De l'utilité de la psychanalyse ...

Toutes discussions concernant l'autisme et le syndrome d'Asperger, leurs définitions, les méthodes de diagnostic, l'état de la recherche, les nouveautés, etc.
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Jean
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De l'utilité de la psychanalyse ...

#1 Message par Jean » vendredi 18 juin 2010 à 20:48

Modération (Tugdual) : Regroupement de quelques liens...

Quelques références sérieuses :



J'ouvre un sujet un peu casse-gueule.

Mais je viens de trouver çà :
La psychanalyse réhabilitée?
Amsterdam (NL) — La psychanalyse a été à tort supprimée des polices d'assurances santé aux Pays-Bas. Elle serait plus efficace et avec des effets plus durables que la simple thérapie offerte par les psychologues bataves.

C'est ce qui ressort d'une étude menée à l'Université libre [Vrije Universiteit, protestante] d'Amsterdam, menée par le psychologue Capsar Berghout. Les assureurs privés néerlandais trouvent la psychanalyse trop chère et pas effective. En fait, Berghout a trouvé qu'elle est beaucoup plus efficace contre les dépressions, et surtout que ses effets à long termes sont plus solides.

Des 70% des patients qu'il a suivis souffraient de dépression, seuls 13% en souffrent encore après des sessions plusieurs fois par semaine. Les problèmes personnels, en particulier avec la famille ou au travail, sont aussi résolus sur le long terme avec une psychanalyse. Berghout a mesuré que la productivité au travail a beaucoup augmenté chez ces patients, et que leur qualité de vie s'est beaucoup améliorée.

Cette étude est une révolution dans le monde médical néerlandais, où une grande méfiance vis-à-vis de l'intellect et des théories continentales règne encore. Elle constitue aussi une épine dans le pied des assureurs privés, qui cherchent à maximiser leurs marges et ne sont pas encouragés à investir dans la santé à long terme de leurs assurés.

Alors que les négociations en vue de former un gouvernement sont en cours, les partis de gauche ont déjà fait savoir vouloir revenir sur la « libéralisation » du secteur des soins. Une bonne nouvelle pour les patients.

Gaëlle Guéguen
http://www.minorites.org/index.php/3-la ... litee.html
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Re: De l'utilité de la psychanalyse ...

#2 Message par manu » samedi 19 juin 2010 à 14:14

Petite distinction sur les mots pour éviter les confusions qu'on retrouve un peut dans cet article :

La psychanalyse c'est de la théorisation sur le fonctionnement psychique, notamment inconscient. Ça soigne pas, c'est abstrait.

L'analyse comme travail c'est typiquement une personne qui cause d'elle même jusqu'à arriver a voir, a identifier, ce qu'elle ne percevais pas consciemment avant. Ca ne peut être pratiqué que par la personne elle même, il n'y a pas de soignant, l'analyste est juste un support pour l'analysant (celui qui cause), pour arriver a aboutir. Si ça soigne c'est un effets secondaire, mais ce n'est pas le but.

La thérapie c'est faire quelque chose a un autre pour le soigner. c'est a priori incompatible.

Le patient c'est celui qui se laisse soigner, et qui doit donc être patient, c'est a priori également incompatible.
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Jean
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Re: De l'utilité de la psychanalyse ...

#3 Message par Jean » mardi 5 avril 2011 à 21:22

Centre de recherche Robert-Giffard de l'Université Laval - Psychiatrie et psychanalyse ne font plus un !
«On se dirige vers l'investigation du cerveau vivant»

Thierry Haroun - Le Devoir - 26 février 2011 - Éducation

La recherche en psychiatrie est relativement jeune si on la compare à d'autres domaines de recherche en médecine: elle a à peine une trentaine d'années d'existence. Les avancées sont par contre notables, mais il reste tant à découvrir dans ce monde qui évolue parmi cent milliards de neurones. Cours 101 en compagnie du Dr Michel Maziade, directeur scientifique du Centre de recherche Robert-Giffard de l'Université Laval.

Le domaine de la psychiatrie est si peu couvert par les médias dits traditionnels que la première question qui s'imposait d'entrée de jeu était la suivante: comment définit-on aujourd'hui la psychiatrie?

