Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

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Jean
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Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#1 Message par Jean » mercredi 19 avril 2017 à 21:32

Traduction par PY

Journal of Marital and Family Therapy

« Nous ne serons jamais normaux » : 
l’expérience de la découverte du TSA 
chez un partenaire
Laura F. Lewis, University of Vermont 1

Les forums Internet et la littérature profane suggèrent que les partenaires 
de personnes avec un trouble du spectre autistique (TSA) connaissent 
la dépression, la détresse et un traumatisme dans leurs vies quotidiennes, des troubles accentués pendant la période du diagnostic. Dans cette analyse de contenu, 29 participants ont répondu à un questionnaire en ligne à énoncé non-limitatif leur demandant de décrire par écrit leurs expériences de la découverte pendant leur relation que leur partenaire est affecté d’un trouble du spectre de l’autisme. Six thèmes se dont détachés, dont : faire face à des difficultés uniques dans les relations ; inciter les partenaires à rechercher un diagnostic ; le choc initial et le soulagement ; la perte de l’espoir d’une vie normale ; les arrangements dans la relation ; et la recherche d’une aide professionnelle. Les thérapeutes du mariage et de la famille devraient assister ces couples à minimiser les reproches, promouvoir la conscience de soi, trouver des attentes appropriées dans la relation et atteindre une compréhension mutuelle. Une recherche plus approfondie devrait étudier l’expérience générale des relations neuro-mêlées chez les deux partenaires.

Dans le monde, approximativement un enfant sur cent est affecté d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA), des rapports estiment que la prévalence est équivalente chez les adultes (Brugha et al., 2011 ; Centers for Disease Control & Prevention [CDC], 2016). Bien que les déficiences intellectuelles soient une comorbidité courante, 46% des personnes avec TSA ont des quotients intellectuels moyens ou supérieurs (Centers for Disease Control & Prevention [CDC], 2014). Les rapports estiment que plus de la moitié des personnes avec un TSA de haut niveau, comme celles précédemment qualifiées d’un « syndrome d’Asperger », n’est pas diagnostiquée, un diagnostic très tardif est courant (Baron-Cohen et al., 2009). Jusqu’à la moitié de ces personnes sont engagées dans des relations intimes de long-terme et elles sont nombreuses à rester sans diagnostic après le début de ces relations (Hofvander et al., 2009 ; Lehnhardt et al., 2013 ; Myhill & Jewel, 2008).

Selon le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th edition (DSM-5), le TSA est caractérisé par « un déficit persistant de la communication et de l’interaction sociales » et « des modèles restreints et répétitifs de comportements, intérêts ou activités » causant « une détérioration clinique évidente dans les domaines sociaux, professionnels ou d’autres domaines importants du fonctionnement courant » (American Psychiatric Association [APA], 2013, p. 50). La communication et l’interaction sociales sont des composantes critiques dans la plupart des relations de couple, il doit donc être assumé que de tels déficits influencent les dynamiques des relations neuro-mêlées (dans lesquelles un partenaire est affecté d’un TSA sans que l’autre ne le soit).

D’ailleurs, la littérature profane comme la littérature universitaire non évaluée par des pairs étayent cette hypothèse. De nombreux livres et guides de développement personnel sont publiés pour les deux partenaires d’une relation neuro-mêlée pour assister les couples dans l’interaction entre eux et faire « marcher » leur relation dans un contexte de TSA (Aston, 2009 ; Bentley, 2007 ; Miller, 2015 ; Moreno, Wheeler & Parkinson, 2012 ; Simone, 2009, 2012). Ces livres insistent sur les défis uniques auxquels font face ces couples et fournissent quelques stratégies pratiques pour les relever.

Pareillement, les forums publics en ligne de soutien aux partenaires de personnes avec TSA sont remplis de commentaires sur les difficultés dans les relations neuro-mêlées. Dans ces commentaires, les partenaires « neurotypiques » (NT), ou les partenaires sans TSA, décrivent des sentiments de dépression, de solitude, de détresse, de colère, de confusion et de traumatisme. Par exemple, certains décrivent des difficultés financières causées par l’impossibilité pour leur partenaire de travailler, du fait des symptômes du TSA ; d’autres décrivent des partenaires ne participant plus aux relations sexuelles, quelques uns rapportent que leurs partenaires ont des éclats de colère incontrôlés. Nombre de ces personnes NT expriment leur frustration à des professionnels, ressentant qu’elles sont ignorées et que les thérapeutes du mariage et de la famille ne prennent pas en compte leurs préoccupations 
au sujet de leur partenaire.

En dépit de preuves solides d’un besoin de soutien dans la littérature profane et les forums communautaires en ligne, peu d’études de recherche se sont penchées sur les expériences des partenaires NT de personnes avec TSA. Des études ont interrogé les expériences des parents, de la fratrie, des grands-parents de personnes avec TSA (Gray, 2006 ; Margetts, Le Couteur, & Croom, 2006 ; Moodie-Dyer, Joyce, Anderson-Butcher, & Hoffman, 2014 ; Orsmond & Seltzer, 2007), mais il y a un manque de recherche sur les partenaires. En fait, une étude systématique de la littérature sur la satisfaction de vie des femmes NT engagées dans une relation neuro-mêlée a conclu qu’il y a « une pénurie de littérature de bonne qualité, basée sur les preuves, sur laquelle appuyer toute conclusion sur le bien-être psychosocial des femmes NT partenaires de personnes avec [syndrome d’Asperger] » (Bostock-Ling, Cumming, & Bundy, 2012, p. 102).
Depuis lors, dans un mémoire phénoménologique détaillé, Rench (2014) a interrogé dix épouses NT, actuelles ou passées, de personnes avec TSA et signalé « un modèle de maltraitance du partenaire intime si généralisé qu’il se présentait comme le mode de vie de ces couples » (p. 4) et recommandé un dépistage du trouble de stress post-traumatique chez les partenaires. Il est à noter que trois des dix participantes sont divorcées et que l’une d’entre elles à l’intention de divorcer de son mari. Wilson, Beamish, Hay, et Atwood (2014) ont conduit une étude théorique à base empirique sur les modèles de la communication entre des partenaires NT et TSA et trouvé que les partenaires NT « rendaient compte de besoins fréquemment non satisfaits du fait de l’interaction limitée ou inadéquate avec leurs partenaires [TSA] » (p. 5). Ils ont aussi trouvé que les participants NT croyaient que leurs relations étaient différentes des relations « normales » et décrivaient un manque de liens dans ces relations. Il existe un besoin marquant d’étude plus approfondie sur l’expérience des personnes NT dans les relations neuro-mêlées.

Pour entamer l’examen de l’expérience des partenaires d’adultes avec TSA, cette étude a exploré les événements majeurs de la découverte par le partenaire NT du TSA de son conjoint. Sur les forums de soutien en ligne, les partenaires NT exprimaient plus de commentaires décrivant la dépression, le chagrin et la détresse pendant la période précédant et suivant immédiatement la découverte du diagnostic de TSA de leur partenaire.

En observant spécifiquement l’expérience de l’obtention d’un diagnostic de TSA, la littérature profane et les forums Internet suggèrent que les partenaires de ces personnes peuvent faire face aux mêmes défis que les parents d’enfants diagnostiqués. Les parents d’enfants avec TSA expriment le sentiment d’être ignorés et congédiés par les professionnels de santé et les écoles, s’entendant souvent dire que les comportements sont dus à des styles de parentalité ne satisfaisant pas les besoins de l’enfant ou que l’enfant surmontera ses problèmes comportementaux (Moodie-Dyer et al., 2014 ; Siklos & Kern, 2007). Elles indiquent aussi avoir consulté une moyenne de 4,5 professionnels avant d’obtenir un diagnostic (Siklos & Kern, 2007). Quand elles parviennent à un diagnostic, elles sont nombreuses à ne plus faire confiance aux professionnels dans leur ensemble (Solomon & Chung, 2012).

