Comme les coïncidences peuvent être étranges...
Alors que chez nous le Sénat et l'Assemblée s'intéressent au 3e plan autiste en s'appuyant uniquement sur les parents, il s'est passé à peu près la même chose aux Etats-Unis à la fin du mois dernier, comme le déplore le Réseau de Self Advocacy Autistique (ASAN).
En attendant de pouvoir accéder ici à la vidéo-à-la-demande des débats du palais du Luxembourg, voici ce qu'écrit un autiste américain du débat auquel il a assisté.
Il me semble que des témoignages étrangement similaires pourraient être faits par des autistes français.Mon fax pour l'Audience sur l'Autisme au House Committee -->
Hier, assis devant mon ordinateur, je vous ai regardés plusieurs heures discuter de personnes comme moi. Des heures durant je vous ai regardé parler de gens comme moi, comme si nous ne pouvions vous entendre nous qualifier d'urgence, de crise, de fardeau, de tsunami, de désespoir, de situation malheureuse, empoisonnée, endommagée. Toujours dans le registre de l'horreur. Toujours au sujet des enfants. Toujours ces enfants que vous prétendez aimer.
Tout ce discours sur les vaccins, la faute, la haine. Je n'ai cessé de me demander, pourquoi nous haïr à ce point ? Et pourquoi sommes nous si invisibles, au point que vous ne pouvez pas surmonter votre haine de vos enfants pour vous rendre compte qu'ils vous entendent, qu'ils grandissent et que leurs homologues adultes sont là, en train de vous écouter ?
C'est à ce moment là qu'Eleanor Holmes Norton a pris la parole.
Elle a demandé pour les adultes. Elle a demandé ce qui nous arrive quand nous ne sommes pas dans le système, quand nous sommes diagnostiqués tardivement. Elle a demandé pour les gens comme moi - des adultes autistes. Des gens que le reste de l'audience semblait se satisfaire d'ignorer l'existence.
Personne n'a pu répondre à la Congresswoman Norton. Moi je le peux.
Madame la Représentante, j'ai été diagnostiqué quand j'étais un jeune enfant, mais comme j'ai appris à parler très peu de temps après, votre collègue M. Burton pense probablement que je ne compte pas. Comme je pouvais me débrouiller à l'école, et que la cible des programmes d'intervention précoces à cette époque (et toujours pour une grande partie aujourd'hui) est "le jardin d'enfant ordinaire", beaucoup de mes problèmes ont été qualifiés de comportementaux, de délibérés, plutôt que neurologiques.
Comme les problèmes sensoriels.
Comme les problèmes de séquencement.
Comme la capacité inconsistante à utiliser efficacement le langage.
Comme ne pas avoir un seul ami de mon âge.
Comme l'incapacité à mémoriser et exécuter des instructions orales.
Comme l'incapacité à passer une journée à l'école ordinaire sans m'effondrer parce que j'étais submergé. Pas à cinq ans. Pas à huit ans. Quand j'avais 15 ans.
Je suis intelligent, apte aux études, mais il y a des choses dont Je Suis Simplement Incapable. Et me demander de fournir plus d'efforts, de me comporter normalement ou je ne sais quoi d'autre n'y fera rien.
Représentante Norton, quelqu'un vous a répondu que nos familles nous trouvent bizarres et prennent soin de nous. Cette personne était dans l'erreur. Une grave erreur.
A mon entrée dans l'âge adulte, la guerre de ma mère contre l'autisme (puisque je pouvais parler, que j'étais "guéri", c'était sa guerre contre l'étrangeté, la mauvaise conduite, le manque de respect, tout ce qu'elle se représentait comme une ignorance délibéremment feinte, et de la paresse) a dégénéré en maltraitance directe, et elle m'a mis dehors.
C'était en Janvier. J'étais une statistique - un autiste sans abri. Un parmi beaucoup, beaucoup trop.
J'avais lu sur Internet qu'il existait des services, des hébergements pour les personnes handicapées, alors je suis allé au centre local de
The Arc. Savez vous ce qu'ils m'ont dit ?
Ils m'ont dit qu'ils devaient parler à mes parents. J'étais légalement un adulte, n'avais jamais été sous tutelle, mais ils ne voulaient pas me parler, seulement à mes parents. Les parents qui m'ont jeté dehors après des années de maltraitance. CES parents LA. C'étaient les seuls personnes avec qui les gens de The Arc acceptaient d'échanger. Ils n'avaient aucune sorte de protocole pour travailler avec des adultes ayant des troubles du comportement, sont autonomes mais ont besoin d'un petit peu d'aide. La ressource qu'ils m'ont suggérée, le centre locale pour une vie autonome, ne voulait pas que je m'approche à moins de 3 mètres parce que mon handicap n'est pas physique, mais relatif au développement.
Le réseau de sécurité sociale normal est à peine plus navigable. Ce qui est plus navigable, c'est que je n'y avais pas besoin de ma mère. Ce qui l'est moins c'est qu'il m'a fallu patienter assis dans un enfer sensoriel pendant 4 heures à attendre qu'on appelle mon numéro, qu'on demande tous les papiers de revenus (ou d'absence de revenu) imaginables, et qu'il faut passer des coups de téléphone qui restent sans réponse.
Je serais mort de faim à attendre les bons de nourriture sans l'aide d'une autre personne autiste qui a plus de compétences que moi avec le téléphone - ce qui n'est par ailleurs pas difficile - qui a appelé le travailleur social qui devait me rappeler plusieurs fois et ne répondait pas à mes appels.
Et avec tout ça, Représentante Norton, je fais partie des chanceux. Quand j'ai été mis à la porte, j'ai trouvé un abri agréable, si on peut dire qu'une telle chose existe. J'étais en plus grande sécurité que dans la maison de mes parents. Quelqu'un pouvait appeler les travailleurs sociaux à ma place. Un médecin pouvait remplir la paperasserie pour subvenir à mes traitements nécessaires, même s'ils sont insupportables. J'ai eu une structure de soutien social que beaucoup de mes pairs autistiques n'ONT PAS. Le modèle de soutien centré sur les parents a été préjudiciable à ma vie, mais pour d'autres il peut mettre fin à leurs jours.
Mon histoire ne doit pas être celle du bon résultat.
Je vais vous dire ce qu'il arrive aux adultes autistes, Représentante Norton : nous ne tombons pas dans des trous. On nous y enfonce. Tous ceux qui nient notre existence, comme vos collègues, ne font rien d'autre que nous y enfoncer plus fort.