Justification des dépenses pour le complément d'AEEH

Tout ce qui concerne les prestations (AAH, AEEH, AJPP, PCH …), les relations avec les MDPH (démarches administratives), l'assurance maladie etc …
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Justification des dépenses pour le complément d'AEEH

#1 Message par Jean » lundi 8 février 2016 à 10:39

Question posée sur FB : Bonjour, est-ce que l'attribution d'un complément aeeh (c1 pour moi) est calculé sur l'année et divisé par 12 ou c'est mois par mois?

Parce que la j'ai déclaré qu'on arrêtait l'ergo et psychologue individuelle pour mettre en place psychomotricité et psy groupe d'habileté sociale et la mdph me demande pour revoir mes droits les factures acquittés des pros depuis mars 2015, seulement pendant les vacances on faisait pas de séances par exemple, et comme j'ai eu l'accord qu'en août j'ai pu mettre en place les séances hebdomadaires chez l'ergo que en septembre (avant une fois tous les 15 jours)

j'ai l'ajpp partiel donc mon complément est déduit.
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Re: Justification des dépenses pour le complément d'AEEH

#2 Message par Jean » lundi 8 février 2016 à 10:39

est-ce que l'attribution d'un complément aeeh (c1 pour moi) est calculé sur l'année et divisé par 12 ou c'est mois par mois?
Réponse CNSA : Date 24/10/2011 Thème Prestations Sous-Thème Libre accès

Question
AEEH - Complément pour frais : (...) Les frais évoqués doivent-ils être pris en compte pour l'ensemble de l'année (c'est-à-dire le montant total divisé par 12) ou bien peut-on attribuer un complément (pour frais) pour quelques mois ?

Réponse
(...) S'agissent plus spécifiquement de la détermination du complément : si les frais n'atteignent pas le plancher requis au minimum pour le complément 1 on reste sur une AEEH de base. Toutefois, pour éviter des effets de seuils trop importants, le conseil qui a été donné depuis 2002 lors de la réforme des compléments était de globaliser les frais réguliers sur une année et d'accorder quelques mois de compléments par an de manière à couvrir à peu près la dépense.


http://extranet.cnsa.fr/visuQR.php?id=663
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#3 Message par Jean » lundi 8 février 2016 à 10:43

Parce que la j'ai déclaré qu'on arrêtait l'ergo et psychologue individuelle pour mettre en place psychomotricité et psy groupe d'habileté sociale et la mdph me demande pour revoir mes droits les factures acquittés des pros depuis mars 2015
Réponse CNSA : Date 05/03/2012 (...)
- Le guide pour l'attribution des compléments d'AEEH (arrêté du 24 avril 2002 en PJ) précise qu' «A partir du référentiel défini en I et de la même façon que pour la présence de la tierce personne, et en fonction du certificat médical et du questionnaire fournis à l'appui de la demande, la CDES rassemblera les éléments matériels relevant du projet individuel de l'enfant non couverts par l'assurance maladie, l'Etat ou l'aide sociale.
Cet examen nécessite donc un bilan des dépenses prévues ou déjà engagées par les parents et dont la CDES devra apprécier, au cas par cas, si elles sont ou non prises en charge par ailleurs, et si elles entrent bien dans le cadre de l'éducation spéciale. Il conviendra ainsi à chaque fois de vérifier que la dépense n'entre pas dans un fonctionnement ordinaire de la famille, mais est liée au handicap de l'enfant pour lequel est attribuée l'AES.
[...] La prise en compte des frais se fera sur facture, en cas de dépense déjà réalisée ou régulière dans le temps, ou sur devis : dans ce cas, les parents signeront l'engagement de réaliser la dépense et d'en fournir le justificatif. Cette obligation figurera sur la notification de décision de la CDES. »

Il résulte de ces textes que les parents doivent justifier de dépenses au moins égales au seuil prévu pour l'accès au complément, donc justifier de 221,22 € de frais pour l'accès au C1 et pas seulement de 94,81€. (...)


http://extranet.cnsa.fr/visuQR.php?id=697
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#4 Message par Jean » lundi 8 février 2016 à 11:02

j'ai l'ajpp partiel donc mon complément est déduit.
Le calcul se fait mois par mois. C'est le montant le plus élevé qui est servi.

