Comment différencie-t-on un "Syndrome du savant" à une simple passion?

Je suis autiste ou Asperger, j'aimerais partager mon expérience. Je ne suis ni autiste ni Asperger, mais j'aimerais comprendre comment ils fonctionnent en le leur demandant.
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Geogaddi
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Comment différencie-t-on un "Syndrome du savant" à une simple passion?

#1 Message par Geogaddi » samedi 5 janvier 2019 à 19:55

Bonjour,

En lisant un peu le forum j'ai cru comprendre que certains étaient agacés par les représentations médiatiques des autistes ayant des "talents particuliers", ce que je comprends tout à fait, j'éprouve également une gêne et une lassitude de voir toujours l'autisme Asperger abordé par ce prisme. Aussi, j'espère n'embêter personne avec mon post, ce n'est pas le but, mais après recherches, je crois que c'est à peu près le seul endroit où je pourrais recevoir des réponses pertinentes.

J'ai lu certaines choses sur le "Syndrome du savant" qui n'est apparemment pas reconnu et une simple construction sociale, mais je ne savais pas comment titrer autrement. Je suis en cours de diagnostic (la psy a peu de doutes) et cherche à comprendre mon fonctionnement. Je me reconnais dans la description qui est faite des hyperpolyglottes comme Daniel Tammet ou Joseph Schovannec, dans le sens où je parle couramment un certain nombre de langues et surtout que je les apprends très vite (moins de 3 mois en général pour lire le journal, regarder des documentaires sans sous-titres etc).

Seulement, j'ai du mal à savoir s'il y a vraiment une facilité "mécanique" inhérente à certains types d'autisme ou si c'est juste une passion "banale". Autrement dit: les autistes ayant vraiment un talent particulier très marqué ont-ils cette facilité de manière innée? (par exemple, un Tammet ou un Schovannec apprendra-t-il la langue sans aucun travail, sans faire absolument aucune faute? Car pour ma part, je suis certes très rapide, mais je dois travailler la langue pour ne pas l'oublier, je fais parfois des petites erreurs de grammaire etc). Je donne l'exemple de Tammet parce que je découpe aussi dans ma tête les éléments des phrases par couleurs, ce qui décuple la mémorisation, mais concrètement à Tammet je n'ai pas de synesthésie, c'est un "truc" que j'ai mis en place quand j'étais plus jeune pour m'aider.

Je cherche en fait à mieux comprendre mon fonctionnement et à savoir s'il y a un caractère "inné", "sans effort à fournir" chez certains autistes (ce qui n'est pas mon cas, je suis juste plus rapide).

Si d'autres personnes sont concernées (pas forcément hyperpolyglottes mais sur d'autres sujets), n'hésitez pas à commenter. J'espère que mon post n'est pas inapproprié.
Femme, 24 ans, IDF. Diagnostiquée autiste en février 2019.

SanGoku
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Re: Comment différencie-t-on un "Syndrome du savant" à une simple passion?

#2 Message par SanGoku » dimanche 6 janvier 2019 à 11:26

Bonjour Geogaddi,

ce n'est pas à moi de dire si ce que tu écris est approprié en ce lieu ou pas, sache en tout cas que pour ma part, il n'y a aucun malaise !

Et comme tu sembles familière avec les langues, je suppute que tu n'as pas trop de mal avec l'Anglais, je te donne donc quelques liens qui je l'espère répondront à tes interrogations sur le syndrome du savant, émanant surtout des pays anglophones, car en France on a une dent certaine contre toute forme d'élitisme, c'est comme qui dirait tabou ! Alors que l'on peut le voir comme une simple caractéristique sans jugement de valeur, enfin bref:

https://embraceasd.com/savant-syndrome- ... ng-autism/

https://www.autism.com/understanding_savants

http://www.autismafter16.com/article/12 ... and-autism

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2677586/

Extraits des liens ci-dessus:


The estimated prevalence of savant abilities in autism is 10%, whereas the prevalence in the non-autistic population, including those with mental retardation, is less than 1%.


Research suggests that while the prevalence in the non-autistic population is less than 1%, about 10–28.5% of people with ASD have savant syndrome, and as many as one in three people with autism may possess exceptional abilities. Female savants continue to be relatively few; 6:1 male-to-female ratio.




Il est évident qu'il ne faut pas que cela éclipse parallèlement tous les autistes qui ont par ailleurs de grandes difficultés, et ne se sentent pas concernés par ces traits, une exceptionnalité certainement trop médiatisée et qui biaise la vision générale de l'autisme ou des TSA.