De la même façon, les partenaires d’adultes sur les forums Internet décrivent des sessions de thérapie dans lesquelles leurs difficultés sont attribuées à leur manière d’interagir avec leurs partenaires, ou simplement à une incompatibilité. De nombreuses autres rapportent que leurs partenaires refusent de se rendre en thérapie, donc les problèmes ne sont jamais complètement compris ou résolus. Les partenaires décrivent des années de colère, d’anxiété et de dépression quand elles font le tri parmi les symptômes dans une tentative d’atteindre un diagnostic. Cependant, ces rapports ne sont qu’anecdotiques. Par conséquent, le propos de cette analyse de contenu a été d’observer spécifiquement l’expérience du diagnostic et de répondre à la question de recherche : Quelle est l’expérience de la découverte d’un TSA chez son partenaire ?

Méthodes


Participants

Les critères d’intégration à cette étude furent que les participants aient été engagés dans une relation, pendant au moins deux ans, avec un partenaire ayant été formellement diagnostiqué de TSA, ou informellement jugé comme satisfaisant aux critères d’un diagnostic de TSA par un professionnel de la santé mentale. Cette durée de deux ans a été choisie pour s’assurer que les relations avaient une nature de long-terme. Les participants ont rapporté par eux-mêmes qu’ils n’étaient pas affectés de TSA. Les partenaires des participants devaient être âgés de 18 ans au moins au moment de leur diagnostic de TSA. Les partenaires des participants pouvaient satisfaire aux critères des DSM-IV ou DSM-V, puisqu’il était peu probable que ces personnes aient été à nouveau diagnostiquées après la publication du DSM-V, elles pouvaient donc en conséquence être diagnostiquées de TSA, de syndrome d’Asperger, d’autisme de haut niveau, de trouble envahissant du développement ou d’autisme classique.

Collecte des données

L’University Institutional Review Board (IRB) a donné son approbation. Les participants ont été recrutés par l’intermédiaire de plateformes de discussion, de forums et de groupes de soutien en ligne (à la fois publics, privés ou secrets) consacrés aux partenaires de personnes avec TSA, avec l’accord des modérateurs des sites web. Le recrutement en ligne et la collecte des données a permis d’accéder à une population difficile à atteindre par un autre moyen. Bien qu’il existe en ligne de nombreuses communautés actives de partenaires d’adultes avec TSA, il y a peu de groupes constitués. Les participants intéressés ont été dirigés vers le site web de l’étude, une page sécurisée par un chiffrement Secure Socket Layer (SSL), où il leur était demandé de répondre par écrit à la déclaration : « Merci de décrire votre expérience de la découverte d’un trouble du spectre autistique chez votre partenaire. Merci de partager toutes pensées, sentiments et expériences spécifiques. » Une information démographique a aussi été recueillie.

Analyse des données

Les données ont été analysées en utilisant la méthode d’analyse de contenu de Krippendorff, « une technique de recherche pour obtenir des inférences reproductibles et valides depuis des textes (ou tout autre support significatif) jusqu’aux contextes de leur utilisation » (2013, p. 24). Après lecture de toutes les réponses, des « unités thématiques » ont été identifiées dans chaque témoignage des participants pour utilisation dans l’analyse. Une unité thématique était définie comme toute suite de mots décrivant une pensée, un sentiment ou une expérience spécifique sur le fait d’être le partenaire d’une personne avec TSA dans la période entourant le processus de diagnostic.

Une fois extraites, ces unités thématiques ont été rassemblées, ce que Krippendorff décrit comme « la formation de touts perceptifs avec des éléments qui sont liés, vont ensemble ou ont des sens communs, tout en les séparant des éléments dont les relations semblent accidentelles ou dépourvues de sens » (2013, p. 205). Les unités qui semblaient très similaires ont été rassemblées et identifiées comme des groupes, ces groupes ont alors été comparés et regroupés selon leurs similitudes. Ce procédé a été poursuivi jusqu’à ce qu’il ne reste plus d’éléments à rassembler. L’illustration 1 fournit l’exemple d’un dendrogramme, un diagramme arborescent décrivant le déroulement de ce regroupement. Finalement, six thèmes ont émergé de ce processus.

Rigueur et fiabilité

Morse recommande que les chercheurs adoptant une méthode qualitative reviennent à l’examen de la « rigueur » par la fiabilité, la validité et la généralisabilité des découvertes qualitatives (2015). Morse décrit la validité comme « la façon dont la recherche rend bien compte du phénomène réel » (2015, p. 1213). Pour s’assurer de la validité, la chercheuse a fourni des citations riches pour illustrer les thèmes. L’épaisseur des données a été assurée par l’augmentation de l’étendue de la taille de l’échantillon et la poursuite de la collecte de données jusqu’à ce que la chercheuse estime que la saturation était atteinte à la fois dans la qualité et la quantité des réponses.

L’analyse des cas négatifs a aussi été utilisée pour examiner la validité, comme le décrit Morse, « les cas négatifs fournissent souvent la clé de la compréhension de la norme » (2015, p. 1215). Dans cette étude, deux cas ont été identifiés dans lesquels les participantes décrivaient des relations très positives avec leurs partenaires avec TSA (identifiants des participantes : 04, 17). À la différence de l’analyse quantitative, dans laquelle ces cas pourraient avoir été rejetés comme des valeurs aberrantes, ils ont été comparés à la majorité des cas dans lesquels les aspects négatifs des relations ont été décrits, ce qui a révélé des différences entre ces expériences dans leur ensemble.
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illustration 1. Exemple d’un dendrogramme pour le thème 4 : perdre l’espoir d’un changement

Le journal réflexif a aussi été utilisé dans une tentative d’identification des « biais de l’éléphant rose », ou de l’idée que le chercheur puisse inconsciemment utiliser des données pour « prouver » des idées préconçues (Morse, 2015 ; Morse & Mitcham, 2002). En l’espèce, la chercheuse a consulté une quantité de livres sur les TSA et un membre de sa famille est affecté de TSA, ainsi que l’expérience d’une recherche sur les adultes avec TSA dans le cadre d’une étude précédente. Les entrées du journal de la chercheuse se concentraient sur son souvenir du processus de diagnostic du membre de sa famille, en commençant par l’expérience de la découverte du TSA pour la première fois et s’achevant avec les émotions ressenties à la conclusion du diagnostic. Ces entrées comprenaient des souvenirs à la fois positifs et négatifs, dont des sentiments personnels de choc, de négation, d’acceptation et d’une compréhension grandissante au fil du temps. Les entrées décrivaient aussi ses perceptions positives et négatives de la thérapie du membre de sa famille.

Les données sont « fiables » si les mêmes résultats seraient obtenus par la réplication de l’étude (Morse, 2015). Morse suggère que la vérification des membres devrait se produire principalement avec des personnes n’ayant pas déjà participé à l’étude, « une telle réplication détermine les modèles normatifs du comportement, et atteint donc à la fiabilité » (2015, p. 1218). Une fois l’analyse complète et les thèmes définis, la chercheuse a recruté de nouvelles participantes et leur a demandé de lire les thèmes et leurs descriptions. Il a été demandé à ces participantes de fournir un retour sur la capture correcte ou non de l’expérience de la découverte d’un diagnostic de TSA chez un partenaire par l’analyse. Les retours de ces participantes a été pris en considération dans le contexte plus large de l’analyse des conclusions.

Par exemple, dans le résumé des conclusions proposé aux participantes pour un retour, la chercheuse a écrit :
Certaines ont dit avoir toujours su que quelque chose était différent, ou avoir toujours connu des difficultés dans la relation. D’autres ont décrit leur partenaire comme des « acteurs », capables de s’intégrer et de leur cacher les traits autistiques au début de la relation, souvent capables de cacher leurs difficultés à des tiers extérieurs à la relation.