L'AEEH de base est de toute façon due.

Il y a comparaison entre (AJPP + complément pour frais de l'AJPP) et (complément d'AEEH).
En fait je perçois l'aeeh + c1 le 5 du mois, et l'ajpp + complément (109 -97 du c1) après
C'est logique : l'AJPP n'est calculée qu'après réception de l'attestation mensuelle, alors que l'AEEH + C1 fait partie de l'échéance normale.
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Re: Justification des dépenses pour le complément d'AEEH

#5 Message par Jean » samedi 19 mars 2016 à 14:34

Un modèle qui peut servir pour une demande à la MDPH :
https://lesneurostars.wordpress.com/201 ... sier-mdph/
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Re: Justification des dépenses pour le complément d'AEEH

#6 Message par Jean » lundi 21 mars 2016 à 18:27

Un article commentant un jugement du TCI (tribunal du contentieux et de l'incapacité) de Rennes :

AJDA 2015 p.50
Recommandation de bonne pratique et droit des autistes à l'aide sociale
Frédéric Tiberghien, Conseiller d'Etat

Le contentieux relatif à la prise en charge de l'autisme est suffisamment rare pour ne pas saluer l'apport important du jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI) de Rennes en date du 12 septembre 2014 à cette grande cause nationale.

I - Enjeux et données du litige


Mme J. A. avait un fils Charlie, âgé de 6 ans, atteint d'un trouble envahissant du développement (TED) du type autistique et suivi quelques heures par semaine depuis 2012 par un service d'éducation spéciale et de soins à domicile dans le cadre d'un projet personnalisé de scolarisation.

Estimant insuffisante cette prise en charge, Mme J. A. avait recouru au service d'une institutrice libérale spécialisée durant trois heures par semaine et s'était par ailleurs rapprochée d'une association « Autisme espoir vers l'école », pour mettre en oeuvre, à son domicile, une méthode développementale fondée sur le jeu, la méthode des 3i (http://www.autisme-espoir.org/parent-suite-methode.html). Faisant appel à l'intervention d'une quarantaine de bénévoles, formés par l'association et encadrés par une psychologue, qui font jouer l'enfant entre vingt-cinq et quarante heures par semaine, elle recommande de retirer provisoirement l'enfant de l'école, qu'il supporte généralement mal en raison d'une hypersensibilité acoustique, pour l'y remettre plus tard, lorsqu'il aura parcouru, grâce au jeu, tous les stades de son développement psychomoteur.

Pour financer l'intervention de l'institutrice spécialisée et de la psychologue, ces derniers frais étant occasionnés par le recours à la méthode des 3i, Mme J. A. a sollicité de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Morbihan une compensation du handicap, à savoir l'attribution, à compter du 1er juin 2013, du complément de cinquième catégorie de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), prévue par l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF). Selon cet article : « toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques.

Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social ».

La procédure d'attribution comporte d'abord une évaluation des besoins de compensation par une équipe pluridisciplinaire, qui peut entendre l'enfant et ses parents et propose ensuite un plan personnalisé de compensation du handicap (art. L. 146-8 CASF), puis une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui fixe, en vertu de l'article L. 146-9 du CASF, l'ensemble des droits de la personne handicapée sur la base de l'évaluation précitée, des souhaits exprimés par la personne handicapée dans son projet de vie et du plan de compensation du handicap.

Les compétences de la CDAPH sont déterminées par l'article L. 241-6 du CASF, notamment par le 3° du I en ce qui concerne l'attribution de l'AEEH et de son complément ou de sa majoration.

Mais la CADPH refusa d'octroyer à Mme J. A. ce complément de 5e catégorie, n'accorda le 18 juillet 2013 que l'accompagnement par une auxiliaire de vie scolaire du 18 juillet 2013 au 15 juillet 2015 à raison de douze heures par semaine ainsi que le complément de quatrième catégorie sur la période du 1er juin 2013 au 31 mai 2014, au double motif que le recours à une institutrice spécialisée relevait d'un choix personnel des parents et que la méthode des 3i n'était pas recommandée par la Haute Autorité de santé (HAS) et l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) (v. Recommandation de bonne pratique « Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l'enfant et l'adolescent », rendue publique par la HAS et l'ANESM le 8 mars 2012).

