Des mots et des moks rassis :
Les mots-tifs s'immiscent en catimini, en toute clandestinité, en toute censure, sans être sûrs de pouvoir ressortir de la cage... thoracique, toxique, taxinomique. Un coup fumant a tué la porosité des parois pariétales. Les touffes étouffent, asphyxiées et fixées sur leur sort : point de sortie, point de côte, point de mire, point de mirage, point de mi-rage. Les mots sont passés à tabac dès qu'il font un tabac. Oreilles frileuses, encéphales susceptibles, croyances colériques, religions saintes-nitouches, la politique ment correc'. Humoristes comme journalistes se retrouvent muselés de façon musclée. Et pourtant, les mots continuent de pousser. Et pourtant, on continue de les raser, de les épiler, sous le dogme de la peau lisse. C'est la faute aux shops, qui affichent de belles facettes que les estafettes fichent. Est-ce ta fête ? Es-tu à ton faîte ? Es-tu à ton paroxysme ? Ou veux-tu une dosette d'exorcisme ? Pour faire sortir les
maux par des mots, niaque ! Les mots tus et bouches cousues se débattent dans l'aire de Broca qui fermentent parfois mentent, les neurones sont sous tension qui monte et qu'on surmonte. Mais rien ne s'échappe sous cette chape de plomb qui plombe l'ambiance, qui fait péter les plombs. La liberté d'expression a du plomb dans l'aile, les noms d'oiseaux volent bas. Seuls des mots graphiques peuvent espérer encore une percée dans le réseau neuro-social des compères et commères. Ciel ! Les autres mots sont emprisonnés de barbelés. Aucun son ne sort, car personne n'écoute ce qui ne coûte rien que de l'attention. Mais l'attention semble devenue vectrice de la tension.
Tant de cerveaux disponibles, et si peu de mots roses. Ce sont la peur et l'horreur qui font couler tant d'encre, qui coule sous les ponts. Un journal avec que des bonnes nouvelles, des mots doux, c'est démodés, dit-on. L'adrénaline s'expose sur l'adret jonché de naphtaline. Les mots relaxants ne sont pas vendeurs, ils sont relaxés. Ce sont des "vendus". Ils n'ont pas la tête de l'emploi et ploient sous la précarité artificielle. Ces mots beaux ni menteurs sont remplacés par les mots bonimenteurs. Les mots cœurs sont écrasés par les mots moqueurs, par les attaques prompts à provoquer une attaque chez
ATTAC. L'impact des mornes normes est loin d'être compact : il discrimine aussi certaines classes de mots. Eugénisme verbal, eugénisme non verbal. Les regards et bouches inexpressifs et peu expansifs passent sous le joug répréhensif et répressif. Et ceux qui font leur cinéma sont projetés sur le devant de la scène, tels des proies socio-cognitives, proies commerciales, évidemment. Les mots porteurs de sens ne rapportent que peu... À la porte ! Les gérants d'estrade ne traitent donc qu'avec des sons sans sens. On dit que "la parole prime", c'est qu'elle rapporte des primes, quitte à tourner dans tous les sens, à donner le tournis, le brocacolis, quand les mots montent à la tête. Les descentes en piqûre de rappel donnent la céphalée, perte d'appétit, plus le cœur à rire, bouche pâteuse, tous ces mots appris de tête donnent des
maux de tête. C'est le prix à payer si l'on veut que les mots alimentent le compte au lieu d'alimenter le conte et le comte.
L'authenticité des mots est mise à mal par le mercantilisme, qui vend des fausses libertés, et le dogmatisme, qui se révèle liberticide. Ils font des mots des boucs émissaires soit parce qu'ils n'ont pas la tête de l'emploi soit parce que ce sont des mécréants. Les promesses de grosses sommes comme d'une vie après la mort ne sont que des mots, que du vent, un prétexte pour chasser des sorcières ou pour alimenter des conflits : désigner une victime ou se victimiser.
Si on vous donne des réponses toute faites, c'est qu'on cherche à faire recette.
Si on vous parle de pureté, c'est qu'on cherche à vous laver le cerveau.
Faire confiance aux mots, ce n'est ni être naïf ni les rejeter, c'est chercher au-delà de leurs horizons. Car s'arrêter aux mots, c'est prendre du retard : les mots changent de sens et d'usages.