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par Ogam » samedi 9 novembre 2019 à 1:59
Moi, j'ai été professeur des écoles dans une école maternelle dite politique prioritaire de la ville durant mon stage pour la titularisation il y a quelques années de cela. Vu que je n'avais jamais fait de maternelle, je souhaitais découvrir ce monde parallèle (car c'est vraiment un monde à part). Aujourd'hui, je me rends compte que je suis tombé dans un véritable guet-apens car mon CPC (Conseiller Pédagogique de Circonscription) m'avait indiqué qu'on aurait jamais dû mettre un stagiaire dans l'école où j'étais.
Je me retrouvais dans une classe de MS-GS de 26 puis 28 élèves car dès qu'il y avait un nouvel arrivant (des fois le plus dur), on me le refilait aussitôt. Je me retrouvait à chaque demi-semaine de service avec une maître G (du RASED) dans ma classe car j'avais des élèves absolument impossible (exemple : pendant que je faisais la date avec un élève, un autre élève s'amusait à glisser la main sous la jupe de sa petite camarade et il faisait cela si discrètement que c'est grâce à la maître G que je m'en suis aperçu).
J'ai eu aussi un élève (que j'appellerai R.) qui bavait partout et qui se roulait par terre dès la moindre frustration, hurlait de colère. J'ai appris après au cours de l'année que l'élève R. en question (qui avait 4 ans lors des faits) se faisait littéralement matraquer de coups par un petit camarade (que j'appellerai Y.) car R. ne lui avait pas donné son vélo. Je n'avais jamais vu un enfant de 4 ans frapper aussi violemment un autre enfant du même âge (j'en ai encore des frissons rien qu'en en parlant car R. étant un enfant sans relation vis à vis des autres élèves, Y. en profitait car c'était son seul "véritable ami").
Où encore le petit T., 5 ans qui s'est fait arrêter son traitement contre l'hyperactivité (Ritaline) du jour au lendemain car pour la maman, le médicament n'était pas efficace. Ca a été l'horreur car il était devenu une pile électrique et entre autre, il avait failli m'envoyer un hameçon de pêche à la ligne dans la figure. Heureusement, ma collègue m'a protégé en l'arrêtant à temps. Je n'en veux pas à cet enfant car je me dis que son corps lui faisait faire des choses que sa tête ne voulait pas qu'il fasse (il m'a d'ailleurs dit : "Maître, Maître, mon cerveau est débranché, Maman a arrêté mes médiaments").
Mais le pire concernait surtout mes collègues et la hiérarchie. La binôme qui faisait ma décharge ne faisait aucune progression de séquence, aucun cahier-journal, aucune programmation sur la semaine ou sur la période. Moi qui avait besoin de savoir ce qui devait être fait sur la semaine par ma collègue et moi : c'était le flou le plus total. Je devais donc aller voir ce qui était fait par ma collègue durant ma décharge le vendredi soir, préparer les supports le samedi, les imprimer à l'école le dimanche pour préparer la classe de la semaine qui suivait. J'avais d'ailleurs après que ma binôme avait un classeur rempli des supports préalablement piqués à d'autres collègues : c'était son programme sur l'année. Et ce qui était fort, c'était que moi, j'arrivais sur mon temps de prise en classe, à 7 h 30 pour partir à 19 h. Elle arrivait à 8 h 30, faisait l'accueil jusqu'à 8 h 45 puis allait imprimer ses supports (piqués aux autres collègues) pour revenir une 1/2 h plus tard, l'ATSEM gardant la classe en attendant.
La directrice quant à elle, était une c....sse sans nom, à me poignarder dans le dos auprès de l'inspectrice de la circonscription (qui d'ailleurs, me faisait une belle impression car j'avais le sentiment d'être en garde à vue pendant 72 h avec le méchant flic) car je n'étais pas suffisamment "corporate"" en salle des maitres. En même temps, quel intérêt de voir sa directrice lorsque les seules discussions que j'avais, concernaient les fabuleuses aventures de son petit fiston d'amour. Cette directrice n'hésitait d'ailleurs pas à saper mon autorité lorsque, par exemple, sous prétexte qu'un enfant de ma classe pleurait car j'avais mis à la poubelle, un opercule de fromage usagé que celui-ci mettait à sa bouche : j'ai du reprendre l'opercule dans la poubelle pour le rendre à l'enfant.