Dans le cadre du deuxième plan autisme (2008-2010), le gouvernement avait en effet sollicité ces autorités indépendantes d'évaluation pour, face aux évolutions importantes des connaissances en matière d'autisme et de TED, adapter les pratiques professionnelles et élaborer des recommandations professionnelles dans tous les secteurs d'intervention (mesure 9 du 2e plan autisme).

La lecture de ce rapport a été généralement biaisée. Ceux qui souhaitaient s'opposer aux méthodes développementales, notamment à la méthode des 3i, n'en ont retenu que les pages déclarant que cette méthode n'était pas recommandée (v. Recommandation HAS p. 27, pt 4.2), en oubliant de préciser l'essentiel : « en l'état des connaissances scientifiques ». Ceux qui se voulaient neutres corrigeaient immédiatement ce passage en citant un autre endroit du rapport dans lequel la HAS mentionnait des méthodes nouvelles dont il conviendrait de mesurer l'efficacité de manière scientifique (p. 47) : la HAS y souligne en effet que l'absence de recommandation ne doit pas entraver « d'éventuels travaux de recherche clinique permettant de juger de l'efficacité et de la sécurité des interventions de développement récent » et que « ces études devraient prioritairement évaluer l'efficacité et la sécurité des pratiques émergentes récemment décrites (par ex., méthode des 3i, etc.), des pratiques non évaluées par des études contrôlées pour lesquelles il existe une divergence des avis des experts (par ex., psychothérapie institutionnelle, etc.), des interventions consensuelles, mais non évaluées par des études contrôlées (par ex., thérapie d'échange et de développement, interventions débutées tardivement dans l'enfance ou mises en oeuvre auprès des adolescents, etc.). Parallèlement, le suivi de cohortes devrait permettre d'éclairer les effets à long terme des interventions éducatives, comportementales et développementales ».

La publication de cette importante recommandation a eu quatre effets majeurs :

- elle a rouvert le débat scientifique et ravivé les querelles de chapelle entre les différentes écoles de pensée, mettant notamment en doute la pertinence et les résultats des approches psychanalytiques ;

- elle a relancé la compétition, plus ou moins conflictuelle, entre les différentes méthodes, puisque les unes étaient recommandées et les autres non. Les partisans de celles qui étaient recommandées n'ont eu, depuis lors, de cesse de tenter de faire directement ou indirectement exclure des soutiens publics les méthodes non recommandées et de les dénigrer tant auprès des familles que des médias ;

- en confirmant la nécessité d'un diagnostic précoce de l'autisme, elle a relancé l'intérêt et la mobilisation des personnels hospitaliers, médicaux au sens large (psychiatres, pédopsychiatres, psychologues...) et sociaux. Elle a également eu un effet rapide sur la prescription médicale et, par ricochet, sociale ;

- à ce dernier titre, les MDPH et les CADPH ont commencé à se référer à cette recommandation pour décider de la forme et du montant du soutien accordé aux familles d'autistes, en s'immisçant par la même occasion dans le choix des méthodes effectué par les parents et dans un domaine normalement réservé à la prescription médicale.

Mécontente de la décision de la MDPH du Morbihan du 18 juillet 2013 en tant qu'elle lui avait refusé le complément de cinquième catégorie de l'AEEH, Mme J. A. saisit le TCI de Rennes, l'article L. 241-9 du CASF attribuant à la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale la connaissance des recours dirigés par toutes personnes ou organismes intéressés contre les décisions prises à l'égard d'un enfant ou adolescent handicapés sur le fondement des 1°, 2° et 3° du I de l'article L. 241-6. L'association Autisme espoir vers l'école forma également une intervention, jugée recevable, au soutien des prétentions de Mme J. A.