«La psychiatrie, répond patiemment au bout du fil le professeur Michel Maziade, est l'une des quelque 30 spécialités médicales. Une fois la médecine générale terminée, il reste quatre ou cinq ans de spécialisation à faire en sciences fondamentales, en neurosciences, en neurobiologie et en sciences du comportement. Le but est de détecter, de diagnostiquer et de soigner les maladies psychiatriques à l'échelle infantile, par exemple, tels les troubles de développement et l'autisme. Du côté des adultes, on touche toutes les psychoses majeures, comme la schizophrénie, la maladie bipolaire, la dépression et les divers troubles sévères de la personnalité. Et, dans le domaine de la gériatrie, il est question de problèmes cognitifs, de la maladie d'Alzheimer, des problèmes de comportement reliés à la démence et des maladies psychiatriques qu'on retrouve donc chez les personnes âgées.»

Le dogme de la psychanalyse

Selon M. Maziade, professeur titulaire de psychiatrie à la Faculté de médecine de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génétique des troubles neuropsychiatriques, la psychiatrie est une spécialité qui est relativement jeune comparativement à d'au-tres secteurs en médecine, comme les maladies cardiovasculaires, l'infectiologie ou encore l'urologie, lesquelles datent des années 1940 et 1950. Tandis que la psychiatrie, telle qu'on la définit et reconnaît aujourd'hui, est née, ici comme en Europe, au milieu des années 1980.

Ainsi, c'est en 1987 que le Centre de recherche Robert-Giffard de l'Université Laval s'est donné pour mission de «faire avancer les connaissances sur les causes et les traitements des maladies du cerveau, infantiles, adultes et gériatriques, au moyen d'un centre de haute technologie sur le neurone et le cerveau», rappelle la documentation de ce centre, qui mobilise aujourd'hui des centaines d'experts.

D'ailleurs, le Dr Maziade tient à rappeler à quel point la psychiatrie part de loin, pour ne pas dire de la psychanalyse. «On sait aujourd'hui que la schizophrénie est une maladie du cerveau et qu'elle n'est pas le fait de la froideur de la mère, contrairement à ce que la psychanalyse laissait entendre dans les années 1950 et 1960. Jusqu'à il y a quelques années, la psychanalyse était encore très prévalente dans le monde de la psychiatrie. Je l'ai vécu moi-même lors de mon internat en résidence entre 1970 et 1972, alors que la psychanalyse dictait encore son dogme selon lequel les maladies étaient issues de l'influence des parents et de l'environnement. Que tout se jouait au cours des six premières années d'existence de l'enfant, etc. J'ai moi-même traité l'autisme infantile en soignant les parents plutôt que l'enfant. Bien sûr, on sait aujourd'hui que l'autisme est le fait de problèmes de développement reliés au dysfonctionnement du cerveau.»

Les courants de la recherche

Il y a trois grands axes de recherche qui ont présentement cours au Centre de recherche Robert-Giffard de l'Université Laval, souligne le Dr Maziade. «Dans un premier temps, il est question de neurodéveloppement, c'est-à-dire des maladies comme la schizophrénie, la maniaco-dépression, etc. Celles-ci se développent entre l'âge de 18 et 27 ans. La recherche s'est beaucoup développée dans ce secteur. Le but est de trouver les déterminants infantiles de ces maladies. On peut d'ailleurs maintenant déjà trouver les marqueurs chez les enfants à risque, c'est nouveau. Il s'agit de détecter tôt ces enfants et donc de travailler en amont du problème.»

«L'autre axe de recherche, poursuit le chercheur, touche la maladie quand elle survient tout juste, ce qu'on appelle dans notre jargon la "prévention secondaire". On ne guérit pas la maladie, mais on peut réduire la sévérité de la maladie, le nombre de rechutes, et augmenter l'autonomie de la personne. Il y a présentement beaucoup de recherche qui se fait sur le traitement cognitif, le traitement pharmacologique, afin de détecter la maladie le plus tôt possible, soit entre six mois et un an.»

