Le dr Eric Lemonnier, pédopsychiatre, s’est toujours opposé à l’approche psychanalytique de l’autisme, affirmant qu’elle « ne sert à rien » dans la prise en charge des enfants autistes. | ERIC LEMONNIER
ouest-france.fr 7 juin 2025
Il est à Brest pour les 20 ans d’Asperansa : Eric Lemonnier, un médecin engagé dans l’autisme
Laurence GUILMO.
Pédopsychiatre au centre hospitalier de Brest (Finistère) de 1997 à 2014, Eric Lemonnier a été un pionnier du dépistage précoce et de la scolarisation des enfants autistes. Samedi 7 juin 2025, à l’occasion des vingt ans d’Asperansa, association qu’il a contribué à créer, il revient pour animer une conférence.
Entretien avec le Dr Eric Lemonnier, pédopsychiatre, qui a exercé dix-sept ans au centre hospitalier (CHU) de Brest (Finistère), comme spécialiste de l’autisme.
Quelle était la situation à Brest à votre arrivée au CHU de Brest, à la fin des années 1990 ?
En 2000, Brest faisait partie des trois premiers centres interrégionaux d’études et de ressources sur l’autisme (Ciera) créés en France. En 2007, il est devenu le Centre ressources autisme (CRA) Bretagne, après généralisation du dispositif en France. C’est une période durant laquelle on a appris ce qu’est véritablement l’autisme. On pensait que ce handicap de la communication concernait des enfants au développement très troublé, avec un retard mental important. Mais on a vu arriver des enfants qui parlaient à 4 ans, puis des ados et des adultes. On a découvert toute la diversité de l’autisme.
Pourquoi étiez-vous très engagé en faveur de la scolarisation des enfants autistes ?
À Brest, j’ai développé le diagnostic dès 2 ans, ainsi que l’orthophonie précoce. Mon but a été de favoriser la scolarisation des enfants autistes. Je les ai accompagnés jusque dans les classes ! Le Finistère était alors le département de France où il y avait le plus d’enfants autistes scolarisés. Un accompagnement adapté permet de corriger certains symptômes. Il y a des autistes médecins, enseignants, etc.
Vous avez aussi poussé à la création d’Asperansa, association créée en 2005.
J’ai mis en place les premières rencontres de parents le samedi matin, qui sont à la base de la création d’Asperansa. J’y ai appris énormément de choses.
Vous êtes coauteur d’études sur le burinex, traitement qui aurait pu diminuer la sévérité de certains troubles.
Avec
Yehezkel Ben-Ari, un scientifique, nous avons découvert que le burinex (Bumétanide), un diurétique utilisé pour traiter l’œdème et l’hypertension, pouvait atténuer la sévérité de troubles autistiques. En 2007 et 2008, j’ai monté un premier essai à Brest, avec cinq familles volontaires. Ça a marché pas mal. En 2012, il a été testé sur 60 enfants autistes. Mais la phase 3 n’a pas été concluante et les études ont été arrêtées.
La succession du pr Lazartigue à la tête du CRA a été source de polémique. Vous n’avez pas été nommé directeur, vous avez été muté, puis, en 2014, vous avez quitté Brest…
En 2014, à Limoges, s’est ouvert un centre expert autisme, dont les objectifs étaient un diagnostic précoce et une prise en charge intensive durant deux ans. Ça m’intéressait. Dans les CRA classiques, le problème est qu’on ne suit pas les patients. Là, on les accompagnait activement. J’en ai été le directeur durant quatre ans. Puis, la région Limousin a été fondue dans Nouvelle-Aquitaine. Le centre a été fermé et des Sessad, des services dédiés à l’accueil d’enfants et adolescents autistes, ont été ouverts. De mon côté, je dirige désormais le Centre de ressources autisme du Limousin. On y fait des travaux intéressants, sur la fin de la grossesse et les deux premiers jours de vie. À partir d’une multitude de signes, on espère repérer jusqu’à 40 % d’enfants autistes.
Que sait-on aujourd’hui de l’autisme ?
On parle désormais des troubles du spectre autistique (TSA). C’est très compliqué d’identifier des causes qui sont diffuses. Sans doute la conjonction de facteurs environnementaux et d’aspects génétiques. On sait aussi que les personnes autistes peuvent présenter l’ensemble des troubles de la psychiatrie classique : anxiété, dépression, épilepsie, troubles de l’humeur ou alimentaires.
Quelle est la principale spécificité de l’autisme ?
Les personnes au fonctionnement « normal » ou « neurotypique » peuvent traiter les informations et les hiérarchiser. Alors que les personnes autistes font des photos, traitent une info à la fois. Ce qui impacte tous les processus d’apprentissage implicite.
Le dr Eric Lemonnier animera une conférence, ce samedi 7 juin, à 14 h 30, au Patronage laïque de Lambézellec, à Brest. Pour tout public. Entrée libre. www.asperansa.org
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