Par un jugement avant dire droit en date du 19 février 2014 (n° 532013001012HM), le TCI, après avoir pris connaissance de l'avis du médecin expert désigné conformément à l'article R. 143-13 du code de la sécurité sociale, ordonna une expertise, confiée à un pédopsychiatre, « afin de savoir si la prise en charge de l'enfant par une équipe de bénévoles, même encadrés par un psychologue, peut être considérée comme nécessaire et adaptée aux déficiences de l'enfant ».

II - Valeur juridique des recommandations de la HAS

La principale question posée par cette affaire portait sur la valeur juridique des recommandations de la HAS et sur le point de savoir si la CADPH s'était à bon droit estimée liée par la recommandation du 8 mars 2012.

Très rarement abordée, cette question appelle un examen minutieux.

A. Le code de la sécurité sociale fixe les compétences de la Haute Autorité

Les compétences de la HAS sont fixées à l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale qui limite les destinataires de ses recommandations de bonnes pratiques.

Selon le 2° de cet article, la HAS est chargée d'« élaborer les guides de bon usage des soins ou les recommandations de bonne pratique, procéder à leur diffusion et contribuer à l'information des professionnels de santé et du public dans ces domaines ». Par voie de conséquence, les recommandations de la HAS ne peuvent en principe s'adresser qu'aux professionnels de santé et qu'au grand public pour éclairer ce dernier sur ses choix en matière de santé.

Elles ne peuvent, dès lors, avoir d'autres destinataires que ceux limitativement prévus par la loi : les organismes de sécurité sociale, pas davantage que les MDPH ou CDAPH, ne figurent pas au nombre de ces destinataires.

L'hésitation est d'autant moins permise que l'article R. 161-72 du code de la sécurité sociale, article réglementaire qui précise les conditions d'application du 2° de l'article L. 161-37, énonce sans aucune ambiguïté que cette compétence de la HAS est relative à « l'information des professionnels de santé et du public sur le bon usage des soins et les bonnes pratiques ». Des recommandations de bonnes pratiques qui ne visent qu'à l'information des professionnels de santé et du public sur le bon usage des soins ne peuvent donc pas être utilisées comme des outils de décision dans un domaine autre que celui de la prescription de soins : en particulier une CDAPH, qui n'est pas au nombre des professionnels de santé, ne peut pas les utiliser directement comme un critère ou un motif de refus d'une prestation d'aide sociale.

B. Les difficultés engendrées par la recommandation en cause

La recommandation du 8 mars 2012 de la HAS/ANESM, opposée par la CADPH du Morbihan à Mme J. A., posait une difficulté supplémentaire au TCI car elle semblait être allée très au-delà des dispositions du code de la santé publique.

Cette recommandation comporte (p. 2) une mise en garde qui correspond exactement aux prévisions ci-dessus rappelées de ce code : « Les recommandations de bonne pratique sont définies dans le champ de la santé comme des propositions développées méthodiquement pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données.

Les recommandations de bonne pratique sont des synthèses rigoureuses de l'état de l'art et des données de la science à un temps donné, décrites dans l'argumentaire scientifique. Elles ne sauraient dispenser le professionnel de santé de faire preuve de discernement dans sa prise en charge du patient qui doit être celle qu'il estime la plus appropriée, en fonction de ses propres constatations ».

Mais dès la page 6, sous la rubrique « Professionnels concernés », la HAS et l'ANESM donnent à leur recommandation une portée qui excède nettement celle prévue par les textes ci-dessus et par le rappel figurant en page 2 : « Ces recommandations s'adressent principalement aux professionnels de santé et aux professionnels des établissements et services médico-sociaux ayant un contact direct avec des enfants et adolescents avec TED, et prenant des décisions concernant leur suivi et leur accompagnement. Les principaux professionnels concernés sont les : médecins, particulièrement médecins psychiatres, médecins de l'éducation nationale et de la protection maternelle et infantile, médecins généralistes et pédiatres ; psychologues ; éducateurs spécialisés ; orthophonistes ; psychomotriciens ; ergothérapeutes ; infirmiers ; professionnels coordonnateurs (par ex., cadre de santé, enseignant référent, coordonnateur d'équipe pluridisciplinaire de maison départementale des personnes handicapées [MDPH], directeur d'établissement médico-social, etc.).