Le troisième grand courant de recherche porte sur l'imagerie par résonance magnétique, l'apport des technologies et la multidisciplinarité, ce qui permettra de faire des pas importants. «L'imagerie cérébrale s'est beaucoup développée. Le cerveau est très complexe, comme vous le savez. On y retrouve 100 milliards de neurones qui parlent entre eux. Ce qu'on sait en neurogenèse, c'est que le renouvellement des cellules est plus actif dans le cerveau à l'âge adulte que dans tout autre organe. Il y a 15 ans, on enseignait encore dans les facultés de médecine que le seul organe qui ne se régénérait pas était le cerveau. D'ailleurs, cette idée est encore bien imprégnée dans l'opinion publique. Et la recherche à venir vise à entrer dans le cerveau des patients par l'entremise des nanotechnologies. On se dirige vers l'investigation du cerveau vivant, comme on le fait avec le coeur vivant par la vidéo et la scopie.»

L'argent, toujours l'argent

Pour l'heure, rappelle-t-il, les médicaments utilisés «ne font que s'attaquer aux symptômes. On ne peut pas guérir des maladies dont on ignore la cause. Il y a de meilleurs médicaments disponibles qui soignent les symptômes en général, mais qui vont partout dans le cerveau, et c'est pourquoi il y a des effets secondaires.» En conclusion, il a souligné à grands traits l'importance de financer adéquatement son secteur d'activité: «Le manque de financement est flagrant.»
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Re: De l'utilité de la psychanalyse ...

#4 Message par omega » mercredi 6 avril 2011 à 10:32

Intéressant.
Il y a certes eu des dérives & autres impostures de la psychanalyse (cf. l'exemple de la schizophrénie).
Mais tout n'est pas à jeter dedans.
Par exemple, l'approche moins superficielle et moins symptômatique que la médecine classique, qui se borne dans le pire des cas à associer des médicaments à des symptômes.
Dans des cas comme la dépression, ça me paraît plus intéressant d'aider à chercher pourquoi, à en faire parler, et à en apaiser les causes, que d'en soigner les symptômes.
(remarque, soigner les symptômes, ça fait des clients à vie pour Lilly)
«Nous sommes tous des farceurs: nous survivons à nos problèmes.» (Cioran)

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Re: De l'utilité de la psychanalyse ...

#5 Message par Jean » mercredi 6 avril 2011 à 22:28

Dans ce que tu décris, c'est la psychothérapie qui est utile - peu importe son origine.
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"Le Monde" : la psychanalyse au pied du mur

#6 Message par Jean » vendredi 13 janvier 2012 à 18:21

Modération (Tugdual) : Fusion de sujets (début).


Autisme : la psychanalyse au pied du mur

L'autisme a beau être la grande cause nationale de 2012, les familles qui y sont confrontées restent démunies. Car, en France, les psychanalystes s'opposent aux méthodes comportementalistes ayant pourtant fait leurs preuves à l'étranger. Une position rétrograde dénoncée par Sophie Robert dans un documentaire, "Le Mur", dont la diffusion est suspendue à la décision d'un tribunal, le 26 janvier. Par Laure Mentzel - "Le Monde- Magazine 14/01/2012

Sur l'écran, une grand-mère à col Claudine enfourne son bras entre les mâchoires d'un crocodile en plastique. Cette pédopsychiatre chevronnée mime devant la caméra le concept lacanien de "mère crocodile" - envahissante et castratrice - qui a autrefois expliqué les causes de l'autisme. Dans les années 1950, on considérait avec Bruno Bettelheim et Jacques Lacan que cette pathologie résultait d'un trouble de la relation mère-enfant. A l'heure où le monde entier tient pour acquise l'origine neurobiologique du handicap et la nécessité de rééduquer les enfants qui en sont atteints, la professionnelle expose son approche sans ciller : ce qu'il faut soigner avant tout, c'est la "folie maternelle". A en croire le documentaire Le Mur de Sophie Robert dont est extraite cette scène, les psychiatres français seraient dépendants des théories psychanalytiques, considérées partout ailleurs comme obsolètes pour le traitement de l'autisme. Les paroles de psychiatres se succèdent et accablent surtout ceux qui les prononcent : parents forcément coupables du handicap de leur enfant, retard de langage dû à un désir de "rester dans l'oeuf", absence de solution, rejet de l'idée même de progression... Le film glace et agace. N'y a-t-il donc aucun psychiatre digne de ce nom en France ? Les découvertes des neurosciences et les thérapies cognitives et comportementalistes, qui ont fait leurs preuves dans les pays anglo-saxons et scandinaves, s'arrêtent-elles comme le nuage de Tchernobyl à nos frontières ? Le 8 décembre dernier, on en débattait au tribunal de Lille. Sophie Robert y était assignée par certains des professionnels interviewés désireux de faire interdire Le Mur.

