[Musique] Les handicapés mentaux sortent de l’underground

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Jean
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[Musique] Les handicapés mentaux sortent de l’underground

#1 Message par Jean » vendredi 11 décembre 2015 à 19:12

Les handicapés mentaux sortent de l’underground
LE MONDE | 10.12.2015 à 12h30 | Par Laurent Carpentier
http://www.lemonde.fr/culture/article/2 ... _3246.html

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Il a suffi d’un message sur le réseau social MySpace. C’était en 2009. Antoine Capet est alors éducateur spécialisé, il travaille avec des handicapés mentaux dans un institut médico-éducatif du 17e arrondissement de Paris. Par ailleurs, il aime le rock, plutôt noisy, plutôt punk, plutôt expérimental. Et ce qu’il écoute n’est pas sans lui rappeler ce qu’il fait en atelier à la pause de midi avec les jeunes autistes dont il s’occupe. Il écrit donc à Cheveu, un groupe électro-rock voire « weared punk », comme dit son chanteur, qui bénéficie d’une certaine aura sur la scène alternative parisienne. La réponse vient aussitôt : oui, cela l’intéresserait de travailler avec lui, écrit David Lemoine.

« Ce qui nous a tout de suite liés, c’était de penser que la musique qui venait de ces autistes méritait d’être écoutée, qu’elle était intéressante, créative, qu’on pouvait les mener à la scène, en faire des disques », racontent nos deux lascars d’une même voix. « Notre but n’est pas thérapeutique, dit Antoine. On pense simplement que ces jeunes sont pleins d’imagination, qu’ils ont la pêche et qu’ils méritent d’être entendus. "

L’apaisement dans l’intense

Ainsi est né BrutPop, à qui La Gaîté Lyrique donne carte blanche, du 10 au 13 décembre, dans le cadre de Paris Musique Club, associant exposition et concerts. Rencontre fructueuse. « Quand j’ai vu David en concert avec Cheveu, hasarde Antoine, j’ai trouvé qu’il avait aussi quelque chose… euh… d’habité. Une sorte de logorrhée. » David se marre. Solidarité de la marge, l’underground est sensible à la question du handicap.

Et cette culture leur donne une nouvelle approche. Là où la musique est souvent pensée dans le monde hospitalier comme un tranquillisant, eux «  prennent l’apaisement par le versant de l’intense  ». «  On parle souvent d’hyposensibilité chez les autistes, ils ne perçoivent que les sensations les plus fortes. J’avais une patiente qui mangeait la moutarde à pleine cuillère  », raconte l’éducateur. «  En musique c’est pareil, complète le musicien : ils aiment les ultrabasses, les hyperaigus, les sons les plus dissonants…  »

Pour parer aux difficultés de concentration, aux handicaps moteurs ou intellectuels, BrutPop va rapidement se tourner vers des instruments simples d’usage, faits sur mesure. De la lutherie épurée. Basse à une seule corde, guitare percussive qui se joue sur une table… Pour cela, nourris qu’ils sont de culture « Do it yourself », David et Antoine vont se tourner vers les FabLab, ces lieux collaboratifs où l’on détourne, hacke et invente pour créer toutes sortes de logiciels et de prototypes. «  Les FabLab, ce sont des usines de cas particuliers, et le handicap, ce ne sont que des cas particuliers, s’enthousiasme le chanteur de Cheveu. Pour les guitares, on a travaillé avec des acousticiens, des programmateurs…Le gars qui a dessiné la guitare avait quitté son poste chez Rolex pour gérer le FabLab du Crest, dans la Drôme… C’est un univers sans cynisme. Si on avait payé les gens, notre budget se serait élevé à 50 000 euros.  »

Leur fierté : la Brutbox, un boîtier simple comme une console de jeu, avec des capteurs qui transforment le mouvement, la lumière, le toucher, les impulsions du cerveau, en sons. «  On travaille beaucoup avec des autistes qui ont tendance à se balancer sur eux-mêmes,explique Antoine. Ce trouble du comportement inquiète toujours beaucoup l’entourage. Face à ça, nous, on décide d’être dans la liberté plutôt que dans la censure. On s’est dit : si on utilise ces stéréotypies pour que ça devienne des synthés, des percussions, cela changera entièrement le regard que l’on porte sur eux.  » Et David de sourire : « On pourrait dire qu’on a hacké ces symptômes. » Leur mot d’ordre est «  déghettoïser  » en menant – outre leurs ateliers un peu partout en France – une action de lobbying auprès des labels et des festivals.