Je pourrais très bien parler des tutrices d'ESPE tyranniques qui me harcelaient car j'avais prévenu l'ESPE que j'avais besoin d'aide étant donné que j'avais une classe très difficile. De plus, je ne voulais pas que l'avenir de mes élèves soit mis entre parenthèse parce que je débutais. Au lieu de m'aider, on m'a enfoncé, on m'a écrasé, on m'a humilié en me disant : "vous avez une voix trop monotone et totalement inintéressante, votre visage est trop inexpressif, vous ne faite pas suffisamment de différenciation : vous devriez travailler 3 fois plus, si vous êtes fatigué voire épuisé par le bruit de votre classe, vous n'êtes pas fait pour ce métier, je peux vous parler comment travailler en maternelle car je (ma tutrice ESPE) travaille comme professeur d'Arts Visuels dans le secondaire et surtout parce que mon fils a été en maternelle. Et enfin, la perle : si votre collègue ne fait aucune programmation, vous faites votre programmation en toute indépendance vis à vis de votre collègue pour que vous puissiez avoir votre titularisation (on me demande, je dois exécuter comme dirait un ancien président de la république).
Si je devais faire un bilan de l'enseignement, je dirais que cela a été extrêmement éprouvant car je me suis rendu compte que j'étais hypersensible au bruit à la lumièreet que les cris dans la classe me usaient. J'ai aussi découvert que j'avais énormément de mal à sourire devant une classe et à extérioriser mes sentiments. Me rendre compte que l'équipe pédagogique qui doit être uni face à la difficulté était plus proche du chacun pour soi et Dieu pour tous. Vivre une année scolaire en ne sachant pas ce que j'allais faire d'une semaine à l'autre sans aucune vision à court, moyen et long terme a été pour moi extrêmement éprouvant (voire démoralisant) sachant que j'ai besoin que tout soit carré pour être bien dan ma peau. Enfin, ce qui m'a le plus démoralisé voire achevé, c'est que l'IA-DASEN vienne me dire que je ne fais ce métier que pour l'argent et pour les vacances (ce qui est bien connu car un professeur des écoles qui débute est aussi bien payé qu'un ingénieur avec le même niveau d'étude (Bac+5) sachant que le professeur lui, doit lui même payer ses supports, ses livres et faire une bonne partie de ses impressions chez lui car l'école n'a pas forcément les moyens.
Enfin, comment gérer les spécificités (ou handicap(s)) individuels des élèves dans une classe surchargée, être l'éducateur des enfants (des fois à la place des parents) se rendre compte que les élèves n'ont plus aucune curiosité, ne savent plus jouer (les élèves de ma classe considéraient que jouer à la voiture : ce n'était pas faire rouler les voitures mais envoyer les voitures dans la figure du voisin), ne savent plus écouter une histoire attentivement sans parler ou se battre sur le banc. Je me dis que cela devient catastrophique car ces enfants seront la génération de demain !!!
Heureusement, il y a eu du positif avec une ATSEM (et ses collègues), une maître G et une collègue PE exceptionnelles. Le petit T. qui avait failli m'éborgner avec sa pêche à la ligne, quand il a su que je partais et que je ne serais plus professeur m'a pris les jambes par ses bras en me disant merci. De même pour beaucoup de parents qui ont reconnu que j'avais eu beaucoup de courage pour gérer une classe comme celle-ci et que malgré les coups durs, j'avais toujours été présent et bienveillant pour que les élèves puissent s'en sortir.
En cours de diagnostique au CRA depuis l'envoi du dossier en décembre 2018 et suspicion d'autisme asperger grâce à des psychologues spécialisés.