En cause, selon les conclusions de leur avocat, un montage qui porterait atteinte à leur réputation et à leur droit moral. "Présenté comme un film documentaire", Le Mur est "en réalité un film militant" qui les "ridiculise". Quant à ceux des intervenants qui n'ont pas porté plainte, ils inondent la Toile de rectificatifs courroucés, et dénoncent des procédés "malhonnêtes". Un "abus de confiance" selon Caroline Eliacheff qui a pris position en faveur des psychanalystes sur France Culture. Sophie Robert répond d'une voix douce qu'elle n'avait "pas prévu de faire un film à charge sur la psychanalyse". Au contraire, c'est parce que la discipline l'intéresse qu'elle a commencé à s'y pencher. Au fil des discussions, elle admet aussi que si le problème n'est pas plus connu et son film pas diffusé, c'est sans doute parce que "les décideurs, les leaders d'opinion sont tous sur le divan". Comprendre : entre analysés, on se serre les coudes pour défendre les disciples de Freud et de Lacan. Le Mur est-il un brûlot caricatural, ou un nécessaire cri d'alarme ? Le tribunal donnera le 26 janvier une réponse juridique à ce qui est plutôt une question de santé publique. Qu'il soit alors interdit ou non, le film aura eu le mérite de poser la question des prises en charge "à la française" alors que l'autisme a obtenu en décembre dernier le statut de grande cause nationale 2012 pour "méliorer son dépistage précoce, développer l'accompagnement des enfants autistes et favoriser leur intégration et leur maintien en milieu scolaire ordinaire". Psychanalystes contre comportementalistes, la guerre est-elle déclarée ? Avec, selon l'Inserm, un enfant sur 156 touché par ce handicap, la question mérite d'être posée.

EN FRANCE, certains membres du corps médical voient encore dans la mauvaise relation maternelle la cause des troubles autistiques. Virginie Gouny en a fait l'amère expérience. Mère d'un petit Mattéo de presque 3 ans, quand elle est allée consulter un pédopsychiatre, elle a été surprise : c'est à elle que le médecin posait des questions. Cet enfant, l'avait-elle vraiment désiré ? Acceptait-elle, maintenant qu'il était là, de s'en séparer ? Le rapport du psychiatre, lapidaire, décrit un "enfant de la pilule du lendemain". On diagnostique Mattéo "TED", c'est-à-dire atteint de "troubles envahissants du développement". C'est le nouveau nom de l'autisme, le terme étant inapproprié à la multiplicité des maux qu'il recouvre. De l'autisme de type Kanner, qui touche des enfants aux capacités intellectuelles parfois altérées, aux génies atteints du syndrome d'Asperger - à l'image du héros du film Rain Man -, les manifestations sont nombreuses et n'ont pour point commun qu'une incapacité à communiquer, à percevoir le réel et à s'y adapter. Le psychiatre préconise une prise en charge au centre médico-psychologique (CMP). Dans ces centres, où le personnel n'est pas toujours formé à l'autisme, on exclut souvent des soins les parents, mais aussi les séances de psychomotricité et d'orthophonie indispensables aux progrès des enfants. Estomaquée par ce diagnostic en forme d'accusation, Virginie cherche d'autres solutions pour son fils. Mais en province, "si on refuse le CMP, on est en roue libre".