Elles peuvent être également utiles : aux personnes avec TED et à leur famille ; aux professionnels exerçant auprès d'enfants et d'adolescents avec TED, quel que soit leur lieu d'exercice (école, centre de loisirs, structure d'accueil de la petite enfance, etc.) même si ce document ne couvre pas leurs pratiques spécifiques ; aux enseignants et formateurs qui participent, dans le champ de l'autisme, à la formation initiale et continue des médecins, des personnels paramédicaux, des psychologues, des éducateurs et des enseignants spécialisés ; aux bénévoles exerçant au sein d'associations relevant du champ de l'autisme ».

Il était tout d'abord clair que les CDAPH n'étaient pas au nombre des professionnels destinataires de la recommandation du 8 mars 2012 et que, à la lettre, seul le coordonnateur d'équipe pluridisciplinaire de MDPH pouvait l'être. Mais une recommandation de la HAS ne pouvant s'adresser qu'aux personnels de santé habilités à prescrire des soins, ranger au nombre des destinataires de la recommandation indistinctement tous les professionnels des établissements et services médico-sociaux qui, sans prescrire des soins, se bornent à prendre des décisions relatives à l'accompagnement ou au suivi des enfants pose question. Si la recommandation liste par ailleurs toute une série de destinataires auxquels elle peut être utile, cela au titre de l'information du public, elle n'a, en ce qui les concerne, pas d'autre valeur qu'informative et ne saurait fournir une base légale à une prestation d'aide sociale dont les conditions d'attribution sont fixées par la loi. Par conséquent, la HAS avait, au-delà de la lettre des textes, ajouté aux professionnels de santé normalement seuls visés par une recommandation de bonne pratique indistinctement tous les professionnels des établissements et services médico-sociaux dont leurs directeurs, les éducateurs spécialisés, les professionnels coordonnateurs, dont ceux des MDPH, etc.

Se posait en outre au TCI la non moins délicate question de la portée, normative ou non, des recommandations de la HAS.

C. Portée normative des recommandations de la Haute Autorité

La doctrine débat intensément de la valeur juridique de ces recommandations (v. F. Savonitto, Les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé, RFDA 2012. 471Document InterRevues). Selon cet auteur, les recommandations de bonnes pratiques professionnelles analogues à la recommandation du 8 mars 2012 ont pour seul objet de « guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en oeuvre des stratégies de soins » et ne peuvent donc s'adresser qu'à eux. D'autres auteurs estiment qu'une recommandation de bonne pratique se limite à un instrument d'aide à la décision médicale (M.-F. Callu, Les recommandations de bonnes pratiques confrontées au droit de la responsabilité médicale, Rev. dr. et santé, 2007, n° 15, p. 29) ou à un élément d'appréciation pour le praticien, qui n'est pas lié par elle (J.-P. Markus, La faute du médecin et les bonnes pratiques médicales, AJDA 2005. 1008).

Alors qu'elles sont dépourvues de valeur impérative, le Conseil d'Etat leur a néanmoins récemment reconnu le caractère de décisions faisant grief susceptibles de recours pour excès de pouvoir (CE 27 avr. 2011, n° 334396, Association pour une formation médicale indépendante [FORMINDEP], LebonDocument InterRevues ; AJDA 2011. 1326, concl. C. Landais ; D. 2011. 1287Document InterRevues et 2565, obs. A. LaudeDocument InterRevues ; RDSS 2011. 483, note J. PeignéDocument InterRevues) en tenant compte de leurs implications déontologiques pour le corps médical (art. R. 4127-32 CSP), à savoir l'obligation d'assurer des soins fondés sur les données acquises de la science.