Une participante a répondu : « Je suis d’accord sur tout, à l’exception de la partie du thème 1 dans laquelle il est dit que les partenaires « cachent leurs traits ». Mon partenaire n’a jamais caché ses traits ou ses bizarreries » (identifiant de la participante : 27). En dépit du désaccord de cette participante, la chercheuse a estimé que des modifications n’étaient pas nécessaires du fait de ce retour, son expérience individuelle devant avoir été enregistrée de toute façon. Après ces retours, seuls de petits ajustements ont été apportés à l’analyse finale.

La généralisabilité est obtenue par la « décontextualisation » et l’ « abstraction » des thèmes principaux (Morse, 2015). Dans ce cas, les titres des thèmes sont présentés comme des citations représentatives suivies par les concepts abstraits. De la même façon, chaque thème est décrit abstraitement avec des exemples en contexte de citations des participantes pour fournir la preuve de la validité du thème dans les données.

Résultats


Échantillon

L’échantillon comprenait 29 partenaires de personnes diagnostiquées à l’âge adulte d’un TSA. Le tableau 1 présente les caractéristiques démographiques de cet échantillon. Il était essentiellement composé de femmes (deux participants masculins, identifiants : 22,29), blanches, mariées, bien éduquées. Un partenaire a indiqué qu’il était dans une relation homosexuelle (identifiant : 29). La plupart des participants avaient des enfants (89%), parmi ceux-là, 13 des 24 participants ont signalé avoir au moins un enfant avec un diagnostic formel (33%) ou une suspicion (21%) de TSA, alors que 2 sur 24 ont signalé que leur enfant 
était trop jeune pour un diagnostic (8%). Parmi les personnes mariées, 33% ont signalé au moins une séparation légale ou informelle de leur conjoint pendant le mariage. Une seule participante était séparée de son partenaire au moment de l’étude (identifiant : 24), et une partenaire a signalé qu’elle et son mari étaient mariés et « ensemble » mais vivaient dans des maisons différentes (identifiant : 03). Un tiers des participants (33%) signalé avoir vécu un mariage précédent avant leur relation avec ce partenaire. Aucun des participants ne savait que leur partenaire avait un TSA au début de leur relation, seuls deux participantes connaissaient le diagnostic au moment de leur mariage (identifiants : 11, 17).

Au total, 151 unités thématiques ont été extraites des protocoles. Six thèmes capturant l’expérience de la découverte d’un TSA chez son partenaire ont émergé. Dans le premier thème, les participants ont décrit avoir une intuition que leur relation était différente dès le début et ont réalisé qu’il y avait des difficultés conséquentes dans l’avancée de la relation. Dans le second thème, les participants ont décrit la découverte du TSA et la conclusion que leur partenaire pourrait satisfaire aux critères de diagnostic, ils sont nombreux à avoir atteint un point de rupture, aboutissant à leur insistance pour que leur partenaire soit évalué. Le troisième thème insistait sur la validation ressentie initialement par les participants après leur découverte que leurs partenaires étaient affectés d’un TSA, la nouvelle compréhension que leur a apporté le diagnostic. Le quatrième thème décrivait la période de deuil consécutive quand les participants ont senti qu’ils perdaient l’espoir d’une relation « normale ». Dans le thème cinq, les participants ont décrit les moyens par lesquels ils ont adapté leur relation en prenant en compte le TSA. Finalement, dans le sixième thème, les participants ont déploré le manque de soutien qu’eux et leurs partenaires ont obtenu tout au long du processus de diagnostic et par la suite. 
Les thèmes sont détaillés dans les sections suivantes. Les identifiants numériques des participants sont fournis après chaque citation pour illustrer l’étendue des réponses.
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« Quelque chose n’allait pas » : les problèmes apparaissent


Presque tous les participants ont dit avoir fait face à des difficultés dans leurs relations du fait des traits autistiques de leurs partenaires. Pour beaucoup, ils « ont toujours su que quelque chose n’allait pas » (21) et ont dû lutter dès le début de leurs relations. Une participante a dit, « notre relation a toujours été difficile » (16), et une autre, « j’ai été mariée pendant 21 ans à un homme que je ne pouvais pas comprendre » (06).

Les participants décrivent des difficultés relationnelles faisant écho aux symptômes du TSA présentées dans le DSM-5. Par exemple, de nombreux participants ont décrit des difficultés de communication correspondant aux « déficits dans la réciprocité sociale-émotionnelle » 
(APA, 2013, p. 50), comme « nous entrions dans des difficultés en essayant de communiquer nos sentiments » (15) et « j’essayais d’ouvrir le dialogue et soit il m’ignorait complètement ou répondait ‘Je ne sais pas’ ou ‘Je m’en fous’ » (09). Une autre a indiqué que son mari ne lui fournissait « aucun support émotionnel » (04).

Nombre d’entre elles ont aussi décrit « un manque de sexe » (02). Par exemple, une participante a écrit, « quand nous nous sommes mariés, le sexe s’est arrêté et il le tolérait seulement une fois tous les six mois ou à peu près, il faisait bien savoir qu’il détestait ça » (03). Une autre a partagé, « je suis celle qui initie l’acte sexuel. Il dit qu’il ne le fait pas parce qu’il ne sait jamais quand il en a envie » (09). Ces difficultés sexuelles peuvent être liées aux symptômes du TSA comme « une hyper- ou hypo-réactivité aux influx sensoriels » et aux « déficits dans les comportements communicatifs non-verbaux utilisés dans l’interaction sociale » (American Psychiatric Association [APA], 2013, p. 50).

D’autres ont décrit des modèles de pensée restreints : « sa pensée est inflexible » (16), « rigidité de la pensée » (04). Les symptômes d’effondrement étaient aussi fréquents, les personnes décrivant leurs partenaires comme « colériques » (06) et ayant « des problèmes de colère » (04, 09), dont l’indication que le mari d’une participante « a frappé notre fils dans un accès de rage soudain » (16).

D’autres participants ont rapporté que leurs partenaires étaient capables de s’intégrer et de cacher initialement au participant leurs traits, souvent capables de cacher leurs difficultés aux tiers extérieurs à la relation. L’une d’elles a qualifié son mari d’ « acteur », disant, « je pense que c’est la façon dont il s’en est sorti si longtemps parce qu’il imitait si bien » (02). Un autre a dit que son partenaire avait « une image de chevalier dans une armure brillante », disant que quand il l’a rencontré pour la première fois, « son envie de partage était très séduisante, tout comme sa présentation grandiose » (29). Ces participants ont décrit des changements radicaux au moment de l’aménagement commun ou du mariage avec leurs partenaires.

« Faire le lien » : insister pour un diagnostic

Dans de nombreux cas, les participants ont commencé à faire des recherches en ligne ou à parler à un thérapeute des difficultés dans leur relation et sont parvenues à une description du TSA. D’autres avaient un enfant avec TSA et ont réalisé avec le diagnostic de leur enfant que leur partenaire avait lui aussi un TSA. De nombreux participants ont demandé à leur partenaire de compléter un test en ligne du TSA ou de consulter un thérapeute. Un participant a rapporté que son partenaire « évitait le conseil de son thérapeute d’être testé, jusqu’à ce que j’utilise les mots clés ‘cela signifierait beaucoup de choses pour moi si…’ » (29).
De nombreux participants ont décrit avoir fixé un ultimatum à leurs partenaires, les menaçant d’une fin de la relation si ils ne recherchaient pas une évaluation formelle et/ou une aide professionnelle. Les participants ont dit, « pendant trois ans j’ai demandé à mon mari d’être testé et un jour nous avons eu une grosse dispute et je l’ai menacé de partir si il n’obtenait pas d’aide » (09) et « j’ai dit à mon mari qu’il devait aller voir un thérapeute. C’était un ultimatum. Travaille sur toi ou le mariage prend fin » (02). Une autre a partagé, « je lui ai fait savoir que je demanderais le divorce, à moins qu’il ne soit évalué pour un TSA » (23).
La méconnaissance a souvent joué un rôle dans la volonté des partenaires à rechercher un diagnostic. Une participante explique, « il ne reconnaissait pas sa maladie donc il était très difficile de lui faire suivre un traitement. Je ne lui ai pas laissé le choix et l’ai emmené chez un psychiatre » (12). Une autre a rapporté que son mari a complété un test et obtenu un score élevé « à la fois avec et sans mon aide (il ne reconnaissait pas, par exemple, avoir des obsessions) » (16).
Dans quelques cas, le partenaire avec TSA avait déjà connaissance de son diagnostic et le révélait à la participante, souvent fortuitement et sans autre information. Une participante a dit, « mon partenaire est entré dans la pièce et m’a annoncé abruptement qu’il avait le syndrome d’Asperger alors que je me m’apprêtais à partir au travail » (13), et une autre, « il m’a fortuitement mentionné qu’il était ‘un peu autiste’ » (15).

