergences importantes à propos de son contenu, malgré une certaine entente sur les connaissances scientifiques « dures », comme la génétique et l'imagerie.

Or il est bien évident que celles-ci ne suffiront pas à permettre aux personnes autistes de vivre pleinement, et avec dignité.

S'il y a sur le terrain des efforts de rapprochement des divers points de vue comme en témoignent les programmes des congrès récents, il y a aussi une forte résistance au changement. Cela fait à lui seul fait l'objet d'un long paragraphe dans la circulaire (axe 3 : diversifier les prises en charge dans le respect des droits fondamentaux de la personne) où il est question de « la prise en compte des méthodes encore peu usitées en France mais qui sont mises en oeuvre depuis de nombreuses années dans d'autres pays » ... qu'il est demandé « d'instruire dans une approche constructive, au besoin en ayant recours à des procédures expérimentales ».

En langage « non politiquement correct », ces projets sont les services privés qui fleurissent actuellement en France et qui proposent notamment l'ABA, pratiquée outre-Atlantique de façon habituelle depuis plus de 20 ans. Nous le savons, l'ABA est une approche comportementale (c'est déjà un « gros mot »). A la fin des années 70, Lovaas a publié des résultats encourageants avec ce mode d'intervention auprès d'enfants autistes. Depuis ils ont été relativisés et «là-bas » les propositions ABA se sont enrichies, améliorées et conjuguées avec d'autres pratiques, l'approche globale et pluridisciplinaire restant d'actualité.

Le pragmatisme de cette approche, reposant sur l'évaluation et la vérification continues des progrès, permet aux professionnels et aux parents (les parents sont co-thérapeutes - autre « gros mot » ?) de s'ajuster et d'avoir ainsi une efficacité significative.

La grande majorité de nos institutions n'ont pas su intégrer à leurs pratiques ces approches construites sur la conception différente de l'autisme datant des années 1980 (DSM III, CIM). Ils les ont refusées de fait (et sur le terrain, je peux vous assurer que c'est encore le cas), souvent par principe, sans chercher à comprendre en quoi ces outils supplémentaires pourraient être utiles. De même, la Thérapie d'Echange et de Développement développée à Tours par l'équipe du Pr. Lelord, élaborée dans les mêmes années sur les meilleures connaissances du développement et du fonctionnement de la personne avec autisme, a été très peu diffusée dans notre pays.

Plus que les méthodes, c'est la compréhension renouvelée des troubles générés par l'autisme qui a été rejetée, bloquant l'évolution large et partagée de pratiques adaptées.

Aujourd'hui les familles reçoivent davantage d'informations (par les CRA, mais aussi par les associations, via internet et les médias). Les parents des jeunes enfants n'imaginent pas qu'il existe un tel décalage entre l'état des connaissances et ce qui leur est proposé dans beaucoup de CAMSP, CMPP, SESSAD, IME, mais aussi à l'école. Par ailleurs les professionnels qui ont bénéficié d'une formation « à jour et pertinente » ont un très mauvais taux de pénétration dans les institutions. Ils sont alors contraints à proposer leurs compétences en libéral à ces parents poussés par un sentiment d'urgence, convaincus de l'importance de l'éducation, mais aussi de la nécessité de sa précocité et de son intensité.

Pourquoi faut-il des textes officiels pour reconnaître l'évolution des connaissances ? En 1995, il a fallu une loi pour que l'autisme soit enfin reconnu comme un handicap qui relève, au même titre que les autres, aussi de l'éducatif. En 2005 c'est la publication des Recommandations pour le diagnostic de l'autisme par la HAS qui a légitimé la notion des TED (Troubles Envahissants du Développement), consensus scientifique datant de 1980. Enfin, tout récemment, la circulaire du 8 octobre relative au plan autisme 2008-2010 invite « à faire preuve d'ouverture et de célérité dans l'instruction des projets innovants ... » mais ne dit rien sur tous les autres.

Je rêve d'une proposition tranquille de pratiques en lien avec les nouvelles connaissances et savoir-faire, au jour le jour, pour tous, sur tout le territoire et non en fonction des croyances de chacun. Est-il éthique de se priver des différentes approches qui ont scientifiquement montré leur bénéfice ou efficacité ? Est-ce raisonnable de mettre les familles, mais aussi des professionnels (surtout ceux qui accompagnent les personnes au quotidien), dans l'embarras ? Certaines priorités concernant les prises en charge peuvent d'ores et déjà être partagées dans un corpus de connaissances. Tous les services se doivent de proposer le meilleur.

Espérons que la production des différents documents d'ordre qualitatifs prévus dans le plan autisme permettra d'éviter d'être, dans 10 ans, de nouveau en décalage avec les progrès des connaissances. Espérons aussi que ces documents seront suffisamment pragmatiques pour prendre le risque d'afficher quelques chiffres comme les taux et qualifications d'encadrement, le nombre d'heures de formation, l'intensité des interventions.

Le programme de notre prochaine Université d'Automne devrait participer à cette nécessaire et continue digestion des savoirs.

L'année 2008 se termine, que chaque jour de 2009 vous soit un plaisir...

Sophie Biette, présidente de l 'arapi

la lettre de l’arapi numéro 44 - hiver 2008

http://pagesperso-orange.fr/arapi/fichi ... s1et12.pdf

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