Ce raisonnement du Conseil d'Etat ne modifie en rien la valeur de ces recommandations : elles cristallisent l'état des connaissances scientifiques à un moment donné et servent à éclairer le praticien dans sa décision de soins, mais celui-ci peut, comme toute personne justifiant d'un intérêt à agir, la contester devant le juge de l'excès de pouvoir, compte tenu des implications de ces recommandations en matière de déontologie ou de responsabilité médicale. Si elles ont désormais un juge, les recommandations de la HAS restent néanmoins des actes non normatifs comme l'exprime clairement leur appellation de « recommandation ». Le commentaire de cette décision dans l'étude annuelle 2013 du Conseil d'Etat consacrée au droit souple (p. 77-78, v. également AJDA 2013. 1884) confirme cette analyse, en distinguant bien la question de la recevabilité des recours contre les instruments de droit souple de leur invocabilité. Au sujet de la HAS, il y est rappelé que ses recommandations sont « susceptibles d'être prises en compte par de multiples acteurs, qu'il s'agisse des professionnels de santé libéraux ou hospitaliers, des ordres professionnels ou de l'assurance maladie ». Et, sur le tableau qui synthétise l'échelle de normativité des instruments, et non pas des normes, juridiques qui vont du droit souple au droit dur (p. 69-71), les recommandations de bonnes pratiques médicales de la HAS, prévues par la loi et susceptibles de recours devant le juge, sont classées dans la rubrique A, « droit souple » (ne créant pas directement d'obligation) mais dans la colonne « droit souple bénéficiant sous diverses formes d'une reconnaissance par le droit dur (prévu par un texte, homologué par une autorité publique, susceptible de recours devant le juge, pris en compte par le juge), n'allant pas jusqu'à leur conférer une portée obligatoire ». Ce tableau synthétise les trois critères retenus par le Conseil d'Etat pour caractériser le droit souple (p. 61) :

- ces instruments « ont pour objet de modifier ou d'orienter les comportements de leurs destinataires, en suscitant, dans la mesure du possible leur adhésion ;

- ils ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d'obligations pour leurs destinataires ;

- ils présentent, par leur contenu et leur mode d'élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit ».

Par conséquent, la CDAPH du Morbihan s'était méprise sur la portée de la recommandation de bonnes pratiques de la HAS/ANESM du 8 mars 2012 en lui attribuant une valeur normative ou impérative qu'elle ne pouvait pas revêtir et en estimant qu'elle faisait directement obstacle à l'attribution du complément de cinquième catégorie à l'AEEH que sollicitait Mme J. A. pour son fils afin de mettre en oeuvre une méthode non recommandée par la HAS en l'état des connaissances scientifiques.

D. La réponse adéquate du TCI

Quoique elliptique sur le raisonnement suivi, le jugement du TCI de Rennes apporte, à sa manière, une réponse adéquate à toutes ces questions.

La lecture du jugement montre que le TCI s'est refusé à prendre directement en compte la recommandation de la HAS, qui n'est pas une norme juridique opposable aux bénéficiaires de l'aide sociale, mais s'est borné à la prendre en considération sous couvert de l'avis du médecin expert puis de l'expertise confiée au pédopsychiatre. Le jugement relève en effet, sous la plume du premier, que « si les recommandations de la HAS sont restrictives, lorsqu'on les reprend point par point, en revanche, il faut souligner que la Haute Autorité préconise toujours de privilégier la finalité singulière de chaque enfant. C'est ce qui est fait ici [...] » et, sous la plume du second, que « dans son rapport, le psychiatre conclut que la HAS préconise de privilégier la finalité singulière de chaque enfant et il pense que le complément de cinquième catégorie peut être reconnu et préconisé pour une prise en charge globale, harmonieuse et non limitée pour Charlie. Il ne voit pas de contradiction entre la prise en charge par le service d'éducation spéciale et de soins à domicile et les compléments apportés par les parents. On rentre ici dans des traitements non exceptionnels ni dans le choix des intervenants [institutrice spécialisée et psychologue] ni dans la méthode [3i] qui est une méthode toujours en évaluation institutionnelle ».