Je ne partage absolument pas cette facilité déconcertante de certains à s'approprier de nouvelles langues, je pense d'une part que cette faculté est innée, ce que des pédopsychologues ont mis au jour chez les bébés, et que selon moi dans certains cas avec autisme ou pas, d'aucuns sont en mesure de continuer à garder cette propension toute leur vie, mais que celle-ci est à mon sens couplée à une grande mémoire, pour pouvoir justement trouver les règles grammaticale ou syntaxiques intuitivement et retenir le vocabulaire associé, la rapidité d'exécution venant sans doute renforcer cette facilité ou capacité première de surcroit, on pourrait sans doute parler de coefficients multiplicateurs pour décrire le phénomène, la mémoire, la vitesse d'exécution et la faculté innée conservée de décrypter les langues conduit à un résultat hors du commun, à décupler le potentiel.
Par exemple Turing, qui n'était pas officiellement autiste, ni a posteriori officieusement, avait aussi ce don d'apprendre une langue extrêmement rapidement et par ses propres moyens, de manière à pouvoir tenir une conversation ou faire une conférence publique, je ne sais plus combien de langues exactement au total, mais c'était assez vertigineux, d'autant plus, comme J. Schovanec, que ce n'est pas une fin en soit, mais un moyen seulement, pour autre chose, en l'occurrence les mathématiques pour l'un, et l'histoire des religions pour l'autre ! Turing avait également une mémoire eidétique permanente, une anecdote stipule qu'un jour lors d'une soirée quelqu'un l'a mis au défit de citer le tout début d'un livre, dont je ne connais plus les circonstances initiatrices, et bien, à la grande stupéfaction de son auditoire il commença à réciter le texte, mot par mot, ligne par ligne, page après page, alors qu'il ne l'avait lu qu'une seule fois dix ans plus tôt !!!

Peut-être pouvons-nous aussi envisager que les neurones sont connectées d'une certaine manière, facilitant ce travail, des connexions plus efficaces quelle qu'en soit la raison, un réseau plus robuste et plus fluide, construit en un temps record. Sans oublier un élément fondamental, la motivation à le faire: apprendre une nouvelle langue ou tout autre chose, repérer des régularités dans les édifices/structures mathématiques, etc...
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Flower
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Re: Comment différencie-t-on un "Syndrome du savant" à une simple passion?

#3 Message par Flower » mercredi 9 janvier 2019 à 13:25

Je pense qu'on peut avoir un talent pour les langues, parfois très marqué, et donc les apprendre plus facilement et plus vite, mais cela demande toujours du travail (aussi bien Tammet que Schovanec le précisent d'ailleurs). Puis les langues peuvent tout à fait être un intérêt restreint.

En revanche on peut être polyglotte sans avoir un TSA ni un "syndrome savant", j'en connais qui parlent parfaitement 4, 5 et plus de langues et ne sont absolument pas concernés par cela, ils ont juste des facilités et de l'intérêt pour les langues et ont eu l'occasion d'en apprendre plusieurs de manière intensive.

J'avais l'impression que le syndrome savant était davantage lié à certaines facultés qui ne se travaillent pas tant que ça (vitesse en calcul mental, mémoire, etc.). Le vocabulaire et les règles de grammaire, c'est d'abord une question d'apprentissage y compris dans la langue maternelle. (Un bébé apprend la langue parce qu'on lui montre et explique, on va pointer un chien par exemple et dire "regarde le chien".) Mais évidemment quand on a une mémoire exceptionnelle, c'est bien plus rapide à apprendre.
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Siobhan
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Re: Comment différencie-t-on un "Syndrome du savant" à une simple passion?

#4 Message par Siobhan » dimanche 13 janvier 2019 à 19:19

Spoiler : 
Flower a écrit : mercredi 9 janvier 2019 à 13:25 Je pense qu'on peut avoir un talent pour les langues, parfois très marqué, et donc les apprendre plus facilement et plus vite, mais cela demande toujours du travail (aussi bien Tammet que Schovanec le précisent d'ailleurs). Puis les langues peuvent tout à fait être un intérêt restreint.

En revanche on peut être polyglotte sans avoir un TSA ni un "syndrome savant", j'en connais qui parlent parfaitement 4, 5 et plus de langues et ne sont absolument pas concernés par cela, ils ont juste des facilités et de l'intérêt pour les langues et ont eu l'occasion d'en apprendre plusieurs de manière intensive.

J'avais l'impression que le syndrome savant était davantage lié à certaines facultés qui ne se travaillent pas tant que ça (vitesse en calcul mental, mémoire, etc.). Le vocabulaire et les règles de grammaire, c'est d'abord une question d'apprentissage y compris dans la langue maternelle. (Un bébé apprend la langue parce qu'on lui montre et explique, on va pointer un chien par exemple et dire "regarde le chien".) Mais évidemment quand on a une mémoire exceptionnelle, c'est bien plus rapide à apprendre.
Je pense que le qualificatif "d'autiste savant" (pour les gens appelé de cette manière à grande échelle) doit être très pénible à supporter.

Du concept d' "autiste savant" aux deux concepts de "savant fou" ou encore "d'ordinateur humain", je trouve qu'il n'y a pas une grande distance linguistique.

Ainsi, j'ai tendance à penser que le qualificatif d' "autiste savant" frise toujours la frontière avec l'irrespect et la déshumanisation de la personne qualifiée comme telle, voir dépasse largement cette frontière. "Autiste savant" devient alors dans l'esprit de certaines personnes, je crois, une expression quasi-identique à celle de "singe savant".