Pourtant, dans ces centres de quartier, la formation sur les troubles du développement n'est pas toujours pointue. Le personnel, encore très imprégné des théories psychanalytiques, les applique à la lettre, entravant alors les progrès des enfants autistes. Depuis toujours, Valérie Sochon soupçonne que son fils a un problème. Elle s'en ouvre à son médecin traitant, qui lui prescrit, à elle, des antidépresseurs et des anxiolytiques. Son fils grandit mal, il a des phobies alimentaires et des carences. A 4 ans, on lui propose un accompagnement en CMP. Mais tout ce qui est offert à Alexis, ce sont des "repas thérapeutiques" où on l'oblige à préparer et manger les nourritures qu'il a en horreur, et la "pataugeoire", dans laquelle on l'observe barboter. Au mieux. Au pire, on lui plonge la tête dans l'eau pour lui faire revivre l'accouchement, en espérant le délivrer de son trauma originel. Alexis a 5 ans et l'équipe pédagogique recommande son placement. Valérie finit par entendre parler d'un pédopsychiatre de renom qui vit en Bretagne. Elle quitte tout pour aller le consulter, et s'installe dans sa région. Aujourd'hui, Alexis est scolarisé à temps plein au collège du coin, où il obtient de très bons résultats. M. Khanfir a lui aussi pallié les insuffisances de l'institution. Son fils Ryan "comme dans Il faut sauver le soldat Ryan" est autiste. Après quelques années dans un hôpital de jour, il est envoyé dans un centre moins spécialisé, "un parking pour gosses lourdement handicapés". Ryan devient alors taciturne, violent, et perd totalement l'usage de la parole. Depuis sa sortie, il a appris, avec un éducateur privé formé aux méthodes comportementalistes, à communiquer, à être propre, sociable. Et plus heureux.

HOWARD BUTEN, LE CÉLÈBRE CLOWN-PSYCHOLOGUE-ÉCRIVAIN AMÉRICAIN, qui travaille avec de jeunes autistes français depuis des années, n'hésite pas à critiquer vertement le système hexagonal, encore trop imprégné de psychanalyse et braqué contre les méthodes comportementalistes. Que disent-ils, les psychiatres " vieille école " ? Que les thérapies cognitives et comportementales sont un "dressage". "Mais la plus grande violence qu'on peut faire à un enfant autiste est de le laisser croupir dans son autisme", répliquait déjà il y a vingt ans, aussi politiquement incorrect qu'énergique, le psychiatre Stanislaw Tomkiewicz.

ABA, Teacch, PECS : à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), ces acronymes de traitements comportementaux sont désormais le quotidien d'une trentaine de personnes. Douze enfants et quatorze adultes s'y consacrent sans relâche dans le petit institut médico-éducatif L'Eclair. Une enclave d'efficacité et de douceur fondée par Liora Crespin, mère d'un enfant autiste, et subventionnée par l'Etat. Dans l'entrée du bâtiment, des manteaux sont accrochés sous des casiers, comme dans toutes les écoles. A côté du nom de l'enfant, sa photo. Partout, des repères visuels, qui permettent une structuration de l'espace et du temps : un emploi du temps vertical composé de vignettes qu'on scratche et qu'on déplace au fil de la journée, permettra de visualiser les tâches accomplies et celles à venir. Des cartes aussi pour s'exprimer : télévision, Meccano, boire. Les enfants "non verbaux" apprennent à communiquer, à exprimer des demandes sans crier, et ainsi à modifier un comportement souvent inadapté. L'institut est propre, calme et coloré. Dans une délicieuse odeur de gâteau, des enfants jouent et apprennent indistinctement. Marelle ou exercice de psychomotricité, une petite fille saute d'un cerceau à l'autre, sous les encouragements d'un adulte. Dans la "salle bleue", un petit garçon réclame des bonbons à une jeune femme assise à côté de lui à une table miniature. Elle utilise la méthode ABA (analyse du comportement appliquée), consistant à récompenser d'une friandise ou d'un petit plaisir les enfants qui ont su répondre correctement à une demande. Quant à la patisserie qui parfume les couloirs, les enfants l'ont fait pendant un atelier cuisine, mais c'est l'occasion, aussi, d'apprendre quelque chose : à compter jusqu'à trois comme le nombre d'oeufs à casser. L'occasion aussi pour Audrey, dont c'est l'anniversaire, de souffler ses six bougies... L'une des grandes différences entre les thérapies comportementales et la psychanalyse traditionnelle tient à la participation des parents au programme éducatif. L'enfant, sans relâche, est stimulé par tous les adultes de son entourage afin d'acquérir autonomie et cognition.