« Je n’étais pas folle » : le choc initial, la validation et la compréhension


Une fois leurs partenaires diagnostiqués, formellement ou informellement, de nombreuses participantes ont dit avoir été choquées, bien qu’elles suspectaient déjà le diagnostic. Les participantes ont dit, « au début, je me suis sentie comme si le monde s’était écroulé » (10) et « le sentiment d’être perdue. Que faire maintenant ? Je ne connais même pas cette personne. Tout ce que je pensais être, n’est plus. Qu’est-ce qui EST vrai ??? » (07). Une participante a questionné, « je veux dire, je devrais le savoir si je m’étais vraiment mariée à une personne autiste, non ? » (03).

Le choc ouvre la voie à « un soulagement immense » (01) et à la validation. Les participants disent, « c’était une sorte de soulagement d’avoir cette confirmation » (14), et « la validation a été énorme. Je n’étais pas folle, je n’avais pas imaginé des choses, c’était bien vrai ! » (07). De nombreuses participantes ont utilisé des phrases comme : « il n’était pas seulement un salaud » (01, 02, 18).

De nombreux participants ont décrit avoir une explication pour les comportements spécifiques ou des « réponses » (21, 22, 23). Une participante écrit, « la première pensée a été le soulagement d’obtenir un nom pour ce qu’il se passait dans sa tête, tout ce qu’il se passait depuis 31 ans » (21). Les participants ont réévalué leurs passés avec une nouvelle compréhension. L’une des participantes remarque, « la tête me tournait quand je pensais à notre histoire commune de trente ans, sa vie avant notre rencontre. Tant de situations et de conflits, aujourd’hui facilement explicables par ce nouveau diagnostic » (23), et un autre,
C’était comme une ampoule s’éteignant dans nos cerveaux alors que nous réalisions ses réactions et ses maniérismes… C’était un soulagement pour nous deux qu’il y ait maintenant une explication à tant de questions et d’incertitudes passées (22).

Une participante résume, « après toutes ces questions, les pièces du puzzle de toutes sortes de comportements déconcertants commençaient à s’organiser » (02). Les participants ont décrit un espoir initial que ce diagnostic soit un nouveau départ pour leur relation.

« Nous ne serons jamais normaux » : perdre l’espoir d’un changement

Après le soulagement initial, de nombreuses participantes ont décrit une période de deuil. Elles se sentaient « perdues » (07), « en colère » (03),  « stressées » (04, 12). Avant tout, elles décrivaient un sentiment de « désespoir » (02, 07, 10, 11 et 18) pour l’avenir. Elles sentaient que le diagnostic leur apportait de la clarté, mais aussi que les difficultés rencontrées dans leur relation seraient permanentes, que leurs partenaires ne seraient pas capables d’amélioration. Une participante a partagé, « pour la première fois, cela a expliqué beaucoup de choses dans les comportements de mon partenaire, mais en même temps je réalisais notre différence, je ressentais comme l’envol d’une part de tous mes espoirs » (10). Une autre dit, « je me sentais dépourvue. C’est alors que j’ai su qu’il ne pourrait ou ne pouvait jamais changer » (06), et une autre, « j’étais blessée et en colère, parce que je n’aurai jamais le mariage normal pour lequel j’ai tant travaillé » (03).

Certaines participantes ont perdu l’espoir que leurs partenaires soient capables de satisfaire leurs besoins émotionnels : « le diagnostic m’a donné une lueur d’espoir, mais maintenant, plus j’en apprends, plus je réalise que la vie est sans espoir avec un partenaire aspie. (…) Dans toute ma vie, mes besoins ne seront jamais satisfaits » (18), et, « j’ai été frappée par un profond sentiment de deuil. Tous mes espoirs et mes rêves de mariage se sont envolés. (…) Mon mari pourrait ne pas pouvoir être le mari que je veux, dont j’ai besoin » (01). Une autre partage, « j’ai appris qu’il n’y avait aucun espoir qu’il devienne un système de soutien spontané ou naturel pour moi » (02).

D’autres décrivent le sentiment d’être « piégées » (06, 12). Les participantes disent, « je dois vivre le reste de ma vie comme une prisonnière célibataire, ou être une divorcée d’âge moyen aigrie » (18) et « je ne l’aime plus. (…) Je me sens piégée dans un simulacre de mariage » (06). Une autre partage, « il n’y avait personne d’autre pour l’aider, donc je ne croyais pas que le quitter était une option » (12).

De nombreuses participantes ont réfléchi sur les dommages causés par leur manque de connaissance du TSA de leur partenaire pendant les années de vie commune. Une participante écrit, « le diagnostic m’a fait réaliser que j’avais subi un traumatisme, pendant tant d’années » (23). Quelques unes décrivent l’expérience d’être incomprises ou ignorées quand elles essaient de partager leurs préoccupations avec les autres. Par exemple, une participante partage, « on ne me croyait généralement pas, ou mes commentaires étaient ‘minimisés’, j’ai donc appris à ne pas parler de ces choses » (14). Une autre a écrit :
La frustration de ces années sans être écoutée, sans être crue, à entendre que c’était moi le problème, avec tant de gens voyant M. le Gars Bien et me disant quelle chance j’avais, combien il était merveilleux (et il l’était dans de nombreux domaines !), ces années à voir mon mari saccager nos relations familiales avec ses mauvaises interprétations des milieux sociaux et des gens. Tout est venu ensemble et m’a presque désarçonnée, à un moment où je m’attendais à connaître le soulagement, l’espoir et une nouvelle relation. Rien de tout ça n’est arrivé (07).

Les participantes s’inquiétaient de ce que l’avenir allait leur apporter. Comme l’a écrit l’une d’elles, « je ne suis pas sûre que les choses vont suffisamment s’apaiser pour que je puisse rester » (16).

Une seule participante a indiqué qu’elle sentait que son mari était capable de la soutenir d’une façon qu’elle attendait avant de connaître son TSA. Elle écrit, « j’appréhendais beaucoup de poursuivre une relation avec quelqu’un dont je savais qu’il ne comprendrait jamais. Comme j’avais tort ! » (17). Elle se décrit comme ayant un grand rôle de soutien dans leur relation, mais indique aussi que son mari voulait en savoir plus sur les TSA et travaillait avec elle à l’amélioration de leur relation.

« Changer mon état d’esprit » : faire des compromis et arrangements

Les participants ont indiqué avoir appris tout ce qu’ils pouvaient sur les TSA. Cette connaissance leur a permis de faire les changements qui satisferaient les besoins uniques de leur relation. Par exemple, le mari d’une participante a révélé son diagnostic à son travail, ce qui a soulagé sa crainte qu’il perde son emploi « du fait de la non compréhension par les autres des erreurs de mon partenaire dans une circonstance urgente au bureau » (14). Le diagnostic a aussi encouragé quelques participantes à fixer des limites dans leur relation :

Il a peut-être des traits autistiques mais ça ne veut pas dire que je doive interagir avec eux de la façon dont je le faisais avant. Je ne ruminerai pas avec lui. Je n’aurai pas de disputes sans fin. Je ne resterai pas si il s’engage à nouveau dans des pratiques addictives, je n’ai pas à le dorloter pendant une crise. Il a appris par son thérapeute que ces comportements sont justes et sains. Je le remercie pour ça (02).