Bref, le TCI juge implicitement qu'une recommandation de la HAS ne peut pas avoir de portée juridique directe : il s'agit d'une aide fournie au praticien pour définir les soins les plus adaptés à un patient dans des circonstances cliniques données. Et la recommandation de la HAS du 8 mars 2012 n'est prise en compte par le juge qu'indirectement et dans la stricte mesure où elle a permis à deux professionnels de santé - et à eux seuls - de proposer une stratégie de soins adaptée à la situation particulière et aux déficiences du jeune Charlie, conformément à ce qui avait été demandé à l'expert désigné dans le jugement avant dire droit. Puis reprenant la conclusion du pédopsychiatre selon laquelle l'enfant « justifiait d'un accord possible d'AEEH de cinquième catégorie », le juge annule la décision de la CADPH au motif qu'« à la date du 1er juin 2013, les sujétions induites par la nature et la gravité du handicap de l'enfant [...] justifient l'attribution du complément d'AEEH de cinquième catégorie jusqu'au 31 mai 2014 [...] ». Autrement dit, la CADPH a commis une erreur de droit en opposant directement au demandeur d'aide sociale le contenu d'une recommandation de bonne pratique de la HAS et en s'abstenant de suivre la seule démarche à laquelle elle pouvait se livrer selon les prescriptions de l'article L. 246-1 du CASF : se demander comment assurer une prise en charge pluridisciplinaire d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social, tenant compte des besoins et difficultés spécifiques de cet enfant autiste et adaptée à son état et à son âge. En définitive, le TCI se substitue à la CADPH et fixe lui-même l'étendue des droits du bénéficiaire de l'aide sociale sur la base d'une recommandation médicale, étayée certes à la lueur des recommandations de la HAS mais surtout sur l'état de l'enfant et sur une analyse des sujétions induites par la nature et la gravité de son handicap.

En conclusion, il faut relever que le TCI de Rennes a donné aux recommandations de bonnes pratiques médicales de la HAS une portée limitée, qui correspond exactement à l'analyse qu'avait faite le Conseil d'Etat dans sa décision FORMINDEP précitée de 2011 et dans son étude 2013 sur le droit souple. Et l'on ne peut que se féliciter de cette convergence de vues entre les juges des deux ordres de juridiction.

III - Liberté de choix des parents

Le jugement du TCI du 12 septembre 2014 consacre aussi, après les experts médicaux, le libre choix par les parents de la méthode qu'ils entendent retenir pour leur enfant.

Ce libre choix des parents découle de l'autorité parentale (art. 371-1 C. civ.) mais aussi d'un principe général en matière de santé publique (libre choix du médecin, libre choix de l'établissement...). L'article L. 146-9 du CASF, qui reprend ce principe, mentionne à cet égard que la CDAPH prend sa décision notamment sur la base « des souhaits exprimés par la personne handicapée ou son représentant légal dans son projet de vie ». Par conséquent, si une personne autiste a émis, dans son projet de vie, le souhait de suivre une méthode développementale, la CDAPH n'est, par application directe de cet article, pas en droit de s'y opposer, même par référence aux recommandations de bonne pratique de la HAS, lesquelles doivent être confrontées aux souhaits exprimés par les principaux intéressés comme le veut la loi. Le jugement du TCI est, ici encore, convaincant et équilibré : il se range à l'avis du pédopsychiatre selon lequel il ne faut rentrer ni dans le choix des intervenants ni dans celui de la méthode (3i) dès lors qu'il s'agit d'une méthode en cours d'évaluation institutionnelle. Le médecin ayant ici fait écho à la partie de la recommandation de la HAS ayant prôné une évaluation des méthodes développementales et des effets à long terme des interventions éducatives, comportementales et développementales, le juge s'abrite derrière la prudente neutralité du médecin expert, justifiée par une évaluation scientifique en cours, et le libre choix des parents (« En matière d'autisme, il n'y a pas de voie thérapeutique unique reconnue et de nombreuses méthodes ont été utilisées. La famille de Charlie a choisi une prise en charge psychologique d'appui par la méthode des 3i et un retrait de l'école avec prise en charge spécifique par une institutrice spécialisée »). La recommandation médicale aurait peut-être été différente si les parents avaient retenu une méthode dont l'évaluation scientifique avait été clairement et définitivement négative selon les analyses de la HAS/ANESM. Mais encore une fois, cette appréciation du bien-fondé du choix de la méthode par les parents n'appartient directement ni à la CADPH ni à la MDPH : elle passe par le double filtre des professionnels de santé, destinataires des recommandations de la HAS/ANESM, et du projet de vie de la personne handicapée, sous le contrôle du juge.