Ces méthodes fonctionnent : au royaume-uni où elles sont appliquées, les trois quarts des enfants autistes sont intégrés en milieu scolaire, contre environ un quart en France. Mais loin de méconnaître les succès de ces thérapies, la médecine française, moins agrippée à ses textes psychanalytiques que le film le raconte, envisage désormais de les inclure dans son dispositif de soins. Liora Crespin exhibe fièrement le rapport d'une équipe de l'hôpital Sainte-Anne chargée de tester régulièrement le programme, qui note des "progrès importants", et conclut : "C'est un vrai plaisir pour nous de collaborer avec l'équipe de cette structure."

LE PSYCHIATRE MOÏSE ASSOULINE INSISTE : le hiatus ne se situe pas entre psychanalystes et comportementalistes, mais entre les tenants d'une prise en charge intensive et les autres. L'hôpital d'Antony pour jeunes autistes qu'il dirige ressemble à tout sauf à un hôpital. C'est un chaleureux pavillon de banlieue bordé d'un petit jardin. Dans une pièce, tous les adolescents et les soignants sont rassemblés pour la réunion hebdomadaire. Les adolescents sont contents d'être de retour dans cette structure qui les accueille comme une école. La semaine d'avant, c'étaient les vacances de Noël. Dans leurs familles, ils se sont ennuyés de l'hôpital. Un hôpital où on applique notamment les méthodes comportementalistes : ici aussi, on trouve des photos sur chaque porte, et des emplois du temps en images. C'est du bon sens que d'aider les enfants non verbaux à communiquer. Surtout, ici, tous les soignants respectent ceux qu'ils appellent "nos jeunes". Ce qui implique non de les abandonner à leur handicap mais au contraire de leur proposer des activités passionnantes, valorisantes et stimulantes. C'est à Antony que Le Papotin a vu le jour il y a trente ans. Les interviews de ce "journal atypique", comme le proclame sa " une ", sont entièrement réalisées par les patients de l'hôpital de jour, et il faut les lire pour en admirer la pertinence. A Mazarine Pingeot : "Tu serais la fille cachée [de Mitterrand], pourquoi ?" A Bertrand Delanoë : "La question va paraître un peu crue, mais tant pis, depuis quand avez-vous choisi le mode de vie [l'homosexualité] qui est le vôtre ?" Rien d'étonnant à la remarque d'Howard Buten, interviewé dès la première édition du journal : "Sans rentrer dans la méchanceté gratuite (...), je crois avoir trouvé les seuls journalistes qui méritent d'être mes amis à Paris."

Ils sont tous dans le même camp : celui des "jeunes". Psychanalystes, comportementalistes, qu'importe l'étiquette pourvu qu'il y ait du mieux. Bernard Golse, pédopsychiatre à l'hôpital Necker et psychanalyste, est l'un des interviewés mécontents de Sophie Robert. Hautain, il affirme d'un air d'évidence qu'"aucun trouble relationnel mère-enfant ne peut expliquer l'autisme". Au contraire, il se dit "solidaire des parents" qui veulent que leur enfant aille à l'école. Il poursuit, furieux : "Nous sommes le fruit d'une agressivité qui devrait aller à l'Etat, qui ne respecte pas la loi. Pour accueillir des autistes à l'école, il ne faut pas supprimer 44 000 postes d'enseignants tous les deux ans." C'est du côté de l'Etat qu'il faut donc désormais chercher les causes du retard français. Bernard Golse appartient au conseil d'administration du Craif, le Centre ressource autisme d'Ile-de-France. Des parents et des professionnels en nombre égal y siègent pour faire évoluer la situation des personnes avec autisme. Pour Jacques Baert, président du Craif et père d'un adulte autiste de 30 ans, cette querelle de chapelles psychanalystes versus comportementalistes, soignants contre parents, est dangereuse, avant tout pour les autistes. "On arrive enfin à travailler tous ensemble", souligne-t-il posément. L'homme déplace le débat : "Ce qu'il faut à un autiste, c'est peut-être idiot, mais c'est le respect. Le respect de soi, qui s'acquiert avec des activités valorisantes", comme les Centre d'aide au travail où son fils est désormais inséré. "Le paradoxe avec les parents, c'est qu'ils voudraient que leurs enfants aillent à l'école comme tout le monde, travaillent comme tout le monde, mais leurs enfants ne sont pas comme tout le monde, et il faut en tenir compte aussi." Rééducation, psychothérapie, intégration en milieu ordinaire, internats... Rien n'est parfait mais tout doit être tenté. Jacques Baert conduit. Parler de ces sujets si sensibles l'a déconcentré, et il a perdu son chemin. Son ordinateur de bord lui indique soudain la bonne direction. Mains sur le volant, l'homme quitte alors un instant son air grave pour un trait d'humour un peu noir : "Vous voyez, les traitements de l'autisme, ce n'est pas aussi évident qu'un GPS, ce n'est jamais miraculeux !"
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Re: "Le Monde" : la psychanalyse au pied du mur