Nombre d’entre elles ont saisi l’opportunité d’atténuer les domaines difficiles pour leur partenaire. Une participante dit, « j’écris les listes, organise nos calendriers, explique ce que j’attends qu’il fasse chaque jour, gère nos finances et ça marche beaucoup mieux. La vie n’est pas sans difficultés, mais n’est-ce pas le cas de tous ? » (04). Une autre écrit,

  • J’accepte de devoir faire plus de compromis et d’être celle qui se débrouille avec ce qui doit être fait, prendre mon temps pour bien choisir mes mots et le moment, être très patiente (26).


Toutefois, d’autres souffrent des compromis qu’elles sentent devoir faire :
  • Je me retrouve à devoir jouer le rôle principal dans 95% de notre mariage. Je suis tout, la planificatrice, l’organisatrice, la mère, je résous les problèmes,… et à la fin de la journée vous en arrivez à croire que vous jouez le rôle de sa thérapeute privée (20).


La pensée de s’impliquer encore plus dans la relation a été écrasante pour quelques unes : « je savais que ça ne partirait pas, mais j’étais déjà asséchée en quelque sorte, la pensée de devoir apprendre de nouvelles façons d’interagir a vidé le peu d’énergie qu’il me restait » (02).
Plusieurs participantes ont écrit leur regret de ne pas avoir connu le diagnostic plus vite, elles auraient alors pu adapter leur relation plus tôt. Une participante a écrit,
  • Les efforts que j’ai fournis pour essayer de faciliter le développement et la réussite de notre relation ont échoué, parce que je n’avais pas les bons outils, non seulement les mauvais outils mais j’essayais de les appliquer avec le mauvais langage (07).


Ce processus d’apprentissage du « parler la même langue » était en cours pour la plupart des participantes. Comme l’a écrit l’une d’elles, « j’en suis toujours à essayer de changer mon état d’esprit pour interagir et communiquer avec lui selon ses termes » (09).

Quelques participantes ont ressenti le fait que la connaissance du diagnostic de leur partenaire leur a donné plus de patience, de compréhension et d’appréciation des difficultés endurées par leurs partenaires. Une participante écrit, « certains de ses comportements me frustrent, mais dans le cadre du TSA cela a du sens et je peux le comprendre. Je réalise aussi que je lui rends la vie infernale parfois » (26) Une autre a écrit, « maintenant que je comprends les difficultés qu’il rencontre, je suis ébahie par sa capacité à s’en sortir et à contourner ses handicaps » (12), et une autre, « je suis aussi reconnaissante pour l’influence positive que mon partenaire à eue, continue d’avoir, sur la façon dont je vois le monde » (14).

« Je ne peux pas le faire seule » : un besoin désespéré d’aide

De nombreuses participantes ont indiqué que leurs partenaires ont refusé de rechercher un soutien après avoir été formellement ou informellement diagnostiqués d’un TSA, détruisant l’espoir qu’elles avaient formé initialement à la réalisation du diagnostic. Une participante a écrit,
  • Je pensais [que son diagnostic] allait entraîner une action de sa part, mais il n’a pas recherché d’aide supplémentaire. Quand nous avons commencé à avancer vers un diagnostic, j’avais le grand espoir d’une meilleure vie pour lui, donc pour nous. Sans grand changement, cela a été assez décevant (11).


D’autres ont aussi décrit leur partenaire comme étant « dans le déni » (06), par exemple en disant, « il n’est pas prêt à accepter une aide, ou à admettre qu’il a besoin d’aide » (26).

D’autres ont témoigné que leurs partenaires recherchaient de l’aide mais n’en trouvaient aucune. Une d’entre-elles a dit, « j’ai dû faire tout le travail de recherche de soins pour mon partenaire et je n’avais qu’une très petite idée de vers qui me tourner pour trouver cette aide » (12), et une autre, « le médecin ne semblait pas vouloir nous aider plus, pour qu’il s’en tire mieux. (…) Parce qu’il ne sait pas comment se débrouiller, c’était une bataille de tous les jours, jusqu’à ce que nous trouvions de l’aide (…) » (21). Certaines ont reçu une aide minimale, mais sans que cela fasse une vraie différence dans leur relation. Par exemple, une participante a indiqué que des professionnels ont tenté d’aider son mari sans prendre en compte son TSA. Elle a écrit, « tout était traité sous le parapluie NT, avec l’attente que mon mari soit capable d’utiliser les stratégies offertes d’une façon NT — le mauvais langage » (07). Une autre participante a rapporté que son cousin a été diagnostiqué d’un TSA pendant l’enfance et a perdu tout soutien en devenant adulte. En se basant sur ses expériences passées, elle a écrit, « je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait des améliorations après le diagnostic » (24).

Hormis une aide pour leurs partenaires, les participantes attendaient un soutien pour elles-mêmes. L’une d’elles a écrit, « pourquoi n’y a-t-il pas plus d’informations pour les partenaires ? Comment je dois gérer tout ça, entendu que je ne veux pas le quitter, je l’aime » (07). Une participante a expliqué comment le manque de soutien a contribué à un sentiment de désespoir :
  • Initialement j’étais soulagée parce que je pensais que [le diagnostic] entraînerait une sorte de traitement, une information, des réseaux de soutien et, avec un peu de chance, de nouvelles façons de communiquer seraient disponibles qui pourraient peut-être nous aider à sauver notre mariage. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Il ne montre aucun intérêt pour en savoir plus et aucun soutien ne semble disponible pour les partenaires. Aujourd’hui, je me sens désespérée et dévastée (18).


Elles sont nombreuses à avoir rejoint ou initié des groupes de soutien, en ligne ou non, mais la plupart sentent qu’elles auraient eu besoin de plus d’assistance. Une participante a conclu, « cela fait deux ans et je suis encore déboussolée ! » (03).

Discussion

Les participants à cette étude ont décrit un parcours solitaire tout au long du processus de diagnostic. Ils ont décrit les difficultés uniques de leurs relations qui ont fait apparaître les TSA au grand jour, puis ont alors travaillé avec leurs partenaires pour continuer et obtenir un diagnostic formel. Au moment du diagnostic, ils ont connu le choc initial et le soulagement, suivi par des périodes de perte et de deuil. Finalement, ils ont travaillé pour aboutir à des modifications dans leurs relations, mais sentent qu’ils ne sont pas capables de résoudre nombre de leurs conflits parce qu’ils ont manqué de l’assistance des systèmes de soutien professionnels.

Les interventions pour répondre aux besoins des couples neuro-mêlés devraient être développées avec cette préoccupation à l’esprit : que les deux membres du couple doivent apprendre à s’adapter à leurs différences, non pas à ‘guérir’ la personne avec TSA. Les résultats indiquent que les partenaires NT désirent souvent aménager leurs relations pour améliorer leur qualité de vie et celle de leurs partenaires TSA, mais manquent des connaissances et des compétences pour parvenir sans aide à de vraies améliorations.

Des stratégies telles que celles décrites dans le Asperger’s Couple’s Workbook, Aston (2009), devraient aider les partenaires à communiquer plus efficacement. Par exemple, les couples pourraient développer des mots-codes à utiliser quand ils sont dépassés pendant une discussion ou une dispute, pour signifier que la discussion devrait être reprise plus tard, particulièrement si le partenaire TSA détecte qu’il ou elle connaitra bientôt un effondrement ou un arrêt de la communication. Un mot-code pourrait aussi être utilisé par le partenaire TSA pour communiquer qu’il ou elle a besoin d’un temps de solitude. Les partenaires NT devraient être informés qu’il est raisonnable pour leur partenaire TSA d’avoir besoin de ce temps de solitude, qu’ils ne devraient pas prendre ce besoin pour une insulte personnelle, les couples devraient travailler ensemble avec leur thérapeute du mariage et de la famille pour déterminer la quantité de temps appropriée pour les besoins uniques de chaque couple (par ex., des partenaires avec TSA requérant 30 minutes de temps de calme chaque jour contre 4 heures quotidiennes de temps de calme).