En l'espèce, l'intervention d'une psychologue agréée 3i et d'une institutrice libérale rentrait parfaitement dans les prévisions de l'article L. 246-1 du CASF et s'inscrivait dans la prise en charge pluridisciplinaire du jeune Charlie telle qu'elle ressortait du projet de vie librement fixé par ses parents. La CADPH ne pouvait donc pas légalement s'opposer à ce double choix et refuser le complément de cinquième catégorie, nécessaire à la prise en charge pluridisciplinaire d'ordre éducatif, thérapeutique et social, tenant compte des besoins et difficultés spécifiques de cet enfant autiste et adaptée à son état et à son âge.

IV - Une avancée bienvenue


Le jugement du TCI de Rennes doit être salué car il apporte une ouverture dans un domaine où la France ne brille pas particulièrement au plan international.

Elle est, en matière de lutte contre l'autisme, très en retard par rapport aux pays développés comparables. Plusieurs spécialistes attribuent ce retard à l'influence encore prépondérante de l'école psychanalytique, qui aurait empêché l'éclosion de méthodes plus efficaces dans les milieux scientifiques, universitaires, hospitaliers ou médico-sociaux.

Quoi qu'il en soit, la France a été condamnée par le comité européen des droits sociaux (CEDS, réclamation n° 13/2002, 4 nov. 2003) pour méconnaissance des articles 15, paragraphe Ier, 17, paragraphe Ier, et E de la Charte sociale européenne (droit à l'éducation). Le CEDS a confirmé entre 2007 et 2013 (concl. France 2007, p. 27-29 ; concl. 2008, p. 20-21 ; concl. 2012, p. 25) que la France ne respectait toujours pas ses obligations en matière éducative, les financements dégagés dans le cadre des plans autisme restant insuffisants. Une autre réclamation (n° 81/2012, Action européenne des handicapés c/ France), qui porte sur les problèmes d'accès des enfants et adolescents autistes à l'éducation et sur l'accès des jeunes adultes autistes à la formation professionnelle, a donné lieu à une nouvelle condamnation par le conseil des ministres (Résolution CM/ResChS [2014] 2 du 5 févr. 2014) pour violation de l'article 15, paragraphe Ier, en ce qui concerne le droit des enfants et adolescents autistes à la scolarisation en priorité dans les établissements de droit commun, le droit à la formation professionnelle des jeunes autistes, l'absence de prédominance d'un caractère éducatif au sein des institutions spécialisées prenant en charge les enfants et les adolescents autistes, et violation de l'article E lu en combinaison avec l'article 15, paragraphe Ier, parce que les familles n'ont pas d'autre choix que de quitter le territoire national aux fins de scolarisation en milieu scolaire spécialisé de leur enfant autiste, ce qui constitue une discrimination directe à leur encontre, et de ces deux mêmes articles en raison du contexte budgétaire restreint appliqué au plan autisme concernant la scolarisation des enfants et adolescents autistes qui désavantage indirectement ces personnes handicapées. La défense du gouvernement français, qui invoquait le contenu du troisième plan autisme (2013-2017) et l'amélioration de la situation depuis le lancement du deuxième plan autisme, a été écartée.

La jurisprudence administrative est dans le même sens : le droit à la scolarisation étant une liberté fondamentale pour l'enfant handicapé, l'Etat ne peut pas se réfugier derrière le manque de moyens pour ne pas mettre effectivement en oeuvre ce droit (CE 8 avr. 2009, n° 311434, M. et Mme Laruelle, LebonDocument InterRevues ; AJDA 2009. 1262, concl. R. Keller ; RDSS 2009. 556, note H. RihalDocument InterRevues).

L'un des effets bénéfiques du jugement du TCI de Rennes sera certainement de contribuer de manière décisive à faire sauter l'un des obstacles mis (délibérément, faute de moyens ?) par les MDPH et les CADPH au libre choix par les parents d'enfants autistes de méthodes développementales innovantes et prometteuses. La recommandation de la HAS du 8 mars 2012 ne pourra plus être instrumentalisée à cet effet par les MDPH et les CADPH. Rien que pour cela, le jugement du TCI de Rennes du 12 septembre 2014 fera date.
père autiste d'une fille autiste "Asperger" de 41 ans

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