#7 Message par Jean » vendredi 13 janvier 2012 à 22:32

Un témoignage de Valérie :
http://mondialautisme56.over-blog.com/a ... 12193.html
et son association : "Je TED à l'école" (Lanester)
http://forum.asperansa.org/viewtopic.php?f=5&t=2235
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Re: "Le Monde" : la psychanalyse au pied du mur

#8 Message par Jonquille57 » samedi 14 janvier 2012 à 18:40

Si un jour, le Finistère est surpeuplé, il se peut que le Dc L. y soit pour quelque chose ! :mryellow:

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Re: "Le Monde" : la psychanalyse au pied du mur

#9 Message par Murielle » lundi 16 janvier 2012 à 19:57

Morte de rire devant mon écran Jonquille :lol: :kiss: ...Même si le sujet est sérieux....Comme elle, je fais partie de ceux qui ont aménagé dans le Finistère pour suivre un certain DR.L...........;; :mryellow: :bravo:
Murielle,
Maman de Pauline 21 ans,Léo (asperger) 17 ans et demi .
Savoir profiter du moment présent ,
Savoir vivre pleinement chaque instant et ne pas uniquement penser aux jours à venir, voilà un défi à relever maintenant.

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Re: "Le Monde" : la psychanalyse au pied du mur

#10 Message par Jean » lundi 16 janvier 2012 à 20:03

"Elle", elle a aménagé en Bretagne : dans le Morbihan, pas dans le Finistère !

PS : il y a d'autres chances dans la vie, par exemple d'être scolarisé dans le même collège que Léo. Et donc d'avoir des enseignants sensibilisés pour conseiller les parents pour le diagnsotic !
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Re: "Le Monde" : la psychanalyse au pied du mur

#11 Message par manu » mardi 17 janvier 2012 à 10:45

Je me demande pourquoi on dit pas la dérive de la psychanalyse.

Pour ceux qui posent des bombe soi disant au nom de l'islam on ne dis pas les musulmans, par ce qu'on sait que c'est même pas raccord avec le coran, on dit intégriste ou fondamentaliste, bref des termes inappropriés, mais qui au moins marquent une distinction. Dommage qu'on la fasse pas ici. On dirais "l'axe du mal" selon Buch.


De ce que j'ai compris des méthodes comportementales, ce qui importe c'est de donner les moyens de dire, indexer le ressentis sur un support qui permet la communication.
C'est ce que font les méthodes comportementalistes, avec ces images qui permettent de faire correspondre le ressentis j'ai soif avec l'image du verre d'eau par exemple.
Je trouve ça très bien.


De ce que j'ai compris de la psychanalyse, ce qui importe c'est d'être a l'écoute de l'expression de ressentis pour avoir un retour, donc une communication.
Ce que font les méthodes psychanalytique, c'est de laisser l'enfant faire et de relever ce qui peut importer, pour créer un retour, pour transformer des actions en communication
Bon, c'est la psychanalyse bien comprise comme dirait Jacques Hochmann, pas les délires fantasmatiques des incompétent notoires pour qui l'enfant n'existe pas et pour qui donc tout est imputable a la mère. Je parle bien de ce qu'on peut sérieusement extraire des théories de 2012, disons la psychanalyse comme elle devrais être.
Je trouve ça très bien aussi.