De nombreux participants à cette étude ont aussi décrit les difficultés dans les relations sexuelles, leurs partenaires n’initiant pas l’acte sexuel du fait de leur incapacité à comprendre les signaux. Les partenaires NT doivent être informés que leurs partenaires avec TSA peuvent avoir des difficultés à lire la communication non-verbale et le langage corporel. Le couple pourrait créer un signal clair que le partenaire NT pourrait utiliser pour indiquer à leur partenaire TSA qu’ils sont intéressés pour le sexe et voudraient que leur partenaire TSA initie un contact sexuel. Un conseil sexuel devrait aussi être garanti, particulièrement pour les couples dans lesquels le partenaire TSA a des difficultés avec le contact physique ou a une hypersensibilité sensorielle extrême.

L’utilisation d’histoires sociales, dans lesquelles sont fournies aux individus un guide et des exemples d’interactions sociales dans un langage clair, pour améliorer leurs compétences de théorie de l’esprit, ont été efficaces pour aider les enfants avec TSA à répondre correctement aux situations sociales (Wright et al., 2016). Considérant les exemples des participants à cette étude, des versions adaptées de ces histoires sociales pourraient être utiles pour aider les couples à « parler la même langue » par l’illustration de comportements et d’attentes relationnelles appropriés, ainsi que la résolution de conflits passés à la souffrance persistante. Par exemple, une participante à cette étude a décrit une guérison par le réexamen de l’histoire de sa relation dans le contexte du TSA. Les couples pourraient revenir ensemble sur les situations ayant mené à des incompréhensions par le passé, chacun pouvant décrire à l’autre la façon dont ils interprétaient la communication. Cette stratégie peut aider à une compréhension mutuelle, une conscience de soi et une indulgence chez les deux partenaires pouvant ainsi améliorer leur communication future.

Les couples pourraient aussi trouver utile de discuter et d’explorer leurs meilleures stratégies d’apprentissage, par exemple en complétant un test en ligne comme le Learning Style Inventory, Barsch (1980). Chaque partenaire pourrait alors déterminer la façon dont ils préféreraient discuter d’une information importante. Par exemple, pour un apprenant auditif, il pourrait être utile pour un partenaire d’expliquer l’information importante et de laisser alors un message vocal avec l’information. Les apprenants visuels pourraient trouver utile pour leur partenaire de leur adresser un courrier électronique ou un message pour transmettre l’information importante, plutôt que d’engager une conversation orale. Comme l’a identifié une participante, tenir un calendrier partagé peut aussi être utile. Encore une fois, ces stratégies requièrent des compromis des deux partenaires. Les partenaires NT pourraient être frustrés par les efforts supplémentaires requis pour une bonne communication, et les thérapeutes du mariage et de la famille devraient être prêts à valider ces frustrations et travailler vers l’acceptation des approches de communication efficace.

Dans certains cas, les participants ont décrit l’acceptation de comportements abusifs et malsains dans toute relation (par ex., colère explosive, violence physique envers les enfants, refus de relation sexuelle ou ignorance des besoins sexuels du partenaire, etc.). D’autres ont décrit de la colère et de la tristesse dans leur relation qui indiquent leur propre potentiel à soumettre leur partenaire TSA à la maltraitance émotionnelle (par ex., reproches, dénigrement). Les professionnels de la santé doivent être vigilants dans l’observation des signes de violence domestique de la part de chaque partenaire quand ils travaillent avec des couples neuro-mêlés et indiquer aux couples les limites et les attentes appropriées. Par exemple, les partenaires NT doivent être avisés des effondrements et formés à leur réponse (par ex., accorder de l’espace privé pour l’apaisement, reporter des discussions importantes) mais les deux partenaires devraient aussi être informés que la violence physique, même pendant une crise, est inacceptable.

Les thérapeutes du mariage et de la famille ne devraient pas sous-estimer la force de la conscience et de la validation. Comme avec les parents d’enfants diagnostiqués d’un TSA, les découvertes indiquent que les résultats sont améliorés par un diagnostic précoce (Sansosti, Lavik, & Sansosti, 2012). Pour certains, la relation était irréparable avant même qu’un diagnostic ne puisse être posé. Même dans les cas bénins de TSA, la conscience peut pouvoir faire la différence entre le succès ou l’échec d’une relation.

En dehors de l’expérience du diagnostic, les participantes à cette étude ont écrit que des aspects de leur relation les faisaient se sentir « piégées », « déprimées », « seules » et « sans espoir ». Elles ont aussi décrit un « traumatisme durable » dans leur relation avant qu’elles n’aient connaissance du TSA, ce qui avait des effets persistants. Une étude de la santé mentale globale des partenaires de personnes avec TSA est justifiée, comprenant un examen de la fréquence de la dépression, de l’anxiété et des symptômes de stress traumatique. Des études futures devraient aussi examiner l’expérience générale de la vie avec un partenaire avec TSA en dehors de l’expérience diagnostique.

Il est à noter que 54% des participants à cette étude ne sont pas seulement les partenaires d’un adulte avec TSA, mais sont aussi les parents d’un enfant avec un TSA suspecté ou diagnostiqué. Les tensions que l’on sait exister chez les parents s’aggravent avec les tensions dues à la participation à un couple neuro-mêlé. Il existe peu d’études sur les styles parentaux des personnes avec TSA (Lau & Peterson, 2011). Des études futures devraient examiner l’impact familial de la parentalité neuro-mêlée du point de vue des partenaires TSA, des partenaires NT et des enfants de couples neuro-mêlés.

Limitations

Cette étude a été limitée par un échantillon homogène, la presque totalité des participants étant des femmes blanches. Bien que l’échantillon soit divers géographiquement, les participants étant issus de cinq pays et 14 états des États-Unis, les expériences uniques d’autres environnements raciaux pourraient être explorées. De la même façon, les relations entre les couples de même sexe et les couples dans lesquels les deux membres ont un TSA justifient une recherche supplémentaire.

Le recrutement s’est aussi concentré sur les forums de partenaires de personnes avec TSA, indiquant que les participants étaient susceptibles de recevoir un soutien en ligne. Les résultats devraient être observés à la lumière du fait que ce sont des personnes qui reçoivent l’aide disponible, en sachant que de nombreux partenaires ne reçoivent aucune aide d’aucune sorte. Une recherche future devrait aussi examiner les expériences des personnes indiquant que leur partenaire est auto-diagnostiqué d’un TSA. L’auto-diagnostic est un phénomène courant chez les adultes avec TSA, des barrières élevées existent qui empêchent les personnes susceptibles d’avoir un TSA d’obtenir un diagnostic formel (Lewis, 2016). De nombreux participants à cette étude ont aussi indiqué la résistance initiale de leur partenaire à la recherche d’assistance et ont considéré le diagnostic formel comme un point pivot de leur relation. Une recherche future devrait examiner les expériences des individus NT dont les partenaires ont un TSA mais sont dans l’incapacité ou refusent de rechercher un diagnostic formel.

L’utilisation de réponses écrites à des questions ouvertes plutôt que les entretiens traditionnels a été une autre limitation. La chercheuse n’a pas pu poser de questions de suivi ou de clarification, dans le souci de protéger la vie privée des personnes avec TSA dont les partenaires ont participé à cette étude. La chercheuse a choisi de ne pas collecter les identifications personnelles ou les informations de contact des participants, le consentement des personnes avec TSA n’ayant pas été obtenu, ce qui aurait possiblement apporté un biais à l’échantillon, qui n’aurait alors compris que les partenaires des personnes acceptant leur diagnostic de TSA. Un échantillon plus large a été utilisé pour assurer la saturation et réduire cette limitation.