Dans l'ensemble, je trouve en général tous ces termes extrèmement déshumanisant, et de plus empreints d'une certaine forme de pitié nauséabonde (pléonasme).


D'autant plus que beaucoup de gens qualifiés de ces termes sont des personnes d'une humanité et d'un courage extraordinaire, et des personnages édifiants. Et cela renforce l'aspect complètement inique de l'utilisation courante des termes cités plus haut.
homme, diagnostic TSA.

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Comment différencie-t-on un ´´syndrôme du savant`` d'une simple passion ?

#5 Message par pierre précieuse » mardi 5 février 2019 à 5:10

Je suis en difficulté en langues, surtout @ cause de leur vocabulaire qui m'est difficile à maîtriser alors que leur grammaire m'est moins difficile à aborder de par son caractère plus mécanique, mais par contre j'ai une sorte de don pour les alphabets & systèmes phonétiques associés, diverses notations, les normes d'appel sélectif ou encore les premières dizaines de décimales de pi̱, tout cela accroche @ mon esprit car porte du sens comme une musique & j'en obtiens une connaissance profonde rapidement sans fournir d'effort pour cela·
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Re: Comment différencie-t-on un ´´syndrôme du savant`` d'une simple passion ?

#6 Message par olivierfh » mercredi 6 février 2019 à 9:01

pierre précieuse a écrit : mardi 5 février 2019 à 5:10leur grammaire m'est moins difficile à aborder de par son caractère plus mécanique, mais par contre j'ai une sorte de don pour les alphabets & systèmes phonétiques associés, diverses notations,
Moi pareil.
(Je ne vois pas plus à dire pour l'instant, sinon comme c'est un thème intéressant mais différent du sujet du titre il faudrait chercher s'il existe un sujet là-dessus ou en créer un - en lien peut-être avec la "systématisation").
TSA de type syndrome d'Asperger (03/2017) + HQI (11/2016).
4 enfants adultes avec quelques traits me ressemblant, dont 1 avec diagnostic TSA et 1 au début du parcours de diagnostic.

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Bubu
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Re: Comment différencie-t-on un "Syndrome du savant" à une simple passion?

#7 Message par Bubu » mercredi 6 février 2019 à 17:04

Je dirais pour différencier, ce mot : le talent.
C'est injuste mais ça existe.
Je suis passionné par la musique, mais je n'ai pas le talent. Donc cela ne restera jamais qu'une passion.

Je vous propose de vous renseigner sur Pierre Hantaï.
Son domaine : le clavecin. Il a sans doute le syndrome du Savant. Et il est aussi par suite logique avant tout autiste.
Mais il faut se réserver. Ce n'est mentionné nul part. Tout le monde ne cherche pas à étaler son diagnostic partout. Si tant est qu'il ait jamais fait la démarche du diagnostic.

TSA, diagnostic établi à mes 33 ans par le CRA de ma région.
"Ce syndrome est caractérisé chez ce patient par l’absence de détérioration intellectuelle, un syndrome dysexécutif, un déficit d'attention"

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Re: Comment différencie-t-on un "Syndrome du savant" à une simple passion?

#8 Message par apache » vendredi 8 février 2019 à 19:35

Le "talent" est-il forcément lié à un intérêt restreint ? Pour ma part j'ai un véritable GPS dans la tête, mais je ne m'intéresse pas spécialement à la géographie.
Par contre, dans mes domaines de prédilection, je n'ai développé aucun talent particulier. J'amasse les connaissances, sans plus.
TSA de type syndrome Asperger

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Re: Comment différencie-t-on un "Syndrome du savant" à une simple passion?

#9 Message par Bubu » mercredi 13 février 2019 à 9:32

Chercher la signification du talent, c'est comme chercher la signification du "bon goût" en Musique.
Indéfinissable, pourtant on sait tous que ça existe. :innocent:
Car cela défie le Rationnel, ça ne s'explique pas.
Je crois surtout que c'est lié à une extrême sensibilité.
Et à beaucoup de travail.
TSA, diagnostic établi à mes 33 ans par le CRA de ma région.
"Ce syndrome est caractérisé chez ce patient par l’absence de détérioration intellectuelle, un syndrome dysexécutif, un déficit d'attention"

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Re: Comment différencie-t-on un "Syndrome du savant" à une simple passion?

#10 Message par Siobhan » jeudi 14 février 2019 à 12:05

Bubu a écrit : mercredi 13 février 2019 à 9:32 Chercher la signification du talent, c'est comme chercher la signification du "bon goût" en Musique.
Indéfinissable, pourtant on sait tous que ça existe. :innocent:
Car cela défie le Rationnel, ça ne s'explique pas.
Je crois surtout que c'est lié à une extrême sensibilité.
Et à beaucoup de travail.
Je crois aussi que certaines personnes, d'une manière ou d'une autre, bénéficient à un moment donné d'un entourage, d'encouragements forts, ou de circonstances qui leur permettent de transformer une capacité et une passion relativement forte mais sans rien de rare, en talent puissament développé et reconnu.
homme, diagnostic TSA.

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