Pire, je trouve que c'est la même chose, mais sur deux plan différent. La même idée en partant soit d'une modification de l'enfant, soit d'une modification du contexte.
La seule opposition que je suis apte a déceler, c'est celle du coté de l'effort d'adaptation.
Je ne vois aucune raison pour qu'il soit unilatéral, comme l'institution a tenté de l'imposer. Mais je ne vois aucune raison pour qu'il soit unilatérale dans l'autre sens non plus.

J'ai trouvé que c'était une remarque lié au sujet, mais comme ma position peut paraître polémique, je vous laisse la déplacer pour en faire un sujet si vous jugez que c'est plus approprié, j'ai hésité.
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Re: "Le Monde" : la psychanalyse au pied du mur

#12 Message par Jean » dimanche 22 janvier 2012 à 19:43

Chantal Tréhin a publié sur son site un article du "Monde" de 1985, sur les origines génétiques de l'autisme (étude sur les jumeaux). Les réactions de 35 pédopsychiatres français sont très vives, et significatives.
http://trehinp.dyndns.org/formations/Le-Monde-1985.pdf
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Re: "Le Monde" : la psychanalyse au pied du mur

#13 Message par Jean » jeudi 16 février 2012 à 22:28

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Re: "Le Monde" : la psychanalyse au pied du mur

#14 Message par Jean » lundi 20 février 2012 à 23:53

Témoignages sur Le Monde.fr
"Les parents d'enfants autistes s'épuisent à chercher des solutions de prise en charge"
http://www.lemonde.fr/societe/article/2 ... _3224.html

A noter parmi les témoignages publiés :

"Il faut une dose de chance pour avoir en face de soi la personne compétente", par Murielle B., Plougastel-Daoulas (Finistère).

Mon fils a été diagnostiqué autiste en 2001. Le professeur qui m'a reçue ma dit : "Votre fils est autiste, il ne fera jamais rien de sa vie, n'espérez pas le voir à l'école." Ça fait un choc ! Il a ensuite été observé pendant un an et on m'a dit : "Votre fils est autiste atypique." Mon fils a été dans un centre de jour où nous ne savions pas ce qui s'y faisait, on nous disait que faire de l'orthophonie ne servait à rien, et on nous refusait le droit de rencontrer d'autres parents...

L'école ? Personne n'en voulait. Finalement, nous avons vu un pédopsychiatre de Brest, celui-ci nous a presque sauvé la vie. "Oui, votre fils est autiste, mais ça ne veut pas dire que c'est la fin de la vie. On peut mettre plein de choses en place pour l'aider : orthophonie et école ordinaire accompagnée d'une AVS." Avouez que si le diagnostic est le même, la façon de le gérer n'a rien à voir... Nous avons vendu notre maison de Nantes, j'ai renoncé à mon travail pour me consacrer à mon fils, mon mari a changé de travail pour venir habiter près de ce pédopsychiatre. Depuis, nous avons créé avec d'autres parents une association (http://www.asperansa.org) qui aide les parents arrivant dans le milieu de l'autisme. Après beaucoup de démarches, de dossiers, nous avons réussi à obtenir le droit à l'école avec AVS... Mon fils est actuellement en 5e avec AVS. C'est un vrai parcours du combattant auquel les parents sont confrontés et il faut une dose de chance pour avoir en face de soi la personne compétente.
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Re: "Le Monde" : la psychanalyse au pied du mur

#15 Message par Jean » mardi 21 février 2012 à 23:07

Souvent, je ne sais plus où publier des infos sur les débats qui font actuellement rage.

Vous trouverez sur le blog de Magali :
Témoignage de Sylvie, maman de Tristan

mais aussi :
Adrien, pris en charge par l'équipe du Pr Golse - 2008
Un article de Magali sur le site d'un psychologue americain, Travis Thompson
Parcours d'une famille : le contexte français / A family's journey: the French context

Sur le blog "Au bonheur d'Elise" :
Autisme : Appel à la mobilisation des bonnes volontés !
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