Conclusion

Les relations neuro-mêlées peuvent être inconfortables pour les deux partenaires, les deux individus devant accepter de travailler en dehors de leurs neuro-normes pour communiquer efficacement et s’assurer que les besoins de leur partenaire soient satisfaits. Les deux personnes doivent être formées à des stratégies de promotion de la compréhension mutuelle, la communication efficace et l’établissement de limites saines dans la relation. Ils peuvent aussi nécessiter un soutien quand ils font le deuil de la relation qu’ils avaient envisagée. Les thérapeutes du mariage et de la famille doivent aider à la transition des partenaires NT, d’un sentiment d’abandon de tout espoir de normalité vers l’adaptation à un nouvelle norme.


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1 Laura F. Lewis, PhD, RN, College of Nursing and Health Sciences, University of Vermont.
Cette recherche n’a pas reçu de subvention spécifique d’aucune agence de financement des secteurs publics, commerciaux ou non lucratifs.
La chercheuse tient à remercier les participants à cette étude pour leur consentement au partage de leurs histoires, personnelles et puissantes.
Vous pouvez écrire à : Laura Foran Lewis, College of Nursing and Health Sciences, University of Vermont, 205 Rowell Hall, 106 Cardigan Drive, Burlington, Vermont 05405-0068 ; courrier électronique : laura.lewis@uvm.edu
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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#2 Message par olivierfh » jeudi 20 avril 2017 à 8:53

Merci, c'est vraiment intéressant pour ceux comme moi qui sont en couple.
L'original est ici pour ceux qui ont un accès (payant sinon); et je vois qu'une présentation (PowerPoint) du sujet par l'auteur est accessible ici.
TSA de type syndrome d'Asperger (03/2017) + HQI (11/2016).
4 enfants adultes avec quelques traits me ressemblant, dont 1 avec diagnostic TSA et 1 au début du parcours de diagnostic.

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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#3 Message par lili brin d'aspie » jeudi 20 avril 2017 à 11:16

merci beaucoup pour cet apport.
c'est clair quaprès le diag on a vraiment besoin d'aide et le couple aussi.
malheureusement il existe rien , c'est pitoyable.
la seule psy que je suis allée voir depuis a même osé remettre en doute le diagnostic !
-diagnostiquée tsa léger (asperger) fin 2015, hpi
-maman d'un garçon autiste sévère
ou quand les deux extrêmes se rencontrent..

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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#4 Message par Flower » jeudi 20 avril 2017 à 12:19

Très intéressant en effet. Mais ça m'attriste de lire que les gens "font le deuil de la relation qu'ils souhaitaient avoir", surtout si ça fait 20 ou 30 ans qu'ils sont en couple avec une personne autiste - ça ferait donc 20 ans qu'ils essaient de changer cette personne, plutôt que de l'aimer comme elle est? Si le TSA a eu des effets tellement traumatisants, il n'y avait qu'à partir bien plus tôt... Heureusement qu'il y avait aussi des témoignages positifs dans le lot, parce que sinon ça pourrait donner l'impression qu'être en couple avec une personne autiste est juste un enfer et qu'il faut l'éviter à tout prix. :( (Je ne ferai certainement pas lire cet article à mon copain!)
Détectée HQI dans l'enfance, diagnostiquée TSA de type syndrome d'Asperger en juillet 2015.

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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#5 Message par olivierfh » jeudi 20 avril 2017 à 17:14

Flower a écrit :ça ferait donc 20 ans qu'ils essaient de changer cette personne, plutôt que de l'aimer comme elle est?
Oui, ça ne me surprend pas: on peut l'aimer tout en pensant que si on la change on l'aimera encore plus.
Et ça m'a paru étrange quand on me l'a suggéré, mais en fait la personne TSA peut changer (dit plus joliment: évoluer) quant à ses compétences ("habiletés") sociales, elle peut apprendre tout en restant elle-même; seulement il faut les bons outils ou au moins le bon langage de communication, comme le dit plus haut l'un des témoignages:
Jean a écrit :
  • Les efforts que j’ai fournis pour essayer de faciliter le développement et la réussite de notre relation ont échoué, parce que je n’avais pas les bons outils, non seulement les mauvais outils mais j’essayais de les appliquer avec le mauvais langage (07).
Quelqu'un connaît-il le livre cité pour des exemples de stratégies de communication, Aston: The Asperger Couple’s Workbook ?
TSA de type syndrome d'Asperger (03/2017) + HQI (11/2016).
4 enfants adultes avec quelques traits me ressemblant, dont 1 avec diagnostic TSA et 1 au début du parcours de diagnostic.

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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#6 Message par Flower » jeudi 20 avril 2017 à 17:23

Bien sûr, et une relation amoureuse demande toujours des compromis et des adaptations pour fonctionner. Mais je pense que dans une relation amoureuse réussie, on doit aussi être capable d'accepter certains "défauts" de son conjoint, et pas essayer de le changer à tout prix. Ce qui n'empêche bien sûr pas qu'un diagnostic de TSA peut apporter des explications à certaines incompréhensions et permettre une évolution de la relation, parce qu'on prend conscience d'un certain nombre de choses et qu'on devient peut-être aussi plus indulgent avec l'autre (idéalement dans les deux sens).

N'empêche que si on considère sa relation comme "traumatisante", je pense qu'il y avait un problème dès le départ et qu'il aurait mieux fallu partir tout de suite au lieu d'attendre 20 ans. Mais peut-être je raisonne comme une aspie aussi. :innocent:
Détectée HQI dans l'enfance, diagnostiquée TSA de type syndrome d'Asperger en juillet 2015.

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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#7 Message par Jean » jeudi 20 avril 2017 à 20:48

Flower a écrit :N'empêche que si on considère sa relation comme "traumatisante", je pense qu'il y avait un problème dès le départ et qu'il aurait mieux fallu partir tout de suite au lieu d'attendre 20 ans. Mais peut-être je raisonne comme une aspie aussi. :innocent:
Sans doute 8)

S'il n'y a pas eu de séparation, c'est que c'était possible quand même de supporter.

Le caractère traumatisant provient du fait de se rendre compte qu'il était possible d'améliorer la relation s'il y avait eu diagnostic avant.
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Flower
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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#8 Message par Flower » vendredi 21 avril 2017 à 11:06

Pour la dernière phrase, ok. Effectivement un diagnostic tardif peut avoir un effet traumatisant, sur le conjoint comme sur la personne concernée d'ailleurs. Et ça doit être rageant de se rendre compte qu'on n'avait pas une information essentielle, alors que l'avoir aurait permis d'avoir d'autres outils pour se comprendre.

Du coup, je serais curieuse de savoir si les expériences très positives viennent des couples où le diagnostic était connu dès le départ. :wink:
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Cochrane
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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#9 Message par Cochrane » vendredi 21 avril 2017 à 12:27

Merci d'avoir posté cette étude super intéressante, dans son intégralité et ainsi d'exposer ces limites.
Cela m'aide et me rassure lorsque je me rend compte que je ne suis pas seule à vivre ce genre de difficultés...
Nous avons parler de son syndrome d'asperger très tôt dans notre relation et on peut dire que je savais à quoi m'en tenir. La crise que je passe actuellement ( pleurs, sentiment d'abandon et de solitude ) est probablement liée à une grosse erreur DE MA PART . Je pense avoir mis tous mes œufs dans le même panier ( joyeuse Pâques ;-) et mon engagement à fond dans cette relation ( engagement nécessaire pour comprendre , accompagner et réellement aimer ) m'a fait oublier mes besoins personnel . En tant que bonne vieille NT bien ancrée dans ces certitudes, je projetais mes désirs de couple ( qui englobait la confiance, le soutien , l'écoute et les compromis dans une bienveillance construite à deux ) sur lui.
Lui ne demande pas cela donc ne peut pas s'engager là dedans. Il souhaite uniquement que je l'accepte comme il est et me redis sans cesse que si je ne le peux pas, ça n'est pas grave car il vit très bien seul.
J'ai fait l'erreur de me couper un peu trop longtemps de mon entourage NT ( sorte de sanctuaire de confiance et de compréhension), mais je ne regrette pas car cette attitude m'a permis de comprendre et d'aimer vraiment.
Je pense que, (c'est ma theorie actuelle ) le besoin d'ordre vital des TSA / SA de s'isoler, d'entretenir des monomanies et des stéréotypies est à mettre en parallèle au besoin tout autant vital des NT d'être proches et entourés de partage, de soutien et d'individus bienveillants dans une démarche à plusieurs ).
Dans un cas, l'isolement comble les besoins => donc besoin de personne
Dans l'autre cas => l'entourage comble les besoins => donc besoin de social

Donc, je pense que tout couple NT/SA doit accepter cela des deux parties , et l'effort qu'il semble légitime de demander aux SA est uniquement celui de respecter le besoin du NT d'être entouré et d'entretenir des rapports sociaux intenses ( famille, amis, pro, ....) , le NT s'engageant à ne pas demander ( ou imposer ) à l'autre de combler ce besoin ( qui lui parrait au mieux étrange et au pire critiquable ).