Abreuvés de culture

De tous ces groupes qui se créent et se produisent, le chef de file – c’est-à-dire le plus abouti – est sans doute le Wild Classical Music Ensemble, cinq handicapés et un musicien plasticien venus de Flandres. On a pu les entendre au Point éphémère à Paris ou au festival Villette Sonique entre deux groupes dits « normaux ». Ils ne seront pas à La Gaîté Lyrique mais ont déjà enregistré, grâce à BrutPop, un premier album chez Born Bad Records (le label de Cheveu mais aussi des Olivensteins, de La Femme…) et joueront le 18 décembre au festival Magnétique Nord à la Dynamo de Pantin, en banlieue parisienne.

On pense à l’art brut des plasticiens. Mais quand on évoque un parallèle, on sent chez les deux animateurs de BrutPop une réticence. «  L’idée de Dubuffet c’était que ces artistes étaient indemnes de culture. Ce n’est pas vrai, au contraire, ils sont abreuvés de culture, de rap, de télé, de rock  », témoigne Antoine. «  Derrière, il y a l’idée chez les plasticiens qu’il n’est pas de collaboration possible. Et ça aussi c’est faux  », complète David.

Leurs interventions tranchent, en tout cas, avec le travail musical généralement mené dans les institutions. «  On n’essaye pas de les former, explique-t-il. On part d’eux, des handicapés, on travaille sur leur intention, du coup on arrive à travailler avec ceux qui, en général dans ce genre d’ateliers, restent sur le côté.  » De quoi éveiller l’intérêt. Au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, on regarde la chose de près. On a même hésité un moment à faire venir le Wild Classical Music Ensemble pour la fête de fin d’année des agents du ministère…

Antoine a quitté son poste d’éducateur en juin pour se consacrer à plein temps à BrutPop, qui a aujourd’hui pignon sur rue à Bagnolet, à la frontière de Paris, et est accueilli par l’association Lutherie Urbaine qui a également développé un Fablab spécialisé en musique. «  Notre stratégie, dit-il, c’est d’essaimer cette logique-là, de travailler avec des musiciens ou des acteurs locaux pour qu’ils reprennent cette initiative à leur compte. Il suffit pour ça d’avoir les bonnes méthodes, les bons outils et les bonnes oreilles…  »
  • BrutPop à la Gaîté Lyrique

    Jeudi 10 décembre Table ronde. Avec notamment les Harry’s, six jeunes autistes qui ont formé un groupe de musique expérimentale à l’hôpital de jour d’Antony dans les Hauts-de-Seine ; la S Grand atelier, très actif centre d’art des Ardennes belges ; Olivier Brisson et son label Vert Pituite la belle, qui organise des concerts à Ville-Evrard, un hôpital psychiatrique de Neuilly-sur-Marne…

    Vendredi 11 décembre Musique live, le soir. Avec le rap de Choolers Division (deux MC trisomiques et deux musiciens indépendants) et les performeurs, pas handicapés mais franchement barrés question brute pop, de Black Henri Leconte.

    Samedi 12 décembre Kids club et boum. « Pour les enfants, les personnes en situation de handicap, pour tout le monde en fait. »

    Dimanche 13 décembre Chill Club. Un live hypnotique de Jean Ray pour penser la « noise » comme une méditation. Et 360°, de Vivian Grezzini, infirmier au centre psychothérapeutique de Bourg-en-Bresse : une installation de bruit blanc, prototype d’un système d’écoute immersif pour un patient et un soignant.

    En permanence : exposition d’expérimentations sonores de BrutPop et de ses invités.

    Gaîté Lyrique, 3 bis, rue Papin, Paris 3e. gaite-lyrique.net
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Jean
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Re: Les handicapés mentaux sortent de l’underground

#2 Message par Jean » vendredi 11 décembre 2015 à 19:18

Sur Les Rails - vernissage au Point Éphémère - 26.06.14
vidéo 3 mn 25


Autres vidéos : http://brutpop.blogspot.fr/p/video.html

Vidéo 9mn 09
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Re: Les handicapés mentaux sortent de l’underground

#3 Message par Ixy » vendredi 11 décembre 2015 à 21:54

Absolument génial !! :)

Mon père était un fan de musique concrète quand il était jeune :)
Je n'ai pas de diagnostic /!\
Ce que tu as la force d'être, tu as aussi le droit de l'être - Max Stirner

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