Là, j'ose croire que de belles choses peuvent survenir entre eux deux , mais pour sûr , pas la normalité !!

( j'espère ne pas avoir été trop fouillie dans ma démonstration ;-)
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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#10 Message par Jean » vendredi 21 avril 2017 à 14:31

C'est très clair :bravo:
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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#11 Message par violetta » dimanche 23 avril 2017 à 12:07

Oui merci d'avoir posté ce texte super intéressant, je me sens moins seule.
Hier j'étais sur le point de laisser tomber car comment supporter une relation aussi unilatérale?
J ' en ai soudain eu marre de l'écouter faire des monologues sur les sujets qui l' interessent et lui-meme. Oui tout a coup je suis impatiente au bout de 3 ans de "relation". Il a bien compris par exemple que j 'étais contente s' il m'offre quelquechose a mon anniversaire ou noel, pour lui ce n'est pas naturel.
Mais la, j'ai encore fait 1200 km pour le voir, il ne vient pas a l'idée de me chercher a la gare. Je rentre seule dans mon appartement.
2 jours plus tard donc rendez vous. Il veut que je vienne le chercher a pied sous la pluie au métro. je le fais. on va au restaurant, il sort son livre des 2000 mots en francais (qu il a appris par coeur en le lisant 2 fois) et me demande de lui demander des mots. je lui dis: non, embrasse moi plutot. lui: c est trop romantique.
Ensuite chez moi: il voulait que je lui ramene du fromage de France, je l ai fait. Moi je lui ai demandé de me ramener du toblerone blanc de suisse, parcequ il y a fait un voyage d affaire, il m a dit: tout etait tellement cher. donc pas de chocolat. Ensuite dans nos echanges par sms je lui ai dit que j adore qu on m offre des roses. rien. je m en suis achetées moi meme.
Il ne veut pas me faire plaisir. Il dit: mais je t ai payé le restau.
Ensuite toute la soirée monologues sur ses intérets et qu il n a pas assez de temps pour jouer 14 h de piano par jour, sa derniere lubie, et lire tout le bouquin de 2000 pages de gombrich sur l histoire de l art.
Donc le lendemain quand il est parti pour passer son weekend seul avec ses interets je me suis sentie presque soulagée mais aussi triste. Triste parceque je l'aime . Mais toujours ces discours neutres centrés sur lui comme si je n existais pas, mais il veut etre chouchouté comme un bébé et evidemment je suis la pour lui apprendre le francais, en soi je fais vaguement partie d un de ses interets particuliers.Et soulagée parceque d etre avec lui c est comme abandonner une grande partie de moi meme. Tellement de sujets sont tabou (relations, emotions).
Je me sens emotionellement vidée. Evidemment je peux discuter avec lui des heures neutralement sur la philosophie les sciences etc, je suis hqi, mais moi j ai besoin d emotionalité.
Ah oui: il a obtenu 153 a l aspie quiz, mais pour lui les autistes ne reconnaissent pas les emotions des autres dans le visage alors que lui c est "sa grande spécialité" dit il (faux d apres ce que j ai vu). il refuse d envisager l 'hypothese.
Ca m'est égal mais moi je désespère, je ne peux me sentir bien dans cette relation que si je donne sans arret sans rien attendre et recevoir des mini trucs.
bien sur que je l aime mais je ne me sens pas aimée. Je me suis dit que j allais acheter le livre, il a de bonnes critiques sur amazon mais ce serait encore moi qui investis dans la relation?
ça ne le motive pas de me faire plaisir. et il est bien tout seul. ou suis je moi la dedans?
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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#12 Message par Bastion » dimanche 23 avril 2017 à 16:57

Te lire me fait mal au cœur Violetta... Il me semble en effet que tu fais tous les efforts dans la relation, et autisme ou pas, ça ne me semble pas sain. Tu t'adaptes à lui mais il me semble qu'il faut qu'il t'écoute mieux, à défaut de comprendre instinctivement...
Mail au CRA envoyé

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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#13 Message par freeshost » dimanche 23 avril 2017 à 17:57

Faut voir ce que signifie pour lui "te faire plaisir", si ça signifie quelque chose pour lui (surtout s'il n'attend pas les mêmes choses que celles que tu attends). :o

Dis-moi dans quel département tu vis. Et je t'apporterai du Toblerone lors de mon prochain passage dans ce département. :mrgreen:

As-tu essayé de ne pas suivre ses demandes. :)
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

Diagnostiqué autiste en l'été 2014 :)

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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#14 Message par violetta » dimanche 23 avril 2017 à 18:17

j'habite près de Paris. Oui j'ai pleuré une fois seule, il est comme un monstre d'égoisme.
Bien sur que je ne suis pas toutes ses demandes. Maintenant il commence à vouloir changer ma façon de m'habiller de me coiffer, evidemment que là c est un non catégorique. J'ai l'impression de ne pas exister dans cette relation, aujourd'hui j'avais envie de tout désinfecter après son passage tellement j'étais dégoutée. Je reste encore quelques jours ici, à Berlin, il voudra me voir quand ça arrange monsieur. Moi clairement je ne me manifeste pas . Je suis complétement vidée juste.
Si il m'écoute parfois, par exemple il m offre maintenant a Noel ou mon anniv du parfum (ce qu il n a jamais fait pour personne, et il a 50 ans). je suis sa premiere relation.
Possible qu il comprenne un jour que les roses ou les petites attentions me sont importantes.
il dit: il n y a que moi qui m'intéresse et j attends des autres qu ils ne s interessent qu a moi.
inutile de dire qu il n a que des ennemis.
je ne sais plus que faire. Il dit toujours tout ce qui lui passe par la tete sans avoir peur de blesser.
Je vais me retirer mais en meme temps il ne va pas comprendre, pour lui tout est parfait. Il avait en moi un public patient, mais je suppose meme que si je le larguais il se résignerait juste.
Alors que moi ce qui me manque ce sont juste quelques peites marques d'affection.
je sais tout ça parait confus, je pleure encore.
Diag THQI . En couple avec homme asperger diagnostiqué juillet 2017.

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Re: Vie de couple : « Nous ne serons jamais normaux »

#15 Message par freeshost » dimanche 23 avril 2017 à 20:23

Mince ! Il va falloir continuer de lui faire comprendre que, dans toute relation saine, chaque personne garde ses libertés fondamentales, que la relation est d'égal à égal. Sus aux dictatures. Le combat pour les libertés et l'égalité n'est pas terminé.

"Les petits cadeaux entretiennent l'amitié." :mrgreen:

Bonne chose que de prendre un peu de la distance, de t'évader dans d'autres contrées, chez d'autres personnes. :)

Le roi est nu, surtout quand ses serviteurs lui tournent le dos (pour ne pas le voir nu :lol: ).
Pardon, humilité, humour, hasard, confiance, humanisme, partage, curiosité et diversité sont des gros piliers de la liberté et de la sérénité.

Diagnostiqué autiste en l'été 2014 :)

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